Mexique : les naturalisés, pour quoi faire ? | OneFootball

Mexique : les naturalisés, pour quoi faire ? | OneFootball

In partnership with

Yahoo sports
Icon: Derniers Défenseurs

Derniers Défenseurs

·15 octobre 2021

Mexique : les naturalisés, pour quoi faire ?

Image de l'article :Mexique : les naturalisés, pour quoi faire ?

En connaissant sa première sélection le 4 juillet dernier, Rogelio Funes Mori est devenu le quinzième joueur étranger de naissance à évoluer sous le maillot du Tri. Si les premiers joueurs naturalisés ont été appelés avant les années 1960, les cas se sont multipliés depuis 2002. Quels sont ceux qui ont laissé une empreinte dans l’histoire de la sélection, et pourquoi faire appel à des joueurs naturalisés ?

Julio Lores. Ce nom est aujourd’hui oublié au Mexique, mais il s’agit du tout premier naturalisé à avoir joué pour la sélection. Péruvien de naissance, il disputa la première Coupe du Monde de l’histoire en 1930 avec son pays, avant d’opter pour le Mexique en 1935. Cette légende de Club Necaxa marquera six buts en sept sélections sous le maillot du Tri et remportera deux médailles d’or aux Jeux d’Amérique centrale et des Caraïbes. Avec deux Espagnols à ses côtés lors de l’édiiton 1938 : Lorenzo Camarena et Antonio López Herranz.


Vidéos OneFootball


Après la Seconde Guerre mondiale, l’une des figures de la sélection se nomme Jorge Romo. Né à La Havane (Cuba) de parents mexicains, il dispute quatorze rencontres (à une époque où les matchs internationaux sont beaucoup plus rares qu’aujourd’hui) de 1949 à 1960, et participe aux Coupes du Monde 1954 et 1958. Deux Coupes du Monde auxquelles prend aussi part l’Espagnol Carlos Blanco, pour deux petits matchs.

Né en Argentine, Carlos Lara est le dernier joueur naturalisé du XXème siècle (quatre sélection en 1962), puis le Mexique va connaître l’un de ses âges d’or à la fin du millénaire sans aucun joueur étranger. Il faut donc attendre le début des années 2000 pour que la relation entre joueurs naturalisés et sélection mexicaine reparte de plus belle.

Le tournant du XXIème siècle

Alors qu’il cherche encore à étoffer son groupe pour le Mondial 2002, Javier Aguirre va mettre fin à une pause de quarante ans sans joueur né à l’étranger en convoquant Gabriel Caballero, milieu offensif de Pachuca. Le natif de Rosario (Argentine) fera le voyage en Asie et sera même titulaire pour le premier match de poules face à la Croatie (victoire 1-0). Si le bilan de son aventure en sélection (huit matchs, aucun but) est peu concluant, il ouvre la voie à celui qui reste dans les mémoires comme le meilleur naturalisé à avoir jamais porté le maillot mexicain : Antonio Naelson Matias, dit Sinha.

Milieu offensif au format poche (1,60m), il arrive du Brésil en 1998 pour jouer dans les divisions inférieures mexicaines. Repéré par le Toluca FC, club dans lequel il jouera la majeure partie de sa carrière, Sinha acquiert la nationalité mexicaine et obtient sa première cape en septembre 2004. Il portera en tout 57 fois le maillot du Tri, pour six buts. Une longévité toujours inégalée pour un joueur naturalisé puisqu’il dispute son dernier match en sélection en 2013, lors du barrage des éliminatoires de la Coupe du Monde contre la Nouvelle-Zélande.

Image de l'article :Mexique : les naturalisés, pour quoi faire ?

Sans être un titulaire indiscutable, Sinha restera près d’une décennie en sélection et disputera la Coupe du Monde 2006.

Guillermo Franco, buteur Argentin des Rayados de Monterrey, ne tarde pas à le rejoindre. Il devient Mexicain et honore sa première cape en 2005. Comme Sinha, il est sélectionné pour le Mondial allemand, alors qu’il évolue désormais à Villarreal. Moins régulier, “El Guille” ne connaîtra “que” 27 sélections mais parviendra contrairement à Sinha à faire aussi le voyage en Afrique du Sud en 2010.

À l’été 2008, Sven-Göran Eriksson arrive sur le banc du Mexique. Le Suédois restera moins d’un an, mais la part de naturalisés présents en sélection va exploser durant son mandat. En plus de Sinha et Franco, il installe Leandro Augusto (Brésil, Pumas) et Matías Vuoso (Argentine, Santos Laguna) pour les éliminatoires à la Coupe du Monde 2010, et teste Lucas Ayala (Argentine, Atlas) en match amical. C’est un échec, et aucun de ces nouveaux venus ne résistera au départ d’Eriksson (même si Vuoso fera un come-back en 2015 à l’occasion de la Copa América).

