L’instant tactique avec Eric Roy : « Tu mets en place un système en fonction des joueurs de ton effectif  » | OneFootball

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·5 juin 2023

L’instant tactique avec Eric Roy : « Tu mets en place un système en fonction des joueurs de ton effectif  »

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Près de vingt ans après avoir pris sa retraite de footballeur, Eric Roy a su prendre le virage de la reconversion. Entre des activités de consultant télé et différents postes occupés en club (directeur du marketing et de la communication, directeur du développement et des relations publiques, directeur sportif), il vient surtout de replonger dans l’habit du technicien, plus d’une décennie après sa dernière expérience à Nice. Nommé coach du Stade Brestois pour maintenir l’équipe en Ligue 1, l’ancien milieu défensif est en train de réussir sa mission. L’occasion de décrypter ses méthodes de travail dans le cadre de « L’instant tactique ».


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« On a vu plusieurs grands entraîneurs qui n’ont pas forcément fait de carrière à l’image de Mourinho »

La venue au foot

J’ai baigné dans ce milieu parce que mon père était joueur de foot et même international dans les années 60, Serge Roy. Sans qu’il ne m’ait jamais poussé, j’ai joué au foot très rapidement dès l’âge de 6-7 ans. À l’époque, c’était les catégories poussins. J’ai commencé à jouer tout jeune dans un club iconique et historique de la ville de Nice qui s’appelle le Cavigal de Nice dont beaucoup de joueurs sont sortis à l’époque où les centres de formations n’étaient pas aussi développés. J’ai toujours baigné dans cet environnement avec mon papa qui m’emmenait dans des matchs à Nice, à Monaco puisqu’il avait beaucoup joué à Monaco, donc tous les week-ends, on allait voir des matchs. Naturellement, quand j’ai eu l’opportunité de pouvoir en faire mon métier, je ne me suis pas fait prier.

L’approche du métier est-elle la même que du temps où tu étais entraîneur ?Le métier d’entraîneur et le métier de joueur sont complètement différents même si la base reste la même. Quand tu es joueur, tu as besoin de cet égocentrisme, d’être tourné sur toi-même, de penser à ta performance. Même si tu fais un sport collectif, il y a beaucoup d’égoïsme. Quand tu deviens entraîneur, c’est tout sauf penser à toi. C’est penser à tous tes joueurs, penser à ce qu’est un club. C’est toute la difficulté de ce métier : ne pas s’oublier soi-même. Tu es sans cesse en réflexion de ce que tu peux améliorer, de ce dont tes joueurs ont besoin, de penser à eux, de se mettre à leur place. C’est là où te sert l’expérience que tu as eue pendant ta carrière. Quand tu as été joueur, tu sais un peu les sensations qu’ils peuvent avoir, les ressentis, les frustrations. Et quelques fois les moments d’enflammade où tu perds la notion des réalités. C’est un métier tellement passionnant, tellement exaltant… Mais quand tu es entraîneur, c’est complètement différent de la vision que tu pouvais avoir comme joueur.

Le métier d’entraîneur était-il une vocation ?

Ça peut l’être. Moi, je ne peux pas dire que c’était une évidence. C’est devenu une évidence quand je me suis retrouvé propulsé à la tête de l’OGC Nice pour sauver l’équipe sur les onze derniers matchs de la saison 2009-2010. Quand on m’a demandé de relever ce challenge parce qu’il y avait une urgence et pas d’autre solution, je l’ai fait dans un premier temps parce que c’était mon club, l’équipe de ma région, là où j’avais été formé. Je me sentais quelque part redevable, je ne me sentais pas de me défiler, j’étais à ce moment-là directeur sportif et il fallait prendre ses responsabilités. Je l’ai fait beaucoup pour ça, mais l’expérience de ces onze matchs, de la fin de saison, ça a fait que c’est devenu une évidence. Ça a plus été une révélation au cœur du challenge, du chantier. Après, c’est vrai que j’étais souvent le relais des entraîneurs dans les clubs où je suis passé parce que j’avais une réflexion sur le jeu, déjà de par mon positionnement sur le terrain en tant que milieu devant la défense. Et je pensais toujours à l’équilibre de l’équipe, j’étais toujours dans la réflexion de pourquoi faire ci, pourquoi faire ça. J’échangeais beaucoup avec mes entraîneurs. J’avais cette ouverture d’esprit d’échanger et de participer. Tu as des joueurs plus suiveurs, d’autres plus acteurs du projet. J’avais ça ancré en moi et qui est quelque part une qualité importante pour un entraîneur parce que tu es obligé de réfléchir sur le projet, sur l’équipe, sur la manière de la faire jouer en fonction de ses qualités et défauts.

