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·20 octobre 2020

La success-story du Stade Rennais

Image de l'article :La success-story du Stade Rennais

Longtemps moqué et considéré comme le looser du foot français, le Stade Rennais a su, depuis maintenant trois ans, faire taire les quolibets. Après deux qualifications en Ligue Europa consécutives, le club breton s’apprête à découvrir la Ligue des champions. Tout en ayant, enfin, ajouté un titre à son palmarès. À l’image des très prometteurs Julien Stephan (sur le banc) et Eduardo Camavinga (sur le pré), les Rouges et Noirs ne semblent plus avoir de complexe. Retour sur la genèse du projet en vogue de l’Hexagone.

Au commencement, il y eut des heurts

Définir le point de départ d’une aventure dans le monde du foot est particulièrement compliqué. Difficile, des années ou des mois après, de ne pas tomber dans la réécriture, de ne pas grossir le trait et voir dans des faits anodins à l’époque un tsunami, par le prisme de la situation actuelle. Dans le cas présent, il est pourtant possible d’avancer une date et un événement précis, sans réelles craintes de contresens. La démission, le 03 novembre 2017, du président René Ruello marque-t-elle ainsi le coup d’envoi d’une série de changements à l’origine du cercle vertueux dans lequel se trouve aujourd’hui encore le club breton ?


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Président depuis 2014, Ruello symbolise l’embourbement du Stade Rennais. Avant son troisième mandat (il en avait déjà effectué deux au tournant du XXIe siècle), les Bretons sont passés proches de la Ligue des champions en 2007 (coiffé au poteau lors de la dernière journée par le TFC), ont disputé deux finales de Coupe de France (2009 et 2014, perdues face à Guingamp) et une de Coupe de la Ligue (2013, perdue devant Saint-Étienne). Certes, nous parlons là de quatre échecs, mais le club était alors en position de réussir. Sous la direction de Ruello, cette position ne sera plus jamais atteinte : 9e en 2014/2015, 8e en 2015/2016, 9e en 2016/2017 et aucun parcours notable en coupes nationales.

Ruello c’est aussi une gestion pour le moins étrange de ses entraîneurs. Notamment du cas Montanier. Débarqué en 2013 en provenance de la Real Sociedad qu’il a qualifié brillamment en Ligue des champions, le Normand n’arrivera jamais à conduire les Rouges et Noirs en Europe, ni même à ce qu’ils produisent un jeu alléchant. Pourtant, le président lui maintient sa confiance mois après mois. Et lorsqu’il la lui retire en janvier 2016, le club est 6e de Ligue 1, en position de lutter pour l’Europe. Rolland Courbis, nommé à sa place, partira dès la fin de saison avec un bilan d’une victoire, un nul et cinq défaites. Christian Gourcuff le remplace et s’inscrit dans un projet à consonance régionaliste. Il finit 9e pour sa première saison.

Le début de l’exercice suivant est catastrophique et en dépit de quatre victoires consécutives, Ruello se déclarant irrité par le tapage médiatique autour de la situation du club d’Ille-et-Vilaine claque la porte, au soir d’un match face à Bordeaux. Gourcuff, qui se déclare «écœuré» par la situation ayant poussé son président à la démission est remercié quatre jours plus tard par le nouveau président, un certain Olivier Létang.

Létang, l’instigateur

Le soir même de la démission de Ruello, l’ancien directeur sportif du PSG est propulsé président délégué et manager général par la famille Pinault, et notamment par François-Henry, le fils. Immédiatement, Létang annonce la couleur. Il martèle son ambition, son souhait de professionnaliser et de transmettre sa rage de vaincre au club. En somme, de réveiller et de décomplexer l’institution bretonne. Paroles rapidement suivies d’actes, avec le remplacement de Gourcuff par Lamouchi. Le choix de l’ancien international tricolore se révélera gagnant puisque ce dernier parviendra à conduire ses hommes à la 5e position finale, tout en produisant un jeu séduisant. C’est notamment sous sa direction que s’installe dans l’équipe des joueurs qui seront très importants dans la suite de l’ascension des Hermines : Hamari Traoré, Ramy Bensebaini, Ismaïla Sarr, Benjamin Bourigeaud et Thomas Koubek.

Forts de la qualification en Ligue Europa, Létang et le Stade Rennais effectuent un marché estival 2018 inspiré et ambitieux : Da Silva, Del Castillo, Niang, Grenier et Ben Arfa signent notamment. Pourtant, le début de saison est compliqué et le 3 décembre 2018, Lamouchi est démis de ses fonctions après une lourde défaite au Roazhon Park, face à Strasbourg (1-4). L’ancien monégasque laisse certes Rennes à une décevante 14e place de L1, mais a relancé l’équipe la saison précédente. Olivier Létang, lui, a réussi sa première partie de mandat. Le Stade Rennais est maintenant ambitieux. Pour succéder à Lamouchi, le club pioche en son sein, en faisant confiance à Julien Stéphan, le coach de la réserve. Quelques semaines plus tôt, Létang avait refusé son départ pour la Principauté où il était courtisé pour devenir l’adjoint de Thierry Henry. Une décision qui, avec le recul d’aujourd’hui, apparaît comme décisive.