Autre Argentin et figure des Tigres, Damián Álvarez fait des apparitions en matchs amicaux en 2012 et 2013, sans pouvoir débuter officiellement avec la sélection. Un honneur que connaît en revanche son compatriote Christian “Chaco” Giménez (Cruz Azul), lors des éliminatoires chaotiques pour la Coupe du Monde 2014. Après ces nouveaux essais non concluants, les naturalisés n’ont plus la côte et aucun d’entre eux n’est pris en compte pour le cycle mondialiste suivant.

Quand le vivier national ne suffit plus

Gerardo Martino est arrivé en janvier 2019 pour qualifier le Mexique à la Coupe du Monde au Qatar. Alors que ses prédécesseurs avaient abandonné l’utilisation des joueurs naturalisés, il avait laissé entendre rapidement qu’il n’écarterait aucune possibilité. “Il faut voir le réservoir de joueurs dont nous disposons. S’ils sont convocables, ils faut s’y intéresser“, avait-t-il lâché lors de sa première conférence de presse.

Un joueur s’était senti particulièrement visé par cette déclaration : l’Argentin Rogelio Funes Mori. Meilleur buteur de l’histoire des Rayados et arrivé au Mexique en 2015, son processus de naturalisation a abouti le 14 juin dernier. Quatre jours plus tard, il était convoqué par Martino puis intégré dans la liste finale pour la Gold Cup.

Image de l'article :Mexique : les naturalisés, pour quoi faire ?

Naturalisé mexicain le 14 juin 2021, Rogelio Funes Mori compte déjà onze sélections pour cinq buts.

“C’est une question que l’on voit partout, dans beaucoup de sélections. Je suis entraîneur, je n’ai peut être pas un avis objectif mais si un joueur possède toutes les conditions pour être appelé, pourquoi ne pas le faire ?” Gerardo Martino, sélectionneur du Mexique.

Dans un pays où le sentiment national est très présent, cette convocation est toujours critiquée par une partie des Mexicains, comme celles des prédécesseurs de Funes Mori en leur temps. Luis Hernández, légende du Tri (35 buts en 85 sélections), s’est notamment montré très virulent contre l’arrivée du natif de Mendoza.

“Non, je ne suis pas en faveur de cela (appeler des joueurs naturalisés), et je ne le serai jamais. Ils ne me plaisent pas, ils n’ont jamais été importants dans le football mexicain et ils ne le seront pas. Il y a beaucoup de joueurs mexicains de naissance talentueux”. Luis “El Matador” Hernández.

Si cette pratique est tant critiquée, c’est qu’elle réveille les instincts les plus primaires, ceux liés à l’appartenance nationale. Au Mexique, la sélection occupe une place très importante dans la culture et la société, et certains ne veulent pas qu’un joueur né hors du pays puisse défendre leur drapeau. Surtout, l’appel à des joueurs naturalisés est parfois vu comme un signe d’infériorité, comme si le réservoir de talents nationaux ne suffisait pas à construire une équipe compétitive. Comme si le Mexique devait se résoudre à aller chercher les recalés de sélections plus puissantes (Brésil et Argentine) pour alimenter la sienne.

Un débat loin d’être clos

Dans beaucoup de cas, les joueurs naturalisés sont en effet venus combler un déficit de garanties à un certain poste, ou servir de roue de secours à la suite de blessures. Rogelio Funes Mori a par exemple profité de la longue absence de Raúl Jiménez suite à sa fracture du crâne pour connaître ses premières sélections cet été, et il apparaît aujourd’hui comme sa doublure naturelle grâce à de bons débuts.

Si l’adaptation rapide du buteur de Monterrey est une bonne nouvelle pour Gerardo Martino et les siens, cela a créé une division au sein des supporters de la sélection. Certains “capitalinos” (habitants de Mexico) notamment, qui méprisent les clubs montants du Nord du pays (dont Monterrey fait partie), ne voient pas en Funes Mori un représentant légitime de leur pays. Ils en viennent même à ressentir de la frustration lorsqu’il marque, comme lors de la dernière Gold Cup ou encore cette semaine face au Honduras (3-0).

Image de l'article :Mexique : les naturalisés, pour quoi faire ?

Arrivé au Mexique à l’été 2018, Doria pourra prétendre à la sélection à partir de 2023, après cinq ans passés sur le sol national.

Malheureusement pour eux, le débat sur la présence des naturalisés ne semble pas près de trouver une issue définitive. Gerardo Martino l’a particulièrement relancé, lui qui avait appelé pas moins de cinq joueurs argentins de naissance lors de son passage sur le banc de la sélection paraguayenne (2007-2011). Avant Funes Mori, les noms des Brésiliens Doria et Camilo Sanvezzo et des Argentins Julio Furch et Alexis Canelo avaient circulé, et on le sait désormais, Martino ne fermera aucune porte.

“J’ai prolongé pour quatre années supplémentaires et j’ai des objectifs clairs, l’un d’eux est de lutter pour une place en sélection mexicaine une fois que ma naturalisation sera prête”. Matheus Doria

Crédits Photos : Getty Images

À propos de Publisher