Brahim Diaz ou le détonateur soyeux de la Maison Blanche | OneFootball

Une telle aisance balle au pied devrait être proscrite. Le 11 mai dernier, le Real Madrid se déplaçait sur la pelouse de Grenade pour le compte de la 35e journée de Liga. A la mi-temps de ce match sans enjeu pour la Casa Blanca, le leader du championnat mène déjà 2-0. La rencontre paraît pliée et on se dit que les joueurs d’Ancelotti vont revenir des vestiaires avec le frein à main. C’est mal connaître l’effectif 2023-2024 : aussitôt le coup de sifflet donné, l’équipe, pourtant remaniée, s’est remise à harceler des Andalous bien à la peine. C’est alors qu’arrive la 49e minute : adepte des chevauchées fantastiques, Brahim Diaz remonte le ballon sur 40 mètres avec une invraisemblable facilité. De cette traversée du terrain découle une frappe enroulée pied droit à mi-hauteur, côté gardien. Les filets du portier Batalla tremblent. Le Marocain vient d’inscrire un but qui colle à son profil, celui d’un attaquant dévorant les espaces et se nourrissant de la moindre erreur adverse. Si le natif de Malaga a toujours eu le dribble dans le sang, son adresse devant les cages ne cesse de croître. Ce qui n’est pas sans ravir son entraîneur.

Un remplaçant prolifique

« Brahim Diaz fait partie des joueurs qui me surprennent le plus cette saison », a confié Carlo Ancelotti en conférence de presse après la victoire à Grenade (0-4). La surprise provient sans doute de la fiabilité de cet ailier parti fourbir ses armes durant trois saisons au Milan AC. Lors de l’année 2020, l’international marocain n’avait disputé que six petits matches en Liga. Un bilan très maigre au regard des promesses affichées. Ce faible temps de jeu a peut-être été le déclencheur de cette parenthèse milanaise lors de laquelle il a beaucoup appris.

Renforcé musculairement et raffermi mentalement, Brahim Diaz était revenu en août 2023 avec l’objectif de démontrer l’étendue de sa progression. Les hautes instances madrilènes n’ont certainement pas été déçues par son rendement : le Marocain émarge à 12 buts et 7 passes décisives toutes compétitions confondues. Un total d’autant plus convaincant lorsqu’on sait que l’attaquant n’a débuté que 21 rencontres.

Cette régularité illustre la remarquable saison d’un second couteau, non appelé à jouer les premiers rôles. En sortie de banc, l’ailier marocain injecte une folle énergie permettant de déstabiliser l’arrière-garde adverse. Son agilité au-dessus de la norme couplée à une vivacité déroutant plus d’un défenseur en font un joueur d’avenir sur qui Madrid peut compter. Mais avec les arrivées de Kylian Mbappé et Endrick la saison prochaine, comment croire à un changement de statut pour Brahim Diaz ? La réponse se trouve probablement dans son identité biologique.

Sa patte gauche, un authentique atout

Le secteur offensif du Real Madrid, déficitaire en 2023-2024, s’apprête à subir un véritable lifting avec la venue de la star française et du très jeune avant-centre brésilien. Convaincu de la complémentarité de ces recrutements, l’état-major merengue investit à la fois sur le présent et le futur pour assurer à la capitale espagnole un avenir serein. Dans ces conditions, Brahim Diaz est-il parti pour végéter irrémédiablement sur le banc de touche ? A dire vrai, le feu follet marocain présente des qualités uniques dont les Madrilènes seraient stupides de se priver.

Mis à part Arda Güler, pouvant aussi bien jouer dans l’axe que sur un côté, Brahim demeure le seul profil gaucher à vocation offensive. Cet atout, utile pour perforer les défenses et s’orienter sur son bon pied aux abords de la surface, lui confère une plus-value importante à l’heure de faire les comptes. Lorsque le joueur formé à Manchester City est amené à remplacer Rodrygo en cours de match, cette caractéristique lui permet de davantage coller à la ligne, aspirant le latéral gauche adverse et libérant des zones pour ses partenaires. Son explosivité sied parfaitement aux attentes placées chez un remplaçant de luxe, bien que ses performances actuelles feraient de lui un titulaire dans la quasi totalité des clubs européens.

A concurrence rude, jugement sévère. Avec un tel niveau d’analyse, Brahim Diaz va probablement devoir hisser son niveau moyen pour prétendre commencer davantage de rencontres. Un effort dont il est capable, d’autant que la nouvelle formule de la Ligue des champions, qui augmente le nombre total de matches sur une saison, devrait lui en donner la possibilité. De challengeur à leader, le pas à effectuer reste considérable. La marge apparaît aussi réduite que la zone à trouver pour inscrire une frappe en pleine lucarne. En bon spécialiste, Brahim n’a plus qu’à enchaîner les lunettes.

Tanguy Soyer