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·23 mai 2020

Quand le soccer ambiançait la grosse pomme

Image de l'article :Quand le soccer ambiançait la grosse pomme

Une ville de légende, Pelé et Beckenbauer sous le même maillot, un pays à la culture foot sous-développée et deux des plus grandes compagnies mondiales de l’industrie du spectacle pour financer. Tout ça dans un même club. Impossible ? Pas au New York Cosmos.

Finale de la coupe du monde 1966. L’Angleterre terrasse l’Allemagne sur ses terres et obtient le premier, et unique à ce jour, titre mondial de son histoire. Si les USA n’avait aucun championnat professionnel du « sport préféré du reste du monde », le titre mondial de leurs anciens colons génèrent la création de deux ligues pros en 1967: la United Soccer Association et la National Professional Soccer League. Ces deux dernières fusionnent en 1968 pour donner la North American Soccer League (NASL). Les débuts sont laborieux. Les quatre ligues pros de sports US ne leur laissent que peu d’espace médiatique, les joueurs recrutés ne sont que des seconds couteaux et les financements sont trop faibles. Les franchises font faillite les unes après les autres. Seulement cinq sur les dix-sept d’origine survivent aux années 1968 et 1969.


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C’est alors qu’en 1971, surgissent quatre personnages qui vont changer la donne en installant une franchise dans la ville la plus visible des Etats-Unis : New York. Les deux premiers sont deux frères : Nesuhi et Ahmet Ertegun. D’origine turque, ils sont devenus célèbres dans le monde de la musique en dirigeant la célèbre maison de disques Atlantic Records qui produit des légendes de RnB et de la soul telles que Ray Charles, Aretha Franklin ou Percy Sledge, mais aussi des rockers comme Led Zeppelin ou ACDC. Le troisième larron s’appelle Steve Ross et est le PDG de la société de production cinématographique Warner Bros qui a sorti des films légendaires comme Autant en emporte le vent. Le quatrième est à la fois le moins célèbre et le seul non-américain. C’est un journaliste sportif britannique originaire de Plymouth dénommé Clive Toye. S’il n’a évidemment pas le dixième de la puissance financière de ses compères d’aventure, il est pourtant indispensable parce qu’étant le seul à avoir une connaissance correcte du football. Il occupera une fonction équivalente à celle de directeur sportif.

Pour démarrer, Toye recrute dans les ligues locales américaines. Les salaires sont tous les mêmes. Et pour la fonction d’entraîneur-joueur, il fait confiance à Gordon Bradley, un Anglais originaire de Sunderland (son club formateur) qui bourlingue depuis plusieurs années dans des ligues semi-professionnelles nord-américaines. Malgré des bailleurs de fonds monstrueusement riches, l’organisation est du niveau d’un club français de l’actuel national 1 et les affluences sont maigres, surtout dans l’énorme Yankee stadium (50000 places) où le club a élu domicile. Mais le train est lancé et le Cosmos atteint les demi-finales de playoffs dès sa première saison.

Pour la saison 1972 (la NASL base ses saisons sur les années civiles), le club déménage à l’Hostra stadium dont les dimensions beaucoup plus modestes (12000 places) sont plus adaptées à ses affluences du moment et gagne son premier titre en NASL en battant les Saint Louis Stars 2-1 en finale devant seulement… 7000 spectateurs.

Lors de la saison 1973, le club atteint à nouveau les demi-finales de playoffs et déménage pour la saison 1974 vers le Downing stadium et ses 22000 places…pour finir la saison bon dernier de sa conférence. En sus Randy Horton, meilleur buteur de chacune des quatre premières saisons, quitte le club pour les Washington Diplomats.

À ce stade, le club semble dans une impasse. Certes la structure est en place et fonctionne et hormis la dernière saison, les résultats sportifs sont relativement corrects. Mais les affluences et l’engouement sont toujours au point mort, et il faut souvent compter sur des billets offerts à leurs clients par les sponsors du club pour attirer du public.

Et le Roi arriva…

Les versions divergent sur l’arrivée de Pelé en terres new-yorkaises. Certains pensent que le projet était pensé autour de lui dès le départ. En témoignent le blanc du maillot (comme le FC Santos) et le logo vert et or (comme le Brésil). D’autres estiment que les dirigeants eurent cette idée pour frapper un grand coup voyant que l’engouement peinait à prendre. Steve Ross aurait alors demandé qui était le meilleur joueur du monde, et Toye aurait répondu Pelé. Un roi du football qui acceptera de venir tout en ne faisant que peu mystère de ses motivations mercantiles dues à des comptes en banque un peu vides. Pour lui faire bénéficier d’un taux d’imposition plus favorable, les frères Ertegun iront même jusqu’à lui faire signer un contrat fictif d’artiste interprète chez Atlantic Records. Et Pelé gagnera autant en trois ans à Big Apple qu’en presque vingt à Santos.

Évidemment l’arrivée du plus grand joueur de l’histoire dans un effectif ayant à peine le niveau professionnel déclenche des passions. Le gardien de but Shep Messing avouera ainsi que les autres joueurs prenaient des photos avec Pelé tels des joueurs de niveau régional qui affronteraient des internationaux en Coupe de France. Le 15 juin 1975, la chaîne CBS retransmet le premier match de Pelé face au Dallas Tornado tout en étant obligé de rappeler qu’il a gagné trois Coupes du monde. Le scénario du match va d’ailleurs mettre le Brésilien en vedette. Alors que Dallas mène 2-0, le roi débloque la situation d’une passe décisive et d’un but de la tête.

