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Caviar Magazine

·27 février 2021

Le corporatisme : un mal français

Image de l'article :Le corporatisme : un mal français

C’est la nouvelle qui agite le monde du ballon rond français actuellement : l’arrivée de Jorge Sampaoli à l’Olympique de Marseille. Le « fils spirituel de Bielsa » comme on aime le surnommer dans les médias, commence déjà à subir les critiques acerbes de ces derniers, qui n’auront même pas attendu sa nomination officielle pour pointer le bout de leur nez.

Bashing et jugement sans fondement des entraîneurs étrangers arrivant en Ligue 1 sont désormais légion, il est donc légitime de s’interroger sur la cause d’un tel traitement médiatique. Arguments fondés, mauvaise foi ou corporatisme poussé jusqu’à l’indécence ? Focus sur la gangrène du football français.


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Une mentalité décidément bien ancrée

Sampaoli n’est pas le premier ni le dernier à subir les affres du bashing médiatique français. Sa probable nomination, suivant de peu celle d’Antoine Kombouaré au poste d’entraîneur du Nantes Circus, permet de surligner la différence de traitement entre entraîneurs français et étrangers. L’exemple le plus probant étant celui du retour de Raymond Domenech au FC Nantes (avant d’être viré 7 semaines après), où les pontes du journalisme sportif nous demandaient d’attendre les premiers résultats de l’ancien sélectionneur des Bleus pour porter un jugement. Les étrangers sont pourtant classés, rangés dans des cases où on leur promet l’échec ou leur impossibilité de s’inscrire dans un projet stable avant même leur premier match.

Le constat posé, il est important de ne pas oublier que ce phénomène touche tous les clubs de la ligue des talents. Du PSG avec Ancelotti et Emery, en passant par Marseille avec Bielsa puis maintenant Sampaoli, sans oublier Monaco et les débuts -amplement- critiqués de Leonardo Jardim, aucun entraîneur étranger n’aura été médiatiquement épargné.

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L’argument ultime demeure les sacro-saintes statistiques : palmarès, nombre de points pris par match… Tout est bon à prendre pour montrer que nos Frenchies sont au niveau, si ce n’est meilleur que les plus grands, et pourtant. Si les voies des statistiques sont impénétrables, quid de la façon dont elles sont obtenues ? Certes au même stade d’une saison, Rudi Garcia a peut-être pris autant de points, si ce n’est plus, que Marcelo Bielsa avant lui ; mais quel impact ces chiffres ont-ils si le plaisir lui est absent ?

Voilà le mal le plus profond, la culture du résultat face à celle du beau jeu ; en niant l’impact qu’un entraîneur par sa philosophie du beautiful game peut laisser dans un club. Préférer celui qui a un titre en Europe face à ceux qui ont réussi à performer sur d’autres continents, en mettant en exergue les expériences ratées tout en banalisant les performances, voici le modus operandi. Surtout quand la majorité des entraîneurs plébiscités n’ ont pas le quart des palmarès de ceux que l’on a porté au piloris.

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Le maintien d’un microcosme franco-français

Quel est donc l’intérêt d’une telle stratégie médiatique ? La réponse tient en un mot : l’entre-soi. Phénomène qui entre en collusion avec une autre spécialité française : le copinage. Si ce dernier n’est pas répréhensible, il altère quand même fortement l’avis des journalistes concernés, qui perdent dès lors toute objectivité et sens critique vis-à-vis des performances des entraîneurs bénéficiant de leur appui.

Cette idée s’illustre au travers de deux institutions : les trophées UNFP, récompensant le meilleur entraîneur de la saison, et l’Union nationale des entraîneurs et cadres techniques du football français (UNECATEF), syndicat des entraîneurs français.

Concernant les trophées UNFP, les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur 27 éditions seulement 4 entraîneurs étrangers ont remporté cette distinction. Quant à l’UNECATEF, syndicat ou lobby les doutes sont permis, il été présidé jusqu’en 2020 par…Raymond Domenech. Le même Domenech, chroniqueur habituel de l’émission L’Equipe d’Estelle sur l’Equipe 21, qui en Décembre 2020 prendra les rênes du FC Nantes. Un heureux hasard sans nul doute. Le même personnage qui avait fustigé l’Italien Claudio Ranieri en 2017, lors de sa nomination au poste d’entraîneur du FC Nantes, car bénéficiant d’une dérogation liée à son âge. En effet le règlement de la Ligue de Football Professionnel (LFP) dispose que l’âge maximal pour pouvoir exercer le métier d’entraîneur en France est de 65 ans.

Forcés de constater qu’en 2021 ces propos ne sont plus d’actualité. Ils étaient deux à bénéficier de cette dérogation : Raymond Domenech jusqu’au moment de son éviction (69 ans) et Jean-Louis Gasset (67 ans), entraîneur des Girondins de Bordeaux. Un heureux hasard une nouvelle fois.

Une gérontocratie renforcée

Autre phénomène préoccupant et mis en exergue par le retour d’Antoine Kombouaré à la tête d’une équipe Ligue 1, le fonctionnement en vase clos de la nomination des entraîneurs français. Les changements vont et viennent, les mêmes têtes d’affiches passent d’un club à un autre, mais la jeunesse elle ne trouve pas sa place. La nomination de Rudi Garcia à la tête de l’équipe lyonnaise en Octobre 2019, après son éviction de l’autre Olympique l’illustre à merveille.

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Entendons-nous bien, la nomination d’entraîneurs plus âgés et avec une certaine expérience de notre championnat n’est pas nécéssairement répréhensible, même si les Dall’oglio et Furlan relève plus de l’exception que de l’habitude. La critique principale autour de cette « gérontocratie »  – représentée par Kombouaré, Dupraz, Girard et consorts – demeure l’absence d’innovation tactique. Reste cette impression que ces techniciens sont interchangeables, que les idées sont les mêmes – axées autour du « le plus important c’est les trois points » et du refus de jeu face à des équipes jugées supérieures – . La métaphore du bus devant la défense a encore quelques belles années devant elle.


Entre soi et gérontocratie, voilà les maux du corporatisme français. Refus des idées venues de l’étranger, fleurtant parfois avec la xénophobie, refus des nouveautés tactiques et de la jeunesse. . Le fait qu’à l’échelle nationale un seul journal traitant de sport détienne le monopole de l’information quotidienne, contrairement à la majorité des pays européens, ne permet pas l’apparition d’une dissidence et d’une pluralité des idées, tout en érigeant comme parole légitime et dogmatique les voix de ceux qui permettent à ce système de perdurer. Jusqu’à quand ? Nul ne le sait.

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