AllezPaillade.com
·13 de agosto de 2025
Quand la Paillade s’invite au festival d’Avignon

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·13 de agosto de 2025
Sur allezpaillade.com, on a pas souvent l’occasion de parler de théâtre. Il faut dire aussi, on peut l’avouer, qu’on ne s’y connait pas vraiment en la matière. Alors quand Jean-Baptiste Durand, le réalisateur de Chien de la Casse, nous a DM pour nous dire grosso modo “eh les gars, je sors du festival d’Avignon, vous devriez vous intéressez à ce type, il a fait toute une pièce où il parle du MHSC et de la Paillade“, on ne savait pas trop comment traiter le sujet. Finalement, après quelques messages échangés et cinq minutes de réflexion, on s’est dit que la meilleure solution c’était surement de faire une interview. Voilà comment on s’est retrouvé à discuter avec Julien Gallix, l’auteur de la pièce, sans même y avoir assisté.
Salut Julien, est-ce que tu peux te présenter en quelques phrases pour nos lecteurs ?
J’ai grandi à Montpellier aux Arceaux. Je suis d’une famille de montpelliérains, on pourrait même dire que je suis baron de Caravette puisque mon arrière-grand-père est né à Montpellier. Après le lycée, je suis parti en droit à Montpellier, puis je suis monté à Paris, où j’ai fini mon master. En parallèle, je me suis inscrit au Cours Florent. A la fin de mes études, j’ai voulu me professionnaliser dans le théâtre mais il faut savoir que le théâtre en France, ça fonctionne un peu comme tous les autres domaines, il y a un certain nombre de grandes écoles. Donc, j’ai passé un peu au hasard les concours et je suis rentré dans l’une des écoles reconnues parisiennes, l’Ecole Supérieure des Comédiens par l’Alternance (ESCA). Après six ans de théâtre, à étudier des textes classiques, contemporains, j’ai voulu écrire et j’ai créé un seul en scène. Voilà comment je me suis retrouvé à Avignon.
Tu as tenu à ce que le MHSC occupe une grande place dans ta première pièce, est-ce que tu peux nous expliquer un peu ton rapport avec ce club ?
Je suis né en 1996 donc j’étais en fin de seconde au lycée quand on a gagné le titre, j’étais un ado et on descendait dans les rues fêter ça, j’étais aussi sur la Com’. Mais mon amour du club vient surtout de mon père qui a joué un peu foot et qui a gardé des potes au club dont Manu Soro qui accueillait les joueurs transférés [et qui a même servi de traducteur pour Lucas Barrios, ndlr] ou Philippe Peybernes. Mon père connaissait quelques gitans de la Cité Gely, dont le grand-père de Téji Savanier, Peponne. Il y avait aussi un sacré personnage qu’on surnommait Côtelette parce que, jeune, il était très maigre, or ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Je me souviens qu’on jouait aux boules avec eux, qu’on se croisait les jours de match. Donc, j’ai vraiment été imprégné par le club dès tout petit. Si on en revient au terrain, mes premiers souvenirs c’est la génération Bamogo, Mezague, Tchato. Je me rappelle qu’à l’époque, l’accès à l’information n’était pas aussi immédiat et on attendait de voir jour de foot pour connaître les résultats des matchs à l’extérieur.
Sans trop nous spoiler, raconte-nous un peu le scénario de cette pièce où tu es seul sur scène avec un décor minimaliste et comme seuls costumes quelques maillots de football.
J’ai pris comme point de départ mes souvenirs en twingo, ma jeunesse. Le personnage est un peu une version de moi adolescent romancée. Il découvre JUL et voit en lui un modèle à suivre. Il se reconnait dans ses textes, dans la critique de l’hypocrisie du monde. Et lui, il va tout faire pour rencontrer JUL, ça va devenir une obsession et un objectif de vie. Cette rencontre devient un rite initiatique lors duquel le MHSC va être une victime expiatoire puisque pour se rapprocher de JUL, le protagoniste va renier la Paillade dont il est pourtant un énorme fan. A travers cet exemple, l’idée c’était aussi de parler des dérives comiques du fanatisme, renier son club pour devenir fan de l’OM, c’est la plus grande trahison qui puisse exister.
