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Lucarne Opposée

·26 de junho de 2025

26 juin 2011, la chute d’un géant

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26 juin 2011. Le Monumental de Buenos Aires affiche complet pour un rendez-vous avec l’histoire. La tension est palpable, l’équilibre instable. Car ce jour-là, River Plate n’entre pas sur le terrain pour ajouter un trophée à sa riche galerie, il joue sa survie dans l’élite. Impensable pour nombre de suiveurs et pourtant réel, ce 26 juin marque à jamais un club qui fête alors ses cent dix ans.

« Les gens ne s’imaginent pas l’immensité de la douleur qu’a été celle de voir River à la B », Norberto Alonso. « La plaie cicatrise mais la blessure reste. C’est une situation similaire à celle de la perte de vos parents : la douleur reste et ne vous quitte jamais », Juan José López. Deux exemples qui ne peuvent exprimer pleinement le choc reçu par tout un peuple blanc et rouge en ce mois de juin 2011. Si les supporters des rivaux en font encore leur petit bonheur, la descente de River Plate, que personne ne pouvait encore concevoir quelques années auparavant, est le premier événement majeur du XXIe siècle footballistique en Argentine, il est aussi l’un des grands moments de l’histoire du football albiceleste. Car au-delà de l’appartenance de River au prestigieux club fermé des cinq grands d’Argentine, la descente de l’équipe de Jota Jota López, concédée face à Belgrano, fait de River le troisième géant à tomber (après San Lorenzo en 1981 et Racing en 1983) mais surtout prive l’élite de son équipe de tous les records : le plus de titres (trente-trois), le plus de points gagnés (4315), le plus grand nombre de matchs disputés (3051), le plus de victoires décrochées (1607), le plus de buts marqués (5751).


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Pour comprendre l’histoire de cette chute, il faut tout d’abord rappeler le fonctionnement du système de relégation en Argentine qui se calcule sur trois saisons, soit six tournois. Les équipes qui participent au championnat sur les trois dernières saisons sont ainsi classées en fonction de leur moyenne de points pris par match (promedio). Un système qui ne fait pas que des heureux, nombreux étant ceux y voyant un moyen de protéger les géants d’un accident de parcours, tant il semble alors impensable de voir des clubs de cette stature se rater lors de plusieurs tournois sur trois saisons consécutives. Le système du promedio avait été utilisé par le passé, à la fin des années cinquante – début des années soixante, et est remis au goût du jour par Julio Grondona après la relégation surprise d’un premier géant : San Lorenzo en 1981. Ironie du destin, le premier tournoi au cours duquel il est effectif est le Metropolitano 1983 et le promedio sauve alors… River Plate, donnant quelques arguments à ses détracteurs.

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Simeone : du sommet aux bas-fonds

L’histoire commence le 8 juin 2008. Pour le compte de la dix-huitième journée du tournoi de clôture, River Plate accueille Olimpo. La bande dirigée par Diego Simeone compte dans ses rangs un potentiel offensif fou. À côté de l’idole Ariel Ortega, on retrouve de jeunes pousses au talent immense, un Chilien nommé Alexis Sánchez, un Colombien du nom de Radamel Falcao García, mais aussi l’expérimenté Uruguayen fou Sebastián Abreu et le dernier joyau local, un gamin de vingt ans qui termine meilleur buteur du club, Diego Buonanotte. Si ce River ne brille pourtant pas pour son jeu, autant que cette liste pourrait le laisser augurer, ce 8 juin, un doublé de Diego Buonanotte donne le titre au groupe d’un Cholo qui décroche ainsi son deuxième titre deux ans à peine après avoir raccroché les crampons. Rien ne présage alors du drame qui va commencer à se jouer dès le tournoi suivant.

