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·21 mai 2019
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Le 29 mai prochain, Arsenal et Chelsea s’affronteront dans le cadre d’une finale d’Europa League à l’accent londonien. Dans la foulée, le 1er juin, c’est la Champion’s League qui se jouera entre Tottenham et Liverpool. Et en parallèle de tout cela, Manchester City a remporté le triplé domestique. Le carton plein est total pour la Premier League, qui profite d’une sacrée bouffée d’air frais après plusieurs années de domination espagnole. Mais sur ces quatre équipes, un seul propriétaire est britannique pour quatre entraîneurs étrangers. De quoi se demander si le triomphe 2019/2020 de la Premier League est réellement le triomphe du football anglais…
La décennie dans laquelle nous vivons actuellement n’avait laissé que très peu de place sur la scène européenne au football anglais. Alors que les clubs du Royaume de sa très chère majesté Elizabeth II trustaient les grands rendez-vous de Ligue des Champions depuis 2005, la victoire finale de Chelsea en 2012 a marqué un coup d’arrêt aux envies de domination anglaise. Avant cet événement, sept clubs anglais s’étaient hissés en finale de la plus grande compétition européenne en sept ans. Liverpool, Manchester United ou Arsenal ont essayé de soulever la Coupe aux grandes oreilles avec plus ou moins de succès avant celui des Blues londoniens à Munich. Depuis, et jusqu’à cette saison, le vent avait tourné. L’hégémonie espagnole (celle du Real Madrid surtout, vainqueur de quatre des cinq dernières éditions) avait eu raison des fantasmes anglais. Face aux deux mastodontes Ronaldo et Messi, face aux institutions Real et Barça, la Premier League s’est contentée de prendre des notes et de ramasser les miettes. Ces miettes, ce sont les deux Europa Leagues, remportées par Chelsea en 2013 et par Man United en 2017.
Cette saison, il se pourrait que le vent ait tourné à nouveau. Les clubs espagnols sont loin de maîtriser leur sujet comme cela a pu être le cas précédemment, et ceux de la Perfide Albion ont su répondre présent au bon moment. Résultat, la finale de la Champion’s League sera donc 100% anglaise. Une première depuis 2008 et le sacre de Man. United sur Chelsea à Moscou. Cette finale se disputera, le hasard faisant bien les choses, en Espagne, à Madrid. Elle opposera Liverpool, qui part légèrement favori, à Tottenham, coupable malgré tout d’avoir sorti le Manchester City de Pep Guardiola en quart de finale, avant d’éliminer sur le gong l’équipe « King Slayer » de cette édition, l’Ajax Amsterdam.
En parallèle, Chelsea et Arsenal se disputeront donc la finale de l’Europa League, assurant à la ville de Londres de remporter au moins un trophée cette saison. Sur le papier, la domination anglaise semble totale sur le football européen version 2018/2019. Et plus effrayant encore, l’équipe qui a tout ravagé localement n’est même pas une des quatre formations à disputer une finale en cette fin mai. Manchester City et Pep Guardiola, qui sont donc tombés contre les Spurs de Tottenham, ont roulé sur le championnat, en plus de leurs triomphes dans les deux coupes qu’ils disputaient (FA Cup et League Cup). Tout cela sans même mentionner la victoire en Community Shield en début de saison.
Dans le jeu, ces mêmes clubs mentionnés précédemment ont tous fait d’immenses progrès. Manchester City, de par la patte de Guardiola, joue l’un des footballs les plus impressionnants que l’on ait vus en Angleterre depuis des années. Liverpool, qui a tenu la dragée haute à City en Premier League jusqu’à la dernière journée, possède l’un des trois effectifs les plus complets du continent, joue un football plaisant et a montré que personne ne leur faisait peur. Les Spurs de Tottenham, qui n’ont pourtant pas recruté depuis plus deux mercatos, avancent avec un groupe qui se connaît par cœur et un entraîneur qui s’affirme comme l’un des plus ambitieux de la planète football. Arsenal et Chelsea, bien que leurs effectifs soient intrinsèquement moins qualitatifs que ceux de leurs rivaux, profitent quant à eux d’identités de jeu très marquées par leur coach respectif, Unai Emery et Maurizio Sarri. Seul Manchester United, malgré la « remontada » contre le PSG, reste en retrait.
Au vu de toutes ces informations, on pourrait croire que le football anglais en lui-même est sur de bons rails. Les clubs sont entre de bonnes mains, et ils performent au plus haut niveau. Mais les résultats sont trompeurs. Ça n’est pas le football anglais qui respire, mais bien son championnat phare, la Premier League. La nuance est importante dans le sens où si c’était le football anglais qui se portait bien, les retombées seraient importantes au niveau de la fédération et l’équipe nationale. Si l’on ne peut pas dire que c’est le football anglais dans sa globalité, c’est avant tout parce que les acteurs concernés par ces excellents résultats ne sont majoritairement pas Anglais. Ce phénomène est visible en ne s’intéressant qu’au top 5 de la Premier League. Ce top 5 comprend donc les quatre équipes qui disputeront une finale européenne ainsi que City et ses quatre titres cette saison.
Sur ces 5 équipes, une seule appartient à un Britannique. Ce Britannique c’est Daniel Levy, propriétaire de Tottenham. Pire, aucune d’entre elles n’est coachée par un technicien local. On compte donc deux Espagnols (Guardiola et Emery), un Allemand (Klopp), un Argentin (Pochettino) et un Italien (Sarri). Pour relancer la mécanique au top niveau, ces clubs anglais, qui n’appartiennent pas à des Anglais, ont choisi de faire confiance à des entraîneurs étrangers, et cela a donc payé. Pas forcément le meilleur coup de publicité pour la formation à l’anglaise et pour la réputation des coachs locaux. Si l’on regarde encore plus en détails, on se rend même compte que ces équipes ne comptent pas tant de Britanniques que ça dans leurs rangs. Dans les cinq effectifs, seulement 18 joueurs anglais ont joué 25 matchs toutes compétitions confondues cette saison et peuvent être considérés comme faisant partie intégrante de la rotation de leur effectif.
Le bon état du championnat pourrait même avoir des conséquences négatives sur celui du football anglais directement. Les clubs anglais sont déjà particulièrement riches, notamment grâce à l’explosion de la vente des droits TV, et ceux de milieu de tableau voire de la deuxième moitié du classement pourraient être tentés encore plus qu’ils ne le sont déjà de suivre l’exemple des cadors, en se tournant encore plus vers l’étranger. Et plus les clubs anglais opéreront de cette façon, moins les jeunes joueurs et entraîneurs locaux auront leur chance de s’imposer au plus haut niveau.
Si la formidable saison des clubs anglais sur la scène européenne pourrait avoir des conséquences négatives sur le football anglais, la sonnette d’alarme n’est pas encore à tirer. En cause, le Brexit, dont l’issue finale n’est pas encore connue, et qui pourrait obliger la fédération anglaise de football à prendre des mesures inédites, avec notamment des histoires de quotas…
Crédit photo : Paul ELLIS / AFP