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·29 June 2024

ASSE : Les conseils d’un ancien dirigeant à Ivan Gazidis

Article image:ASSE : Les conseils d’un ancien dirigeant à Ivan Gazidis

Philippe Lyonnet, directeur général adjoint chargé de la communication à l’ASSE de 2007 à 2021, a tourné la page ASSE, mais reste un supporter du club. Désormais formateur et dirigeant d’entreprise, il a évoqué l’actualité des Verts et son passage à l’ASSE en exclusivité pour Peuple-Vert.fr. Un entretien instructif avec un homme loyal, lucide et méticuleux dans ses analyses.

Peuple-Vert.fr : Philippe, est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre actualité dans un premier temps ? Qu’est-ce que vous faites en ce moment ?


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Philippe Lyonnet : J’ai plusieurs activités. Après mon départ de l’AS Saint-Étienne, j’ai été sollicité par différentes écoles supérieures de commerce et des entreprises pour faire de la formation en marketing, communication et management. Je me suis pris au jeu. Par ailleurs, je développe une agence de communication centrée sur la valorisation des marques, la mise en avant de leur culture et de leur rôle social. Les sponsors des clubs et d’organisations sportives ont des vraies attentes dans ce domaine pour se connecter aux communautés de fans des clubs avec lesquelles elles souhaitent entrer en relation.

Aujourd’hui, la communication des marques n’est plus seulement commerciale, ni centrée sur le produit. C’est le rôle social de la marque qui compte, c’est-à-dire sa personnalité, sa culture et la valeur ajoutée qu’elle apporte à la société. La stratégie de Red Bull est un bon exemple. La marque s’engage dans des sports médiatiques comme le football, le cyclisme et la Formule 1 et s’associe ainsi aux plus grands événements sportifs mondiaux. La communication de Red Bull s’appuie sur l’événementiel. La marque parle très peu de ses boissons énergisantes. Red Bull s’impose comme un champion du dépassement de soi et du divertissement.

« Je suis impliqué dans des activités qui ont du sens pour moi. »

Donc, un retour vers la communication en tant qu’agence, mais aussi un retour vers le monde sportif, c’est ça ?

Exactement. Je suis toujours dans le monde sportif. En plus, je siège à la Ligue de Football Professionnel, au sein de la commission sociale et d’entraide qui accompagne les anciens joueurs, entraîneurs et arbitres en situation de reconversion ou en grande difficulté sur le plan social. L’accompagnement me tient vraiment à cœur. Je suis impliqué dans des activités qui ont du sens pour moi.

Pour ceux qui n’auraient peut-être pas suivi, quelle était exactement votre mission à Saint-Étienne ?

J’occupais un poste de directeur général adjoint, chargé de la communication, de la marque et de la stratégie RSE. L’enjeu était de préserver l’identité du club, de respecter et valoriser son ADN. L’AS Saint-Étienne s’est développée sans se couper de ses racines, qui sont celles d’un club populaire, profondément ancré dans son territoire. Les supporters se définissent comme Stéphanois et expriment un attachement fort à un territoire. Ils attendent du club qu’ils jouent un rôle social. C’est autour de ces éléments que s’est construite la communication du club, au-delà des résultats sportifs et des discours des dirigeants, entraîneurs et joueurs.

« Dans les situations tendues, le club devient une bulle »

Est-ce que vous pensez que ces valeurs et cette identité sont toujours présentes dans la communication actuelle du club ?

Oui, je le pense. L’ADN du club est toujours là, comme le montre la saison écoulée avec des résultats sportifs plus que satisfaisants et la remontée du club en Ligue 1. Il y a un vrai peuple derrière cette équipe, qui se reconnaît dans ses valeurs et son identité. L’AS Saint-Étienne n’a pas perdu ce qui la distingue des autres clubs, sa ferveur, sa dimension sociale et territoriale, et le mérite en revient aussi aux dirigeants, Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, qui ont bien compris que la véritable richesse de l’ASSE était son identité.

À un moment, la communication du club a été externalisée à JPMA/SB et Denis Chaumier a également donné ses conseils aux dirigeants. Pourquoi ?

Je ne peux pas répondre précisément, car je n’étais plus au club à ce moment-là et je n’ai pas été consulté. Cependant, de nombreuses entreprises et clubs, surtout ceux qui sont très exposés, font appel à des agences de communication pour bénéficier d’une expertise fine et d’un regard extérieur. Si j’avais eu cette opportunité, je l’aurais saisie. Dans les situations tendues, le club devient une bulle. Le regard extérieur est alors précieux et porteur d’idées.

« Garantir l’absence totale de fuites est pratiquement impossible »

Comment assure-t-on la confidentialité dans un club, surtout durant des périodes sensibles comme le mercato ?