L’Apertura 2008 débute sans grand fracas. Le champion sortant ouvre par un nul face à Colón et s’impose chez lui face à Rosario Central. Tout se dérègle pourtant rapidement. Tombé face à Banfield lors de la troisième journée, River ne gagne plus, parvient parfois à sauver quelques résultats nuls et perd même le Superclásico dans son Monumental. Le club n’avance plus, mais Simeone et sa bande se montrent bien trop confiants. La glissade devient chute. Pour la quatorzième journée, le champion sortant affronte un Huracán sur le banc duquel vient de s’assoir Ángel Cappa. Face aux futurs anges symbolisés par un gamin nommé Javier Pastore, River rentre aux vestiaires sur un 0-3. Si le Millo parvient à sauver un match nul assez fou, le court cycle Diego Simeone prend fin. Quelques jours après avoir été sorti de la Sudamericana par Chivas, qui est ensuite balayé par l’Inter de D’Alessandro, et, alors que River dernier du tournoi ne compte que neuf points, n’ayant gagné qu’une seule rencontre, pour six nuls et sept défaites, Diego Simeone s’en va. En conférence de presse il déclare : « River est un grand, je suis certain que lors du prochain tournoi, les choses reviendront comme elles devraient l’être ». Le club termine le tournoi sous la direction d’un intérimaire, Gabriel Rodríguez, coordinateur des équipes de jeunes, ne gagne qu’un seul de ces cinq derniers matchs et termine l’Apertura à la dernière place. Une première dans l’histoire du club. Fidèle à lui-même, Diego Simeone ne se défaussera jamais « j’assume ma responsabilité », déclare-t-il, avant d’ajouter « je fais partie des responsables qui ont conduit à ce processus ». Pourtant, à l’époque, le peuple millonario ne lui en veut pas plus que cela. D’une part car il sait que Simeone n’a pas triché, surtout parce qu’il sait aussi que le problème est bien plus profond. Car au-delà d’une simple crise de confiance, qui peut parfois être vaincue par l’apport de nouvelles idées, de nouveaux joueurs, le club millonario n’a plus rien d’un millionnaire. La faute à une classe dirigeante qui a bien d’autres intérêts.

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Détournements de fonds et déstockage des talents

José María Aguilar était arrivé à la tête du club en 2001 et avait hérité d’un River Plate riche de talents. On peut ainsi y croiser des noms tels que Celso Ayala, Martín Demichelis, Mario Yepes, Andrés D’Alessandro, Esteban Cambiasso, Eduardo Coudet, Ariel Ortega, Maxi López, Fernando Cavenaghi, Alejandro Chori Domínguez ou encore Martín Cardetti. Deuxième de l’Apertura pour un point, mais avec la meilleure attaque du pays, River décroche alors le Clausura suivant. Il en ajoute deux à la première mandature d’Aguilar qui est cependant marquée par quelques débâcles, la plus grande restant la défaite en finale de Copa Sudamericana 2003 face aux Péruviens de Cienciano. Alors qu’il est réélu en 2005, faute d’adversaire crédible, les résultats sportifs sont en berne, les scandales de la gestion d’Aguilar minent le club de l’intérieur. Il y a l’affaire de la construction du gymnase pour les amateurs, à base de surfacturation, d’entreprises fantômes, il y a le financement des barras bravas (on évoque alors des paiements de 70 000 pesos chaque mois aux leaders de la barra), il y a ensuite des affaires de blanchiment d’argent. Des faits qui sont rapidement relevés par l’opposition à Aguilar au sein du club qui obtient une réunion avec le président. Mais Andrés Ballotta, Juan Manuel Lanas et Rodolfo D’Onofrio ne parviennent pas à obtenir ce qu’ils voulaient : le départ du vice-président d’alors, Domingo Díaz. Pire, Aguilar promet de prendre le taureau par les cornes, mais n’en fera rien. L’affaire est étouffée.

