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·23 décembre 2019
Le FC Barcelone, symbole du nationalisme catalan ?

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·23 décembre 2019
Le clásico du 18 décembre dernier a une nouvelle fois reflété le lien du Barça avec la politique catalane. En effet, des heurts en dehors du Camp Nou et des revendications dans l’enceinte ont émaillé la rencontre. Nous le savons tous, le FC Barcelone occupe une place symbolique dans le nationalisme catalan. Mais a-t-il toujours été un club qui a baigné entre politique et sport ?
Les confrontations entre le FC Barcelone et le Real Madrid attirent l’attention du monde entier. Cette médiatisation à l’échelle planétaire n’a pas échappé au mouvement « Tsunami Democratic ». Cette organisation indépendantiste catalane a en effet utilisé l’ampleur du Clásico pour faire entendre sa voix. « Spain Sit And Talk » (Espagne assieds-toi et dialogue, NDLR), voilà le message affiché au Camp Nou au coup d’envoi du match. Une invitation au gouvernement espagnol à revoir sa position sur la question de l’autodétermination de la Catalogne. Fidèle à son engagement dans la liberté d’expression et de la cause catalane, le club azulgrana a souvent été au centre de la politique de sa région. Cependant deux questions se posent. Le FC Barcelone a-t-il été créé sous fond politique ? Ou bien, a-t-il été rattrapé par le catalanisme ?
Si vous n’y aviez jamais fait attention, tendez bien votre oreille lors des matchs du Barça au Camp Nou. Il y a de fortes chances que vous entendiez résonner « independència » ou « llibertat » un moment précis. En effet, à partir de la quatorzième seconde de la dix-septième minute (17:14), le stade chante en l’honneur de l’indépendance de son « pays ». Cet instant précis n’est pas un hasard. Il fait référence à l’an 1714. L’année à laquelle, la Catalogne a perdu son autonomie au profit de l’Espagne. Partant de ce fait, il est à souligner que la question du nationalisme catalan est bien ancrée au FC Barcelone. Cependant, affirmer que Hans Gamper et ses camarades ont créé ce club pour cet objectif bien précis serait trop risqué.
Pour revenir à l’origine de la fondation du FC Barcelone, il faut noter qu’elle est survenue à une période bien particulière. En 1899, l’Empire espagnol perdait ses dernières colonies aux Caraïbes. Par conséquent, cet affaiblissement du régime a coïncidé avec les prémisses du nationalisme catalan. Toutefois, le Barça, en tant qu’association sportive, n’a pas officiellement montré un attachement particulier à ce mouvement. Conformément aux lois des associations de 1887, le club a déposé sa charte juridique auprès du gouvernement civil de Catalogne afin d’obtenir une approbation. Dans l’article 3 de ladite charte, la possibilité du caractère politique est clarifiée.
« L’association ne pourra jamais avoir un caractère politique et ni avoir d’autres journaux que le sport. »Les controverses l’histoire du FC Barcelone, « Més que un club »? Les origines de la politisation du FC Barcelone (Fernando Arrechea, Cihefe)
Selon le Cihefe (centre d’investigation de l’histoire statistique du football espagnol, NDLR), le Barça n’avait pas de prétentions politiques à ses origines. Ou bien, il ne les avait pas montré. Une conviction démontrée encore une fois en 1911 durant la présidence de Hans Gamper. Le club a approuvé une nouvelle charte et le troisième article est resté quasiment le même. Un seul ajout notable est constaté : la religion.
Il semble donc que le souhait des fondateurs était que le FC Barcelone n’ait aucun caractère politique. Voulaient-ils éviter de laisser ce fardeau en héritage ? La réponse reste inconnue. Mais quoi qu’il en soit, il n’aura pas fallu longtemps pour que le club n’entre dans la résistance de l’identité catalane.
Comme nous le savons tous, la devise du Barça est « més que un club » (plus qu’un club). Une expression apparue pour la première fois dans le dix-neuvième numéro du magazine du club. Le 12 août 1965 plus précisément, dans un article d’opinion sur le nom du nouveau stade, en l’occurrence le Camp Nou. Quoique, le président Narcís de Carreras l’ait popularisé lors de son discours d’investiture du 17 janvier 1968.
Beaucoup de personnes attribuent à cette expression une connotation politique. Le contexte y est favorable, puisque le franquisme vivait ses dernières années. Toutefois, on ne peut occulter que le sentiment qui se cache derrière est l’identification du FC Barcelone à la Catalogne. Une identité que l’entité blaugrana n’a pas manqué d’afficher dans ses statuts juridiques en vigueur. Le premier article indique clairement que « le Fútbol Club Barcelona est une association sportive catalane ».
