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·29 décembre 2024

Une sélection basque aux allures de résistants cramponnés

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Après une première période riche de succès, le football basque va connaître un premier coup d’arrêt suite aux déboires politiques de l’Espagne dans les années 1930. Il va devoir combattre pour survivre, mais aussi servir d’acteur à la résistance basque face au régime répressif du général Franco. Lumière sur une période sombre mais fondatrice des succès du football basque, autour d’une sélection atypique.

Fort de ses victoires du début du XXème siècle et de son influence grandissante en Espagne, le football basque va subir de plein fouet la guerre civile dans laquelle le pays va plonger à l’été 1936. Le 17 juillet, un coup d’Etat orchestré par une partie de l’armée et plusieurs généraux nationalistes, dont le général Franco, éclate dans le but de renverser le Frente Popular (le Front Populaire espagnol), en place au pouvoir. Suite à l’échec de ce coup d’Etat, l’Espagne plonge dans la guerre civile et le chaos. Le football devient alors vite accessoire. Les compétitions sont arrêtés en octobre 1936, les footballeurs espagnols se retrouvent sans emploi, les clubs étant placés sous surveillance et contrôlés.


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Certains joueurs paient même les conséquences directes de la guerre. Zamora, gardien superstar de la Roja et du Real Madrid (alors renommé FC Madrid en raison de l’abolition de la monarchie), est soupçonné de soutenir le coup d’Etat et se retrouve emprisonné par le gouvernement espagnol. Mais Zamora réussit finalement à s’évader et fuit le pays. Dans son sillage, beaucoup de joueurs décident alors de quitter le championnat espagnol. Nombres d’entre eux émigrent vers la France, du fait de sa proximité, faisant le bonheur des clubs français tels que les Girondins de Bordeaux. D’autres continuent à faire vivre le football régional, aidés par les communautés autonomes. Des compétitions voient le jour mais ne durent jamais très longtemps, à l’image de la Ligue méditerranéenne (ou la « Coupe de l’Espagne Libre ») interrompue suite au désistement des clubs catalans.

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Santiago Urtizberea, attaquant phare dit « Le Tank », est transféré de la Real Sociedad de Fútbol aux naissants Girondins de Bordeaux.

Résistance et tentative de survie

Les clubs espagnols tentent de survivre tant bien que mal, mais les temps sont durs. Le Real Madrid est mis en sourdine, tandis que le FC Barcelone tente de sauver ses finances en partant en tournée en Amérique du Sud – dont il reviendra dépouillé de ses joueurs. Les clubs basques ne sont pas épargnés par cette tutelle. Il ne reste bientôt plus que les matchs entre équipes locales, sans réelle compétitivité. Exit aussi la sélection nationale ? Pas totalement. Dès 1937, le gouvernement révolutionnaire franquiste crée une sélection espagnole « nationaliste » pour un match « amical » (et hautement diplomatique) contre le Portugal. Malgré une longue préparation de 2 mois, les Espagnols sont défaits 2 buts à 1. Cette rencontre marque également la contestation de trois défenseurs portugais, qui refusent d’effectuer le salut franquiste.

Les joueurs basques sont, bien entendu, absents de cette sélection (ont-ils seulement envie d’en faire partie ?). José Antonio Aguirre, figure de proue du Parti Nationaliste Basque, est en ce temps l’un des principaux acteurs de la résistance face au régime nationaliste. Il participe à l’exil de milliers d’enfants vers les pays voisins, les aidant à fuir la guerre. Au niveau du carré vert, il envoie sa riposte par la renaissance d’une sélection basque en 1937. Il met sur pieds une équipe de 19 vaillants basques, qui partent en tournée dans toute l’Europe. Politiquement, ce voyage permet aux Basques de dénoncer les débordements du régime franquiste hors des frontières espagnoles. Il permet aussi de récolter des fonds alimentant la résistance basque.

Une tournée européenne victorieuse

A la tête de cette équipe, le Basque Pedro Vallana, vainqueur de la Coupe d’Espagne avec l’Arenas de Getxo en 1919. Ancien défenseur, mais aussi arbitre, Vallana a la réputation d’être dur et discipliné avec ses paires. Il représente à merveille l’esprit combattant des Basques. Sans réelle date de retour ni avenir à long terme, cette sélection démarre sa tournée européenne par la France. Ils battent le Racing de Paris sur le score de 3 à 0, sous les yeux de Léon Blum, tête du Front Populaire français. La tournée française est une réussite et participe au succès naissant de la sélection basque. Les joueurs basques prennent ensuite la direction de la Pologne, puis de l’Union Soviétique à l’été 1937.

