L’instant Tactique avec Marcelino García Toral : « L’entraîneur est celui qui souffre le plus des défaites » | OneFootball

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·26 avril 2022

L’instant Tactique avec Marcelino García Toral : « L’entraîneur est celui qui souffre le plus des défaites »

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Actuel entraîneur de l’Athletic Bilbao, Marcelino García Toral a collectionné les petits miracles. Il a qualifié Santander en Coupe de l’UEFA, fait monter le Sporting de Huelva, réinstallé Saragosse en Liga, connu un échec à Séville, pris Villarreal en Segunda pour le laisser en demi-finale de Ligue Europa. Après un premier titre, la Copa del Rey, avec Valence en 2019, il a soulevé la SuperCopa quelques jours après son arrivée au Pays basque. Entretien tactique avec l’un des meilleurs coachs espagnols du moment.


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« Quand j’ai commencé à entraîner, je me suis inspiré de Rafa Benítez car il n’avait pas eu une grande carrière de joueur professionnel »

Le meilleur schéma tactique

« L’important, c’est le mouvement. Il n’y a pas de système parfait dans le football. Le positionnement des joueurs sur le terrain offre ses avantages et ses inconvénients. Le travail de l’entraîneur et de son staff est d’établir quel schéma est le meilleur par rapport à son effectif. À Bilbao, nous évoluons en 4-4-2 car nous maîtrisons les données que ce système implique, c’est-à-dire maximiser ses meilleurs aspects et trouver des solutions face aux difficultés. Avec les profils à disposition, on peut à la fois développer un bon jeu d’attaque mais aussi être performants dans les phases défensives. Cela laisse de la place pour combiner et utiliser la contre-attaque. Ce schéma permet aussi une bonne répartition équitable et simple des espaces dans tous les secteurs du jeu. »

Comment tirer le meilleur d’un joueur ?

« L’essentiel, c’est le travail à l’entraînement. En d’autres termes, c’est l’assimilation des concepts de jeu ainsi que la recherche d’automatismes collectifs qui permettent aux caractéristiques individuelles et aux profils particuliers d’être compatibles ensemble. Je crois beaucoup au fonctionnement collectif, car c’est ce qui autorise les caractéristiques individuelles à se dépasser. Dans l’organisation de l’équipe et les concepts de jeu en phase offensive comme en phase défensive, cela implique de l’adaptation afin d’obtenir le meilleur rendement de tout l’effectif. »

Le jeu à deux attaquants

« J’aime évoluer avec deux attaquants. Bien évidemment, je ne veux pas avoir deux profils identiques sur la pelouse. Il ne faut pas qu’ils soient parallèles mais proposent des aptitudes différentes. Cela offre plusieurs façons d’attaquer. De plus, je considère qu’il est plus difficile pour l’adversaire de défendre sur deux joueurs rapprochés que sur un seul. Cela peut générer plus de doutes et d’approximations en face. Et c’est une observation que je fais également en analysant ma propre équipe. »

Ses modèles inspirants

« Si j’évoque des équipes vraiment différentes d’un point de vue technique et tactique, je citerai le Milan d’Arrigo Sacchi et le Barça et Guardiola qui avaient des styles différents, mais aussi de nombreux points en commun. Par ailleurs, quand j’ai commencé à entraîner, je me suis inspiré de Rafa Benítez car il n’avait pas eu une grande carrière de joueur professionnel, mais tout ce qu’il a obtenu comme entraîneur, c’était par le travail ».

L’importance de la psychologie chez l’entraîneur

« Quand on est jeune, on a moins de vécu pour résoudre les situations difficiles. Avec la maturité, l’expérience et un raisonnement analytique, tu peux trouver des solutions, affronter chaque cas de figure. Il faut que les joueurs perçoivent qu’il y a une normalité, une cohérence, une réponse viable pour générer le plus de confiance possible autour d’eux. Il ne fait aucun doute que l’entraîneur est celui qui souffre le plus des défaites, mais il est également possible qu’il soit celui qui savoure le plus les victoires. Comme technicien, je me sens suffisamment stable pour répondre à tous les types de situations, dans le but d’offrir une issue positive. Tous les joueurs ont besoin de se sentir soutenus par l’entraîneur, le staff, les coéquipiers et tout le club. Avec les joueurs très talentueux, comme cela a pu être le cas de Dani Parejo à Valence ou aujourd’hui avec Iker Muniain, nous essayons de les insérer au cœur d’une idée collective. Il faut qu’ils se sentent à l’aise avec le jeu proposé et entourés par leurs coéquipiers. »

L’importance de la psychologie chez le joueur

« Être footballeur confère beaucoup de responsabilités, car le football est un sport mais aussi une profession où tu dois être à ton meilleur niveau à chaque match. Le public l’exige. Donc tu dois être toujours plus performant, d’autant que cela influe sur les résultats de ton équipe. La victoire te donne confiance, la défaite peut conduire à la dépréciation et à des moments difficiles. Ce n’est pas toujours facile de le gérer. Savoir affronter ce genre de situations fait de toi un meilleur joueur. Je ne connais aucun joueur qui soit tout le temps bon. Tout au long de ma carrière, j’ai eu des joueurs exemplaires au niveau de leur attitude, sur le terrain comme en dehors, avec beaucoup de respect. A l’Athletic, Yeray Álvarez qui a vaincu un cancer et Ínigo Martínez qui a renoncé à l’Euro car il était psychologiquement fatigué en sont deux grands exemples. »

