Le Corner
·26 mars 2020
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·26 mars 2020
La Serie A était si forte dans les années 90, qu’on surnommait par « sept sœurs », les sept grands clubs qui composaient le championnat. Des clubs phares en Italie, mais aussi très puissants en Europe, qui concentraient toutes les stars de l’époque. Des noms qui vendent du rêve aux plus nostalgiques d’entre nous. Si la Juve et l’AC Milan dominaient principalement cette fratrie, une équipe a réussi à venir bouleverser l’ordre établi à la fin du siècle. Cette équipe, qui est alors l’une des plus puissantes du monde, est la Lazio. Retour sur l’âge d’or et l’épopée des Biancocelesti partis à la conquête de l’Italie et de l’Europe entière.
Lorsque l’homme d’affaire et ancien banquier Sergio Cragnotti arrive à la tête du club en 1992, son ambition est simple : faire de la Lazio la meilleure équipe d’Italie et la ramener sur le toit de l’Europe. Un souhait sans doute bien présomptueux lorsqu’on connait l’état dans lequel le club se trouve. Et les supporters s’en souviennent, tant les années 80 sont cauchemardesques. Le club de la capitale navigue dans les eaux sombres de la Serie B car il est impliqué dans le Totonero, une affaire de corruption qui secoue le football italien dans les années 80. Ainsi, la Lazio alterne entre les deux divisions, mais retrouve finalement l’élite à la fin de la décennie après être passée tout près d’une relégation en Serie C. Petit à petit, le club va se reconstruire, pour bientôt renaître de ses cendres. Des joueurs importants commencent à arriver à l’instar de Giuseppe Signori, buteur hors pair, qui va porter l’équipe sur ses épaules pendant près de cinq ans. Deux habitués des bancs de Serie A vont se succéder. D’abord Zeman qui est promu en 1994, et qui emmènera la Lazio en quart de finale de la Coupe UEFA et à la seconde place du championnat. En 1996, le mythique Dino Zoff lui succède et conclut la saison en quatrième position. Quelques années après son retour dans l’élite, la Lazio a retrouvé le haut du tableau, mais c’est bel et bien avec un autre homme qu’elle va passer un cap.
Lorsque Sven-Göran Eriksson débarque dans la cité éternelle à l’été 1997, Cragnotti et Zoff (alors en charge de la présidence) ne le savent sans doute pas encore, mais ils viennent de signer l’homme qui fera entrer le club dans l’histoire. Le Suédois n’est pas novice en la matière, son CV parle pour lui. De la Roma à la Fiorentina en passant par la Sampdoria ou encore le Benfica, Eriksson a laissé son empreinte partout où il est passé. En témoigne ses parcours en Coupe d’Europe, où il fut vainqueur de la Coupe de l’UEFA en 1982 avec l’IFK Göteborg, mais aussi finaliste de la Coupe de l’UEFA en 1983 et finaliste de la Coupe d’Europe des Clubs Champions en 1990 avec le Benfica. De bons résultats en Europe donc, soit l’homme qu’il faut pour ramener la Lazio sur le devant de la scène continentale. Ajoutez à cela quelques coupes nationales et championnats raflés avec ses précédentes équipes et vous aurez ici l’entraineur expérimenté par excellence.
L’équipe, qui comportent déjà dans ses rangs Nesta, Favalli on encore Pavel Nedved, se renforce au mercato. Matías Almeyda, Vladimir Jugović, Alen Bokšić et Roberto Mancini signent chez les biancocelesti. Le premier choix fort d’Eriksson est de se passer de Beppe Signori, pourtant l’un des meilleurs buteurs du club et du championnat en cinq années de bons et loyaux services. C’est avec pleins de regrets que l’attaquant est vendu au mercato d’hiver à la Sampdoria, car oui, Signori serait bien resté toute sa vie chez les Biancocelesti. L’équipe ne demeure pas moins ambitieuse ni compétitive. Si les Laziali ne finissent qu’à la septième place en championnat, cette saison 1997-1998 marque, néanmoins, le début d’un âge d’or. En effet, pour sa première année sur le banc, Eriksson ramène le premier titre à la Lazio depuis le Scudetto remporté il y a 24 ans. Le club s’adjuge la Coupe d’Italie, la deuxième de son histoire, aux dépens de l’AC Milan. Pour couronner ses débuts prometteurs, la bande à Mancini atteint la finale de la Coupe de l’UEFA contre l’Inter, mais s’incline sur un score sévère de 3-0 ; intraitable Ronaldo. Une saison riche en enseignements qui voit le gardien Luca Marchegiani tenir sa cage inviolée pendant 745 minutes.
