L’Amiens SC « n’est pas à l’abri d’un dénouement catastrophe » pour Mathieu Dubrulle | OneFootball

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·29 mars 2023

L’Amiens SC « n’est pas à l’abri d’un dénouement catastrophe » pour Mathieu Dubrulle

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Tout au long de la saison, Mathieu Dubrulle nous livre son opinion sur l’Amiens SC dans la chronique intitulée l’œil de Mathieu. Pour ce troisième numéro, notre confrère de France Bleu Picardie fait part de sa prudence à l’approche du sprint final, avec une quête de maintien encore loin d’être assouvie selon lui. Entretien.

Mathieu, dans quel état d’esprit abordez-vous cette dernière ligne droite ?

Dans un état d’esprit de méfiance et de vigilance. On ne va pas basculer dans le catastrophisme ou le sensationnalisme, mais il serait déraisonnable de ne pas être méfiant. Plus que la simple lecture du classement, avec une onzième place et six points d’avance sur la zone rouge, c’est la chute libre depuis le mois d’octobre qui doit mettre en alerte. A l’exception de quelques sursauts, contre Laval, Niort ou Pau, Amiens n’arrive pas à redresser la barre. La chute semble impossible à stopper, ce qui est très inquiétant. Heureusement qu’il y a eu ce début de saison avec de nombreux points pris, grâce à une force collective et une abnégation qui ont disparu aujourd’hui. Sans ça, Amiens serait en très grande difficulté aujourd’hui, tout proche de couler.


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On vous sent extrêmement inquiet…

Au-delà des résultats, il y a aussi l’attitude des joueurs. Cela fait des mois qu’on nous parle d’une équipe qui a du talent, qui peut jouer les premiers rôles. Sur le terrain, on voit tout autre chose, on voit une équipe qui plonge face à la moindre difficulté. Surtout, le constat est récurrent depuis cinq mois, avec une équipe qui ne parvient plus à se mettre minable pour arracher un résultat. C’est presque incompréhensible, même si aucun leader ne se dégage vraiment dans cette équipe. C’est aussi très inquiétant d’avoir le sentiment que ça coule gentiment, de matches en matches, sans que cela ne suscite la moindre réaction au sein du groupe. Cela dénote d’une fragilité mentale et même d’une passivité, comme si cette équipe subissait la saison et acceptait son sort. Le visage exsangue de cette équipe n’a vraiment rien de rassurant.

Croyez-vous au sursaut de cette équipe ?

Personne ne semble avoir le charisme et la poigne pour enrayer ça, ce qui renforce la sensation de naufrage collectif. On en arrive même à se demander quel sera le comportement de cette équipe quand elle va rencontrer des équipes qui vont lutter pour leur survie, comme ce sera le cas contre Nîmes pour le prochain match à domicile. Le dernier match contre Rodez ne permet pas vraiment d’être optimiste. En étant aussi amorphes et passifs que sur les deux derniers matches, Amiens peut vraiment perdre contre n’importe qui aujourd’hui. Peut-on croire en une métamorphose sur les dix dernières journées ? Jusqu’ici, Amiens a été incapable de le faire avec une pression plutôt positive, celle de jouer le haut de tableau. Qu’en sera-t-il si cette équipe fait face à une pression bien différente, celle de gagner des matches pour se maintenir ? Sachant que cette équipe semble déjà être rattrapée par une forme de trouille. Il ne faut pas non plus faire l’impasse des incroyables lacunes footballistiques de cette équipe. Aujourd’hui, la défense fait peur à tout le monde et l’attaque est incroyablement tendre. Le seul qui tenait un peu tout ça à bout de bras était Régis Gurtner et il a, lui aussi, fini par craquer. Tout ça n’est vraiment pas rassurant et il faut impérativement quitter la positive-attitude pour tirer la sonnette d’alarme. Six points, ça peut paraître beaucoup mais compte tenu du visage de l’équipe c’est finalement très peu.

Cette trêve est tombée au pire des moments, je redoute même qu’elle soit néfaste pour ce déplacement à Grenoble.

Dans ce contexte, comment avez-vous accueilli la trêve internationale, au lendemain d’une réunion de crise au sein du vestiaire ?

Cela m’a frustré. J’aurais aimé voir si cette équipe en avait justement un peu dans le short après cette réunion de crise. Cela fait cinq mois que ça se passe mal, mais j’aurais aimé voir la capacité de réaction de cette équipe dans un contexte aussi lourd, avec en plus la grève des encouragements sur le dernier match. Là, je crains que le soufflé ne retombe, que cette réunion soit sans effet. D’autant plus que huit joueurs sont partis en sélection, à commencer par l’intégralité ou presque de la défense. Dans quel état vont-ils tous revenir, sachant qu’ils vont rentrer tardivement ? Auront-ils la tête à ce match important à Grenoble ? Sachant qu’au complet et dans des conditions de préparation optimales, cette équipe n’est déjà pas performante… On en revient donc au mercato qui a été mal géré, avec un effectif qui a été affaibli en janvier. Tout ça me fait dire que cette trêve est tombée au pire des moments, je redoute même qu’elle soit néfaste pour ce déplacement à Grenoble.