La plupart des coachs ont été joueurs, est-ce logique selon toi ?

Je pense que c’est un plus car il y a quelque chose qui est irremplaçable, c’est la connaissance du vestiaire et les codes du vestiaire. Et quand je dis les codes, c’est qu’est-ce qui arrive dans un vestiaire et qui s’y passe, quelles sont les règles, quelles sont les choses induites que tu ne connais pas forcément quand tu n’as jamais été dedans. Forcément, quand tu as été joueur, ça te permet de pouvoir appréhender, manager de manière plus efficiente, avec une connaissance de quelque chose que tu dois apprendre à diriger. Maintenant, avoir été joueur, ce n’est pas ça qui fait de toi un bon entraîneur. On a vu plusieurs grands entraîneurs qui n’ont pas forcément fait de carrière à l’image de Mourinho. Mais ils ont su compenser parce que ce sont des mecs brillants et ces choses dont je viens de parler, ils les ont acquises d’une autre manière, par de l’expérience et un vécu.

« Est-ce qu’il est raisonnable de penser que Brest puisse finir européen ? »

Quels sont tes principes de jeu ?

Il faut bien se mettre d’accord sur ce qu’est un principe de jeu. On parle de beaucoup de choses, on parle de projet de jeu, on parle de trucs globaux. Pour moi, un principe de jeu, c’est un comportement qui est attendu par le collectif. C’est à dire quand tu vas mettre quelque chose en place, tu vas dire « on a pour principes de jeu offensifs ces deux-trois choses là », quand tu le mets en place, c’est pour que l’équipe, le collectif l’intègre, pour qu’après, dans une situation de jeu définie, tout le monde pense la même chose. Si tu veux, tu peux avoir des principes de jeu offensifs, d’autres défensifs, puis des principes généraux. Ce ne sont pas des principes induits par le fait d’avoir ou non le ballon. Quand tu définis des principes de jeu généraux à un groupe comme le mien, j’arrive à Brest le 1er janvier, je ne connais pas l’effectif, c’est une équipe que j’ai découverte le jour de mon arrivée, il faut rapidement que tu donnes un cadre de ton équipe et de ce que tu attends. Dans un principe de jeu général, pour moi, une chose essentielle, c’est le travail du bloc équipe. Il doit être constant, que tu aies le ballon ou non, avec une réduction des espaces et une profondeur entre ton premier attaquant et ton dernier défenseur qui doit se situer entre 30 et 35 mètres, pas plus. Pourquoi ? Parce que tant que tu as un bloc équipe assez compact, tu as plusieurs joueurs à l’intérieur de ce bloc, donc c’est plus facile de récupérer le ballon quand tu le perds et plus facile d’attaquer quand tu as le ballon. Après, la largeur peut varier en fonction de la possession. Si tu as le ballon, il vaut mieux s’écarter pour aérer le jeu et donner des solutions au porteur, et si tu perds la balle, il vaut mieux réduire la largeur de ton bloc équipe pour effectivement être plus près du ballon pour le récupérer. Ça, c’est un principe de jeu général. Mon deuxième principe, c’est que je veux travailler en zone. Ce qui est important pour moi, ce qui fait à mon sens intervenir l’intelligence tactique des joueurs, c’est la position des joueurs par rapport au ballon, par rapport à leurs partenaires et par rapport aux adversaires situés pour défendre notre but. En fait, ton positionnement dépend du ballon, pas de l’adversaire. S’il dépend de l’adversaire, ça veut dire que tu es sur un marquage individuel. Ce que fait beaucoup Tudor à Marseille, ce que faisait Bielsa aussi à l’OM, et ce que font encore certains coachs. Dans mes principes généraux, la zone est une chose importante. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas des exceptions, notamment dans les zones d’urgence, par exemple, la surface de réparation. Tu n’es plus là à parler de zone, mais à surveiller des adversaires individuellement. Donc la zone dans la généralité avec des exceptions sur certaines phases. Un troisième principe général, c’est ce que j’appelle le jeu en continuité. Il faut de la réactivité et de la réversibilité dans le changement de statut, soit j’ai le ballon, soit je n’ai pas le ballon, et qu’est-ce que je fais dans l’identification des différentes phases de jeu qui vont en résulter. C'est-à-dire, je récupère le ballon, est-ce que je suis dans une situation où je peux faire une attaque rapide, ou ce n’est pas possible parce que je suis loin du but adverse avec beaucoup de joueurs derrière le ballon, là je vais être dans une attaque placée. Et inversement, quand je perds le ballon, identifier si c’est une zone où je peux presser, ou au contraire prendre le parti de se replacer et de reformer un bloc équipe. Ce jeu en continuité, c’est la capacité pour une équipe d’avoir une lecture des situations et d’adapter derrière au plus efficacement ce que tu vas mettre en place à la récupération ou à la perte. Ce qui est important, c’est de savoir ce que tu attends de l’équipe et que l’équipe comprenne ce que tu veux d’elle.