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La sélection basque en 1937, à Paris.

« La belle équipe basque espagnole qui est, à un joueur près, une véritable équipe nationale a joué, et gagné, lundi au Parc des Princes, où elle a battu le Racing par 3 buts à 0. » publia le journal le Miroir des Sports.

A cette époque, le dirigeant russe Staline est à un tournant décisif de son pouvoir. L’URSS veut démontrer la puissance de son régime par le terrain. Et montrer sa suprématie face à l’Occident. Les Basques sont, malgré tout, accueillis très chaleureusement par les Soviétiques, eux qui sont perçus comme des Républicains. Ils représentent également une référence au niveau européen et un bon test pour mesurer le réel niveau du football soviétique. A tel point que les Soviétiques se demandent si cette invitation est réellement une bonne idée. Les résultats confortent leur peur du ridicule. Sept victoires en neuf rencontres pour les Basques, face aux références de l’Est incarnées notamment par le Dynamo Kiev et le Lokomotiv Moscou. Le succès sportif de cette tournée est total pour des Basques qui suscitent un intérêt grandissant et jouent souvent dans des stades pleins à craquer.

Chute de la Ceinture de Fer et pressions politiques

La guerre prend malheureusement un tournant destructeur pour le Pays Basque, avec notamment le massacre de Guernica. Le système de défense, la « Ceinture de Fer », de Bilbao tombe le 19 juin 1937. La résistance cède également et les joueurs basques encaissent le coup. Les pays européens apprennent la nouvelle et décident de soutenir le nouveau régime espagnol. La peur grandit au sein des joueurs basques qui décident donc de rester plus longtemps que prévu en Union Soviétique. Le Mexique propose alors d’accueillir la sélection pour une nouvelle tournée. Les joueurs sont effrayés par la perspective d’un possible voyage sans retour, mais se résolvent à partir.

Nouvel accueil survolté, les Basques sont un adversaire convoité. Sans surprise, ils remportent tous leurs matchs face aux équipes mexicaines. Les meilleurs clubs argentins veulent alors également se frotter aux valeureux Basques, qui acceptent l’offre. Mais le voyage en Amérique du Sud ne se déroulera pas comme les précédents. Le nouveau régime espagnol fait pression sur l’Argentine et les instances du football. La sélection basque est menacée d’exclusion par la FIFA si elle continue sa tournée. Dans la foulée, le mythique entraîneur Vallana démissionne et part s’exiler en Uruguay, non sans vagues. Le départ du sélectionneur marque la fin de cette funeste tournée argentine.

Le Mexique, une terre promise

Retour au pays des aztèques, après quelques rencontres à Cuba et au Chili. Toujours aussi soutenus, les Basques trouvent une terre d’accueil. Sous l’impulsion d’un homme d’affaires basque exilé sur les terres mexicaines, Ángel Urraza, la sélection basque obtient le droit de participer au Championnat mexicain en 1938/1939. Le Club Deportivo Euzkadi voit le jour, et rejoint d’autres équipes mexicaines, comme le Club de Fútbol Asturias ou encore le Club España, aux origines espagnoles. En ce temps amateur, le Championnat mexicain possède néanmoins de grandes équipes telles que le légendaire Club América ou Nexaca. Le CD Euzkadi part favori de cette édition mais échoue dans la quête du titre à la dernière journée, finissant deuxième. Cela sera son unique saison dans le championnat et la dernière apparition de cette équipe.

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Le légendaire CD Euzkadi, éphémère participant du championnat mexicain.

Un choix s’impose alors aux joueurs basques : rentrer au pays ou prendre l’opportunité de démarrer une nouvelle vie en Amérique. Beaucoup d’entre eux décidèrent de continuer leurs carrières en Argentine ou au Mexique, notamment au CF Asturias et au Real Club España. D’autres arrêtèrent leurs carrières. Enfin, certains joueurs décidèrent finalement de revenir en Espagne, et occupèrent des postes d’entraîneur au Pays Basque. Mais certains joueurs basques tisseront désormais un lien spécial avec le Mexique. Leur présence permettra de développer le football dans le pays.

Le général Franco interdit la sélection basque peu de temps après et réprimanda sévèrement tout rapport à quelconque identité régionale ou non-espagnole, faisant désormais place à une unique Roja dès la fin de la guerre d’Espagne en 1939. Au cours des années de guerre civile, cette sélection basque porta fièrement les valeurs républicaines chères à leur région. Combattants de la liberté et symboles d’un Pays Basque courageux, ces hommes posèrent la genèse du succès des clubs, et plus globalement des joueurs basques.

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