Une nouvelle saison pleine d’espoir peut commencer. Toujours dans l’optique de faire de sa Lazio la meilleure équipe transalpine, Cragnotti offre à son club, première équipe italienne cotée en Bourse cette année-là, un mercato colossal à plus de 100 millions d’euros. Salas, Mihajlović, Conceição, Stanković ou encore Vieri viennent s’ajouter aux troupes laziali. Avec ce recrutement, la Lazio est en droit de se sentir capable de faire bonne figure en Coupe des Coupes (la regrettée C2) dont elle vient d’obtenir la qualification grâce à sa victoire en coupe d’Italie, il y a quelques mois. De plus, le club peut se permettre de jouer le rôle de trouble-fête dans la lutte pour le titre en championnat. Le dirigeant biancoceleste n’en pense pas moins :
« Je pense que pour le titre, on a tout. J’y ai toujours cru, et comment ne pas y croire avec la fantastique équipe que nous avons : Vieri est un buteur de niveau mondial, Mancini est un génie, Nesta est le meilleur défenseur du monde, Mihajlović répond sur le terrain à ceux qui ne croyaient pas en lui. »
Les hommes d’Eriksson débutent cette saison 1998-1999 de la meilleure des manières en remportant la première Supercoupe d’Italie du club contre la Juventus. 2-1, l’égalisation de Del Piero à la 87ème minute n’aura redonné espoir aux Bianconeri qu’un court instant. La faute à Sérgio Conceição, nouvelle recrue, qui vient crucifier Peruzzi à la 94ème minute. Malgré cette bonne entame, la phase aller de championnat est un peu plus en dents de scie. Les blessures de Nesta, lors du dernier Mondial, et de Vieri qui ne réintègrent le groupe qu’en décembre y sont pour quelque chose. Ainsi, au soir de la onzième journée, la Lazio ne pointe ainsi qu’à la dixième place. A leurs retours, elle se métamorphose. Salas n’en finit plus de marquer, Mihajlović enchaîne les coups francs (il en marquera trois lors de Lazio-Sampdoria en décembre, faisant de lui le seul joueur de Série A à en avoir marqué trois lors d’un même match), Mancini renaît, et Vieri, de retour, répond aux attentes placées en lui. Une série de 9 victoires consécutives permet au groupe de prendre la tête du championnat. Au mois de mars, les Laziali disposent d’une avance de six points sur le dauphin florentin et de sept points sur les Milanais. Un écart confortable mais qui est vite perdu quand la Lazio vient buter contre la Roma et la Juve en l’espace de quelques journées seulement. Il n’en fallait pas tant pour le Milan qui entame sa remontée et recolle à un point, alors que la Fiorentina a, quant à elle, lâché prise. La Lazio se retrouve alors dans une situation quelque peu délicate, elle qui en plus de perdre des points, perd aussi des forces alors qu’elle est toujours engagée en C2. L’écart d’un point est maintenu jusqu’à l’avant dernière journée dans une haletante course au titre. Jusqu’à ce Fiorentina-Lazio, du 15 mai 1999.
Les Romains qui se déplacent à Florence n’ont pas le droit à l’erreur alors que le Milan reçoit une équipe d’Empoli déjà reléguée. Batistuta ouvre le score mais Vieri égalise rapidement ; 1-1. En seconde période, le suspense est à couper le souffle et l’atmosphère est irrespirable. Surtout que l’arbitre de la rencontre, M. Treossi, semble avoir oublié de siffler un penalty évident sur Salas. Quelques minutes plus tard, Marchegiani repousse un penalty de Rui Costa. Le score en reste là. Le Milan, s’est lui imposé 4-0 et la Lazio vient de laisser filer le Scudetto à un point près. Un sort cruel pour la meilleure défense du championnat avec 31 buts encaissés seulement.
