Pescara 2011/2012 : l’émotion pure d’une histoire d’amour unique | OneFootball

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·26 mars 2022

Pescara 2011/2012 : l’émotion pure d’une histoire d’amour unique

Image de l'article :Pescara 2011/2012 : l’émotion pure d’une histoire d’amour unique

A l’été 2011, dans les tréfonds du football professionnel italien, une équipe se met en place autour d’un coach expérimenté et de jeunes pépites en devenir. Au bord de la mer Adriatique, le Delfino Pescara 1936 espère de nouveau jouer les premières places d’un championnat dans lequel il est empêtré. Flirtant plus souvent avec la troisième division que la première, le club des Abruzzes va pourtant réaliser l’exploit d’être promu en Serie A pour la première fois depuis 1992.

Dimanche 11 juillet 2021, une nuit longue s’annonce dans les rues de Londres pour les supporters anglais ne trouvant pas le sommeil après la défaite des Three Lions face à l’Italie en finale de l’Euro. Du côté de la « Botte », évidemment, la donne est inversée et la nuit s’éternise pour fêter le titre. A Pescara, les chants sont d’abords à la gloire nationale mais certains préfèrent tirer la part belle à certaines individualités. Marco Verratti, d’abord, natif de la ville côtière ; Lorenzo Insigne et Ciro Immobile, ensuite, tous deux passés par le club local. Ils ont, ensemble, participé à la saison historique dix ans plus tôt.


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Changements estivaux

En juillet 2011, bien malin serait celui qui aurait affirmé que trois joueurs du Delfino Pescara seraient champion d’Europe avec la Nazionale. Le club sort alors d’une saison en demi-teinte comme à son habitude. Depuis 1993, les supporters n’ont plus connu l’élite, pire ils sont descendus par deux fois dans les abîmes de la Serie C. A l’aube d’une nouvelle saison qui ne s’annonce pas plus réjouissante que les précédentes, un nouvel entraîneur est démarché, Zdeněk Zeman. Bien connu en Italie, celui qui a bourlingué aux quatre coins du pays entend enfin donner une impulsion aux Delfini.

Pour espérer voir plus haut, le Tchèque mise, comme à son habitude, sur un football offensif. Lors de sa première prise de parole dans son nouveau club, il déclare : « Je hais les 1-0. Je préfère marquer un, deux ou trois buts, pourvu que ça soit plus que l’adversaire ». Cette philosophie va rester intacte durant toute la saison et lorsque quelques obstacles viennent barrer la route, ils sont surmontés par la force de frappe du club.

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« Petit Hibou », « nouveau Pirlo » ou « l’enfant prodige », Verratti collectionne les surnoms et les passes clés

Pour marquer plus de buts que l’adversaire comme l’imagine Zdeněk Zeman, Pescara va alors compter sur un effectif résolument offensif, quitte à laisser quelques espaces dans le dos. Deux attaquants arrivent au club sous forme de prêt, Lorenzo Insigne en provenance du Napoli et Ciro Immobile en manque de temps de jeu à la Juventus. Âgés de, respectivement, 20 et 22 ans, ils vont affoler les compteurs en Serie B afin d’être davantage considérés par leurs clubs formateurs. A leurs côtés, sur l’aile droite, Marco Sansovini est le troisième attaquant du 4-3-3 de Zeman. Derrière, il y a également l’autre Marco. S’il porte désormais l’équipe nationale italienne, Verratti et ses 19 printemps semblaient déjà au-dessus du lot dix ans plus tôt.

Débuts révélateurs

Résumer la longue carrière de Zdeněk Zeman à la saison 2011/12 de Pescara serait réducteur mais aurait du sens. Tout est réuni : de belles victoires, de lourdes défaites, des drames, des buts mais surtout de l’émotion. Les débuts ne sont pas parfaits mais restent à l’image du coach. Les Biancazzurri remportent quatre matchs et en perdent trois tandis que le tableau d’affichage n’en finit plus d’inscrire les buts supplémentaires. La première division est encore loin pourtant, les supporters se mettent à rêver.