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L’arrivée de Pelé donne un énorme coup de booster médiatique au Cosmos, et à la NASL dans son ensemble. Alors que les saisons précédentes, les clubs étaient obligés de distribuer des billets gratuits pour avoir du monde sur certaines affiches, de nombreux matchs voient l’affluence augmenter. Et les chaînes de télé commencent à retransmettre du soccer en direct. Certes, l’engouement est loin de celui pour les quatre sports collectifs majeurs aux Etats-Unis. Mais O Rei permet clairement au foot de passer un palier.

Sportivement, la première saison du Brésilien se solde par une troisième place de conférence qui empêche le Cosmos de jouer les playoffs. Pour la saison suivante, les dirigeants recrutent Giorgio Chinaglia à la Lazio. International italien et valeur sûre du calcio (il compte près de 100 buts en plus de 200 matchs chez les Laziali), il n’est pas en préretraite comme Pelé puisqu’il a 29 ans à son arrivée. Signe de la popularité grandissante du soccer aux Etats-Unis, le Cosmos retourne au Yankee stadium pour l’année 1976. Sportivement, la saison se conclut par une élimination en demi-finale de conférence.

Le sommet de la gloire

En 1977, le Cosmos déménage encore pour le Giants stadium, stade de foot à l’identité bien américaine nouvellement bâti dans le New Jersey voisin. Et surtout, après avoir bâti une belle attaque Pelé-Chinaglia, les dirigeants frappent fort sur le plan défensif en recrutant Carlos Alberto et le double ballon d’or Franz Beckenbauer, soit les deux capitaines des équipes ayant gagné les deux dernières Coupes du monde. La légende raconte que Steve Ross fit d’ailleurs un jour preuve de son énorme méconnaissance du football en s’indignant auprès de l’entraîneur que cette supposée star reste planquée à l’arrière.

Si l’équipe n’accroche que la dernière place qualificative, elle réussit parfaitement ses playoffs et gagne le titre. Établissant au passage le record d’affluence (qui tient toujours) pour un match de ligue professionnelle de soccer en Amérique du nord avec 77691 spectateurs pour la demi-finale contre les Fort Lauderdale Strikers. Pelé quitte le club sur ce trophée et prend sa retraite définitive.

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En 1978, le Cosmos conserve son titre et Chinaglia est meilleur buteur. Par ailleurs, dans le courant de l’été, Johan Cruyff dispute deux matchs d’exhibition avec les New-yorkais.

En 1979, c’est une autre star du foot européen qui vient prendre une retraite dorée au pied de la statue de la liberté puisque Johan Neeskens, lieutenant de Cruyff à l’Ajax, au Barca et en sélection néerlandaise signe au Cosmos. Le club est au sommet de sa popularité et l’affluence moyenne dépasse les 40000 spectateurs. D’ailleurs, des stars comme Mick Jagger s’invitent régulièrement dans les vestiaires du Cosmos. Mais sportivement, les club perd son titre en finale de conférence face au futur champion, les Whitecaps de Vancouver. C’est reculer pour mieux sauter puisqu’en 1980, le Cosmos remonte sur le trône. Mais en fin de saison, Carlos Alberto et Franz Beckenbauer quittent le club.

Pour la saison 1981, le club réussit à attirer l’ailier belge François Van Der Elst, double vainqueur de la coupe d’Europe des vainqueurs de coupe avec Anderlecht et finaliste de l’Euro 1980 avec les Diables Rouges. Comme Chinaglia, lui non plus n’est pas en préretraite puisqu’il a 26 ans à son arrivée. Par ailleurs, pour la première fois, le club embauche un entraîneur chevronné en la personne de l’Allemand Hennes Weisweiler, le bâtisseur du Borussia Mönchengladbach. La saison est correcte puisque le Cosmos atteint une nouvelle finale de NASL, perdu face au Chicago Sting, et Chinaglia rafle une nouvelle couronne de meilleur buteur. Néanmoins, l’absence de superstars commencent à impacter les affluences qui diminuent sensiblement.

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La chute

En 1982, Carlos Alberto revient et le Cosmos gagne son cinquième titre que Chinaglia assortit une nouvelle fois d’un trophée de meilleur buteur. Mais les affluences déclinent encore. Les dirigeants de la NASL commencent à comprendre que l’âge d’or de la fin des seventies tenait clairement de l’effet de mode et devait beaucoup trop à la présence de Pelé, un des seuls joueurs mondiaux dont l’aura dépasse le football.

Pour la saison 1983, c’est Franz Beckenbauer qui effectue son retour. Mais le club est éliminé en playoffs, même si le jeune attaquant paraguayen du Cosmos Roberto Cabanas succède à Chinaglia au palmarès des buteurs. Les affluences s’érodent encore plus. Par ailleurs, alors que le modèle économique du club est basé sur la gestion des droits d’image des joueurs par la Warner, cette dernière subit une OPA qui la contraint de vendre certaines filiales, dont le Cosmos. Le club est repris par un syndicat mené par Chinaglia mais le modèle est bancale. Et la chute de popularité et d’affluence qui frappe la NASL dans son ensemble aggrave encore le problème.

En 1984, le club est à nouveau éliminé en playoffs. C’est le chant du cygne. La NASL est clairement dépassée et le Cosmos se reconvertit dans une ligue américaine de foot en salle. C’est le dernier sursaut du condamné et le club finit par faire faillite en 1985. Chinaglia en restera la légende avec plus de 200 buts inscrits.

Ironie du sort, à peu près au même moment que le club, la NASL fera faillite aussi. Il faudra attendre le mondial 1994 et la création de la Major League Soccer en 1996 pour revoir du football professionnel en Amérique du nord. En 2010, une poignée de nostalgiques recréent le Cosmos, qui existe toujours, dans la seconde ligue américaine (qui s’appelle aussi NASL, l’élite étant en Major League Soccer) et feront notamment signer Raùl. Mais ceci est une autre histoire…

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