« Avec Nesta, Mihajlović et Negro, il est vrai que nous formions une défense extrêmement forte. L’une des plus fortes où j’ai pu évoluer, avec celle de Milan composée de Maldini, Cafu et où j’ai retrouvé Alessandro (Nesta) », se souvient Pancaro.
Malgré cette terrible désillusion, la saison n’est pas finie pour Vieri et ses coéquipiers. Il reste la (dernière) finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe à disputer contre le RCD Majorque. Même si l’équipe entraînée par Hector Cuper n’est pas à prendre de haut, la Lazio fait figure de favorite et souhaite oublier son échec de l’année passée en finale de C3. Le ton est donné. Dès la 7e minute de jeu, Bobo Vieri ouvre le score de la tête qui vient lober le portier espagnol. Mais Majorque égalise quatre minutes plus tard par Dani après une belle action collective. La suite de la partie est serrée, et même si Vieri se montre le plus dangereux ce soir, les deux équipes peuvent prendre l’avantage à tout moment. Majorque est d’ailleurs surprenant et vaillant ; cela ne suffira pas. À la 81e minute, Pavel Nedvěd reprend de volée, à l’entrée de la surface, une frappe contrée de Vieri, et l’envoie dans les filets espagnols. 2-1, le score ne bougera plus. La Lazio remporte sa première coupe d’Europe et dans le même temps, la dernière C2 de l’histoire. Une petite consolation après un championnat perdu qui lui tendait les bras.
La saison, aussi riche en émotions qu’elle fut, est à peine terminée, que Cragnotti ne chôme pas pour renforcer son équipe. Il n’hésite pas à se séparer de Vieri, qu’il vend pour 46 millions d’euros à l’Inter pour acheter d’autres joueurs de classe mondiale. Veron, Simone Inzaghi, Sensini, Ravanelli et Simeone s’installent dans la capitale. Et comme l’année d’avant, la Lazio commence fort avec une victoire en Supercoupe d’Europe contre le Manchester United de Ferguson, vainqueur de la Ligue des Champions. Victoire 1-0 des hommes d’Eriksson, sur un but de Salas à la 35ème minute. Une défaite que Ferguson regrettera toute sa vie « En 1999, nous avons perdu la Supercoupe d’Europe contre la Lazio, qui à cette époque, était la meilleure équipe du monde : peut-être est ce mon souvenir le plus amer. » Le championnat peut alors reprendre.
Le principal rival de cette année est la Juventus désormais entrainée par Carlo Ancelotti. Si la saison démarre bien pour les Laziali, ceux-ci vont rencontrer un coup de moins bien vers l’hiver et voir la Juve leur passer devant, en tête du classement. Pire en mars, après une défaite de la bande à Nedved sur le terrain du Hellas, les Bianconeri prennent le large et disposent de 9 points d’avance. Les dés semblent avoir été jetés et on voit mal comment la Lazio pourrait récupérer son retard. Surtout que le club romain est encore engagé en Coupe d’Italie et en Coupe d’Europe. Sa première participation en Ligue des Champions, après son exclusion en 1974. Elle tire le Bayer Leverkusen, le Dynamo Kiev et Maribor. En terminant largement en tête de son groupe, les Laziali montrent leurs intentions. En effet, lors de la deuxième phase de poules, la Lazio ne perd qu’une seule fois, à domicile contre le Feyenoord. Même Chelsea s’incline dans son propre stade et l’OM est écrasé par un quadruplé de Simone Inzaghi, digne remplaçant de Vieri, lors d’une victoire 5-1. Valence se dresse alors sur la route des Romains en quart de finale. La Lazio part favorite face aux Espagnols. Pourtant, Valence s’impose 5-2 au match aller, dans un match que beaucoup regrettent encore aujourd’hui. Le match retour est remporté 1-0 sur un but de Veron. Cela ne suffit pas et la Lazio est éliminée face aux futurs finalistes. Des regrets il y en a, et l’âpre sentiment que cette équipe de rêve est passée à côté de quelque chose cette année-là.