C’est quoi la définition d’un bon entraîneur ?

Celui qui tire la quintessence de son effectif. Beaucoup diront que c'est celui qui gagne des titres. Malheureusement, il y a des entraîneurs qui n’ont jamais eu d’équipe pour gagner un titre. Après, il y a des entraîneurs qui ont fait des grandes carrières parce qu’ils ont toujours su tirer la quintessence d’effectifs moyens et faire surperformer leur équipe. Le bon entraîneur aujourd’hui, c’est ça. Le problème, c’est que tu es toujours jugé par les gens sur des résultats immédiats : des victoires ou des défaites. La problématique, c’est toujours aussi difficile pour le grand public de pouvoir analyser ce qu’est la réalité d’un effectif, le potentiel d’un effectif, ce que tu peux en faire. Est-ce qu’il est raisonnable de penser que Brest puisse gagner le championnat de France ? Ce n’est pas raisonnable. Est-ce qu’il est raisonnable de penser que Brest puisse finir européen ? Ce n’est pas raisonnable. Est-ce qu’il est raisonnable de penser que Brest puisse se maintenir ? C’est raisonnable. Il ne faut pas oublier que Brest possède l’un des quatre plus petits budgets de L1 et si tu te bats pour te maintenir, ce n’est pas non plus déraisonnable. Juger un entraîneur, c’est toujours compliqué parce que d’abord, tu n’es pas sur place pour savoir le travail qu’il fait. Moi, je parle d’un environnement autour du foot qui est aujourd’hui très médiatique. Je connais bien ça puisque j’ai beaucoup travaillé dans les médias. Il y a de plus en plus de talkshow qui dissèquent, qui quelque part jugent et expliquent, sans avoir tous les éléments et sans connaître les forces et faiblesses d’une équipe. Alors, bien sûr, tout le monde connaît les joueurs du PSG, les joueurs de Marseille, et un peu moins les joueurs d’Angers, de Brest ou de Clermont. Je pense que Pascal Gastien, depuis qu’il est à Clermont, est l’exemple même d’un entraîneur qui est un très bon entraîneur capable de faire surperformer ses effectifs. Pour le grand public, il n’a pas la notoriété de Mourinho ou Guardiola parce que c’est des gens qu’on voit gagner des titres. Est-ce qu’il est moins bon qu’eux ? Peut-être mais ce n’est pas sûr non plus.

« Le joueur doit être mis dans les meilleures conditions, dans sa zone préférentielle »

Quelle est la différence entre une bonne et une mauvaise tactique ?

