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·26 octobre 2020

La difficile émergence du football népalais

Image de l'article :La difficile émergence du football népalais

Connu pour son calme apaisant et ses montagnes, le Népal attire les touristes en quête de spiritualité et les alpinistes rêvant de s’élever dans les nuages des hauts sommets himalayens. Dans ce pays de 30 millions d’habitants où le cricket est très populaire, le football a mis du temps à se développer. Né autour de 1921 sous la dynastie des Rana mais membre de la FIFA seulement depuis 1970, des pionniers ont peu à peu ancré le ballon rond dans le paysage sportif népalais. Par la suite, quelques programmes de développement de la FIFA ont suivi. Récemment plusieurs joueurs venus du continent africain ont même tenté l’expérience en espérant attirer les regards. Dans l’autre sens, une poignée de joueurs népalais jouent leur avenir à l’étranger dont certains sont même passés en Europe. Aujourd’hui une nouvelle génération fait vibrer tout un peuple passionné par un football malheureusement entaché de quelques scandales et qui manque cruellement d’infrastructures.

Yam Bahadur Ghale, le pionnier

En 1972, deux ans après son adhésion à la FIFA, le Népal joue son premier match officiel. Face à la Chine l’équipe ne fait pas le poids et s’incline 6-2. Trois ans plus tard, la All Nepal Football Association (ANFA) est créée. Il faut ensuite attendre 1982 avant de les voir jouer une compétition officielle : les Jeux asiatiques. C’est lors de cette compétition que Yam Bahadur Ghale rentre dans la légende. Dans une défaite 3-1 face au Koweït, finaliste du tournoi, il est le premier joueur népalais à marquer un but lors d’une compétition officielle. Deux ans plus tard, Ghale emmène le Népal jusqu’à la médaille d’or des premiers South Asian Games qui se tenaient à Katmandou. Après sa carrière, le buteur népalais devient membre exécutif de l’ANFA ainsi que directeur technique de la ANFA Academy. En 2008, il est atteint de paralysie et ne peut plus marcher tout seul. Un temps ignoré, le père de cinq enfants reçoit enfin une aide financière en 2019. Il a fallu attendre que la Nepal National and International Players Association (NNIPA) organise des évènements culturels en Angleterre pour récolter quelques 200 000 roupies népalaises (≈1440 euros).


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Par la suite d’autres joueurs ont suivi. Hari Khadka est par exemple le co-meilleur buteur de l’histoire de la sélection avec 13 buts en 40 matchs. Aujourd’hui, il est coach de l’équipe nationale féminine. Son compère Nirajan Rayamajhi a fait encore plus fort en marquant 13 buts en 20 matchs avec en prime un triplé face à Macao lors du tournoi qualificatif pour la Coupe du monde 2002. A 36 ans, le joueur du Nepal Police Club, Jumanu Rai a quant à lui arrêté sa carrière internationale en 2015 après avoir marqué 11 buts en 51 rencontres. La sélection féminine a elle aussi ses stars. Outre Anu Lama et Jamuna Gurung, Sabitra Bandhari est à seulement 23 ans la meilleure butteuse de l’histoire du Népal avec 34 réalisations en 38 sélections ! Ses performances lui ont même permis d’intégrer le Gokulam Kerala FC actuel champion d’Inde.

Un football sous assistance

Cependant, cette prise d’élan ne s’est pas faite toute seule. Outre le programme Forward lancé en 2016 pour toutes les nations adhérentes, la FIFA est intervenue à plusieurs reprises au Népal. Les premiers programmes popularisent le football auprès des jeunes au milieu des années 1980. Grâce à des entraîneurs venus de l’étranger et aux fonds débloqués, la moitié des joueurs de la sélection sont issus de ces programmes. Ce n’est donc pas un hasard si la très grande majorité des coachs qu’a connu la sélection sont étrangers. Depuis 1998, le football népalais bénéficie également d’un programme d’assistance financière (FAP) accordé par la FIFA. Entre 2008 et 2012, ils auraient ainsi reçu entre 250 000 et 500 000 dollars par an (suivant les années) divisés en plusieurs postes de dépense comme les infrastructures, le développement du football féminin, l’organisation d’évènements…