Dans le même temps, la « première équipe de la capitale » (comme aiment bien le rappeler ses tifosi) croit toujours en ses chances de titre. S’ensuit une remontée fantastique, remontée dont avait été victime cette même Lazio quelques mois plus tôt. Une victoire 2-1 ô combien cruciale dans le derby et une défaite de la Juve contre le Milan dans le même weekend permettent aux Biancocelesti de revenir à 6 longueurs. La semaine suivante, la Juve reçoit son dauphin dans un match capital. La Lazio s’impose 1-0 grâce à Diego Simeone. Le championnat est désormais relancé et les Romains n’ont plus que 3 points de retard. Débute alors une course poursuite folle. Trois points d’écart, puis à nouveau cinq, puis deux suite à l’inattendue défaite de la Juventus sur la pelouse du Hellas Vérone. À l’avant-dernière journée, la Lazio s’impose 3-2 à Bologne Bologne. La Juve mène 1-0 face à Parme et à la 92e minute, l’arbitre de la rencontre annule de manière obscure le but égalisateur de Cannavaro. Les tifosi laziali sont furieux. C’est dans ce climat que se tient la dernière journée de championnat, le 14 mai 2000.
Deux points seulement séparent nos deux premiers. Une nouvelle fois, les Romains sont proches du but. Pour cette dernière journée, la Lazio reçoit la Reggina, tandis que la Juve se déplace à Perugia. Les deux rencontres ont, bien entendu, lieu en même temps. Les Laziali mènent rapidement au score. Mais dans le même temps, le match à Perugia est interrompu la faute à un déluge de pluie qui s’abat sur la ville. Nous sommes à la mi-temps et le score est toujours de 0-0. Le match à Rome reprend et la Lazio s’impose finalement 3-0, mais la rencontre à Perugia n’a toujours pas redémarré. Le terrain est impraticable, l’arbitre, M. Collina, tente de faire rebondir le ballon sur le terrain, en vain. Finalement, après plus d’une heure d’interruption, les deux capitaines acceptent de reprendre. Les 70 000 supporters romains restés au stade, la radio à l’oreille, retiennent leur souffle. L’improbable va alors se produire. A la 50ème minute, Alessandro Calori, modeste joueur de Perugia, ouvre le score. 1-0 Perugia, Rome et l’Olympico explosent. La Juve fait tout pour revenir, mais rien n’y fait. Les minutes passent et l’attente est interminable.
18h04 : coup de sifflet final à Perugia. La Juve est battue. Rome, en transe, explose enfin. Après 26 ans d’attente, la Lazio est championne d’Italie pour la seconde fois de son histoire, l’année de son centenaire. Affamée, la Lazio ne s’arrête pas là. Elle remporte quelques jours plus tard la Coupe d’Italie aux dépens de l’Inter Milan. Un doublé donc, puis un triplé historique quelques mois plus tard en remportant la Supercoupe d’Italie contre cette même Inter. Cragnotti ne s’était pas trompé. Sven-Göran Eriksson a construit une Lazio intraitable et devient par la même occasion l’entraineur le plus titré du club avec sept trophées gagnés.
Veron, Simeone, Mancini, Nesta, Inzaghi, Salas, Nedved ou encore Mihajlovic ont constitué l’une des plus belles équipes de l’histoire. Difficile de ne pas avoir éprouvé quelques sentiments pour elle. L’Italie est conquise et désormais l’étape suivante est de s’imposer face au gratin européen. En s’offrant Hernán Crespo pour 53,6 millions d’euros, Cragnotti pensait sans doute pouvoir atteindre cet objectif sur le court terme. Il n’en sera rien. Néanmoins, la Lazio aura fait rêver tout un pays et peut se targuer, en plus d’avoir forcé le respect de Sir Alex Ferguson, d’avoir séduit des millions des fans en cette toute fin du XXème siècle.
Crédit photos : Iconsport
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