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·20 avril 2024

Middlesbrough : un voyage inattendu (1986-2006)

Image de l'article :Middlesbrough : un voyage inattendu (1986-2006)

21 mai 1986 – 10 mai 2006. Vingt années. Ce qui sépare l’enfer du paradis pour les fans de Middlesbrough. Une période marquée par le purgatoire, avec une relégation en troisième division anglaise en 1986 et le nirvana, avec une finale de Coupe UEFA en 2006 au terme d’un parcours épique.

Rarement un club de football et sa ville n’ont connu un destin aussi similaire. En effet, à l’image de sa ville, Boro est un club banal, sans envergure et sans glamour. Une équipe moyenne située dans une région industrielle délaissée et quelque peu oubliée : le Teeside. Le Middlesbrough FC n’est donc pas un club qui soulève les foules, hormis chez ses fervents supporters. La ville du nord-est de l’Angleterre et son club phare sont comme condamnés à demeurer dans l’oubli, loin de la gloire et des titres. Cette destinée commune crée une sorte de lien indéfectible entre le Middlesbrough FC et ses fans.


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Néanmoins, cet attachement va être mis à mal au début des années 1980. La région du Teeside subit alors de plein fouet la désindustrialisation induite par la politique libérale de Margareth Thatcher. Certains fans n’ont plus les moyens de venir au stade supporter leur équipe. Ce bouleversement économique entraîne une perte de revenu conséquente pour le club. Middlesbrough enchaîne alors les résultats décevants. En 1982, Boro est relégué en deuxième division. Les supporters délaissent alors progressivement le club. Les dettes s’accumulent et Middlesbrough est relégué en troisième division à l’issue de la saison 1985-1986. Lourdement endetté, le club est à l’article de la mort.

The spirit of 86 et le renouveau du club

L’été 1986 est décisif pour l’avenir du Middlesbrough FC. En mai, Boro est placé en liquidation judiciaire et les portes du stade d’Ayresome Park sont cadenassées. Le club a jusqu’au 22 août pour trouver un repreneur. En attendant la date fatidique, les fans s’organisent et décident de payer les salaires des joueurs. Cet esprit, animant les habitants de Middlesbrough, va permettre la survie du club au cours de l’été 1986. Mais, malgré la solidarité de sa communauté, aucun repreneur ne se manifeste. Le 22 août 1986, à quelques heures de la dissolution du club, un accord est finalement trouvé. Un jeune entrepreneur de Middlesbrough, Steve Gibson, rachète le club et en stabilise les finances. Très vite, Gibson redonne des couleurs à Boro qui connaît deux promotions successives et retrouve ainsi l’élite.

Middlesbrough fait d’ailleurs parti des membres fondateurs de la Premier League en 1992. Le club du Teeside alterne entre la première et la deuxième division dans les années 1990, mais ne parvient toujours pas à se faire un nom dans le Royaume. Steve Gibson, le président de Boro, décide alors de se donner les moyens de ses ambitions. En 1994, il nomme la légende mancunienne Bryan Robson en tant qu’entraîneur-joueur. S’en suit une montée en Premier League, mais surtout des transferts retentissants. Middlesbrough recrute deux auriverde, Juninho et Branco, ainsi que des joueurs évoluant dans les meilleures équipes anglaises comme Nick Barmby ou Nick Walsh. Boro va surtout surprendre le monde entier à l’été 1996, dix ans après avoir failli disparaître, en annonçant la signature de Fabrizio Ravanelli en provenance de la Juventus pour 7 millions de livres.

De magnifiques loosers (1996-1998)

La saison 1996-1997 va marquer un nouveau tournant dans l’histoire du club. L’argent investi par Steve Gibson pour le recrutement de grands noms du football enthousiasme les supporters. Les bookmakers sont également confiants et voient Middlesbrough réaliser une grande saison. Certains fans se prennent même à rêver du titre de champion, tant la trajectoire de leur équipe ressemble étrangement à celle des Blackburn Rovers, champions deux ans auparavant. Malgré une saison démarrée en trombe avec un nul face à Liverpool ainsi que des larges victoires contre West Ham et Coventry, les Teesiders sont trahis par leur défense. En dépit d’un jeu attrayant et d’une attaque de feu, les mauvaises performances s’accumulent. Boro termine à la dix-neuvième position et connaît donc une énième relégation.