A partir de 2001 des Projets Goal sont venus compléter cette aide. Le premier prévoit la construction de trois centres techniques régionaux à Katmandou, Dharan et Butwal dans le but de développer le football auprès des jeunes. En 2005, le deuxième projet prévoit la « rénovation et l’achèvement du centre technique existant situé au complexe de l’ANFA et du centre technique de Chysal (sud de Katmandou) ». Le troisième projet est validé en 2010 et prévoit le « financement de trois centres d’entraînement existants de l’ANFA à Lalitpur (Katmandou), Dharan et Butwal. Les centres d’entraînement accueilleront 180 garçons de différentes catégories d’âge (U-12, U-14, U-16) ». Le 4ème et dernier projet est validé en 2012 prévoyant l’« amélioration et [la] reconstruction des terrains en gazon naturel existants dans 10 districts du Népal (Thundikel, Ilam, Baglung, Kavre, Lamjung, Dhankuta, Dolakha, Syangja, Palpa, Panchtar) ».

Depuis 2010 la FIFA participe aussi au projet Sports Initiative de l’ONG américaine Childreach via la Fondation FIFA. Ce projet a été mis en place au sein de 12 écoles dans 5 zones rurales népalaises dans le but d’associer le football et d’autres sport avec l’éducation pour l’épanouissement des écoliers. Il aurait permis à ce jour d’aider 4080 garçons et filles. En 2014 le désormais ex-capitaine de la sélection, Anil Gurung en est même devenu l’ambassadeur.

Le localement célèbre Anil Gurung est lui-même issu d’un club à vocation d’aide sociale : le Sahara Club de Pokhara. Cette initiative née en 1998 est cette fois-ci népalaise. A l’origine, le Sahara Club de Pokhara est un club de foot comme les autres. Ce n’est qu’en 2005 que le club de la deuxième ville du pays connue pour ses départs de treks, fonde une académie destinée à donner une chance aux orphelins et aux enfants des rues de tout le Népal. L’académie possède un internat et rend l’école accessible pour une trentaine de garçons chaque année.

L’internationalisation du football népalais

Depuis peu, le championnat népalais s’ouvre à la venue de joueurs étrangers et plus particulièrement aux joueurs africains. Très appréciés pour leur technique et leur robustesse, ces joueurs arrivent souvent au Népal dans l’espoir d’intégrer un championnat plus prestigieux par la suite. C’est le cas du défenseur nigérian Peter Segan qui déclarait à FIFA.com :

« Je crois que tous les footballeurs espèrent venir un jour en Europe. Je ne suis pas différent. Je travaille dur pour ça tous les jours ».

D’autres, comme Zikahi Léonce Dodoz, se font arnaquer par des agents peu scrupuleux :

« Mais quand je suis arrivé à l’aéroport, je ne savais plus où j’étais. Tout était si différent de ce que j’attendais et de ce dont on m’avait parlé ».

Mieux payés que les joueurs népalais, ils sont aussi plus épiés :

C’est un grand défi pour les Africains car nous sommes bien mieux payés que les Népalais. Nous devons donc mériter notre salaire sur le terrain » déclarait Peter Segan.

Cependant la fenêtre est courte. En effet, le championnat népalais ne dure que trois mois. Il faut donc jouer à des niveaux en dessous le reste de l’année. Bien que la plupart des joueurs apprécient leur expérience népalaise, ils sont souvent déçus. Le joueur nigérian Victor Amobi exprimait son regret au micro de France 24 :

« Le football au Népal doit se professionnaliser, il n’y a pas forcément de ligue professionnelle comme dans les autres pays. En moyenne, il n’y a que trois mois de championnat, alors comment fait-on pour s’entraîner le reste de l’année ? En tant que joueur professionnel, ce n’est pas une bonne situation. »

Son compatriote Afeez Olawale exprime luis aussi ses regrets avec des mots plus durs :

« Je me dis que j’aurais mieux fait d’attendre un peu pour tenter ma chance ailleurs. C’est très décevant ici, il n’y a ni recruteur ni agent, le Népal n’est pas un pays de football. »