Quelles sont tes inspirations, d’où t’est venue l’envie d’écrire sur ce sujet ?
J’avais envie de parler de chez moi, de mes racines. A ce sujet, il y a une maxime qui dit : « pour parler du monde parle-moi de ton village », c’est l’idée. Il y a un passage où je décris ce que c’est le stade de la Mosson, avec sa tribune en trop, ses toitures qui prennent l’eau, pas une boutique officielle. Je raconte aussi le voyage en tram jusqu’au stade, l’avant match, les espoirs puis le retour, tout ce rituel qu’on reproduit inlassablement. Je crois qu’il y a quelque chose d’universel en fait, même si les spectateurs ne connaissent rien au foot, tu les amènes dans ton monde, tu racontes comment c’est chez toi et même si le gars vient de l’autre bout du monde, il va t’écouter, ça va l’intéresser.
D’ailleurs, je crois que c’est ce qu’a bien réussi Jean-Baptiste Durand dans Chien de la Casse, qui est une grosse source d’inspiration. Historiquement, notre sud, il n’existait pas ou peu au cinéma. Le sud, c’était la côte d’Azur, l’été, point. Lui, il est parti filmer la banalité de l’existence dans un petit village de l’Hérault, l’hiver et le résultat a été splendide avec tout le succès aussi qu’il a eu, un César, tout ça. Tu vois, Gignac, t’aurais un Tarentino français, il s’en emparerait, t’as des HLM, une population moitié gitane, moitié espagnoles, des gens qui n’ont pas les moyens, c’est un cadre très particulier, unique en quelque sorte.
Ensuite dans mon choix du phénomène JUL comme toile de fond, c’est parce qu’il a tout du personnage de l’anti-héros, très critiqué à ses débuts, en inadéquation, puis il y a eu un inversement total du stigmate aujourd’hui il est totalement validé, les gens se le sont réappropriés. Puis, quand tu remplis un stade de France en 20 seconde, il y a quelque chose qui interpelle y compris le lambda parisien.
Comment justement toi, en tant que provincial, tu as réussi à t’acclimater à la vie parisienne et d’autant plus dans un milieu très cloisonné, compétitif et élitiste comme le théâtre ?
Bah, comme on est un pays très centralisé, au début, c’est compliqué. Il faut savoir que même le mec qui n’a manqué de rien à Montpellier, à Paris, il prend quatre ou cinq divisions d’écart et le milieu artistique est une jungle. Justement, je crois que suivre le MHSC, c’était quelque chose qui me permettait de garder un lien avec mes racines, avec mon adolescence, avec quelque chose que tu as connu quand tu étais insouciant. Je sens aussi qu’il y a un mouvement naissant d’artistes qui sont montés à Paris et qui veulent revendiquer leurs origines. Chien de la Casse est un bon exemple mais récemment tu as eu plusieurs films tournés dans différentes régions de France : la Pampa, Vingt Dieu.
Justement, j’ai vu sur Instagram que tu étais ami avec un autre artiste qui n’hésite à revendiquer son amour pour Montpellier, Paul Mirabel.