Notons que le sentiment de nationalisme s’est nourri au fil des années. D’ailleurs, les premiers signes manifestes se sont remarqués dès 1918 avec le soutien à l’autonomie de la Catalogne. Par la suite, la dictature de Miguel Primero Rivera a débuté l’oppression que Francisco Franco mettra en pratique après la guerre civile. Un État espagnol centralisé qui prohibe toute identité régionale. Ainsi, le club s’est officiellement engagé dans la politique comme il l’a bien indiqué dans son magazine d’octobre 1932. La défense de l’identité catalane faisait partie des activités extrasportives du Barça.
L’avènement de la démocratie après la mort de Franco a réarticulé l’allégeance sportive avec l’identité nationale. Depuis, le Barça est devenu l’un des plus grands d’Europe et du monde. La notoriété du club a dépassé les frontières régionales et nationales avec l’arrivée de Johan Cruyff en 1973. Le Néerlandais, en tant qu’entraîneur, a par la suite offert à l’équipe sa première coupe d’Europe en 1992. Alors que l’équipe a souvent cherché à se dissocier des mécanismes politiques, son passé le rattrape tout le temps. Le Camp Nou, comme l’a été l’ancien stade de les Corts, est resté ce lieu de liberté d’expression pour les supporters nationalistes.
Pour rappel, le stade de les Corts, inauguré en 1922, a été le théâtre d’une hostilité marquante envers le régime. En effet, le public avait sifflé La Marcha Real (l’hymne national espagnol, NDLR) devant le gouvernement de Primo de Rivera en 1924. Ce déni de l’Espagne existe toujours puisqu’il n’est pas rare de voir le public huer l’hymne espagnol lors des finales de Coupe du Roi.
Même si cet engagement a permis au club de forger sa réputation, il est évident de noter qu’aujourd’hui le FC Barcelone reste flou sur le nationalisme catalan. Malgré tout, il reste tout de même attaché à la promotion et la participation des activités sociales et culturelles de sa région.
Dans cet esprit, le club a tenté de jouer un rôle social plus large en tant que symbole de la société catalane et des idéaux démocratiques du XXIème siècle. Le FC Barcelone doit marcher sur des œufs afin de ne pas aliéner un bon nombre de supporters indépendantistes. Il est peut-être le site physique de l’expression de l’identité nationale. Mais il a quand même pris le soin de ne pas appeler ouvertement une indépendance de la Catalogne.
Cependant, il n’entrave pas à la liberté d’opinion de ses membres dans la question. Les exemples les plus probants de ces dernières années sont évidemment Gerard Piqué et Josep Guardiola.
« Cette lutte non violente se poursuivra jusqu’à la fin de la répression et le respect du droit à l’autodétermination, comme au Québec et en Écosse. »L’ancien joueur et entraîneur du Barça, Josep « Pep » Guardiola affiche son sentiment séparatiste et charge le gouvernement espagnol au sujet de la Catalogne (Clarin.com)
L’actuel entraîneur de Manchester City a été l’architecte de la plus belle page de l’histoire sportive du club entre 2008 et 2013. Le club est entré dans une autre dimension tant sur le plan sportif qu’économique. Avec quatre Ligues des Champions gagnées entre 2006 et 2015, le Barça est désormais l’un des clubs qui draine le plus grand nombre de suiveurs au monde. Des résultats sportifs qui ont dopé sa puissance financière. En 2019/2020, l’entité catalane prévoit de réaliser un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros (1 085 milliards, NDLR).
« Nous ne mettrons jamais le club ni sa présence en danger dans aucune compétition. C’est pourquoi, à tous les socios, je dis que nous voulons continuer de jouer en Liga, et à partir d’aujourd’hui, notre participation est garantie. C’est mutuellement bénéfique pour la Liga et le Barça de continuer à maintenir leur lien. » Le président du FC Barcelone Josep Maria Bartomeu rassure les socios à la suite de la déclaration unilatérale d’indépendance de la Catalogne du 1er octobre 2017 (Politico.eu)
De ce fait, la question du nationalisme catalan reste une épine sous le pied FC Barcelone. Avec le poids du club sur le football espagnol et européen, une indépendance de la Catalogne aura certainement un impact non négligeable. En octobre 2017, le président Josep Maria Bartomeu avait clairement affiché son envie de rester dans la ligue espagnole en cas d’indépendance de sa région. Les recettes commerciales du Barça, de la Liga et du Real Madrid dépendent fortement du clásico. Tout compte fait, voir le Barça évoluer dans une ligue catalane mineure serait un gros coup dur pour tous les fans et surtout les non indépendantistes. Et nous ne pensons pas que l’Espagne et le Real Madrid, en particulier, aimeraient perdre leur clásico.