A l’inverse, depuis plusieurs années certains joueurs népalais partent à l’étranger. Au sein de la sélection, plusieurs joueurs jouent ou ont joué en Inde, en Indonésie, en Malaisie, au Bouthan ou aux Maldives. Plus surprenant, quelques joueurs ont joué en Europe. La jeune pépite Magar Bimal a fait ses classes U19 en Belgique. Passé successivement par Anderlecht, le KRC Genk et le FC Bruges, il est finalement revenu au pays après un drame familial. Il a par la suite fait un rapide passage par le championnat indien avant de revenir définitivement au Népal. Il est aujourd’hui appelé à devenir un pilier de la sélection. De 2015 à 2018, l’international Tamang Ananta a quant à lui joué pour le Marbella United FC en Espagne. Le MUFC est en réalité une académie qui recrute des jeunes à travers le monde et quelques Népalais ont eu la chance d’aller en Andalousie. En réalité ceci n’est pas très étonnant. Entre 2015 et 2016, l’ancien défenseur belge Patrick Aussems a coaché la sélection népalaise pendant sept mois et a remporté le South Asian Federation Football Championnship U23 ainsi que l’épreuve du football aux South Asian Games 2016. Il a donc fait jouer ses contacts en Belgique pour Magar Bimal et il connait aussi le propriétaire américain de l’académie de Marbella d’où la connexion.

Les scandales du football népalais

Malheureusement, le football népalais a aussi eu ses petits scandales. En 2015, la société suisse de surveillance Sportsradar révèle des paris douteux. Cinq joueurs et un kiné de la sélection auraient participé à des trucages de matchs dont un en 2011 comptant pour les qualifications à la Coupe du monde 2014. Les autorités ont remarqué des transactions importantes sur les comptes de ces derniers provenant de Malaisie et de Singapour (entre 1000 et 1500 dollars). Sagar Thapa, Sandip Rai et Ritesh Thapa, plus deux anciens internationaux, Bikash Singh Chhetri et Anjan KC sont libérés sous caution peu de temps après. Ils risquent cependant la perpétuité alors que le kiné a préféré fuir. En effet, ils ne sont pas jugés pour escroquerie mais pour la mise en danger de la souveraineté, de l’intégrité et de l’unité nationale en vertu d’une loi népalaise de 1989.

Un an plus tôt, c’est le président de l’ANFA Ganesh Thapa qui fut poussé à la démission. Il était soupçonné d’avoir « sollicité et accepté » des paiements en liquide durant plusieurs années dans le cadre des élections des représentants asiatiques du comité exécutif de la FIFA pendant les congrès de la Confédération asiatique (AFC) en 2009 et 2011. En 2015, il est suspendu par la FIFA pendant 10 ans de toute activité liée au football et est condamné à payer une amende de 18 500 euros. Cette affaire a mis fin à ses 20 ans de règne sur la fédération népalaise.

Lorsqu’on associe le football et le Népal, on pense souvent aux travailleurs qui se font exploiter sur les différents chantiers qataris pour la Coupe du monde 2022. A l’aéroport de Katmandou, les visages laissent transparaître un stress latent. Pour certains, c’est la première fois qu’ils prennent l’avion sans même savoir ce qui les attends, terrifiant pour quiconque croisant la détresse de leur regard. Au-delà de ça, le football népalais en lui-même est miné par des petites magouilles et un criant manque d’infrastructures. Il faut dire que le séisme de 2015 n’a pas vraiment aidé en retardant pas mal de projets. La sélection manque peut-être aussi de continuité dans le coaching. Sur 19 coachs, 13 sont restés 1 an ou moins en poste. Espérons que l’actuel sélectionneur suédois Johan Kalin reste plus longtemps. D’un côté, la FIFA et les ONG sont d’une grande aide pour le Népal mais cela pourrait rendre le pays dépendant de l’aide internationale. De plus, les grandes ONG captent l’essentiel des fonds laissant une marge de manœuvre limitée aux associations ou organisations locales qui sont souvent plus à même de comprendre les besoins des populations. Malgré tout, le football népalais possède une histoire bourrée de petites anecdotes. Lancé par ses pionniers comme Y.B Ghale, il s’est peu à peu ouvert à la venue d’étrangers souvent venus d’Afrique dont l’expérience n’est pas toujours un long fleuve tranquille. De leur côté, les footballeurs et footballeuses népalais.e.s ne cessent de s’améliorer. Une nouvelle génération plus formée que les précédentes est en train d’émerger et de se professionnaliser. Porteuse d’espoir, elle passionne déjà tout un peuple après avoir remporté les South Asian Games 2016 !

Crédit photos : Icon Sport

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