Violences à Bollaert-Delelis : «Je suis tombé et je ne me souviens plus de rien, j’ai le nez cassé» | OneFootball

Samedi dernier, une bagarre a eu lieu entre supporters lensois à Bollaert, à la mi-temps du match RC Lens – Paris Saint-Germain. Nous avons pu recueillir le témoignage d’Emile, principale victime de cette agression. Entretien par Adrien Bray pour notre partenaire  HorizonActu.

Pour commencer, vous êtes un supporter lensois de longue date ? Depuis tout petit, mon père m’emmenait déjà au stade ! Par la suite, j’ai rencontré des personnes qui faisaient partie des groupes de supporters. Le groupe de supporters qui était les Gueules Noires, en tribune Trannin à l’époque. Après, j’ai fait connaissance avec d’autres groupes de supporters. C’est comme ça que je suis arrivé en Marek et ça fait plus de 10 ans que j’y suis. Et je vais à Bollaert depuis l’âge de 10 ans. J’ai 40 ans aujourd’hui.

Revenons sur les faits de samedi, lorsque le RC Lens affronte le Paris Saint-Germain Je suis arrivé à 14h00 tranquillement, comme d’habitude pour un match à 17h, avec des copains. On a bu 2-3 verres et on est parti au stade. Il était 16h40. On s’est installé et à partir de ce moment-là, il y avait un supporter qui n’arrêtait pas de mettre des coups à tout le monde, dont moi, avec son drapeau. Alors, c’est passé une fois, deux fois. Et la troisième fois, il fallait gentiment lui demander de faire attention. A partir de ce moment-là, il a commencé à m’insulter de tous les noms. Moi, j’ai répondu par un doigt d’honneur. Je suis reparti pour me remettre à ma place. Et à partir de là, il a commencé à vouloir venir m’agresser. Il a été arrêté par d’autres supporters. Ça s’est calmé. Et pendant la première mi-temps, j’ai vu qu’il allait chercher ses copains, son groupe d’ultras. A la mi-temps, dès que l’arbitre a sifflé, je les ai vus venir de partout.

«Je suis tombé et je ne me souviens plus de rien, ça a tellement été vite»

Vous êtes plus bas, dans la tribune ? Non, au même niveau. Celui qui m’a mis des coups de drapeau est sur la même ligne que moi. Son drapeau de 5-6 mètres de haut au lieu de le tenir debout, il l’avait mis en long devant tout le monde sur sa ligne. Il parlait avec un copain et en même temps, il faisait des grands gestes avec son drapeau. Et encore, ce n’est même pas le drapeau, c’est le bâton du drapeau. Ça serait le drapeau, ça ne se serait pas passé. Mais là, un coup de bâton, ça m’a vraiment fait mal. C’est à ce moment-là que je lui ai dit gentiment… Fais attention, tu viens vraiment de me faire mal. Tout le monde se plaint depuis tout à l’heure, mais ils n’osent pas venir te voir. Il m’a agressé direct. Tout en allant retrouver mes copains, il a voulu me suivre. Il s’est fait calmer directement par d’autres supporters : « Calme-toi, ça ne sert à rien ».

Et c’est à la mi-temps que ça dégénère ? Dès que l’arbitre a sifflé la mi-temps, ils sont tous venus vers moi tout de suite. Au début, ça allait, parce qu’ils voulaient passer par les marches. Vu qu’il y avait beaucoup de monde, ils étaient arrêtés par les autres supporters. Ils essayaient de les calmer. Pour moi, à mes souvenirs, ils étaient plus de 15, et il y en a qui ont réussi à contourner. Je me souviens avoir pris une grosse droite (coup de poing). Je suis tombé et je ne me souviens plus de rien, ça a tellement été vite. Quelques secondes après, j’ai ouvert les yeux et je vois une fille qui était en train de crier, mettre des pansements sur mon nez. J’ai voulu me relever. Elle m’en a empêché parce que ça pissait le sang. Je ne m’en suis rendu compte qu’après. J’ai vu que ça gueulait de partout. Les stewards sont arrivés. Ils ont commencé à pousser tout le monde.

Trop tard, l’arrivée des stewards ? Trop tard, je pense. Parce qu’il y en a, justement, sur les tribunes qu’on appelle populaires. Je pense qu’ils n’avaient pas vu avant le match, qu’il y avait déjà eu une altercation. Ils n’étaient que deux ou trois en bas, mais vu le monde qu’il y avait après, le temps qu’ils agissent, il était trop tard.