Alors, oui, c’est un ami d’enfance. Je crois qu’avec Paul, 70% de nos conversations ont à voir avec le MHSC. L’an dernier, il s’était pris DAZN, tous les dimanches, on se donnait rendez-vous pour voir le match dans son appartement. Franchement, la saison dernière a été dure. Moi, j’ai vu deux matchs à la Mosson, c’était Rennes et Marseille. C’est paradoxal car on le dit souvent avec Paul Mirabel : « ce n’est pas facile de supporter Montpellier » mais à la fois c’est un club qui est ultra attachant. Tu as une authenticité unique qui touche au « rien ne va, donc tout va ». Franchement, le stade ça va pas, le public c’est pas le plus fou d’Europe, faut être honnête, on a pas un jeu digne du Barça et pourtant il y a un charme unique. Après, c’est un peu aussi la limite du truc. C’est un club très clanique, dans lequel il est difficile d’entrer. Même Paul, il m’en parlait, il me disait que quand il a eu un peu de notoriété et qu’il a envoyé ses premiers messages pour collaborer avec le club, ils ont mis un temps fou à lui répondre. Il lui a fallu tout un processus pour qu’il soit accepté, validé, intégré.
Pour l’instant ta pièce a été jouée à Paris, au théâtre La Flèche, et lors du festival d’Avignon, à la Factory, toi qui clames ton amour pour Montpellier, tu n’aimerais pas jouer à domicile un jour ?
La première chose c’est qu’en participant au festival d’Avignon, tu as tout un ensemble de professionnels et de programmateurs qui vont découvrir ta pièce. Pour l’instant, j’ai eu pas mal de contacts avec des personnes de la région, du Crès, de Béziers, du Printemps des Comédiens. Ensuite, j’ai aussi basé ma compagnie de théâtre, la Compagnie du Square, à Montpellier, j’ai tenu à ce que le siège social soit dans ma ville. J’ai fait quelques rendez-vous avec la Mairie mais rien de concluant pour l’instant. J’aimerais vraiment jouer ici, amener ce que j’ai appris. Puis, je trouve que Montpellier est une ville où la culture continue d’avoir une place importante, il faut savoir que le printemps des Comédiens est le second festival de théâtre après celui d’Avignon.
Pour finir, est-ce que tu pourrais nous résumer ta pièce en une phrase et nous laisser avec un extrait ?
Une histoire simple et accessible et qui parle du quotidien d’un jeune montpelliérain, le banal est sublimé.
Depuis que j’ai l’âge de parler, mon club c’est le MHSC. Le Montpellier Hérault Sport Club. Club incroyable. Moitié gitans, moitié rebeu, moitié baptou, moitié renoi, 4 moitiés dans ce club. Depuis que j’ai 5 ans je vais voir des matchs au stade de la Mosson. Un stade situé au beau milieu du quartier populaire de La Paillade. Faut imaginer des barres d’immeubles aussi haute que le world trade center. Des stands de merguez moutarde. La ligne 1 du tramway qui essaie de se frayer un chemin pour atteindre son terminus. Et au milieu de tout ça, un stade. 30 000 places. Fait de brics et de brocs. Une tribune ajoutée à l’occasion de la coupe du monde 98 en France. Maintenant elle n’est plus aux normes de sécurité. Mais elle est toujours là. Quand t’es un gamin de 5 ans et que ton père t’amène voir jouer l’équipe de ta ville dans un stade de 30 000 places, ça marque à vie. Le Mhsc pour moi, c’est le Real Madrid, c’est Liverpool, c’est le Bayern Munich, l’AC Milan. Et en 2012, on est champions de France. On gagne la ligue 1. Face au grand PSG déjà milliardaire de l’argent du pétrole. Nous notre sponsor principal c’est Nicollin. Une entreprise de poubelles. Numéro 1 des poubelles en France. Poubelle est la victoire. J’ai 15 ans et je cours derrière le bus à impérial qui défile dans les rues de Montpellier. Je hurle à Olivier Giroud qu’il est mon héros. On est 60 000 sur la place de la comédie. « Et la paillade allez allez… » Mon cœur est orange et bleu. Je ne rate aucun match. Je me mêle aux supporters ultra pailladins dans la « butte paillade 91 ». 4000 malades mentaux qui s’époumonent à chaque match pour soutenir Montpellier. La moitié a un casier judiciaire. Pourtant je me sens plus en sécurité que nulle part ailleurs. Je pourrai mourir pour le maillot orange et bleu. Pour la paillade.