Triangulations et trafic de joueurs : les recettes du pouvoir argentin

Au prétexte d’éponger une dette qui se creuse, Aguilar et ses amis utilisent également les transferts pour faire leurs affaires. C’est ainsi que la petite bande se met en relation avec Fernando Hidalgo. Hidalgo est un nom dans le paysage argentin. Il apprend le métier aux côtés de Carlos Gustavo Mascardi, le baron du football argentin dans les années quatre-vingt-dix qui a quelques liens très solides avec Daniel Passarella, l’entraîneur du club lorsque le trio s’approche d’Aguilar. Hidalgo a pris son destin en main, négociant plusieurs transferts importants du côté de River, comme celui de Pablo Aimar vers Valencia. Hidalgo s’associe ensuite à deux autres hommes. D’abord Gustavo Arribas, homme proche de Mauricio Macri, président de Boca Juniors, avec qui il s’enrichit sur le dos du club xeneize (par la création du Fondo Común de Inversión Xeneize, un fond destiné à financer notamment l’achat de joueurs permettant au club de disposer de ressources qui ne mettraient alors pas en danger le capital, en réalité un moyen de prendre des parts dans les joueurs du club – le fond est dissout six ans plus tard). Ensuite Pini Zahavi, le roi de la spéculation, chantre de la triangulation, ce système qui permet de fuir le fisc tout en s’enrichissant aux dépens du premier club vendeur. Ces trois hommes fondent HAZ Sports Agency SA (HAZ pour Hidalgo – Arribas – Zahavi) qui s’offre le club suisse du FC Locarno et vient « en aide » à José María Aguilar. C’est ainsi que Fernando Belluschi, Augusto Fernández, Mateo Musacchio et Gonzalo Higuaín transitent par ce club pour une bouchée de pain, chacun prenant ensuite son pourcentage sur le transfert suivant (le Real Madrid dans le cas de Pipita Higuaín), chacun ayant acheté auparavant une partie des droits du joueur, au détriment de River qui perd ainsi de fortes sommes. En plus de cette absence d’entrées supplémentaires, la petite bande s’amuse à faire venir des joueurs pour des tarifs excessifs. On voit ainsi arriver Nelson Rivas, un transfert censé coûter 1.2M$ mais qui en coûte finalement près du double. Les caisses se vident alors, les jeunes promesses du club sont vendues le plus rapidement possible à des investisseurs étrangers qui s’enrichissent en même temps que l’avenir du club s’envole afin de combler un déficit qui ne cesse de se creuser. Afin de sécuriser sa position, Aguilar et sa bande impliquent également les barras dans ces petits trafics. Certains sont employés au club, gèrent la billetterie, le stationnement aux abords du Monumental et touchent un pourcentage sur les ventes des joueurs.

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Le 5 décembre 2009, l’ère Aguilar prend fin. Son successeur se nomme Daniel Passerella, qui est élu président avec six voix de plus que son dauphin, un certain Rodolfo D’Onofrio. Mais sur le plan économique, River n’est pas sauvé, loin de là. Passarella était déjà impliqué dans l’intervention galopante de ces investisseurs privés et souvent obscurs dès lors qu’il s’agissait de transfert à River. Sous sa mandature, rien ne change. La dette se creuse, les détournements d’argent demeurent. Des faits qui ne sont rendus publics que quelques années plus tard, permettant de découvrir que plusieurs millions d’euros ont été volés dans les caisses du club, que ce soit par des paiements de transferts obscurs, de chèques émis pour payer des joueurs qui n’étaient plus au club et avaient résilié leur contrat sans réclamer la moindre dette, des sommes payées pour du matériel qui n’a jamais été acheté ou des frais d’avocats pour des affaires inconnues. Une multitude d’irrégularités qui n’en finissent plus de mettre à mal un club qui souffre sur le terrain. La chute est alors proche. Elle se construit en deux saisons.

Équilibre fragile

Sur le terrain, Néstor Gorosito est nommé pour prendre les commandes de River à l’abord du Clausura 2009. Avec lui, une première idole revient, Marcelo Gallardo. Le tournoi de River est quelconque mais pas catastrophique, le club termine à la huitième place, à la table du promedio, il est encore tranquille, pointant à la sixième place. Mais l’Apertura suivant voit River de nouveau décrocher. D’autres idoles sont pourtant revenues, Matías Almeyda sort d’une retraite prise il y a trois ans, Ariel Ortega vient effectuer son dernier cycle. Ce River ne fonctionne pas, Gorosito s’en va au soir d’un cinquième match sans victoire, tombant lors de la septième journée face au San Lorenzo de… Diego Simeone. La pression monte au sein et autour du club. Manque de véritables renforts, élimination au premier tour de la Copa Sudamericana (deux défaites face à Lanús), tensions en coulisses et une hinchada qui grogne, pointant le niveau de certains joueurs, l’équilibre se fait de plus en plus fragile. Pour l’Apertura suivant, Leonardo Astrada arrive aux commandes d’un bateau à la dérive, il ne peut véritablement le redresser et River se retrouve alors avec une triste quatorzième place au général, avec vingt-et-un points pris sur cinquante-sept possibles, à vingt points du leader Banfield.