En fait, la bonne tactique, c’est celle que tu vas proposer aux joueurs et qu’ils vont être capables de mettre en place et d’animer. Sur le papier, toutes les tactiques sont bonnes, toutes les préparations de matchs peuvent être, sur le papier, intéressantes, mais l’idée c’est qu’elle se traduise sur le terrain. Donc la bonne tactique, c’est toujours une tactique payante et gagnante à l’arrivée, mais pour qu’elle soit payante, il faut déjà que ton équipe soit capable de l’assimiler et de la mettre en pratique. L’essence même de ce métier d’entraîneur, c’est la capacité à s’adapter, je ne veux pas être jusqu’au-boutiste. L’important, c’est d’être capable d’analyser ton groupe, de comprendre ses forces et faiblesses, puis de mettre en place des choses où ils vont pouvoir surperformer. Si tu demandes à une équipe de jouer, de presser très haut, en laissant des espaces dans ton dos, et que tu as des défenseurs pas rapides, c’est sûr que tu vas peut-être mettre en danger ton équipe. Tu peux avoir une vision idéaliste de ce que tu veux mettre en place, tu ne peux pas forcément le faire parce que tu n’as pas les qualités intrinsèques dans ton groupe.

Qu’est-ce qui passe avant, les joueurs ou le système ?

Les joueurs ! L’exemple de Bielsa qui fait passer le système en premier est intéressant. Bielsa, quand il arrive quelque part, il donne un cahier des charges, soit on l’accepte et il vient, soit on ne l’accepte pas et il ne vient pas. À Marseille, il avait dit : « Je veux tant de nouveaux joueurs et je veux ce joueur, ce joueur, ce joueur et ce joueur, parce que pour mettre en place mes idées, j’ai besoin de ces profils ». Le problème, c’est que tu as beaucoup d’entraîneurs qui n’ont pas ce pouvoir ou qui vont dans des clubs qui n’ont pas les moyens de changer toute l’équipe à l’image de ce que tu souhaites. Donc quand tu arrives, tu es bien obligé de composer avec un groupe que tu as. C’est pour ça que les joueurs passent avant le système selon moi. Tous les systèmes sont bons, tous les systèmes peuvent être catastrophiques, c’est l’animation à l’intérieur qui compte. Si tu es un entraîneur jusqu’au-boutiste, que tu veux jouer dans un certain système mais que tu n’as pas les joueurs pour l’animer, tu ne vas pas réussir. Tu mets en place un système adéquat en fonction des joueurs que tu as sous la main. C’est à mon sens les joueurs qui passent en premier : le joueur doit être mis dans les meilleures conditions, dans sa zone préférentielle. Si tu veux avec trois centraux et deux pistons, si tu n’as pas ces joueurs animateurs de couloirs, c’est compliqué à mettre en place. J’ai joué avec plusieurs systèmes dans les différents clubs où je suis passé, et je les ai souvent choisis par rapport aux qualités de mon effectif.

Comment battre un bloc bas ?

En général, quand tu affrontes un bloc bas, c’est parce que l’adversaire te craint et ne veut pas laisser beaucoup d’espace dans son dos. À partir du moment où tu joues contre un bloc bas, et que tu dois essayer de manoeuvrer, de contourner, la première des choses c’est déjà la patience, ne pas confondre vitesse et précipitation. C’est de travailler le bloc équipe adverse sur la largeur pour après, un moment donné, trouver la solution à l’intérieur ou sur les côtés. Mais il n’y a pas de recette miracle. C’est toujours pareil, ça va dépendre de la capacité de l’adversaire à bien défendre, à sa capacité à te faire mal quand il va récupérer le ballon aussi parce que quand tu es en bloc, parfois, tu as fait tellement d’efforts pour récupérer le ballon que tu n’as plus l’énergie pour le mettre dans le camp d’en face et faire peur à ton adversaire. Moi, si j’avais souvent des blocs bas face à moi, ça veut dire que j’aurais une équipe dominante, et je trouve que c’est plus confortable de jouer contre un adversaire qui va être à 70 mètres de mon but quand il va récupérer le ballon. C’est pour moi un faux débat. Mettre en échec un bloc bas, il y a plusieurs solutions. D’abord la possibilité de frapper de loin, ensuite la patience et la qualité de tes joueurs qui font qu’ils sont capables de trouver des solutions dans des espaces plus réduits. C’est vrai que ça dépend souvent de la qualité intrinsèque de tes joueurs, notamment tes éléments offensifs.Durée pour imposer sa patte ?