Middlesbrough tente donc de sauver sa saison grâce aux coupes. Steve Gibson, espère ainsi remporter la première compétition majeure de l’histoire du club. Boro se hisse en finale de la Coupe de la Ligue anglaise, en éliminant notamment Newcastle et Liverpool, mais s’incline face à Leicester un but à zéro. Loin d’être abattu, Middlesbrough réitère son exploit en FA Cup deux mois plus tard. Après être venu à bout de clubs tels que Manchester City et Derby County, Boro s’incline en finale contre Chelsea deux buts à zéro. Avec deux finales perdues et une relégation, la saison 1996-1997 est un fiasco. Outre-Manche, Middlesbrough se voit affubler du titre de looser. Fidèle à cette nouvelle étiquette, le club s’incline, une nouvelle fois, en finale de Coupe de la Ligue la saison suivante contre Chelsea.

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Wembley, théâtre des cauchemars pour Middlesbrough. En un an, le club s’incline lors de trois finales de coupes nationales.

Vaincre la malédiction (2001-2006)

En juin 2001, voyant son club se morfondre dans le milieu de tableau de Premier League depuis trois saisons, Steve Gibson entame un changement de politique. Finies les saisons insipides en championnat. Dorénavant, son Middlesbrough sera une équipe de coupes. Pour ce faire, il nomme comme entraîneur Steve McLaren, l’adjoint de Sir Alex Ferguson à Manchester United. Après deux premières saisons médiocres, McLaren parvient à mener Boro en finale de la Coupe de la Ligue 2003-2004. Emmenés par des joueurs tels que Mendieta, Zenden, Southgate ou Doriva, Middlesbrough a l’occasion de remporter le premier titre majeur de son histoire face à Bolton. Au terme d’un match âpre mais riche en occasions, Middlesbrough s’impose deux buts à un et s’adjuge la coupe ainsi qu’une qualification en Coupe de l’UEFA.

Fort de ce nouveau statut, Boro se renforce la saison suivante. Le club signe Mark Viduka, Ray Parlour, Michael Reiziger et surtout Jimmy Floyd Hasselbaink. Middlesbrough mise alors sur l’expérience pour réaliser une grande saison. Mais malgré ses précieuses recrues, les Teesiders sont éliminés dès les huitièmes de finale de la Coupe de l’UEFA par le Sporting Portugal. Le club brille cependant en Premier League, arrachant la septième place du championnat, synonyme de nouvelle qualification en C3.

« Une petite ville d’Europe » dans la cour des grands

Pour cette nouvelle saison, Middlesbrough est confronté à un problème important : le calendrier. Outre la Premier League, le club doit être performant sur la scène européenne et nationale avec les coupes. Pour ce faire, Boro engage plusieurs joueurs importants comme Fabio Rochemback, Abel Xavier ou encore Yakubu. Le club s’appuie également sur de nombreux éléments expérimentés comme le portier Mark Schwarzer, le défenseur central et capitaine Gareth Southgate, le Français Franck Queudrue ou encore l’ancien Valencien Gaizka Mendieta. Enfin, Middlesbrough peut aussi compter sur ses jeunes talents, à l’image de Stuart Downing.

Le premier obstacle à se dresser sur la route de Middlesbrough est le club grec du Skoda Xanthi, lors du tour préliminaire de Coupe de l’UEFA. Boro assure à domicile en remportant le match deux buts à zéro. Lors du match retour, les Anglais se contentent de préserver le résultat et le match se termine sur un score nul et vierge. Le tirage au sort de la phase de poule est assez clément pour les Teesiders. Au menu, l’AZ Alkmaar, les Bulgares du Litex Lovech, le Dnipro Dnipropetrovsk et les Grasshoppers. Middlesbrough termine en tête de sa poule avec dix points, remportant trois de ses quatre matchs.