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Arrive alors le début de la fin. Le premier tournoi sous la présidence de Passarella débute alors que River a glissé en deuxième partie de tableau du promedio. Pour la première fois, le spectre du « descenso » menace le club, intensifiant la pression sur un groupe et une institution qui n’a jamais eu à gérer cette pression négative tout au long de son histoire. On sort alors les calculatrices, il est alors indiqué que s’il veut se sauver, River Plate doit prendre trente points lors des trois prochains tournois. Le club panique à tous les étages. La gestion continue d’être mauvaise, livrant le mercato de River à des groupes d’entrepreneurs privés qui font venir des joueurs, souvent de seconde zone. Pour le Torneo « Iveco del Bicentenario » Clausura 2010, Passarella essaye de satisfaire son coach en lui offrant les joueurs désirés (Rodrigo Rojas arrive d’Olimpia, Juan Manuel Díaz d’Estudiantes et Alexis Ferrero de Colón). Mais ça ne fonctionne toujours pas. Obsédé par ses trente points, River vacille, Leonardo Astrada renonce au soir de la quatorzième journée qui voit River pointer à la dix-huitième place du tournoi, avec seulement treize points. Ángel Cappa, l’homme qui dirigeait Huracán lors de la dernière du Cholo Simeone, prend le relai. Il remporte trois des cinq derniers matchs avant de terminer sur une leçon prise à la maison face à Tigre (5-1). River termine treizième du Clausura, s’il est alors treizième au promedio, il n’a pas pris les trente points requis, la prochaine saison s’annonce comme celle de tous les dangers.

Car au coup d’envoi de l’Apertura 2010, River Plate perd le bénéfice des points pris notamment lors du dernier titre, celui de 2008. Les Millonarios débutent donc le tournoi à la dernière place du promedio. Alors le club recrute à tour de bras : Juan Pablo Carrizo, Carlos Arano, Mariano Pavone, Leandro Caruso, Jonatan Maidana, Cristian Nasuti, Josepmir Ballón, Walter Acevedo et Adalberto Román arrivent. Le tournoi débute plutôt bien, avec trois victoires et un nul, le club est même leader après quatre journées. La blessure du capitaine Matías Almeyda entraîne un réel coup d’arrêt. La bande à Cappa ne gagne plus pendant sept matchs, l’entraîneur en fait les frais alors que son River est huitième. Avec sept victoires, six nuls et cinq défaites, Ángel Cappa reste alors le seul entraîneur des six derniers à avoir pris la moitié des points mis en jeu lors de son mandat. Arrive donc Juan José López qui s’occupait jusqu’ici des jeunes. Le miracle semble se produire. Jota Jota densifie son assise défensive, débute par un succès lors du Superclásico et prend quinze des dix-huit points qu’il restait à prendre. River Plate termine l’Apertura à la quatrième place, avec trente-et-un points. L’objectif maintien semble plus que jamais possible.