Ça dépend si tu prends une équipe en début de saison et que tu fais une préparation d’un mois et demi, il est évident que tu as beaucoup plus de temps pour mettre en place des choses, de préparer ton équipe. Dans mon cas personnel, quand tu arrives dans une situation d’urgence avec une équipe en difficulté et en manque de confiance, tu pares au plus pressé, au plus urgent. Déjà remettre de la confiance à travers les résultats, à travers le fait d’être plus solide, à travers le fait d’être plus proches les uns des autres, de se sentir plus costaud parce que justement on a un bloc équipe compact. Ce que je fais aujourd’hui à Brest, dans la période actuelle, ce ne sera pas forcément la même chose l’année prochaine si je reste avec une préparation, etc… tu vois ce que je veux te dire ? Ça dépend toujours de l’environnement et du contexte dans lequel tu arrives. Normalement, il est évident qu’en deux-trois mois, tu dois être capable de pouvoir infuser tes idées fortes et ce que tu souhaites.

« Tous les entraîneurs travaillent pour avoir le plus de maîtrise »

Quelle est la part de chance dans le foot ?Elle est importante parce que le football est certainement le sport où il y a la plus grande incertitude du résultat. C’est le sport où la meilleure équipe gagne le moins souvent. Au rugby, une équipe très dominatrice va gagner 99% du temps, en football ce n’est pas le cas. C’est le sport qui génère le plus d’incertitudes, c’est pour ça justement qu’il déchaine les passions, c’est pour ça que tout est possible. C’est un sport où tu marques peu de points : 1-0, 2-1, 3-2 maximum, parfois 4-3 mais c’est très rare. Quand tu fais du basket et que c’est 100 à 80, il y a beaucoup de points, donc la qualité et la supériorité d’une équipe se traduit plus facilement. Au rugby pareil, au hand pareil. Comme il y a peu de points, et maintenant on en parle très bien avec les expected goals, tu peux très bien avoir fourni un match avec beaucoup de contenu, beaucoup de situations, tu auras été ce jour-là maladroit, tu seras tombé sur un gardien en état de grâce, tu auras raté un penalty, tu auras raté des occasions très franches, et inversement sur un corner un peu bidon, tu vas perdre le match 1-0. C’est des choses qu’on peut voir assez souvent en foot. C’est ce qui rend ce sport imprévisible, irrationnel. Tous les entraîneurs travaillent pour avoir le plus de maîtrise, se créer le plus d’occasions, gérer le plus d’incertitudes chez l’adversaire, Parfois, tu le fais très bien et tu n’as pas le résultat au bout, parfois, tu le fais moins bien et tu as le résultat au bout. Mais sur la durée d’un championnat, il est évident que tu dois être récompensé.

Est-ce que l’entraîneur n’est plus psychologue que coach aujourd’hui ?

Je ne dirais pas psychologue, mais il est tout à la fois. Il est surtout manager, c'est-à-dire qu’il doit être capable de manager un collectif de joueurs et surtout gérer des personnalités différentes. Tous les joueurs n’ont pas les mêmes besoins, et ça dans ta manière et ton approche du métier, c’est quelque chose qu’il te faut rapidement comprendre, rapidement analyser. Quel joueur a plus besoin d’une relation affective ? Quel joueur a plus besoin d’une relation un peu en conflit ? Pour performer, les joueurs n’ont pas les mêmes besoins, certains ont besoin d’être dans un rapport de force, d’autres ont besoin d’être rassurés, d’autres encore guidés et de leur expliquer les choses. Il faut parfois des images pour comprendre ou du verbal. Tout ça est compliqué parce qu’il faut manager un groupe dans sa globalité et en même temps gérer différentes personnalités. C’est la difficulté de ce métier.

