Suwon Samsung Bluewings : du sommet à l'enfer | OneFootball

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Lucarne Opposée

·17 décembre 2023

Suwon Samsung Bluewings : du sommet à l'enfer

Image de l'article :Suwon Samsung Bluewings : du sommet à l'enfer

Samedi 2 décembre 2023. Aux alentours de 16 heures, le coup de sifflet qui retentit dans le Big Bird sonne comme un gong. Celui mettant un terme à une course vers l'inéluctable : les Suwon Bluewings sont officiellement en K League 2.

En décembre 1995, le géant de l'électronique Samsung décide de s'engager un peu plus loin dans le sport local. Déjà propriétaire des Samsung Lions, équipe de baseball basée à Daegu et évoluant dans la Korean Baseball Organisation, Samsung se lance dans le football avec les Bluewings. Pourquoi « Blue » ? Pour rappeler la couleur de la marque. Pourquoi « Wings » ? Pour atteindre les sommets. La ville d'accueil ? Suwon, au sud de Seoul, où s'est installée la division électronique de Samsung dans les années soixante. Loin d'être une création purement marketing, Samsung espère obtenir des résultats dans l'immédiat à l'image des Lions qui ont connu un succès rapide dès leur création (finaliste en 1982 puis champion trois ans plus tard). Pour se faire, Kim Ho, entraîneur de la sélection sud-coréenne au Mondial 1994, est nommé à la tête de l'équipe. S'il n'a rien gagné au niveau professionnel avec un club (son seul succès remonte à 1983 avec la Korean Semi-Professional League), Kim Ho possède une bonne connaissance des joueurs ayant évolué dans les sélections de jeune de la Corée du Sud. Il permet ainsi aux Bluewings de recruter de nombreux jeunes talents : le gardien Lee Woon-jae (présent au Mondial 94 avec Kim Ho sans expérience professionnelle), le défenseur Lee Ki-hyung, les milieux Ko Jong-soo et Lee Byung-geun ou encore l'attaquant Cho Hyun-doo. Samsung met également de l'argent sur la table pour attirer des joueurs déjà professionnels en K League comme le défenseur Yoon Seong-hyo (Daewoo), le milieu Kim Dong-hae (LG Cheetahs) ou bien l'attaquant Lee Kwang-jong (Yukong Elephants) ainsi que des étrangers comme le Roumain Pavel Badea ou le Russe Denis Laktionov, entre autres. Kim Ho fait également revenir aux affaires Park Kun-ha qui évoluait alors au niveau semi-professionnel.


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L'équipe construite avec un mélange de jeunes talents et d'expérience, il ne manquait qu'un rival pour débuter l'aventure. Les Bluewinsg héritent alors d'un coup de pouce de la K League. L'année 1996 marque en effet un important changement dans le paysage du football coréen. Cette année-là les dirigeants de la K League mènent une politique de décentralisation. Ils souhaitent voir les équipes de football s'implanter dans les régions sud-coréennes plutôt que dans la capitale du pays, forçant (par avis d'expulsion) ainsi trois équipes à quitter Seoul : Ilhwa Chunma (aujourd'hui Seongnam FC), Yukong Elephants (aujourd'hui Jeju United) et LG Cheetahs (aujourd'hui FC Seoul). Néanmoins, une promesse est faite à ces trois équipes : si un stade de football est construit dans Seoul, l'une des trois pourra revenir s'installer dans la métropole. Les LG Cheetahs se déplacent donc de seulement vingt-et-un kilomètres au sud de la capitale, dans la ville de Anyang. Celle-ci est également voisine de Suwon (à seulement dix-neuf kilomètres au sud) avec qui elle est reliée par la National Route 1 qui traverse la colline Jijidae. Il n'en faut pas plus pour faire naître le Jijidae Derby entre les deux villes.

