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Erwann Simon·7 juin 2021
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Erwann Simon·7 juin 2021
Club amateur exclusivement féminin mais aussi association militante, Les Dégommeuses jouent des coudes sur le terrain et en dehors afin de promouvoir et défendre le football féminin, mais aussi de lutter contre le sexisme et l’homophobie dans le sport. Rencontre avec Veronica Noseda, cofondatrice de l’association.
C’est une équipe qui s’est constituée de manière totalement informelle en 2010, et montée en association en 2012 autour de la passion du football. Passion contrariée par le fait que le sport n’accueillait pas toujours à bras ouverts les jeunes filles et les femmes, particulièrement les femmes lesbiennes qui forment la majorité de l’équipe, avec un look assez visible, qui ne correspond pas forcément aux standards de la féminité. Le volet militant du club s’est naturellement greffé au plaisir du jeu, car le football, par son aspect universel, est un formidable vecteur de de rencontres et de débats.
Nous intervenons dans des écoles, où nous animons des ateliers sur les questions d’égalité garçon-fille dans le sport. Des questions qui commencent très tôt car si l’on regarde la cour de récré d’une école, le terrain de foot investi par les garçons est souvent au centre et les filles un peu « mises à la marge », les différences de genre s’établissent donc très tôt. Nous faisons des exercices, des jeux, des quizzes, etc. pour déconstruire les stéréotypes. Nous menons aussi des actions plus précises sur le thème de l’homophobie dans le sport, avec des rencontres, des discussions, des projections de films, etc.
Si on parle du très haut niveau, la première joueuse en activité à avoir fait son coming-out est Pauline Peyraud-Magnin en octobre 2020, alors que dans d’autres pays, des stars s’affichent depuis longtemps – on pense évidemment à Megan Rapinoe mais c’est loin d’être la seule, la parole est plus libre en Suède, en Allemagne, en Suisse… En France le tabou de l’homosexualité est très présent et les institutions sont très frileuses à l’idée aborder ce sujet. À l’étranger, les joueuses ont expliqué comment avoir leur club qui les soutient leur a permis de laisser passer cette annonce comme une lettre à la poste.
Au niveau fédéral, pendant vingt ans, leur idée a surtout été de casser le stéréotype « footballeuse = lesbienne » qui pouvait exister. En martelant qu’elles étaient des femmes avant tout, qu’on pouvait être féminine sur un terrain… on en a effacé les lesbiennes. Culturellement, je pense qu’il y a aussi un discours républicain qui tend à masquer autant que possible les spécificités de chacun. C’est compliqué d’être « Français et noir », « Française et lesbienne », etc. donc footballeuse en plus…
Oui, malgré les difficultés, sur un plan plus global, ça reste plus facile de s’assumer pour une femme que pour un homme ! Le football masculin possède des valeurs très liées à la masculinité et la virilité. Ouissem Belgacem (ancien pensionnaire du centre de formation de Toulouse, auteur de « Adieu ma honte ») explique notamment que la pression venait du fait d’évoluer dans un espace où l’on se moque de tout ce qui peut être lié à la féminité en général, et c’est le cas de l’homosexualité. C’est donc le lien entre homophobie et sexisme qui est mis en lumière.
La trajectoire de Pauline Peyraud-Magnin est un bel exemple : elle n’a pas fait un coming-out à proprement parler, mais a simplement posté des photos sur Instagram avec sa copine, comme n’importe quelle jeune de son âge. Dans le passé, le coming-out était une étape fondamentale dans un parcours de vie. Il y avait quelque chose de dramatique et de pesant dans cette annonce. Aujourd’hui, un jeune de vingt ans peut entrer dans le monde du sport en étant déjà convaincu de son homosexualité, et avancer et s’assumer de manière naturelle. Le public et les marques ont de l’intérêt pour ce genre de parcours et le soutiennent. Les choses sont en train de changer, c’est sûr.