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Le maintien de Juan José López est confirmé pour le Clausura, même s’il fait débat. Le technicien n’était pas prêt à prendre le poste : « À la fin du tournoi, l’idée était de retourner avec les jeunes. J’ai dit à Daniel Passarella, va chercher un entraîneur. Il m’a dit qu’il ne le ferait pas, qu’il n’avait personne en vue, que la seule solution c’était qu’on le fasse ensemble. J’étais un soldat de Passarella, alors on s’est mis en route », confesse-t-il près d’une décennie plus tard. Il faut dire que la direction n’a pas une once d’argent pour attirer un entraîneur, ce qui déborde sur l’autre point qui fait alors débat : le recrutement. Alors que pour l’Apertura le club avait acheté à tout-va, JJ va devoir faire avec un seul renfort, Fabián Bordagaray. Pourtant, ça démarre bien. Au point qu’après neuf journées, River est leader. Trois journées plus tard, il est deuxième, derrière Vélez, mais l’objectif des trente points semble du domaine du possible. C’était sans compter sur la pression. Deux défaites consécutives, face à All Boys et Boca, un nul face à San Lorenzo, la tension se fait plus grande, les joueurs vacillent les uns après les autres. River ne prend que quatre points sur les dix-huit suivant, il peut encore espérer un dernier miracle, s’il s’impose lors de l’ultime journée face à Lanús et qu’Olimpo, concurrent direct, ne s’impose pas sur le terrain de Quilmes. Mais rien ne va. Pendant que les Aurinegros s’imposent, le Monumental reste sonné. Erik Lamela a bien un temps laissé espérer les siens en égalisant alors que River était rentré aux vestiaires mené par le Granate sur un but de Silvio Romero, Leandro Díaz marque le but qui fait mal dans les arrêts de jeu du match, Lanús s’impose. River Plate termine le tournoi avec vingt-six points, à quatre points du maintien. Pour la première fois d’une histoire vieille de cent-dix ans, River Plate se retrouve à devoir jouer sa survie. Car le Millo n’est pas encore relégué, il a droit à une dernière chance, elle se nomme Belgrano de Córdoba.

Pi(re-)raté

22 juin 2011. Le Gigante de Alberdi n’attend qu’une chose, s’embraser. Quatrième de Primera B Nacional, son Belgrano a donc gagné le droit de rêver à une promotion dans l’élite que les Piratas ont quitté en 2007. Depuis, le club a déjà joué deux barrages pour la promotion, deux barrages perdus (respectivement face à Racing et à Rosario Central), et sort d’une saison 2009/10 terminée à la sixième place. Mais tout a changé avec l’arrivée sur le banc de Ricardo el Ruso Zielinski qui transforme le club en machine à prendre des points, et s’appuie sur une organisation sans faille et quelques joueurs référents souvent décisifs, de Juan Carlos Olave dans les buts à César Picante Pereyra devant en passant par Luciano Lollo derrière ou encore Guillermo Farré au milieu. Pour River, ce match sent le traquenard. Pourtant, la bande à Juan José López se procure la première occasion du match, Lamela manquant le cadre d’entrée de partie. Mais rapidement, avec plus d’envie et une crispation surtout moins prononcée, Belgrano se montre le plus dangereux. Au point que le héros du début de premier acte se nomme Juan Pablo Carrizo qui sauve à plusieurs reprises les siens devant les Mansanelli et autre Pereyra. Puis le coup du sort, le geste qui gâche tout. Un centre en apparence sans danger véritable et Adalberto Román coupable d’une faute de main grossière. On joue la vingt-cinquième minute et Néstor Pitana accorde un penalty à Belgrano. Mansanelli fusille Carrizo, River sombre. La nervosité des joueurs de Núñez prend le dessus, les imprécisions s’accumulent. Belgrano domine la partie mais ne parvient pas encore à se mettre à l’abri, restant à portée de tir d’un River qui peut encore sauver le nul, le Millo ne se montrant menaçant que sur coup de pied arrêté (le plus dangereux étant celui de Mauro Díaz bien sorti par Olave à moins de dix minutes de la pause). Au retour des vestiaires, le naufrage est total. Quatrième minute de jeu, tête de Lollo sur corner, Picante Pereyra surgit au deuxième poteau, Belgrano mène 2-0. C’est alors que les barras s’en mêlent. Quelques « supporters » millonarios entrent sur le terrain et s’en prennent à leurs joueurs, en particulier à Adalberto Román. Le match est arrêté une vingtaine de minutes. Impossible pour les joueurs de JJ de se remettre les idées en place. Et pourtant River se procure des situations, Funes Mori, Lamela, Caruso vont soit buter sur Olave, soit manquer de justesse. Alors River quitte le Gigante de Alberdi tête basse. Défait 2-0, le Millo doit réaliser un exploit, dans un contexte plus explosif que jamais.

