Furia Liga
·16 juin 2019
In partnership with
Yahoo sportsFuria Liga
·16 juin 2019
Ismael et Juan Rescalvo ont un parcours plus que particulier. Jumeaux pas encore quarantenaires originaire de Valence, ils n’ont pas eu de carrière pro ni même entraîné un club conséquent en Espagne. Pourtant, en 2016, le duo fait le grand saut et rejoint la Colombie. Tout va vite s’enchaîner pour les Espagnols qui après avoir quitté le pays de James Rodriguez pour l’Equateur se retrouvent maintenant à la tête d’un monument du football local. Ismael et Juan ont une méthode particulière et font face à un défi immense. Retour sur le parcours récent mais tout bonnement exceptionnel de ces deux hommes qui ont su saisir l’opportunité qu’on leur a offerte.
Ismael et Juan se ressemblent, logique ils sont jumeaux. Cependant, leur destin est lié depuis l’enfance. En plus de partager un visage et un timbre de voix, les deux hommes font tout ensemble. Comme tout bon valencian, Juan et Ismael se mettent au football très jeunes. Ils sont des photocopies même crampons au pied. Les deux sont très techniques, l’un sera défenseur l’autre milieu de terrain. Après avoir navigué dans de nombreux petits clubs de la banlieue de Valence, une blessure va avoir raison des aspirations du duo. Ismael se blesse gravement au ménisque et son frère range les crampons un an plus tard. Les deux vont suivre un cursus similaire et étudier dans le même domaine : l’administration. Le football reste dans le coeur des deux hommes et ils vont passer leur diplôme d’entraîneur en même temps.
En 2012 le duo retrouve le club qu’ils ont quitté pour tenter d’exister loin du football. Torre Levante est un petit club qui est avant tout un club formateur pour les plus grosses cylindrées de la région ou d’ailleurs comme le montre le partenariat avec l’Atletico. Ismael sera l’entraîneur principal, Juan le fidèle adjoint. Les deux étaient entraîneur des jeunes du club avant d’être catapultés à la tête de l’équipe première. En 2013 un an après leur début, ils offrent au club une monté historique en Tercera, un niveau inédit pour le club. L’histoire des deux hommes avec Torre Levante dure 4 saisons. Le temps de stabiliser le club en D3 et surtout de lui permettre de nouer de nombreux partenariats à l’étranger.
C’est l’un d’eux qui va changer la carrière des deux hommes du tout au tout. En 2016, une délégation d’Envigado, un club colombien approche Juan et Ismael. Le club qui est connu pour avoir formé des joueurs de renom au pays comme Freddy Guarin ou encore James Rodriguez suit les Rescalvo depuis quelques mois. Surtout que la philosophie du club est de performer grâce à des joueurs passés par les catégories de jeunes du club. Une philosophie que connaisent parfaitement les deux Espagnols. Au terme de la saison 2015-2016, l’annonce est officielle. Les natifs de Valence franchissent le pas.
Les deux sont très ambitieux à leur arrivée et confient : « Nous pensions que venir en Amérique du Sud nous aiderait à nous développer professionnellement et personnellement et lorsque la proposition nous est parvenue, nous n’y avons pas réfléchi et avons décidé de venir ». Adieu donc l’Espagne et bonjour la Colombie. Et surtout, adieu l’impitoyable monde semi-pro et bonjour le professionnalisme.
A ce niveau, peu de duos de jumeaux sont à la tête de club en première division. On peut nommer les De Boer ainsi que les frères Schelotto. Une différence et une situation peu commune qui fait la force du tandem espagnol et qui lui permet de marcher au diapason. À leur arrivée en Colombie au Envigado FC, les Rescalvo ont amené dans leur valises des personnes déjà connues à Torre Levante comme Carlos Torres et José Arastey qui complètent le staff des Espagnols. En plus de ça, deux footballeurs ibériques ont traversé l’océan: Diego Gregori et Juanra Garcia.