Teeside contre Souabe

La route vers le sacre européen débute avec un seizième de finale particulièrement relevé. Les hommes de Steve McLaren affrontent Stuttgart, cinquième de la dernière Bundesliga. Les Allemands, dirigés par le technicien italien Giovanni Trapattoni, font figure d’épouvantail dans cette compétition. Disposant de redoutables atouts offensifs avec Daniel Ljuboja et Mario Gomez ainsi que d’une solide défense menée par Fernando Meira, Stuttgart possède les armes pour faire tomber Middlesbrough. Le match aller se dispute en Allemagne et voit les Teesiders ouvrir le score en première mi-temps grâce à Hasselbaink. Middlesbrough double même la mise au retour des vestiaires avec un but du défenseur Stuart Parnaby. Stuttgart réduit néanmoins la marque en toute fin de match sur un coup-franc de Ljuboja.

Le match retour au Riverside Stadium promet d’être tendu pour Boro. Dès le premier quart d’heure, Stuttgart ouvre le score grâce à Christian Tiffert. Middlesbrough est toujours qualifié avec la règle du but à l’extérieur. Mais les Teesiders doivent encore tenir près de quatre-vingts minutes. Poussés par leurs supporters, les hommes de McLaren préservent leur avantage et se qualifient pour les huitièmes de finale.

Middlesbrough face à la Ville éternelle

Au programme des huitièmes de finale, l’AS Rome, l’un des favoris de la compétition. L’équipe italienne dispose d’un effectif de grande qualité alliant jeunesse et expérience à l’image de joueurs tels que Taddei, Mancini, De Rossi, Panucci, Mexès ou encore Olivier Dacourt. Cependant, les Romains devront faire sans leur maître à jouer, Francesco Totti, gravement blessé. Le tirage au sort voit Middlesbrough recevoir le match aller. Les Teesiders démarrent très fort. A la dixième minute, Mendieta réalise un petit numéro avant de servir Hasselbaink dans la profondeur. Le Néerlandais est stoppé irrégulièrement par le portier romain dans la surface de réparation et l’arbitre désigne le point de penalty. Yakubu se charge de la sentence et prend le gardien adverse à contre-pied. L’AS Rome, déjoue face à la solide formation anglaise. Les hommes de McLaren gardent leur cage inviolée et prennent un léger avantage avant le match retour.

La physionomie de cette seconde rencontre est tout autre. Boro va devoir tenir son avantage en terrain hostile face à une équipe survoltée. L’AS Rome domine le début du match, mais se fait surprendre à la demi-heure de jeu par le « hitman » Hasselbaink qui reprend, d’une superbe tête décroisée, un centre de Downing. Piqués au vif, les Romains réagissent juste avant la pause par l’intermédiaire de Mancini. Tout est relancé, d’autant plus lorsque l’AS Rome obtient un penalty à l’heure de jeu après une faute de Ray Parlour. Mancini le transforme et ramène les Italiens à un but de la qualification. La fin de match est irrespirable, mais Middlesbrough préserve son résultat. Le club du nord-est de l’Angleterre atteint les quarts de finale de la compétition et se fait un nom sur la scène européenne.

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Mendieta aux prises avec Kuffour. Middlesbrough souffre face aux Romains, mais parvient à se hisser en quart de finale de la Coupe UEFA.

« C’est le plus grand retour depuis Lazare ! »

Le prochain adversaire de Middlesbrough est le FC Bâle, champion de Suisse en titre et grand habitué des joutes européennes. Une équipe solide, qu’il ne faut surtout pas sous-estimer. Encore engagée en FA Cup, l’équipe de Steve McLaren enchaîne les rencontres. La fatigue se fait ressentir avant leur déplacement en Suisse. Epuisés, les Anglais livrent un non-match et s’inclinent deux buts à zéro. Devant son public pour le match retour, Boro compte bien renverser le score du match aller. Steve McLaren aligne d’entrée une équipe offensive avec la titularisation de l’Australien Mark Viduka et de Yakubu. Alors que Boro entre bien dans son match, la charnière centrale anglaise est surprise par un long ballon et offre l’ouverture du score aux Bâlois. Stupeur au Riverside Stadium. Désormais menés de trois buts, les Teesiders doivent marquer à quatre reprises en soixante-cinq minutes pour se qualifier.

Alors que les espoirs de qualification semblent déjà éteints, Yakubu se bat pour récupérer un ballon et le transmettre à Mark Viduka. L’Australien se présente face à Zuberbühler et remporte son face-à-face. Alaistair Brownlee, fidèle commentateur de Boro pour la BBC, s’écrit alors « Il reste de l’espoir ! Il reste de l’espoir ! ». Middlesbrough a fait une partie de son retard avant la mi-temps. Poussés par le Riverside Stadium, McLaren et ses joueurs continuent de croire à un improbable retour. Juste avant l’heure de jeu, Viduka est de nouveau lancé dans la profondeur par Yakubu. Il dribble le portier suisse et conclu, malgré le retour des défenseurs. Middlesbrough a fait la moitié de son retard.