Pour expliquer un tel départ, les raisons sont multiples mais coïncident aux changements estivaux au sein de l’effectif. Les cadres de l’équipe sont en confiance, en témoigne le duo d’attaque qui ne cesse de marquer. Le tacticien a également son lot de responsabilités. Si Zeman aime que son équipe soit protagoniste, ce n’est pas seulement une affection, c’est une volonté. Pour cela, il pense que la préparation physique et mentale doit être en accord. Connu pour ses méthodes quasi-militaires à propos des loisirs ou de l’alimentation des joueurs, il ne déroge pas à la règle en Serie B.

L’éclosion de Lorenzo Insigne va permettre au club de remonter au classement en multipliant les victoires consécutives. Ciro Immobile, lui, avait déjà pris la tête du classement des buteurs pour ne plus la lâcher. Devant, ça marche toujours aussi bien, derrière, ça concède encore trop de buts mais les résultats suivent. Après un succès 5-3 face à l’UC AlbinoLeffe, Zdeněk Zeman, toujours très modeste, argumente son style de jeu : « On me critique, on me descend, moi je reçois les félicitations de Guardiola qui me dit qu’il regarde souvent mes matchs ». L’entraîneur du Barça acquiesce :

« Je ne connais pas Zeman personnellement, mais j’espère le rencontrer et pouvoir échanger avec lui. Depuis qu’il a commencé ce métier, il voit le jeu de la même façon, il va vers l’avant, toujours. Et des gens comme ça font beaucoup de bien au football. J’ai beaucoup d’admiration pour lui. »

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Ça ne se voit pas sur le visage de Zeman mais Pescara est en train de valider sa montée sur la pelouse de la Sampdoria

Pescara impressionne la Serie B et va très vite intéresser l’échelon supérieur qui jette un œil insistant sur les trois stars de l’équipe. Seulement, autour d’eux, tous n’ont pas le niveau pour espérer la promotion. L’entraîneur, n’étant déjà pas un adepte invétéré de la rotation, garde le même onze pour la plupart des matchs de la saison, quitte à subir un gros coup de mou en mars. Le portier Luca Anania n’est pas souvent aidé par ses défenseurs, alors que les attaquants ne peuvent gagner tous les matchs seuls.

Surmonter les drames

Après le passage à vide, deux autres coups ont miné le moral des hommes du Delfino Pescara 1936. Lors de la trente-quatrième journée, alors que Livourne se déplace au Stadio Adriatico, le milieu de l’équipe toscane Piermario Morosini est victime d’une crise cardiaque et décède à seulement 25 ans. C’est un second drame après la perte deux semaines auparavant de l’entraîneur des gardiens Francesco Mancini. Le groupe est endeuillé mais le capitaine Marco Sansovini ne veut pas voir ses coéquipiers baisser les bras :

« La tristesse, le choc, ne sont pas des motifs acceptables pour justifier un échec sportif. À Pescara, ils seront des motifs de revanche sur le destin. »

Ainsi, l’effectif entend terminer la saison avec les honneurs pour rendre hommage aux deux défunts. Cette force intérieure galvanise finalement les joueurs dans le sprint final. Alors que Pescara est quatrième avec 62 points, les sept dernières journées vont être gérées à la perfection par Zdeněk Zeman puisque son équipe remporte 21 points sur autant possible.

Grâce notamment à des victoires 6-0 à Padoue et contre Vicence puis la délivrance quand Riccardo Maniero offre le titre de champion d’une frappe limpide aux vingt-cinq mètres contre Nocerina lors de la dernière minute de l’ultime match de la saison. La seule victoire 1-0 que l’entraîneur a dû savourer. Dans le même temps, le Torino concède le nul face à l’AlbinoLeffe et laisse échapper Pescara. Les deux équipes comptent 83 points mais la différence de buts est largement à l’avantage de ceux qui ont trouvé l’ouverture 24 fois et n’ont concédé que 3 réalisations lors des sept dernières journées.