En Colombie, les deux hommes retrouvent une atmosphère qui ressemble beaucoup à celle de Torre Levante. Bien sûr, les attentes et les moyens sont décuplés, mais ici comme à Valence, il y a un besoin vital pour les clubs de performer grâce à des jeunes. Envigado en a fait sa renommée en mettant sur pied un système de détection et de formation exigeant qui porte ses fruits. Derrière les très médiatiques Freddy Guarin ou James Rodriguez c’est tout un club assez jeune (1989) qui est devenu presque immédiatement un incontournable de la D1 Colombienne. Cette méthode a même permis à Envigado de disputer une compétition continentale.
Habitués à travailler avec des groupes jeunes, les jumeaux vont conduire un effectif dont la moyenne d’âge ne dépasse pas 21 ans à une superbe saison. Sans connaître le championnat local ni la D1 en général, les Rescalvo vont pourtant mener Envigado à la 9e place de la 2e phase du championnat colombien. Le club ne se qualifie pas pour le tour suivant simplement à la différence de buts. Les Espagnols font sensation et font la une en Colombie. Cependant, tout va très vite se dégrader. Pour l’Apertura 2017, le club fait un très mauvais départ et fini en queue de classement, à la 19e place et surtout 18 points de moins que lors du précédent championnat. Les Rescalvo quittent le club mais leur nom fait recette.
Malgré cette fin décevante, les jumeaux auront été une sensation lors de leur premier championnat disputé en Amsud à la tête d’un groupe très jeune. De nombreux jeunes lancés directement par les Espagnols ou qui auront bien progressé sous leur ordres auront rejoint de grands clubs peu après leur départ. On peut évoquer le nom de Jorge Segura qui a rejoint Watford ou encore Cristian Arango qui après une escale aux Millonarios a rejoint Benfica.
Les jumeaux sont courtisés en Amérique du Sud, eux veulent progresser sensiblement. Mi 2017, ils sont approchés par le géant Independiente de Medellin. La progression est nette entre ce nouveau club qui compte bon nombre de championnats nationaux dans son armoire à trophées et Envigado. Cependant, leur arrivée est particulière. Ils vont pourtant rapidement remplacer Juan José Peláez à la tête de l’équipe pro après quelques soucis administratifs qui leur ont permis de sonder les équipes de jeunes du club et de tout le pays. Ismaël et Juan sont toujours inséparables et doivent remettre le club tout en haut de l’affiche en championnat mais aussi le faire peser sur le continent.
En Copa Sudamericana, les colombiens sont sortis relativement tôt par une formation paraguayenne. Les critiques sont violentes envers le duo qui maintient le cap. En championnat cela va mieux, le club se classe deuxième de l’Apertura 2018 et se battra donc pour le titre. Après avoir écarté Junior en quart, l’Independiente affronte le petit Tolima en demi. Tout le monde espère une qualification facile des hommes de Rescalvo. Cependant, le bourbier est réel et Medellin sort aux penaltys après le 1-1 en cumulé. La désillusion est grande et Juan et Ismaël ne sont pas confirmés dans leur fonction. Ils quittent le club en laissant une nouvelle fois une impression en demi teinte.
Ce passage sera tout de même important pour le duo. Tout d’abord ils ont prouvé que leur style de jeu pouvait permettre de jouer le titre et n’était pas viable simplement pour des clubs plus modestes. Mais surtout, cette expérience dans un club hautement médiatique aura permis aux deux frères de pouvoir s’expliquer longuement sur le vision du foot et leur fonctionnement. Ismaël a par exemple expliqué le rôle de son frère dans le duo. Il met sur pieds des logiciels de traitement de données qui aident son jumeau. « Mon frère a toujours aimé les chiffres, les programmes qui analysent les comportements du rival; en d’autres termes, la technologie appliquée à la tactique. Il a donc décidé de se consacrer à ça et cela a vraiment été d’une grande aide dans les clubs que nous avons fréquentés »
Pour El telegrafo les deux frères sont revenu sur leur manière de manager et leur philosophie globale : Nous aimons parier sur les jeunes, qui ont la capacité et le talent de pouvoir se développer au sein d’un club. Nous aimons donner l’occasion aux jeunes. En ce sens, nous sommes convaincus que parier sur les jeunes est la chose la plus importante « . Leur leitmotiv est clair : « Le résultat est obtenu grâce au jeu. » Sur le terrain, les équipes des Rescalvo sont très équilibrées et ne sont que rarement prises à défaut. Ils veulent aussi tenir le ballon et avoir le contrôle du match avec celui ci, pas question de subir. Au quotidien, le duo arrive très tôt au club et laisse toujours sa porte ouverte. Comme beaucoup de jeunes entraîneurs, les deux aiment le dialogue et échangent beaucoup avec leurs joueurs.