McLaren tente alors un coup de poker en remplaçant deux joueurs à vocation défensive par deux attaquants, Hasselbaink et Maccarone. Le « hitman » Hasselbaink va s’illustrer à l’entrée du dernier quart d’heure avec une frappe surpuissante dans la lucarne bâloise. Plus qu’un but de retard et dix minutes à jouer. Le public donne alors de la voix pour encourager ses protégés, mais les minutes défilent. Sur l’un des derniers ballons du match, Fabio Rochemback envoie une lourde frappe vers la cage adverse. Zuberbühler, le portier suisse, détourne le cuir en direction de Maccarone qui inscrit le quatrième but synonyme de qualification. Hystérie dans le stade et dans la cabine des commentateurs. Alaistair Brownlee, ivre de joie, s’écrit « C’est le plus grand retour depuis Lazare ! ». Une référence biblique symbolisant le retour de Middlesbrough d’entre les morts.

« Boro a planté un pieu dans le cœur des garçons de Dracula ! »

Un affrontement hautement symbolique attend Middlesbrough en demi-finale. Boro hérite en effet, du Steaua Bucarest. Les deux clubs sont liés malgré eux par une année : 1986. L’année de la consécration pour le Steaua, sur le toit de l’Europe après sa victoire en finale de Coupe des clubs champions contre Barcelone, et l’année de la résurrection pour Middlesbrough. Lors de la première confrontation, en Roumanie, les Anglais, privés de leur charnière centrale Southgate – Riggott, passent complètement à côté de leur match. Outrageusement dominés, les hommes de McLaren limitent la casse et ne perdent qu’un but à zéro. De bon augure avant le retour au Riverside Stadium où une remontée semble possible. Cependant, le match retour va vite virer au cauchemar pour les Teesiders. Le Steaua mène deux buts à zéro à la vingt-quatrième minute de jeu. Boro perd également son capitaine, Gareth Southgate, blessé. Middlesbrough doit, une nouvelle fois, inscrire quatre buts pour se qualifier.

Avant la pause, Maccarone, héros du match contre Bâle, réduit la marque. L’espoir renaît véritablement à l’heure de jeu lorsque Viduka reprend victorieusement un centre de Downing. Deux buts partout. Tout le stade se met de nouveau à croire à un improbable retour. Les hommes de McLaren font alors le siège du but roumain, poussés par la ferveur de tout un stade. A la soixante-douzième minute, Downing, trouvé dans la surface de réparation, tente sa chance. Son tir puissant est repoussé par le portier adverse, mais Riggott, monté aux avant-postes, pousse le cuir dans les filets. Trois partout sur l’ensemble des deux matchs. Les joueurs du Steaua repoussent les assauts adverses et les minutes s’égrènent.

Boro pousse, mais ne trouve plus la solution, jusqu’à la dernière minute du temps réglementaire. Downing hérite du ballon et centre vers le second poteau pour trouver Maccarone. L’Italien envoie un coup de casque qui vient se loger sous la barre du gardien du Steaua. La folie s’empare alors du Riverside Stadium et gagne la cabine de commentateur d’Alaistair Brownlee. « Gooooaaaallll ! Massimo Maccarone ! » hurle-t-il avant de faire tomber son micro au sol et de s’écrier « Boro a planté un pieu dans le cœur des garçons de Dracula ! ». Middlesbrough se qualifie au bout du suspens pour la finale de la Coupe de l’UEFA et signe l’un des plus grands exploits de l’histoire du football anglais.

En finale de la compétition, Middlesbrough affronte le FC Séville à Eindhoven. Les vieux démons de Boro ressurgissent et le club anglais est étrillé quatre buts à zéro par les Sévillans. Cependant, cette contre-performance ne doit pas occulter le parcours incroyable des hommes de McLaren et la fierté apportée à toute une région. Sans nul doute, ce Middlesbrough est l’un des plus beaux perdants de l’histoire du football européen.

Sources :

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