Peuple-Vert.fr
·05 de novembro de 2024
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6 novembre 1974 - 8ᵉ de finale retour de la coupe d’Europe des clubs champions - ASSE-Hajduk Split (5-1 après prolongations). La première « remontada » de l’histoire du football français ! A l’occasion des cinquante ans de la victoire de l’ASSE contre l’Hajduk Split (5-1), voici l’histoire de la première « remontada » de l’histoire du football français qui a lancé l’épopée des Verts dans les années 1970. Appréciez cet exploit majuscule qui vous est présenté en deux épisodes, de la déroute à Split jusqu’au dénouement extraordinaire à Geoffroy-Guichard.
Le sifflet de l’arbitre turc, M. Babacan vient de retentir. Une chape de plomb s’abat sur les épaules des Stéphanois, défaits 4-1 à Split en huitième de finale aller de la coupe d’Europe des clubs champions le 23 octobre 1974 en vivant une seconde période diluvienne et cauchemardesque. Dans les vestiaires, au confort à peine digne d’une équipe de district, la boue s’agglutine en tas sur des joueurs, qui, têtes basses, tentent de reprendre leurs esprits. Le premier, Oswaldo Piazza, hurle tout haut ce que les autres pensent en leur for intérieur : « on les attend au retour ».
Robert Herbin renchérit en promettant à sa troupe qu’elle aura sa revanche, car tous ressentent comme une injustice l’arbitrage qui les a pénalisé tout au long de la rencontre. Le premier but est consécutif à un coup-franc accordé par l’arbitre qui a sifflé un pas de trop d’Yvan Curkovic sur son dégagement. Rarement vu à ce niveau de la compétition. Sans états d’âmes, les Yougoslaves se sont empressés de convertir l’offrande gracieusement accordée.
Que dire du penalty « oublié » sur une faute aussi grotesque qu’évidente sur Christian Synaeghel. Autant d’exemples qui ont meurtri dans leurs chairs tous les Stéphanois, rendus impuissants devant l’avalanche de décisions contraires, même si elles n’expliquent pas à elles seules la déroute à Split.
Les Verts ont complètement déjoué en deuxième mi-temps en pêchant par naïveté et manque d’intelligence. Sur un terrain détrempé, ils ont continué à évoluer en abusant des passes courtes. Du pain béni pour les locaux qui, en trois coups de poignards, ont pris à revers la défense trop friables et abandonnée par la blessure d’Osvaldo Piazza, laissant Ivan Curkovic à son triste sort.
Il convient d’analyser toutes les causes de cette défaite pour en tirer tous les enseignements possibles même si la qualification au match retour parait improbable. Toutefois, on peut compter sur l’entraîneur français pour tirer le meilleur parti de l’esprit de détermination et du sentiment de révolte qu’il est en train de lire sur le visage de ses protégés.
Quatre jours avant la confrontation face à Split, Lyon s’invite à Geoffroy Guichard pour un derby haut en couleur entre deux clubs européens. Les Lyonnais ont, quant à eux, parfaitement maîtrisé leur match aller de la Coupe de l’UEFA en obtenant un nul encourageant sur le terrain du Borussia Moenchengladbach (2-2). On ne pouvait donc rêver de meilleure répétition avant le jour J.
Pour l'occasion, Herbin peut compter sur le retour de son stoppeur, Piazza, même si sa blessure au genou n’est pas complètement résorbée. Mais en prévision du match de Split, la présence du costaud argentin, devenu le fer de lance de la défense stéphanoise, est indispensable. Le coach a décidé de le titulariser malgré tout en espérant que son joueur soit capable de surpasser la douleur.
Même s’il n’a pas été le meilleur sur la pelouse, l’Argentin a fait le métier en contenant l’avant-centre adverse, un certain Bernard Lacombe. Les Verts se sont imposés grâce à un but superbe d’Hervé Revelli qui a transformé une tête plongeante en se jetant sur le ballon comme il sait le faire.
Mardi matin, avant la séance d’entraînement, Herbin donne à ses joueurs la composition de l’équipe en leur réservant une grande surprise. Il confie le marquage du dangereux attaquant yougoslave, Surjak, qui leur avait fait tant de mal, à Gérard Janvion, dont la seule expérience internationale remonte à un bout de France Espoirs-Angleterre Espoirs. Cet ancien attaquant, reconverti défenseur, doté d’une vitesse de course et des qualités physiques hors du commun, a la lourde tâche de s’occuper d’un des meilleurs attaquants d’Europe.
Ce matin-là, l’entraîneur réserve à ses joueurs une intense préparation athlétique où le ballon est mis volontairement de côté pour qu’il soit l’objet de toutes les convoitises le lendemain. Comme s’il s’agissait de sevrer des drogués en manque qui auront alors absolument besoin de leur dose habituelle.
À ce jeu-là, Janvion est celui qui montre le plus de dispositions. Sur un nuage après l’annonce de sa titularisation, il survole tous les obstacles, motivé comme jamais, il ne l’a été auparavant. Il se donne à fond pour ne rien avoir à regretter. Et surtout pour être sûr de ne pas décevoir la confiance que le coach a mis en lui. Si les Verts veulent réaliser l’exploit, si tant est qu’il soit possible, il s’agira de ne pas prendre de buts et surveiller le plus dangereux atout adverse fait partie de ce dessin.
L’après-midi est consacré au visionnage des images de la déroute du match aller. Autant d’actions revues, autant de coups de poignards insupportables qui réclament vengeance. Les joueurs sont fins prêts pour le défi physique qui les attend. Pour conserver cette concentration extrême, une fois n’est pas coutume, il a été décidé de réunir tout l’effectif au Novotel d’Andrezieux-Bouthéon afin de garder tout le monde sous pression jusqu’au coup d’envoi.
Les joueurs de l'ASSE se réveillent ce mercredi matin avec un temps maussade. Ils viennent d’apprendre que Lyon, qui avait pourtant réalisé un excellent match nul en Allemagne, s’est fait étriller à Gerland (2-5). Décidément, au niveau européen, le football français est fidèle à lui-même, toujours aussi faible.
La journée, interminable, s’écoule lentement. Au fur et à mesure que les heures s’égrènent, une certitude apparaît comme un baume apaisant. Les Verts pourront bénéficier du soutien d’un stade archicomble pour les pousser vers leur destin, ce qui n’est pas le moindre des avantages. Sera-ce suffisant ? Rien n’est moins sûr.
Herbin n’a pas besoin de trop réfléchir pour trouver les mots qui motivent lors de sa causerie d’avant match. Il insiste tout naturellement sur le désir de vengeance que doivent ressentir ses hommes pour balayer les injustices subies à Split. Quelqu’un doit payer et c’est ce soir ou jamais.
Dans le bus qui les transporte à Geoffroy Guichard, on entend voler les mouches. Tout le monde est concentré sur l’objectif à venir. Cette communion, le coach la remarque non sans satisfaction. C’est toujours ce qui a manqué aux différentes équipes stéphanoises pour s’affirmer sur la scène européenne. Malgré leur domination au niveau national et des exploits sporadiques comme ce 3-0 face au Bayern en 1969.
Cette intense concentration est encore montée d’un cran dans les vestiaires alors qu’à l’extérieur le public, sur des charbons ardents, a déjà pris place, pour porter ses couleurs le plus haut possible. Les dernières recommandations « Respectez l’arbitre, jouez simple et collectif » sont inutiles tant chacun connaît parfaitement ses consignes sur le bout des doigts.
À suivre la deuxième partie : Et Geoffroy-Guichard devint le Chaudron !
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