Éclosion des trois joyaux

Durant le sprint final, Ciro Immobile inscrit cinq buts, Lorenzo Insigne huit et Marco Verratti multiplie les passes décisives. Si les supporters de Pescara peuvent célébrer leur premier trophée depuis la Serie B 1987, c’est en grande partie grâce à ces trois-là. Immobile termine meilleur buteur du championnat avec vingt-sept réalisations, Insigne réalise un double-double avec dix-huit buts et quatorze passes, Verratti, enfin, termine la saison avec neuf passes – et treize cartons jaunes. Le premier part au Genoa, le deuxième est finalement rappelé à Naples, le troisième signe pour le Paris Saint-Germain tout fraîchement passé sous pavillon qatari.

Leur première année dans leurs nouveaux clubs est en demi-teinte alors que la suivante est définitivement celle de l’éclosion comme s’ils devaient s’adapter à ne plus évoluer ensemble. En 2014, les trois partiront au Brésil avec la Nazionale pour disputer la Coupe du Monde, quelque chose d’impensable à l’été 2011. Depuis, ils sont devenus de véritables tauliers de la sélection italienne désormais auréolée d’un titre européen. « En sélection, on est toujours ensemble, on est assis à côté dans le vestiaire, on est très proches, raconte Insigne. Je suis toujours heureux de les voir, parce qu’après Pescara on s’est séparés, on se voit peu, et la Nazionale est l’occasion de nous retrouver. »

Inconnus avant leur saison commune à Pescara, les amis ont tout appris sous les ordres du tacticien tchèque. Aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs milieux défensifs de la planète, Verratti n’a pas oublié ses débuts plus haut sur le terrain et le choix du tacticien de le faire reculer en tant que regista. « Zeman a révolutionné mon jeu. Désormais, j’ai compris ce que signifie le mot “confiance”. C’est grâce à lui que, pour moi, le football est devenu un travail et une responsabilité », expliquait le natif de Pescara.

Romance unique

Seulement, si les trois joyaux des Abruzzes s’éclatent ailleurs, leur ancien club ne survit pas en Serie A. Les Delfini font l’ascenseur entre les deux divisions durant plusieurs années sans jamais se stabiliser. L’entraîneur aussi quitte son poste pour retrouver le banc de l’AS Roma, duquel il sera viré quelques mois plus tard. Une seule saison ensemble, sous les couleurs blanches et bleues. Quarante-deux petits matchs à échanger les passes, à se projeter vers l’avant et à transpercer les filets. Moins d’un an à se congratuler après chaque action réussie. Pourtant, ces infimes instants resteront à jamais gravés dans l’histoire du club.

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Le plus petit joueur capable de réaliser un double-double

Le sacre de l’Italie à l’Euro a été le moment opportun pour nombre d’éditorialistes transalpins de ressortir des archives la saison 2011/12 de Pescara. L’émotion était palpable lorsque les exploits de Verratti et consorts sous le maillot rayé étaient contés. Présentée comme un rouleau compresseur, l’équipe ferait presque oublier qu’elle a terminé à égalité de point avec le deuxième. Comment expliquer cet enthousiasme autour d’un collectif alors inconnu ? La nostalgie avec les principales forces en présence qui s’envolèrent au quatre coins du pays voire d’Europe plus tard, le regret de ne pas avoir maintenu un tel niveau de jeu par la suite et la fierté et la romance d’un collectif qui préférait marquer un but de plus que l’adversaire plutôt que d’en encaisser un de moins.

Pescara, c’est un peu le coup d’un soir que l’on aime se remémorer quand ça ne va pas fort mais avec qui on ne peut s’imaginer terminer main dans la main. Verratti, Insigne et Immobile étaient certes convaincants en Serie B, toutefois il fallait absolument qu’ils aillent toquer à la porte du dessus. Faire profiter son voisin d’un amour passionnel mais jamais vu à nouveau. Les routes des amants ne se sont plus croisées… Il ne le fallait pas afin de garder en tête cette émotion aussi unique que pure.

Sources :

  • Foot Mercato : « Euro 2020, Italie : la Pescara connexion a pris le contrôle de la Squadra Azzurra »
  • L’Equipe : « Marco Verratti, Lorenzo Insigne et Ciro Immobile vont disputer ensemble une finale de l’Euro neuf ans après leur titre de Serie B à Pescara »
  • Les Remplaçants : « Insigne, Immobile, Verratti, les joyaux des Abruzzes »

Crédits photos : Icon Sport

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