Stéphan, le catalyseur

Le fils de Guy débute parfaitement sa carrière d’entraîneur de L1 en s’imposant deux fois, à Lyon puis face à Dijon. Intronisé officiellement la veille, il mène son équipe à une qualification historique pour les phases finales de Ligue Europa, en disposant d’Astana au Roazhon Park. La suite de la saison sera chargée en émotions. Les Rennais se hisseront jusqu’en huitième de finale de la coupe d’Europe, vaincu par Arsenal, futur finaliste. La victoire 3-1 à l’aller reste, encore aujourd’hui, dans les mémoires bretonnes.

Avant cela, Rennes avait éliminé de façon spectaculaire le Real Betis de Quique Setien, à Benito Villamarin (3-1, match nul 1-1 à l’aller). Qualifié d’épopée par beaucoup (terme moqué par certains), ce parcours européen gonfle de confiance le groupe. Ne nourrissant plus de complexe, le Bretons s’en vont éliminer l’OL à Décines en demi-finale de Coupe de France. Se présentent alors un immense défi : faire tomber le Paris Saint-Germain en finale et vaincre le signe indien qui pèse sur les finales des Rouges et Noirs. Devant 76 000 spectateurs, ils réalisent l’exploit et terrassent l’ogre parisien (2-2, 6-5 aux t.a.b), après avoir été menés 2-0. 48 ans après, Julien Stéphan a conduit le club vers un nouveau titre.

Avec une nouvelle qualification européenne en poche, le mercato estival est encore ambitieux. Si les Bretons voient partir plusieurs joueurs clés (le capitaine André, Bensebaini, Sarr, Mexer, Koubek, Ben Arfa) et de l’emblématique Romain Danzé, ils se montrent aussi très actifs dans le sens des arrivés. Raphinha débarque du Vitória Guimarães pour remplacer Sarr. Niang est acheté définitivement. Tait, Mendy, Morel, Martin et Salin viennent apporter leur métier. Gnagnon fait son retour, prêté par Séville, tout comme Maouassa, qui revient en Ille-et-Vilaine fort de sa belle saison gardoise. Le groupe pro enregistre un autre renfort de poids avec le très jeune Eduardo Camavinga, qui a effectué de très bons débuts en fin de saison, à l’abri de toute pression. Là aussi, on ne peut que louer la gestion de l’entraîneur rennais.

Le début de saison 2019-2020 est brillant, trois victoires en ouverture de la Ligue 1, dont une face au PSG, installe le Stade Rennais en tête. Malgré un passage compliqué en octobre et une élimination en phase de groupes d’Europa League, c’est en solide troisième que Stéphan et son groupe concluent les matches allers. Place qu’ils ne quitteront plus jusqu’à l’interruption précoce du championnat. Pour la première fois de son histoire, le club rennais va découvrir la Ligue des champions. Cette saison a marqué la prise de pouvoir du jeune technicien au sein du club. En tension avec Olivier Létang depuis la fin de l’exercice précédent, la situation ne s’est pas amélioré et la famille Pinault a dû trancher : Létang ou Stéphan. Et c’est ce dernier qui a été choisi, le 7 février.

Le Stade Rennais, une progression exponentielle ?

Jusqu’où ira le Stade Rennais ? Le club semble aujourd’hui présenter toutes les garanties pour s’installer durablement dans les quatre premières places du championnat de France. L’effectif est de plus en plus complet saisons après saisons. Me recrutement est globalement inspiré (Guirassy, Aguerd et Terrier sont déjà de bonnes pioches, tout porte à croire que Gomis le sera aussi) et de plus en plus ambitieux (Nzonzi en janvier 2020, Rugani et Doku cet été). La formation, ce n’est pas nouveau, fonctionne très bien et est très bien exploité : outre le phénomène Camavinga, Léa-Siliki, Gélin, Soppy, Gboho, Boey, Truffert, Nyamsi, Bonet ou Rutter étoffent le groupe.

Au niveau du jeu, Stéphan et ses joueurs font preuve d’une grande flexibilité tactique et d’une forte capacité de réaction. La force de travail, la finesse tactique et la qualité du coaching du technicien y sont pour beaucoup. La richesse des profils de l’effectif aussi.

Aux niveaux structurel et économique aussi, le club évolue dans la sérénité. Les rôles sont clairement définis et la marge de manœuvre financière est réelle. Contrairement à beaucoup de club français, les Rouges et Noirs ne sont pas contraints de vendre. La gestion des cas Camavinga et Niang cet été le prouvent. Le club est également capable de dégainer et de s’offrir les renforts qu’il souhaite, comme Raphinha l’été dernier, Guirassy et surtout Doku cette année. Le cas de ce dernier est symbolique d’un changement de dimension : le jeune ailier belge, outre son prix d’achat, (26 millions, record du club) est un immense talent qui, eu égard à ce statut, était très convoité. Déjà international (5 sélections, 1 but), le très explosif joueur de 18 ans était dans le viseur des Reds, Klopp ayant même personnellement échangé avec lui. Pourtant, c’est en Bretagne que Doku a posé ses valises. Preuve, s’il en est, de la nouvelle stature du projet rennais. Et avec la campagne à venir en Ligue des champions, ce n’est pas prêt de changer.

Crédit Photo : IconSport

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