« Sans culture, aucune révolution ne peut réussir » : sortie de « Contre-Culture » des Ultras Sfaxiens | OneFootball

« Sans culture, aucune révolution ne peut réussir » : sortie de « Contre-Culture » des Ultras Sfaxiens | OneFootball

Icon: La Grinta

La Grinta

·3 août 2021

« Sans culture, aucune révolution ne peut réussir » : sortie de « Contre-Culture » des Ultras Sfaxiens

Image de l'article :« Sans culture, aucune révolution ne peut réussir » : sortie de « Contre-Culture » des Ultras Sfaxiens

Le groupe de supporters tunisien Ultras Sfaxiens, connu pour sa créativité et ses talents artistiques, vient de sortir un court-métrage poétique sur la culture ultra et la situation à Sfax. Intitulé « Contre-Culture », le film interpelle tant par son esthétisme que par son propos. Il apparait comme une production essentielle s’inscrivant dans un mouvement culturel plus large, qui tend à l’évolution des consciences, au changement sociétal, et à la révolution.

Filmé en noir et blanc (dans un pur style ultras sfaxiens), le court-métrage « Contre-Culture » peut être perçu sombre et déclamant « No Future », comme plein d’espoirs et tourné vers l’avenir. Dans le communiqué de presse, le groupe le présente ainsi :  » Contre-culture est un film alternatif qui présente des tranches de la vie et de la culture des Ultras Sfaxiens en 4 actes principaux. Contrairement au premier degré des films et des spectacles grand public orientés consommation, « Contre-culture » a besoin de temps pour être vu et apprécié, il nécessite réflexion, analyse et lecture approfondie. C’est une déclaration, debout face au mainstream et à la culture de consommation ». Et c’est vrai, on pourrait discuter longuement du film, qui pose le cadre des Ultras dans la Révolution et amorce une réflexion cruciale sur l’importance d’une prise de conscience éclairée de la société civile. Le groupe a accepté de répondre à nos questions sur la réalisation du film.


Vidéos OneFootball


Bonjour et merci d’accepter de répondre à nos questions. On a regardé plusieurs fois « Contre-Culture ». Comment est venue l’idée de faire ce film ?

L’idée existe depuis des années, nous avons des membres cinéastes professionnels, des graphistes, des artistes visuels … Nous avions juste besoin de temps pour nous regrouper et produire un produit visuel pour le groupe, nous avions aussi besoin de bonnes circonstances et de la maturité artistique de ces membres pour aborder le film sous le bon angle, évitant tous les visuels consommables et répétitifs habituellement associés au mouvement ultra. Ce n’est pas le seul projet de film Ultras Sfaxiens, nous avons un autre court métrage dédié au cinéma et aux festivals. Le casting et le groupe sont ultras, le réalisateur et le directeur de la photographie sont tous deux des ultras de longue date, le film devrait être projeté cette année dans les festivals. L’idée ici est de faire une déclaration, le fait que des ultras puissent faire un film et être sélectionnés dans des festivals de cinéma et, espérons-le, gagner des prix, est un énorme doigt au système, une validation du niveau culturel et artistique du groupe et surtout quelque chose d’unique qu’aucun groupe ultra n’a fait auparavant. Et d’autres produits audiovisuels sont prêts et planifiés pour être partagés. C’est un gros projet culturel et artistique que nous avons lancé il y a quelques temps, partant de nos nouveaux visuels muraux avec notre motif typographique dans le film et dans nos produits audiovisuels. C’est un projet artistique entier et pas juste une vidéo partagée sur YouTube.

Qu’avez-vous voulu dénoncer dans le film ?

La culture mainstream, la société de consommation, le mauvais goût et les clichés des produits audio-visuels communs. Et ce que le système veut que nous soyons, nous montre et nous fait consommer. Le système est dangereux et notre pire ennemi, on ne veut pas seulement dénoncer et dire « nous sommes anti-système », mais proposer une voix qui nous l’espérons peut avoir un impact, changer les réflexions et les idées des gens.

Le son et la musique sont également très beaux. Qui a composé la musique ? Dans quelle mesure peut-on dire que c’est une création Ultras Sfaxiens, donc une création collective, celle d’un groupe (quand l’art est souvent attribué à un artiste) ? En tout cas le collectif est très mis en valeur.