Pour leurs débuts, les Suwon Bluewings réalisent un exercice 1996 plus que satisfaisant. Outre le fait qu'ils prennent le meilleur sur les Anyang LG Cheetahs, les Bluewings remportent la phase deux du championnat et donc une finale face à Ulsan pour désigner le champion de Corée du Sud 1996. Malheureusement, Suwon s'incline face aux Tigres malgré le gain du premier match à l'extérieur. Une déception qui ne masque néanmoins pas les promesses. Park Kun-ha s'est révélé dans le monde professionnel en prenant le titre du meilleur « rookie » de l'année alors que Yoon Sung-hyo et Pavel Badea sont nommés dans le XI de l'année. Surtout, Kim Ho a imprégné une idée de jeu à cette équipe avec également un choix fort pour l'époque : aligner une défense à quatre alors que la défense à trois était largement répandue. La saison suivante, l'apprentissage est un peu plus dur avec une cinquième place au classement, mais avec des jeunes joueurs qui continuent d'apprendre et de progresser. En 1998, au terme de sa troisième saison, Suwon Bluewings remporte le titre. Comme un écho à 1996, la finale du championnat se joue face à Ulsan avec cette fois une victoire à la clé. Les « fils de Kim Ho » remportent ainsi leur premier trophée tandis que Ko Jong-soo est nommé meilleur joueur du championnat et Kim Ho meilleur entraîneur. Arrivé de Daewoo pour renforcer l'attaque, Saša Drakulić est inclus dans le XI de l'année avec huit buts en dix-huit rencontres. Un succès qui en annonce d'autre sous l'ère Kim Ho jusqu'en 2003.

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Une période qui voit Suwon gagner le titre de « Real Suwon » pour l'investissement massif de Samsung pour l'époque. Ainsi, le titre est conservé en 1999, s'ensuit un doublé en Asian Champions League en 2001 et 2002 avec une victoire sur Anyang lors de la seconde finale, une victoire en FA Cup en 2002, un doublé en Asian Super Cup (2001, 2002), deux Korean Super Cup (1999, 2000) et quatre Korean League Cup (1999 (x2), 2000 et 2001). Mission accomplie pour Samsung qui voulait des succès immédiats. Avec treize trophées en huit ans, les Bluewings deviennent rapidement l'un des clubs les plus titrés de Corée du Sud et d'Asie. Ses jeunes joueurs ont grandi et sont devenus des valeurs sures du continent. Mais en 2003, après une saison sans trophée, Kim Ho annonce sa retraite et laisse donc Samsung avec la lourde tâche de trouver un remplaçant.

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Photo : Chung Sung-Jun/Getty Images

Cha Bum-keun et le début du déclin

Samsung décide d'opérer comme en 1995 et de prendre un nom bien connu du public sud-coréen. C'est en effet la légende Cha Bum-keun qui prend les commandes de l'équipe. Tout comme Kim Ho, Cha Bum-keun a entraîné la sélection sud-coréenne lors du Mondial 1998 mais a connu un succès en club avec une League Cup remportée en 1993 avec Ulsan. Cha Bum-keun prend néanmoins un tournant par rapport à Kim Ho et change le visage des Bluewings. Le jeu est moins séduisant avec une touche de physique plus prononcée. Si ça ne plait pas aux supporters, ça reste efficace parce que les Bluewings renouent avec le succès en K League. Cha Bum-keun a pu s'appuyer sur les « fils de Kim Ho » pour bâtir son succès et également sur des recrues estampillées « Real Suwon » comme le Brésilien Nadson (arrivé en 2003), Kim Dae-hui ou encore l'Argentin Javier Martín Musa. Mais le passage à la tête des Bluewings de Cha Bum-keun n'est qu'une succession de haut et de bas.

En 2005, l'équipe n'avance plus malgré le titre en K League Cup et en A3 Champions League (compétition organisée entre 2003 et 2007 et opposant les champions de Chine, du Japon et de Corée du Sud ainsi qu'une équipe invitée du pays hôte). En championnat, le club termine à la dixième place, pire classement de son histoire. En 2006, la première partie de saison est mauvaise et Cha Bum-keun se retrouve sous pression. Les supporters l’exhortent à démissionner, ce qu'il refuse de faire. Toutefois, lui et les Bluewings se reprennent lors de la seconde partie de saison, remportent la phase retour et se qualifient pour les play-offs. Après une victoire sur Pohang Steelers, Suwon échoue en finale face à Seongnam. Pas de second titre, mais un bol d'air pour Cha Bum-keun à la tête de son équipe. Il faut néanmoins attendre 2008 pour que Suwon renoue avec le succès dans ce qui est très certainement la meilleure année de Cha Bum-keun en tant qu'entraîneur. Vainqueur du championnat, il établit le record de l'époque du nombre de matchs consécutifs sans défaite (treize) et du nombre de victoires consécutives (onze). Le club remporte par la même occasion la K League Cup. Mais de nouveau, la saison suivante est loin des espérances. Le club remporte certes la FA Cup mais la situation en interne n'est pas positive. Cha Bum-keun entre en conflit avec certains joueurs et cela se ressent sur le terrain. Les supporters perdent patience, n'hésitant pas à siffler leur équipe. La situation ne s'améliore pas en 2010 et à mi-saison, Cha Bum-keun annonce sa démission. Dans le même temps l'investissement de Samsung dans son équipe commence à diminuer, mettant à mal le « Real Suwon ». Dans un premier temps à cause de la crise financière de 2008 et dans un second temps parce que le club n'obtenait plus les résultats escomptés au regard du coût engendré. Les Bluewings perdent ainsi progressivement leur avance face à leur concurrent sur le plan budgétaire avec la volonté de passer d'une équipe qui gagne grâce à son budget à une équipe qui gagne son propre budget par ses résultats.

