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·1 décembre 2022
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Ce jeudi après-midi, les Diables Rouges jouent leur qualification pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde. L'occasion pour certains de vibrer, peut-être une dernière fois, devant les exploits d'une génération dorée. Pour d'autres, Diables ou pas, ce Mondial, c'est un grand non.
Ce n'est pas pour rien que cette Coupe du monde est d'ores et déjà considérée comme la plus controversée de l'histoire : corruption à peine cachée quant à la nomination du pays-hôte, le Qatar, où les droits humains sont bafoués ; des milliers d'ouvriers sur les chantiers, au mieux exploités, au pire décédés ; un désastre écologique sans précédent dans l'histoire du tournoi... La liste est longue.
Malgré leur passion dévorante pour le football, certains ont décidé que cette Coupe du monde, ce sera sans eux. C'est le cas d'Augustin, fondateur du collectif "Boycott & Bringue", dont le groupe Facebook rassemble à l'heure actuelle près de 2700 internautes. "Les premières raisons, pour moi, étaient écologiques. J'ai commencé à en parler autour de moi et je me suis rendu compte que beaucoup d'autres personnes pensaient aussi à boycotter. On a commencé à lister plusieurs raisons pour ce boycott, qu'on a divisé en différents aspects, et on s'est rendu compte que quasiment sur tous les aspects, cette Coupe du monde était une aberration."
Au fur et à mesure de ses recherches, Augustin a vu le tableau de cette Coupe du monde progressivement et très rapidement se noircir, et se noircir encore. Les aspects socio-économiques l'ont, eux aussi, dégoûté. "Le Qatar n'est pas développé en termes de droits humains. Déjà en termes de droits des ouvriers, qui travaillent 12 heures par jour, avec un voire zéro jour de repos par semaine, sans sécurité, avec des retards de paiement, le fait que c'est leur employeur qui détienne leur passeport...Tout a été listé par Amnesty International. On est clairement sur de l'esclavagisme. Le Qatar est également très liberticide, notamment au regard du droit des femmes. Elles sont sous l'autorité d'un tuteur, et cela tout le long de leur vie. Les droits des personnes LGBTQ + ne sont pas non plus respectés. Les rapports homosexuels sont passibles de 7 ans de prison. Je pense vraiment qu'on ne le répète pas assez."
Augustin nous livre ensuite son but, ses visions derrière ce boycott : "pour qu'à l'avenir, les dirigeants de la FIFA ou des autres autorités sportives, voire les responsables politiques, prennent en compte tous ces enjeux-là. Exprimer un dégoût face une décision, en espérant avoir un impact. Mais aussi être en cohérence avec mes valeurs. Parce qu'elles ne me permettent pas de regarder un match de football dans un stade qui a été construit sur le sang d'ouvriers."
Notre but est clair : exprimer notre dégoût et avoir un impact à l'avenir
Ce n'est désormais plus un secret pour personne : cette Coupe du monde a été achetée. "La justice américaine a condamné 5 membres du Conseil supérieur de la FIFA pour l'argent reçu avant l'attribution de la Coupe du monde au Qatar (2010, ndlr). Il y a des faits de corruption avéres. Il y a aussi ce que Mediapart a révélé, et le fameux souper à l'Elysée entre Sarkozy, Platini, le prince hériter et le premier ministre du Qatar. Il y a aussi les documents qui prouvent que Sarkozy et Platini devaient toucher 10 ou 15 millions de la part du Qatar, c'est ce que Blast a sorti."
Un ressentiment prédomine : "le dégoût, et presque même la colère". "On se dit qu'on se fout de nous et que tant qu'on consomme, tant mieux pour eux. Le reste, ils n'en ont rien à foutre". Un crève-coeur, aussi, pour Augustin, qui se revendique "grand fan de foot", et se dit "regarder normalement tous les matchs d'une Coupe d'une monde". "C'est un mépris pour tous les footballeurs amateurs de donner l'organisation d'un si bel évènement à un pays qui a une culture du foot nulle, en fait. Ils n'ont jamais joué à une Coupe du monde auparavant. Cette qualification, ils l'ont achetée. C'est grotesque aussi pour nous, les amateurs de foot, qui veulent voir de la compétitivité entre les équipes. Le Qatar achète et naturalise aussi son équipe. Dans leur sélection pour cette Coupe du monde, il y en seulement 14 sur les 26 qui sont nés au Qatar."
"Tout ce qu'on fait ici, au final, c'est considérer le football comme une marchandise que l'on achète et puis que l'on revend. Et ça, on en a marre."
La solution, alors, devant ce foot-business qui pique les yeux et qui dégoûte autant qu'il divise : organiser des "contre-matchs", pour se réunir, pouvoir passer un bon moment entre amis loin de cette "ignominie", mais aussi montrer son désaccord.
"L'idéal pour nous était de faire concurrence aux matchs de la Coupe du monde. Montrer que l'ambiance, la fête, c'est au boycott, pas pendant les matchs de la Belgique. Mais nous voulions aussi garder cet aspect fédérateur et rassembleur, propre aux évènements sportifs internationaux. Tant que cela reste en accord avec nos valeurs et notre morale."
Garder cet aspect fédérateur, mais en phase avec nos valeurs et notre morale
"Le but était de proposer des alternatives aux matchs, attrayantes pour les gens. Nous avons crée un groupe (Facebook) et l'engouement est très vite monté. Le but du groupe est maintenant de faciliter le boycott, montrer que nous sommes loin d'être les seuls à boycotter et relayer les différents évènements ou mouvements appelant au boycott. Un tel engouement, cela aide et motive les gens à boycotter. Nous avons aussi listé les différents bars qui refusaient de diffuser les matchs, ceux qui font passer leurs valeurs avant le profit, d'une certaine manière."
Au programme des évènements "Boycott & Bringue" : apéros/afterwork, DJ set, et matchs historiques des Diables Rouges. "Pour le premier match (contre le Canada, ndlr), nous avions décidé de projeter le match Belgique - Brésil, lors de la Coupe du monde 2002. Il y a plusieurs générations qui n'ont pas vu ce match. Pour le deuxième match (contre le Maroc, ndlr), un autre collectif a pris le relais. Pour le dernier match, nous organisons un afterwork, avec un DJ set et distribution de vin chaud."
"Ce n'est pas parce qu'on n'a pas pris position dans le passé qu'on ne peut plus le faire maintenant, ou dans le futur", affirme Augustin. "Il n'est jamais trop tard pour donner notre avis et montrer qu'en tant que 'consommateur' de foot, on a aussi notre mot à dire."
Une initiative qui séduit, donc, et qui a déjà rencontré son petit succès. "L'air de rien, nous avons déjà eu de bons retours. La plupart de ceux qui ne pouvaient pas venir à nos évènements, c'est parce qu'ils étaient occupés et avaient autre chose à faire. Pas parce qu'ils préfèraient regarder les matchs. Et c'est assez positif de voir que beaucoup de gens n'étaient plus intéressés par cette Coupe du monde."
Et si la Belgique passe face aux Croates et réalise par la suite un fabuleux parcours surprise ? Tant mieux, mais jamais cela ne sera un prétexte pour arrêter soudainement le combat. "J'ai été au courant des résultats de la Belgique. Mais, honnêtement, j'ai tellement été dégoûté par tous ces scandales que je n'ai presque plus envie de m'y intéresser", regrette Augustin."Ca me manque, bien sûr. Mais mes valeurs prennent le dessus."