Le fait qu’il y ait de réels artistes dans le groupe n’est pas un secret à ce stade. Deux membres de longue date ont co-dirigé le film. On a aussi un groupe et un atelier de membres graphistes pour imaginer les drapeaux, le design et la conception des muraux. De plus, les acteurs et le groupe sont tous des membres ultras, comme les personnes qui ont travaillé sur le plateau, préparé les emplacements. Pour être complètement honnête avec vous, les compositeurs pour la musique ne sont pas des ultras, mais ils ont adhéré au projet et nous ont aidés. C’est assez commun même dans nos chansons, nous allons en studio pour faire les albums musicaux, ce n’est pas un secret. Dans le monde des ultras, c’est assez courant, quand on n’a pas forcément les connaissances ou les capacités techniques pour enregistrer une chanson avec la qualité requise.

Notre objectif est maintenant de sensibiliser afin que nous puissions, espérons-le, mener une révolution culturelle. Sans culture aucune révolution ne pourrait réussir, et c’est notre projet.

Vous évoquez l’atmosphère déprimante en Tunisie sur les réseaux sociaux au lancement de Contre-Culture. On ne se rend pas tellement compte de la situation depuis la France. Pourriez-vous revenir dessus ? Les Ultras Sfaxiens sont-ils nés dans cette situation ?

La corruption est associée à la Tunisie depuis des lustres maintenant, nous l’avons dit avant et nous le disons maintenant, la révolution de 2011 n’a pas tellement changé le système. Parfois, nous pensons que les choses sont pires qu’avant la révolution. Les Ultra Sfaxiens sont nés en 2007, nous avons vécu un enfer de 4 ans avant la révolution, et nous souffrons toujours de la situation, des difficultés économiques, de mauvais transports, des infrastructures, un horrible système de santé et d’éducation. Le chômage et le manque d’opportunités. La plupart d’entre nous veulent partir et continuer leur vie ailleurs. La dernière partie du film sont des visuels sur ce thème, notre objectif est maintenant de sensibiliser afin que nous puissions, espérons-le, mener une révolution culturelle. Sans culture aucune révolution ne pourrait réussir, et c’est notre projet.

La mer est très présente dans le film. Que représente la mer ? Est-ce qu’il y a une symbolique particulière ?

Sfax et la mer, son histoire s’étend sur des siècles. Les envahisseurs sont venus à Sfax par la mer, des Vandales (ndt : peuple venant d’Europe centrale connu pour avoir pillé les régions colonisées) aux Français. Sfax est célèbre pour son industrie de la pêche. Nous avons l’un des ports les plus grands et les plus importants. La mer est un immense symbole culturel à Sfax. Cependant, l’industrie l’a polluée et les gens ne peuvent même plus y nager. Il y a également eu des discussions sur les énormes projets commerciaux et touristiques liés à notre côte depuis plus de 20 ans, et rien ne s’est passé jusqu’à maintenant. Les oliviers et l’huile d’olive sont tous deux importants pour la ville, économiquement et surtout culturellement. L’olivier est clairement le symbole de la ville, et l’huile d’olive est notre plus gros produit.

La situation évoquée par le film est-elle triste, ou au contraire pleine d’espoir ?

Je ne suis pas sûr, nous y mettons simplement nos sentiments, il s’agit essentiellement de résistance et de riposte. Surtout une déclaration.

Le film serait-il quelque part, une déclaration d’amour à la culture ultra, qui a permis cet espace d’expression, ou les US07 font vivre cette contre-culture ?

Je pense qu’il est évident maintenant, que nous adorons la culture ultra, l’underground, l’alternative. C’est notre zone de confort, notre plateforme, c’est ainsi que nous communiquons avec le monde et que nous nous exprimons. Le film parle de ça. Une lettre d’amour, une déclaration, c’est nous, les Ultras Sfaxiens 2007.

Dans le graphisme actuel des US on retrouve souvent ces tracés labyrinthiques extrêmement esthétiques et expressifs. Ils sont mis en valeur dans le film, on les voit sur de nombreux drapeaux recouvrant les murs, ou directement sur les murs. Sont-ils présents à Sfax ? Ou ailleurs ?

Nous les avons conçus spécifiquement pour le film, et nous les avons réalisés dans certains lieux importants de la ville, comme l’ancien bâtiment du Club Sportif Sfaxien, dans un authentique moulin à huile d’olive ou dans la médina de Sfax. Le motif dit Ultras en arabe dans une typo spécifique que nous avons faite pour le film. De plus, la même typo et le même mot peuvent être vus dans la parka que les personnages portent dans les plans du film.

Thanks to you from the US07.

À propos de Publisher