Garantir l’absence totale de fuites est pratiquement impossible, surtout avec la vitesse de circulation des informations sur les réseaux sociaux. Toutefois, il est crucial que le club soit celui qui officialise les informations et mette de l’ordre dans le flot de rumeurs. Le club apporte un label d’authenticité et a le dernier mot.

Pour revenir à votre période à l’AS Saint-Étienne, quelles étaient vos relations avec le triumvirat, notamment avec Jean-François Soucasse ?

J’ai travaillé près de 15 ans avec Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, et seulement quelques mois avec Jean-François Soucasse. En prenant du recul, je vois beaucoup de choses positives dans ces 20 ans de présidence. Le club a énormément évolué : doublement du nombre de salariés, rachat du centre d’entraînement, développement de l’outil de formation, ouverture du musée des Verts, création de l’association ASSE Coeur-Vert, plusieurs places dans le Top 5 de Ligue 1, une victoire en Coupe de La Ligue… Et il ne faut pas oublier que tous les matches d’UEFA Europa League joués entre 2007 et 2019 représentent près de la moitié des rencontres européennes disputées par l’ASSE dans toute son histoire. Tout cela a été réalisé avec l’identité populaire qui caractérise l’ASSE. Le prix des places les moins chères figurait toujours parmi les plus bas de L1. C’était un choix des dirigeants qui ont su préserver cette identité.

« La compréhension de l’environnement de l’ASSE est un facteur-clé de réussite »

Quels ont été pour vous les meilleurs et les pires moments de votre passage à l’ASSE ?

Il y a eu beaucoup de moments forts, mais pour rester lucide, il ne faut pas trop se laisser emporter ou guider par l’émotion. Je vivais les moments difficiles comme des opportunités de trouver des solutions. Chaque situation apporte son lot de défis et d’apprentissages.

Le club vient d’être racheté. Ivan Gazidis arrive dans votre bureau. Vous êtes à l’AS Saint-Étienne et vous êtes chef de la communication. Quel est le premier conseil que vous lui donnez lorsqu’il arrive à Saint-Étienne ?

Plus qu’un ou des conseils, ce serait un échange sur l’environnement, l’histoire et l’ADN de l’AS Saint-Étienne. La compréhension de l’environnement est un facteur-clé de réussite. Une stratégie qui a bien fonctionné ailleurs ne sera pas forcément gagnante ici car elle ne sera pas en adéquation avec l’environnement culturel et économique. Je me souviens de mes nombreux échanges avec Christophe Galtier. L’une des clés de sa réussite, c’était sa très bonne compréhension de l’identité du club. À Saint-Étienne, Galtier était quelqu’un de très accessible et chaleureux, il discutait avec tout le monde. C’est l’une des raisons de sa longévité. Ce n’était peut-être déterminant sur un plan purement sportif, mais pour lui, c’était extrêmement important de comprendre l’environnement dans lequel il évoluait. D’ailleurs, sa vision de l’ASSE nourrissait parfois ses causeries.

Donc, si je devais donner un simple conseil de communication à Gazidis, ce serait de bien comprendre comment ce club fonctionne, pourquoi il est différent et suscite un tel attachement. Pour réussir dans n’importe quel secteur d’activité, il est crucial de comprendre son environnement, tant externe qu’interne. Que ce soit à l’AS Saint-Étienne, à Arsenal ou ailleurs, la priorité doit être de saisir la culture du club, ce qui le distingue des autres.

« L’identité de l’ASSE doit rester intacte »

Durant cette interview, pensez-vous avoir fait de la communication ?

Sans doute… J’ai fait de la communication en étant sincère et en essayant d’expliquer pourquoi il fallait regarder différemment le bilan des présidents. J’ai essayé de remettre les choses en perspective, ce qui faisait partie intégrante de mon rôle de communicant à l’ASSE. La communication a aussi une dimension pédagogique.

Un mot pour les supporters ?

Je souhaite que les supporters continuent de se reconnaître dans leur club. Même si la réputation peut fluctuer en fonction d’échecs, de dysfonctionnements ou de réussites, l’identité du club doit rester intacte. Voir autant de jeunes dans les tribunes montre que le club représente quelque chose de plus grand que le simple fait de gagner des matchs puisque ces jeunes ont connu, ces trois dernières années, plus de bas que de hauts. Mais c’est l’image d’une ville qui souffre, se relève, trouve des ressources. L’ASSE est un club qui fédère toutes les couches sociales d’un territoire. On peut ne pas être d’accord sur un mercato, le contenu d’un match mais chaque supporter a les mêmes mots pour décrire la passion qui le lie au club. C’est ce qui rend l’AS Saint-Étienne si spéciale et doit être préservé tout en innovant et modernisant le club.

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