L’intégration des jeunes au sein de l’effectif

« J’aime avoir des effectifs réduits, car cela favorise une meilleure cohésion parmi les joueurs et cela autorise aussi l’incorporation de jeunes joueurs qui rêvent de faire partie de l’équipe première. Ce n’est pas une question de patience mais de stimulation, de volonté de faire de la place à des joueurs qui grandiront avec nos consignes tactiques et avec leurs coéquipiers. Permettre à un joueur de réaliser son rêve, ça nous plaît beaucoup et ça nous satisfait. En aucun cas ça ne relève de l’obligation, mais de l’enthousiasme. J’ai toujours aimé travailler avec des jeunes joueurs, peut-être parce que je suis reconnaissant d’avoir été un joueur de cantera qui a franchi les catégories jusqu’à devenir un joueur professionnel dans l’équipe de ma terre. Je ne l’oublie pas. J’ai dirigé la juvenil, puis le filial du Sporting de Gijón. Par exemple, j’ai eu David Villa sous mes ordres. À 18 ans, il avait déjà tout. Il dominait le jeu, il était adroit, rapide, habile. Son jeu pouvait s’adapter à n’importe quelle équipe, qu’elle soit offensive ou défensive. Comme il avait les deux pieds, il trouvait constamment des situations pour se démarquer. On voyait qu’il pouvait devenir un attaquant d’élite. »

« Le jour où on pense qu’on ne peut plus progresser, on commence à régresser. »

Un joueur professionnel évolue-t-il techniquement ?

« J’ai eu la chance de grandir dans un petit village asturien et il y avait beaucoup d’endroits dans la nature où nous pouvions jouer après l’école. J’ai quasiment toujours joué contre des enfants plus âgés que moi. Nous arrivions plus tard dans les clubs. Désormais, il est beaucoup plus difficile de jouer au ballon dans la rue et les enfants peuvent entrer dans un club à 5 ans. C’est un processus très différent et on en oublierait quelques fois qu’il s’agit d’enfants et que la première chose est de s’amuser. Par ailleurs, il y a une différence entre le football espagnol du nord et le football espagnol du sud. C’est dû aux conditions climatiques et donc à l’état des terrains. Cela forge un certain style de jeu et de joueur. Par exemple, aux Asturies, j’ai commencé à jouer sur des terrains en sable ou d’herbe qui, en raison des fortes pluies, deviennent boueux et donc très lourds. Le jeu du Nord de l’Espagne est beaucoup plus direct et avec beaucoup de contacts, celui du Sud réputé plus technique. Cela dit, les conditions de jeu s’uniformisent avec les terrains synthétiques. »

Le choix d’un club

« Il faut bien réfléchir avant de s’engager dans un club. Une fois la décision prise, les risques sont implicites. Mon staff et moi avons confiance en notre travail avant de choisir où aller. Cette analyse préalable permet de croire que les choses iront dans le bon sens. Il est arrivé une fois que ce ne soit pas allé dans notre sens : à Séville. C’est la seule fois où j’ai accepté des conditions de travail ainsi qu’un effectif qui ne m’avaient pas pleinement convaincu. Mais cela m’a servi pour me rendre compte que la force de conviction initiale est très importante pour que les résultats soient satisfaisants et que les objectifs soient atteints voire dépassés. On apprend énormément de ce type d’expérience, notamment pour prendre les bonnes décisions avec d’autres clubs. »

Son leitmotiv comme entraîneur

« Peu importe l’âge et l’expérience, on peut toujours s’améliorer au quotidien. Le jour où on pense qu’on ne peut plus progresser, on commence à régresser. C’est ma façon d’agir comme professionnel. Je me l’impose d'abord à moi-même ainsi qu’aux autres. »

Que représente la conquête d’un titre ?

« Quand tu deviens entraîneur, tu rêves de diriger une équipe professionnelle. Et quand tu y parviens, tu rêves de gagner un titre. Nous l’avons réalisé une première fois avec Valence en Copa del Rey en 2019, l’année du centenaire et contre le Barça de Leo Messi. Quelques mois plus tard, nous avons soulevé la SuperCopa avec l’Athletic, mais cette fois-ci, il y aura toujours ce regret de ne pas avoir pu le célébrer à cause de la pandémie. »

Représenter le club de sa terre

« C’est le rêve ! Quand tu es gamin, tu supportes l’équipe de ta ville, dans mon cas, c’est le Sporting de Gijón. Petit à petit, j’ai réalisé que porter ce maillot pouvait devenir une réalité. J’aurais aimé rester plus longtemps, cela a duré 4 ans mais j’aurais voulu que cela dure 15 ans ! La concurrence est très élevée et je n’ai pas pu maintenir ce niveau aussi longtemps. C’est quelque chose que je retrouve ici à Bilbao. »

Un avenir à l’étranger ?

« Pour un entraîneur, la notion de futur est toujours très opaque ! Nous ne savons pas de quoi sera fait l’avenir. À Bilbao, je vis une expérience extraordinaire. S’il y a 18 mois, on m’avait dit que j’entraînerais l’Athletic, je ne l’aurais pas cru. Je suis très reconnaissant aux dirigeants de m’avoir offert cette opportunité. Avant de signer ici, j’ai effectivement envisagé un départ à l’étranger. Cela reste envisageable à moyen ou long terme. Tout peut changer du jour au lendemain pour un coach et son staff et il faut savoir profiter du jour présent. C’est ce qu’on fait à l’Athletic. »

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