Arrive donc la fraîche après-midi du 26 juin. Le Monumental est pourtant bouillant même s’il mêle à sa folie démesurée une peur encore plus grande. Le Millo est privé de trois cadres, Adalberto Román, Paulo Ferrari et surtout Matías Almeyda, tous suspendu. Jota Jota n’a pas le choix, il doit proposer une armada offensive pour retourner la situation. Il surprend en choisissant de titulariser Facundo Affranchino, qui n’avait joué qu’un match dans l’année, et sort Funes Mori, lui préférant Caruso. Les Piratas de Zielinski sont dans un fauteuil. River cherche rapidement à retourner la situation, se jette à l’attaque. Et s’expose déjà. Un centre-tir de Mansanelli sur coup franc dès la quatrième minute fait trembler les filets de Carrizo. Mais Sergio Pezzotta, l’arbitre de la rencontre, annule le but pour un hors-jeu assez limite. Dans la foulée, un long ballon vers Pavone permet au Tanque de se retourner et tromper Olave. Sixième minute, River n’est plus qu’à un but du maintien, le Monumental explose, les caméras tremblent. La bande à Jota Jota semble se libérer. Sans folie collective mais avec de l’envie et un Lamela qui entre dans son match, River accule Belgrano. Caruso est balancé dans la surface mais n’obtient pas le penalty que tout un peuple attend. Dans la foulée, Pavone commence à passer du paradis à l’enfer en butant sur Olave alors qu’il était seul au deuxième poteau, premier acte du drame qui se joue pour le numéro 7 de River, alors que Díaz manque le cadre de la tête dans la continuité de l’action. La pression de River est immense, Belgrano plie mais ne rompt pas. Mieux, au retour des vestiaires, les hommes de Zielinski lancent un avertissement à ceux de López : si vous vous exposez, vous serez punis. Picante Pereyra file seul au but en partant dans le dos de la défense mais manque le cadre devant un Carrizo avancé. Jota Jota et ses joueurs ne reçoivent pas cet avertissement. Ils font le choix de prendre tous les risques alors qu’il reste une mi-temps à jouer. Ils sont punis. Juan Manuel Díaz dégage un centre sur Alexis Ferrero, le ballon revient sur Guillermo Farré qui fusille Carrizo et glace le Monumental. 1-1 à une demi-heure de la fin, la naïveté de River lui coûte cher. Sept minutes plus tard, le dernier tournant. Caruso est de nouveau balancé dans la surface, River obtient enfin le penalty du dernier espoir. Mariano Pavone se présente face à Olave mais voit sa tentative ratée être bloquée par le portier pirata. Acte final de la descente aux enfers du 7 de River et du club à la bande rouge. Pavone ne rejouera plus jamais à River, River ne reviendra plus jamais.

« Je n’ai rien à dire de plus », déclare Atilio Costa Febre, la voix du club aux commentaires, « c’est une douleur de l’âme ». Il reste vingt minutes mais tout un peuple l’a compris. « C’est un moment douloureux, je n’y avais jamais pensé, ne l’avais jamais imaginé. J’étais préparé comme commentateur à raconter de belles histoires de River, de championnats, mais jamais à commenter des moments aussi tristes », les dernières minutes sont une longue souffrance pour Costa Febre qui ne commente plus le match à cinq minutes de la fin, la voix tremblante. Puis les propos se durcissent, les insultes fusent « nous continuerons parce que ces rats qui ont coulé River qui s’échappent aujourd’hui ne nous sauveront pas. Il faut être un sacré fils de pute pour frapper River de la manière dont ils l’ont frappé et de le briser de la sorte. C’est une chose incroyable. Où sont ces rats ! lls ont envoyé River à la B ! Que vont-ils faire de cet argent qu’ils ont pris au club ? Jamais ils ne seront heureux car c’est de l’argent volé. De l’argent volé, volé aux socios, au supporter, au type qui est là tous les dimanches. Cet argent qu’ils ont gagné avec de gros transferts. Voleurs ! Rats ! Où vont-ils aller maintenant ? Montrez-vous ! Venez ici sur le terrain ! Venez ici ! Bande de voleurs ! Vous avez détruit River ! Menteurs ! Satrapes ! Ils nous ont chié dessus ! Immenses fils de pute ! Je me fous que cela me coûte ma carrière. Le match est terminé ». Au même moment que les mots d’Atilio Costa Febre s’envolent, alors qu’il pose son micro et rentre chez lui, sa fureur s’exprime aussi dans les travées du Monumental. Alors qu’ils font partie des responsables de ce naufrage, les barras du club, qui étaient déjà descendues menacer l’arbitre de la rencontre à la pause, cassent tout, lancent ce qu’ils peuvent lancer. Le match est arrêté, il ne reprendra jamais. Les débordements qui s’ensuivent feront plus d’une cinquantaine de blessés. Sur le terrain, les joueurs restent un temps, en larmes, nombreux quitteront ensuite le club. L’année de ses cent-dix ans, River Plate est relégué pour la première fois de son histoire. Les dernières images sont celles d’un dernier scandale. Jota Jota quitte alors River, il ne reviendra plus jamais au club, ni au Monumental. « Je vivais à River, je me suis fait et j’ai grandi au club, je suis de River et j’ai apprécié ses triomphes. J’aimerais retourner au stade mais je ne le peux pas. Les insultes me font mal mais tout le monde doit assumer ses responsabilités. Ce fut une expérience de laquelle soit tu apprends, soit tu coules, et je ne coulerai pas ». On le croise brièvement – trois mois – sur le banc de San Martín de Tucumán en 2014 puis, deux ans plus tard, il dirige Juventud Antoniana de Salta durant neuf mois. Depuis, il n’a plus dirigé la moindre équipe.