Quelle est ta causerie type ?

C’est souvent  de parler d’un contexte, un environnement lié à un match, des objectifs à l’intérieur de ce match. Il ne s’agit pas de dire qu’on doit gagner, car on doit toujours gagner, mais quels sont les objectifs à remplir pour accéder à une performance qui nous permettra de gagner. Qu’est-ce qu’on doit mettre en place pour avoir un résultat positif ? Et puis après, dans un plan de jeu, quels sont nos principes défensifs et offensifs par rapport à notre adversaire du jour. Le positionnement de notre bloc, est-ce qu’on est plus ou moins haut, est-ce qu’on est dans le pressing. Ça peut, suivant l’équipe que tu as, être différent, variable, suivant l’adversaire. Si tu as une équipe dominatrice de ton championnat, tu vas être plus centré sur toi-même que sur tes adversaires. Quand tu as une équipe pas réellement dominatrice, tu vas devoir t’adapter aux forces et aux faiblesses que tu auras décelées de ton adversaire. C’est pour ça que l’adaptabilité de l’entraîneur est importante à mon sens.

Comment gère-t-on les egos ?

Avoir des joueurs qui ont de l’ego, c’est important parce que ça veut dire que ce sont des joueurs qui ont de la personnalité, de la confiance en eux, du caractère. Moi, je trouve ça plutôt bien, maintenant, ça dépend où tu places ton ego : est-ce que c’est un ego bien placé dans le sens où ma personnalité et mon caractère je les retrouve sur le terrain, ou si ton ego n’est qu’au vestiaire et donc pas bien placé. Dans un vestiaire, tu es dans un collectif, tu es dans un groupe, et tu dois quelque part te plier au cadre et au rythme de vie du groupe, prendre soin de tes partenaires. Moi, avoir de l’ego, je trouve ça génial et il en faut, mais je veux un ego bien placé parce qu’il y a beaucoup de joueurs qui ont un ego mal placé. Dans la gestion, il faudra être dur avec certains qui ont un ego mal positionné et plus compréhensif avec certains. Ce qui est important, c’est la vie de groupe. Avec le staff, on fixe un cadre, tous ceux qui sont dans le cadre font partie du groupe. J’ai besoin d’avoir des personnalités différentes, c’est ce qui fait la richesse d’une équipe pour qu’elle soit performante. Après, s’il y en a un qui sort du cadre, il s’élimine de lui-même. Tous les grands ont de l’ego et souvent un ego bien placé.

Comment s’adapte-t-on aux réseaux sociaux et à cette génération connectée ?Je suis peu sur les réseaux sociaux. J’ai un instagram comme beaucoup de vieux mon âge parce qu’il fallait s’y mettre (sourire). Mais ce n’est pas pour surveiller mes joueurs, en aucun cas, ça m’intéresse peu. Ce qui compte, c’est ce qu’ils font quand ils sont avec moi. Après, on les met en garde quand même parce que quand tu représentes l’institution d’un club, tu as un devoir d’exemplarité. Comme je dis souvent aux joueurs, ils ont beaucoup de droits - le droit d’avoir un salaire tous les mois, le droit d’avoir des bonnes conditions d’entraînement, le droit qu’on s’occupe d’eux et qu’on les amène à un certain niveau de performance - mais inversement ils ont aussi des devoirs et ça fait partie de leur métier. Donc ils ne peuvent pas se permettre de faire tout et n’importe quoi. C’est pour ça qu’il faut faire attention parce que s'ils ne donnent pas une belle image d’eux, ça rejaillira forcément sur le club. Il n’y a pas de choses qui sont mises en place spécifiquement par rapport aux réseaux sociaux, mais il est évident que ça fait partie de l’environnement des joueurs. Nous on doit s’adapter et eux n’en doivent pas faire n’importe quoi.

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