Pendant cette trêve, l’Amiens SC avait la possibilité de se séparer de Philippe Hinschberger, qui commence à être vivement contesté par le public. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

La situation de l’entraîneur est un vrai sujet, parce que c’est souvent le levier facile à actionner pour une direction. Encore faut-il avoir quelqu’un de performant à mettre à la place, dans l’optique d’un potentiel choc psychologique. Je ne pense pas que le problème vienne de Philippe Hinschberger, même si on sent qu’il tâtonne un peu, qu’il cherche les solutions pour remettre l’équipe à flot. Il a même changé de système récemment… Il fait avec ce qu’il a sous la main, à savoir un effectif affaibli en cours de saison, avec des joueurs qui ne sont pas de grands guerriers. Quant à savoir si les dirigeants ont maintenu Philippe Hinschberger parce qu’ils ont toujours confiance en lui ou parce qu’ils n’ont pas trouvé mieux, eux seuls le savent.

Ce vestiaire manque cruellement de force de caractère, de supplément d’âme.

A ce niveau, c’est avant tout une question de mentalité. Cette équipe a quand même le niveau footballistique pour se maintenir, même si j’ai toujours douté de son coffre pour aller se mêler aux premières places. Le problème est qu’on joue avec des fantômes aujourd’hui. Ce vestiaire manque cruellement de force de caractère, de supplément d’âme et le staff ne peut pas toujours se substituer à ça. On va en revenir encore une fois à l’époque des braqueurs, mais ils avaient ça, sans être les plus grands techniciens du monde. On ressentait une rage de vaincre, une envie de se dépouiller sur le terrain, qui est inexistante aujourd’hui. En résumé, on a une équipe beaucoup trop gentille, incapable de se révolter face à la difficulté.

En dépit de vos doutes, n’êtes-vous pas un peu surpris de retrouver l’Amiens SC dans une telle difficulté aujourd’hui ?

Je ne suis pas surpris de retrouver cette équipe dans le ventre mou, parce que c’est ce que j’imaginais. Qu’Amiens décroche du peloton de tête, ce n’est pas une surprise. Mentalement, cette équipe n’était pas armée pour lutter et sur le plan de l’effectif, il manquait trop d’atouts pour jouer la montée. Par contre, je ne pensais pas que ce serait avec un visage aussi décevant et après une telle crise de résultats. Je m’attendais à une saison avec de l’inconstance, des cycles positifs et négatifs, mais sûrement pas une telle traversée du désert. Aujourd’hui, tout le monde est désabusé par la situation du club, il suffit de voir l’affluence au stade qui baisse de semaine en semaine. J’espère qu’on restera seulement désabusé et non pas effondré à l’issue de cette saison. Car si cette équipe n’a pas eu la force mentale pour rester accrochée au bon wagon, aura-t-elle la force de caractère pour jouer le maintien ? On est en droit d’en douter. C’est pour ça que j’aimerais bien qu’elle prenne rapidement les points nécessaires, pour s’épargner les frayeurs de fin de saison. Sans quoi, on ne sera pas à l’abri d’un dénouement catastrophe.

Vous semblez vraiment redouter ce dénouement-catastrophe…

Le mot redouté est trop fort, je n’en fais pas des cauchemars la nuit, je suis simplement méfiant. Je n’ose imaginer une relégation, ce qui serait vraiment catastrophique et quelque chose dont le club aurait vraiment beaucoup de mal à se remettre. Ce qui n’empêche pas d’être méfiant et ne pas vouloir avoir la fleur au fusil. Et qu’on ne me parle pas de 42 ou 43 points, il faut qu’Amiens atteigne au plus vite 45 points pour éviter de jouer avec le feu. Or, Amiens n’a que 37 points, il faut donc dans l’idéal trois victoires sur les dix derniers matches. Sauf erreur de ma part, ce n’est pas ce que l’Amiens SC vient d’obtenir depuis la mi-octobre ? (ndlr : 3 victoires en 17 matches).

En 2009, au mois de mars, Amiens va gagner à Brest et à Ajaccio et personne n’envisageait la descente.

Il n’y a eu qu’une seule victoire à domicile en cinq mois, le tout en ayant souffert contre Pau, ce qui en dit long sur la forme actuelle. Après s’être bercé d’illusions en début de saison, en pensant avoir son mot à dire en haut de tableau, il ne faudrait pas que cette équipe se laisse à nouveau bercer d’illusions, pensant que le maintien va s’obtenir tranquillement. Finalement, cette équipe ne m’a jamais rassuré et je connais trop bien le football pour savoir que ça peut aller très très vite. En 2009, au mois de février, Amiens va gagner à Brest et en avril à Ajaccio et personne n’envisageait la descente. On sait comment ça s’est terminé lors de la dernière journée à Boulogne. Maintenant, il faut simplement assurer l’essentiel, ce que je disais dès le mois d’octobre, à savoir le maintien.

Tous propos recueillis par Romain PECHON

Crédits photo : Romain PECHON / Le 11 HDF

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