En las malas, mucho más

Vient alors le jour d’après. River Plate va devoir apprendre à survivre à la B. À ces matchs de coupe chaque week-end où tout un pays accueille un géant qui a vacillé. Pour cela, il compte sur son histoire, sa capacité à unir dans la douleur. De glorieux anciens reviennent : Matías Almeyda prend les commandes, Fernando Cavenaghi, Nicolás Domingo (qui sort d’une finale de Copa Libertadores avec Peñarol) et Alejandro Domínguez reviennent au club. Puis un champion du monde débarque à mi-saison en même temps que Leo Ponzio, David Trezeguet venant assouvir un rêve d’enfant. Il faut bien cela pour gérer cette incroyable lutte à quatre pour la montée, qui voit River au coude à coude d’abord avec l’Instituto d’un gamin nommé Paulo Dybala, le Rosario Central de Juan Antonio Pizzi ou le Quilmes de Martín Cauteruccio. Au point qu’il faut attendre l’ultime journée et un doublé du Roi David pour valider le retour en première division après une saison au cours de laquelle River n’a jamais connu plus mauvais classement qu’une deuxième place mais aurait pu tout perdre sur un match, le dernier. Un match face à Almirante Brown près d’un an jour pour jour après le naufrage du Gigante de Alberdi. Alors River Plate retrouve l’élite, celle que ses propres dirigeants lui avaient fait perdre.

À quoi reconnaît-on un géant ? Sans aucun doute à son incapacité à mourir, à sa formidable capacité de rebond. Celui de River est exceptionnel. Qu’importe qu’il soit passé par la B, que ses meilleurs jeunes aient été longtemps vendus clandestinement en Europe ou ailleurs, que son Monumental ait été hypothéqué, il revient encore plus fort. En reconstruisant ses bases, en redonnant vie à ses équipes de jeunes dont certains vont aider au retour du club. La saison de Primera B voit émerger un gamin nommé Lucas Ocampos, lui aussi vendu prématurément pour remplir les poches de quelques dirigeants, ensuite River s’appuie sur elle. De retour dans l’élite, Matías Almeyda laisse sa place à Ramón Díaz après un tournoi qu’il termine à la huitième place. D’un Pelado à un autre. Díaz alterne le bon et le moins bon mais décroche tout de même le titre en 2014, prenant la première place d’une chaude lutte à deux journées de la fin. Deux ans après son retour dans l’élite, River décroche une nouvelle étoile et annonce son retour. En décembre 2013, Rodolfo D’Onofrio remporte les élections. Six mois plus tard, après le départ de Ramón Díaz, et après avoir nommé Enzo Francescoli au poste de directeur sportif, Marcelo Gallardo revient à River pour y occuper le poste d’entraîneur. L’histoire va alors s’accélérer.

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