Quoi qu'il en soit, en 2010 la direction doit donc se mettre en quête d'un nouvel entraîneur et décide de placer sa confiance en Yoon Sung-hyo, ancien joueur de la maison. S'il remporte la FA Cup en 2010, il ne parvient pas à remettre les Bluewings tout en haut du classement en championnat. Après deux saisons au club, il n'est pas reconduit dans ses fonctions. Dans le même temps, Samsung commence à diminuer son implication dans le club. En 2013, un autre ancien du glorieux passé du club est appelé sur le banc en la personne de Seo Jung-won qui avait un profil similaire à Kim Ho et Cha Bum-keun puisqu'il avait fait ses premières armes en tant qu'assistant avec la sélection. Sa première saison n'est pas une franche réussite, malgré le recrutement couteux réalisé par Samsung pour lancer cette nouvelle ère : l'attaquant nord-coréen Jeong Tae-se (Cologne), le latéral Hong Chul (Seongnam) et le milieu brésilien, Junior.

Le désengagement de Samsung et la lente chute

Alors que la saison 2014 est sur le point de débuter, Samsung prend une décision qui ne laisse plus le moindre doute sur ses intentions : l'intégralité des droits de ses équipes sportives (baseball et basket inclus) est cédée à Cheil Worldwide, filiale marketing de Samsung n'ayant pas la même puissance financière. Néanmoins, les saisons 2014 et 2015 sont encourageantes pour les Bluewings puisqu'ils terminent deux années de suite à la seconde place du classement derrière l'intouchable Jeonbuk. Mais en 2016, Samsung tente une nouvelle fois de se débarrasser de ses équipes sportives en tentant de vendre Cheil Worldwide, sans succès. Les choses sont désormais claires : le soutien financier n'évoluera plus à la hausse. Uniquement à la baisse si besoin. Seo Jung-won doit donc faire avec ce qu'il a et en 2016, le club chute au classement. Le club se transforme progressivement en équipe de coupe et remporte de nouveau la FA Cup. Un moindre mal. La troisième place décrochée en 2017 par Suwon est finalement le dernier coup d'éclat du club en K League. Comme un chant du cygne avant de se faire couper les ailes. Les saisons qui suivent se ressemblent. Le jeu se délite, le recrutement n'apporte aucune amélioration de l'équipe malgré le passage de joueurs talentueux comme Jonathan ou Adam Taggart. Ces derniers se retrouvent bien seuls dans l'effectif des Bluewings. Après le départ de Seo Jung-won en 2018, les entraîneurs s'enchainent sur le banc et aucun ne fera mieux que sixième au classement. Seul Lee Lim-saeng décroche une nouvelle FA Cup, la cinquième, en 2019.

Un record qui ne satisfait pas les supporters qui en demandent plus. Incapable de se renforcer pour suivre la cadence de ses concurrents (entre 2013 et 2023, le budget des Bluewings est resté le même passant ainsi du haut du classement aux dernières places) et des choix douteux pour le poste d'entraîneurs ont donc conduit Suwon à reculer années après années au classement pour finalement atteindre le point de non-retour : la dernière place et la relégation directe en K League 2 en 2023. Yeom Gi-hoon, dernier illustre ancien en date à occuper le poste d'entraîneur, n'a pas caché sa rancœur vis à vis de Samsung : « Par rapport à mon arrivée, il y a une grande différence dans la qualité des équipes. Nous ne dépensons pas autant d'argent qu'à l'époque. Les joueurs que nous avons aujourd'hui ont fait leur part, mais je pense que cela nous aurait aidé si nous avions eu plus de joueurs talentueux sous la main ».

La question se pose désormais de l'avenir des Bluewings sous Samsung. L'ensemble des équipes de la marque sont en délicatesse sportivement depuis que l'apport financier n'est plus à la hauteur. Le cercle vicieux est enclenché et la crainte monte dans les rangs des supporters qui ne cachent pas qu'une vente serait préférable puisque Samsung n'a plus aucun intérêt désormais de détenir ses équipes. Le cas des Bluewings ressemble étrangement à celui de Seongnam, autre géant du football sud-coréen qui a connu pareille mésaventure à savoir une vente du club et une lente chute par manque de moyens.

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