Même pas un mois après son départ forcé du DIM, le duo refait surface. Le 28 juin 2018 les jumeaux sont recrutés par l’Independiente Del Valle en Équateur. Ce changement de pays en dit long sur l’aura grandissante des deux hommes en Amérique du Sud. Arrivés comme des inconnus en 2016 à Envigado et maintenant à la tête d’un autre club puissant après avoir pris en charge un club majeur colombien. Surtout que le bilan des deux hommes est conséquent. En 3 saisons ils ont dépassé deux fois la barre des 30 points en 18 journées ce qui est important pour des novices dans cette région du monde sans référence ailleurs au niveau professionnel.
La Máquina del Valle n’a jamais remporté de championnats nationaux mais reste, comme Envigado par exemple, un club connu et reconnu pour sa formation et post formation dans un pays qui se développe bien au niveau du football. Le club est sur la pente ascendante et a perdu la finale de Copa Libertadores en 2016 face à l’Atletico Nacional. Les Espagnols retrouvent donc un club ambitieux qui a terminé 6e de la première phase du championnat. Ils dirigeront l’équipe lors des 22 journées de la deuxième phase et finiront à la même place ce qui donnera une 7e place en cumulé. Un résultat tout de même satisfait et qui pousse à l’optimisme. Pour une fois depuis leur arrivée en Amérique du Sud, Ismaël et Juan semblent en capacité de s’inscrire dans la durée avec un club.
Le début de championnat 2019 est magnifique pour Del Valle et les Rescalvo. Après une mise en route compliquée, le club va même être leader du championnat à partir de la 8e journée. Le 442 qui peut se transformer en 4231 ou 433 marche parfaitement et le club a même passé un tour en Copa Sudamericana. Sauf que voilà, tout bascule après la 10e journée de championnat. Ismaël annonce son départ du club et se fait descendre par sa direction au vu d’une conduite jugée pas professionnelle. Quelques jours plus tard, le Valencian est nommé à la tête du géant Emelec qui est le deuxième club le plus titré d’Équateur mais qui occupe la 10e place du championnat à ce moment. L’Espagnol a fait joué une clause dans son contrat et se retrouve devant l’un des plus grand défis de sa jeune carrière.
3e en 2018, Emelec se retrouve donc en queue de classement et doit se remobiliser pour retrouver ses hauteurs habituelles. Los Eléctricos sont une institution en Équateur au plus d’être le club le plus titré du pays lors de la dernière décennie. Une montagne que doivent gravir Ismaël et son frère pour continuer de prouver leur talent au continent. À son arrivée, l’homme toujours accompagné de son jumeau qui n’a toujours pas 40 ans à des mots très intéressant. « La seule chose que je peux promettre, c’est du travail. Nous avons des joueurs très talentueux et nous allons essayer de leur faire comprendre notre idée. Parce que non seulement cela vaut la peine de gagner, vous devez le faire avec identité, avec un but. »
Le club qui a plus de 90 ans doit se relever et ne se contente pas de cette 9e place indigne. Pour leur premier match, les Rescalvo ont été battu 3-1 par le CD Olmedo en championnat. Un match vite oublié car le 4231 des Espagnols a permis de qualifier le club pour les matchs à élimination directe en Libertadores en disposant des brésiliens de Cruzeiro. Cependant, Emelec a été battu par son rival du SC Barcelona en championnat. Un revers qui fait tâche même si la logique du classement a été respecté. Depuis cette déconvenue, Emelec a enchaîné 3 succès, 2 en championnat et un en Coupe. Maintenant 9e, Los Azules ne se retrouvent qu’à un point de la 8e et à 13 du leader. Le géant endormi commence à se réveiller, et les jumeaux semblent encore disposer à réussir un exploit… De quoi rêver encore plus grand rapidement ? Leur nom n’est pas encore très connu en Espagne mais vu leur aura en Amérique du Sud, cela ne serait tarder.
Benjamin Bruchet
@BenjaminB_13
Direct
Direct
Direct