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·8 octobre 2024
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Acté vendredi par la cour de justice de l’Union européenne (CJUE), l’arrêt Diarra va révolutionner les prochains marchés des transferts et rebâtir les équilibres économiques du monde du football. Antoine Duval, chercheur senior au Centre de droit international et européen du sport de l’Institut ASSER, explique ces conséquences dans un entretien accordé à RMC Sport.
La révolution est en marche. Complexe d’un point de vue juridique, l’affaire Lassana Diarra a débouché sur une future refonte totale du modèle des transferts dans le monde du football, puisque la CJUE a statué sur le fait que certaines règles de la FIFA sur les mutations de joueurs enfreignaient le droit de l’UE, notamment sur la libre circulation des travailleurs. Visage de cette affaire, Lassana Diarra avait, en 2013, rompu unilatéralement son contrat au Lokomotiv Moscou sans pouvoir signer à Charleroi, puisque le règlement de la FIFA permettait au club russe de ne pas délivrer au joueur un certificat international de transfert, indispensable pour signer ailleurs.
« Cette décision va changer beaucoup de choses », assure auprès de RMC Sport Antoine Duval, chercheur senior au Centre de droit international et européen du sport de l’Institut ASSER et spécialiste du sujet, qui rappelle qu’un transfert n’est rien de plus qu’une « transaction entre deux clubs pour régler un conflit en quelque sorte entre un club et son joueur, parce qu’il y a eu une rupture d’un contrat de travail à durée déterminée » et que le club vendeur ne possède rien de plus que « le droit de demander une indemnité pour une rupture de contrat de travail à durée déterminée ».
L’arrêt Diarra favoriserait donc la rupture unilatérale du contrat de la part du joueur, rendue quasi impossible auparavant par les montants exorbitants dus aux clubs dans ses situations. Par cette décision, la CJUE demande à la FIFA, toujours selon Antoine Duval, « à ce que cette indemnité soit calculée, soit alignée sur le droit du travail commun » afin de « diminuer l’incertitude autour de l’indemnité due et en même temps de limiter le montant de cette indemnité à des frais raisonnables ».
Mais la conséquence principale concerne bien les clubs et leur modèle économique. Aujourd’hui, la grande majorité d’entre eux dépendent, outre les revenus liés aux droits télévisuels, du marché des transferts et de leurs ventes réalisées lors de celui-ci afin d’équilibrer leurs comptes. La perspective d’une rupture de contrat unilatérale décidée par le joueur et qui, par conséquent, ferait s’envoler une source de revenus majeure, fait craindre le pire. Alors qu’avait été mis en place un mécanisme de ruissellement des clubs les plus riches – notamment de Premier League – qui recrutaient dans des marchés plus pauvres et plus dépendants – France, Pays-Bas, Portugal, Belgique… -, celui-ci pourrait voler en éclats.
« Le déséquilibre financier qui était en partie comblé par le marché des transferts sera chamboulé, confirme le spécialiste. Il y avait une sorte d’un mécanisme très imparfait de redistribution. (…) Ce mécanisme-là est maintenant très gravement menacé. Cet arrêt menace en tout cas tous les clubs qui dépendent des transferts pour équilibrer leurs comptes. Il faut très rapidement travailler au niveau européen pour essayer de mettre en place un système qui permettra de garantir une méthode alternative pour redistribuer des fonds ou si accord avec la FIFPro de maintenir une forme de système des transferts ».
Avec l’objectif, en poursuite de cet arrêt Diarra, de « faire en sorte d’avoir un minimum d’équité financière et qui protège mieux les droits des travailleurs », alors que les transactions « avec des montants aussi déconnectés des salaires résiduels dus aux joueurs » risque forcément de disparaître. Tout comme la tendance grandissante de conflits entre clubs et joueurs (loft créé par les clubs pour forcer un départ, ou grève des joueurs dans la même optique) avec des CDD plus fragiles et un rééquilibrage du pouvoir entre les deux parties.
Crédits photo : Loic Baratoux/FEP/Icon Sport