«Mon nez était cassé, avec des gros hématomes aux deux yeux»

Là, vous êtes évacué de la tribune ? Je me souviens avoir été évacué et emmené par les stewards au local de la Croix-Rouge pour me faire recoudre. Ils ont dû appeler un médecin pour me faire recoudre tout de suite, sur place. Le temps de me recoudre, de faire des papiers, le match était fini et je suis reparti. Donc je suis reparti tranquillement chez moi. En me voyant comme ça, ma fille hurlait à la mort en pleurant. Elle adore le RC Lens en plus et rêve de venir au match

Comment s’est passée la suite du week-end ? Dimanche matin, vu que j’avais saigné du nez dans la nuit, je suis allé aux urgences le dimanche matin à Arras. Ils n’ont rien voulu faire. Du coup, j’ai passé mon dimanche en famille comme tous les dimanches. Le lundi, en voulant aller travailler, mon chef m’a renvoyé tout de suite chez moi en me voyant comme ça. En rentrant, je suis allé à la clinique de Bois-Bernard où ils m’ont fait un scanner et là, et ont vu que mon nez était cassé, avec des gros hématomes aux deux yeux. Et ensuite, je suis allé porter plainte lundi après-midi. Ils m’ont fixé un rendez-vous avec une médecin légiste. Celle-ci m’a envoyé chez un ORL parce que, d’après elle, mon nez était dévié et il faut consulter pour voir ce qui se passe.

Vous allez retourner à Bollaert prochainement ou ça vous a calmé ? Ça m’a calmé, oui. Mais je vais y retourner ! Je reviendrai certainement en Marek, mais pas ce week-end (contre Angers, 19e journée de Ligue 1). Je suis fan du RC Lens et je suis toujours allé en Marek. Je connais des personnes qui ne viennent plus dans cette tribune à cause de ça.

Justement, de plus en plus, on a l’impression qu’il y a des incidents de ce type-là qui arrivent à Bollaert, et spécifiquement dans certaines tribunes. Est-ce que vous avez l’impression que c’est un peu plus dangereux, un peu plus nerveux en tribune qu’il y a quelques années ? Oui, ça a vraiment changé depuis un moment par rapport aux années d’avant, c’est plus… Pour moi, il y a des drogués dans la tribune. Ils sont fous, ils sont agressifs envers tout le monde. Même une bousculade, ou un verre de bière renversé, ils veulent se rendre des coups, se battre. C’est vraiment devenu… C’est malheureux, c’est devenu agressif.

Des nouveaux supporters alors ? Non, ce sont des anciens. Ce sont des groupes d’Ultras, tout le temps les mêmes. Et là, malheureusement, toutes les histoires qu’il y a depuis quelques temps, c’est tout le temps le même groupe d’Ultras.

Est-ce que, pour vous, il y a une réponse à donner à ces problèmes d’insécurité ? Le vôtre ou le problème des supportrices qui disaient ne pas se sentir en sécurité aussi en tribunes Je pense que les personnes qui se font agresser, malheureusement, quand ça arrive, ils devraient aller porter plainte au lieu de ne rien dire et de garder ça pour eux. Je pense que ça irait mieux déjà et qu’ils arriveraient mieux à retrouver les personnes et les interdire de stade. Tout le monde dit que Lens c’est le meilleur public de France, mais je pense que tout n’est pas dit. Ce qui se passe en tribune, c’est honteux. Alors que l’ambiance pourtant, est bien présente.

Vous dites qu’il faut absolument porter plainte, vous n’avez pas été contre non plus qu’on se rencontre, qu’on en discute en radio. Vous voulez que ça se sache ? Vous voulez que les agresseurs sachent qu’ils n’ont pas tous les droits ? Oui, il faut qu’ils arrêtent tout ça, c’est n’importe quoi, il vaut mieux chanter, montrer la ferveur de notre club, comme on l’a toujours fait au lieu de faire toutes ces conneries. Pour des broutilles en plus.

Et vous voulez être un porte-parole contre ça, ou retrouver tranquillement votre place en tribune ? Je veux juste retrouver ma place, mes copains, l’ambiance qu’il y avait avant. Pour ça, il faut que le Racing arrive à sortir tous ces individus qui n’ont rien à faire là des tribunes.

Le RC Lens de son côté, nous a confirmé jeudi avoir déposé plainte contre X à la suite de cette agression.