Le Corner
·6 octobre 2019
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·6 octobre 2019
Un derby oppose, historiquement, deux équipes d’une même région ou d’une même ville. Pourtant, pour qualifier la rivalité entre la Juventus et l’Inter, nous parlons d’un « derby » qui traverse toute l’Italie. D’où vient ce terme ? De l’un des journalistes les plus connus d’Italie au XXème siècle, celui qui a révolutionné la façon de traiter le football : Gianni Brera. En plus d’avoir inventé ce terme en 1967 pour montrer à quel point la rivalité entre ces deux équipes était grande, il est également l’auteur du terme catenaccio, qu’il a inventé dans les années 60 pour désigner la philosophie de jeu des italiens au football : une manière très défensive de jouer, basée sur les contres et les coups de pied arrêtés.
Remontons en 1909, un an après la création de l’Inter et douze ans après celle de la Juventus, pour mentionner la toute première confrontation ayant eu lieu entre ces deux équipes. La Vieille Dame l’emporte 2-0, mais la rivalité entre ces deux immenses institutions est loin d’être née. C’est presque vingt ans plus tard qu’on retrouve les premières traces de conflits entre bianconeri et nerazzuri. En leur centre : Luigi Allemandi, joueur de la Juventus qui, pendant la saison 1926-1927, est contraint de quitter le club. Le joueur aurait en effet accepté 500 000€ de la part du Torino pour saboter le match de son équipe et perdre volontairement. Il ne sera pas pardonné. L’Inter rachète alors le joueur, et les tifosi juventini accusent alors toute l’institution nerazzura de tricheurs et de voleurs. Ce sont là les prémices d’une rivalité qui a traversé les décennies, et qui prend sens pour la première fois dans les années 1960. En 1961, alors que les deux clubs s’affrontent, 5000 tifosi de la Vieille Dame envahissent la pelouse de San Siro et le match est interrompu. L’Inter est donné vainqueur sur le score de 2-0 sur tapis vert… mais la Juventus fait appel et, à une journée de la fin du championnat, tandis que les deux clubs sont au coude à coude dans la lutte pour le titre, la Fédération fait rejouer le match. Le président de la Fédération étant Umberto Agnelli, également président de la Juventus, l’Inter crie au scandale et envoie une équipe de jeunes pour protester. Résultat : 9-1, un Scudetto pour la Juventus et une rivalité désormais plus forte que jamais. Celle-ci ne fait que grandir avec le temps, dans les années 1960 pendant l’âge d’or de l’Inter – qui remporte à cette période ses deux premières Ligue des Champions – puis dans les années 1990, alors que la Serie A est à son apogée. A cette période, Silvio Berlusconi s’est même indigné que ce terme soit assimilé à Juventus – Inter et non à Juventus – Milan, persuadé que l’Inter n’avait rien à faire au sein du débat.
« Le derby, c’est une rivalité pathologique, sportivement parlant, qui a toujours existé et existera toujours. C’est le football, les souvenirs, les émotions, les angoisses, les joies, les douleurs. Le charme et le spectacle. C’est ça, le derby. » Massimo Moratti
C’est le sujet qui ne cesse d’envenimer les débats entre les supporters des deux camps. Alors que l’AC Milan est presque sans contestation possible désigné comme le plus grand club d’Italie – ses sept Ligues des Champions pèsent plus lourds que les dizaines de Scudetti de la Juventus et le Triplete de l’Inter aux yeux de beaucoup – la guerre pour savoir quel est le second club d’Italie fait rage.
Alors que l’Inter se vante principalement d’avoir remporté trois Ligues des Champions dont une au sein du fameux Triplete de 2010 et de n’être jamais descendu en Serie B, la Juventus, elle, peut se vanter de disposer du double de Scudetti et d’innombrables trophées nationaux. A l’internationale, elle ne dispose « que » de deux Ligue des Champions, mais reste à ce jour la seule équipe italienne et la première d’Europe à avoir remportée la Ligue des Champions (C1), la Coupe des coupes (C2, aujourd’hui disparue) et la Ligue Europa (C3). Au niveau des confrontations directes, en matchs officiels, le bilan est le suivant : 46 victoires pour l’Inter, 43 matchs nuls et 82 victoires pour les bianconeri.
Au-delà des autres sources de débats : ballons d’Or, meilleurs joueurs, Calciopoli et biens d’autres, le derby d’Italie est probablement l’un des plus chauds de tout le pays. Malgré la distance séparant les deux clubs, la rivalité entre les supporters est bien plus intense que dans la majorité des autres rencontres footballistiques. Le derby d’Italie ne se joue pas, il se gagne. Et il ne se gagne pas de n’importe quelle façon : l’adversaire doit sortir de là avec le sentiment d’avoir été humilié. Bien plus que des adversaires, l’Inter et la Juventus sont, pour les supporters, de véritables ennemis.
L’arrivée d’Antonio Conte à l’Inter en 2019 n’a fait qu’envenimer la situation. C’est la première année depuis bien longtemps où les deux clubs semblent pouvoir rivaliser sur une saison. De fait, l’arrivée de l’ancienne bandiera de la Juventus et icône de la remontée du club au sommet de la botte à l’Inter a énormément déplu aux juventini, qui ont même démandé au président du club de retirer l’étoile le représentant au Stadium. Demande refusée par le président, tandis que Conte a affirmé qu’il était déçu de l’intervention du président qui a « donné de l’importance à l’ignorance. » Une nouvelle déclaration pour entretenir cette haine perpétuelle qui ne risque pas de s’atténuer avant de nombreuses décennies.
Crédit photos : Iconsport