Jurriën Timber : La prise de pouvoir | OneFootball

En ce bon début de saison des Gunners, beaucoup peuvent postuler comme homme clé du XI d’Arteta. David Raya, Gabriel, Saka, Saliba … mais aussi Timber. Un rôle qui n’était pourtant pas acquis il y a encore quelques semaines, tant son début d’aventure avec Arsenal a été chaotique. Retour sur la prise de pouvoir foudroyante du défenseur batave.

Un profil attendu

“C’est un peu comme un nouveau joueur” aurait dit Arsène Wenger il y a une dizaine d’années. Et pour cause, Timber n’est pas le petit dernier du mercato estival 2024. Il vit pourtant ses premiers matchs sous le maillot des Gunners, plus d’un an après son arrivée à Londres.

Faisons un saut dans le passé, un passé pas si lointain mais une éternité dans le football. 14 juillet 2023 : Arsenal arrache la signature de Timber contre 42 millions d’euros. Alors jeune défenseur de la belle école de football qu’est L’Ajax d’Amsterdam, le néo Gunner rallie le nord de Londres et fait le grand saut, après 121 matchs avec le club batave. Nouveau pays, nouveau championnat, l’heure de la Premier League a sonné pour le frère jumeau de Quinten Timber.

Il faut dire qu’il a un profil ultra compatible : défenseur central de formation, il est également capable d’évoluer sur un côté. Doté de qualités athlétiques évidentes, il est devenu un cadre de la défense de l’Ajax, tantôt dans l’axe ou tantôt arrière droit. Surtout, dans l’animation, c’est un défenseur qui est à l’aise à la relance et qui est capable de rentrer à l’intérieur du jeu pour apporter le surnombre au milieu de terrain, voir d’attaquer le bloc adverse. Un défenseur central moderne, offensif et technique.

La heatmap de Jurrien Timber lors de sa dernière saison avec L’Ajax : un défenseur central hyperactif.

Une polyvalence validé par le principal intéressé dès son arrivée au club : “Je pense que je suis chanceux de dire que je peux jouer défenseur central, ou comme un arrière droit parfois, et même parfois au milieu de terrain. Donc je pense que c’est une bonne chose et je veux conserver ça”.

Un coup de foudre réciproque entre Arteta et Timber. Il faut dire que le coach espagnol sortait, il y a plus d’un an, d’une fin de saison remplie de déception. En tête du classement presque toute la saison, les Gunners s’écroulent dans le sprint final et laissent la couronne aux hommes de Pep Guardiola. Si proche, mais en même temps si loin. Une fin de saison en eau de boudin, qui a montré toutes les limites de l’effectif des Gunners. Pas nécessairement un manque de joueurs, mais un manque de qualité.

“Jurrien nous a manqué pendant 11 mois et Ricky n’était pas là. Ce sont deux joueurs qui ont un cerveau footbalistique, l’intelligence, la qualité et la capacité d’adaptation pour occuper différents espaces, que ce soit en attaque ou en défense” – Arteta

Il n’a en effet fallu qu’une seule blessure de Saliba pour que le château de carte s’écroule. Et Arteta a dû bricoler pour tenter de limiter l’hémorragie collective, en vain. Tantôt une charnière Gabriel Kiwior, tantôt Partey arrière droit et White dans l’axe, beaucoup de tentatives pour le résultat qu’on connait tous.

Et ça, Arteta et Edu l’ont bien compris. Ils ont besoin de qualités, toujours plus, pour toucher ce Graal de la Premier League. Et quand la carte Timber est arrivée sur le bureau du board, personne n’a hésité.

Le coach espagnol n’a pas manqué de louer les qualités de Timber lors de son arrivée au club : “C’est un joueur hyper polyvalent. Il nous donne la capacité de rentrer à l’intérieur et d’occuper plusieurs espaces. Il a cette passion et determination dans les duels que j’aime beaucoup. Je pense qu’il va être un joueur très important pour nous”.

Même son de cloche pour Timber, qui a tout de suite dit oui aux Gunners : “J’ai toujours voulu jouer pour Arsenal. Quand l’opportunité est arrivée, ce n’était pas une décision compliquée à prendre”.

Un choix de carrière validé par Urby Emanuelson, ancien milieu de terrain de L’Ajax : “J’aurais aussi choisi Arsenal. Pourquoi ? Ils traitent vraiment bien les jeunes joueurs. Quand vous voyez comment ils ont développé Martinelli, Odegaard, Saka … des joueurs qui ont le droit de faire des erreurs mais qui sont importants en même temps”.

Mais tout s’écroule un mois seulement après son arrivée. Alors opposé à Nottingham Forrest lors de la première journée de championnat, Timber se blesse gravement et le diagnostic est brutal : rupture des ligaments croisés. Saison 2023-2024 terminée. Faux départ.

Le grand retour

252 jours plus tard, Timber signe son grand retour lors du dernier match de la saison 2023-2024. 20 petites minutes disputées lors du match de clôture contre Everton, mais 20 petites minutes qui résonnent comme une résurrection.

Il faudra attendre la pré saison 2024-2025 pour véritablement jauger le niveau de Timber et le réinstaller progressivement dans la rotation. Il faut dire que même blessé, Timber a travaillé dur pour s’intégrer dans ce vestiaire.

C’est ce que le coach Arteta avait confié en il y a quelques semaines : “Il faut relever la tête. 8, 9, 10, 12 mois peut être. C’était une période difficile où on peut se sentir très seul. Cela peut être difficile à gérer personnellement et émotionnellement.  Il a fait tout le contraire, il a commencé à nouer des relations avec les physios, avec ses coéquipiers. Il était présent à chaque réunions et cela l’a vraiment aidé à se développer en tant que personne et préparer son retour”

D’abord aligné à gauche dans cette défense à quatre pour pallier à la blessure de Calafiori et Tomiyasu, Timber n’aura eu besoin que de quelques semaines pour remettre la machine en route.

Lire aussi : Arsenal – Leicester 4-2 : Les notes d’une victoire dans la douleur

Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres. Profitant de la blessure de Ben White et du retour de Calafiori, Timber bascule sur le côté droit et depuis la prise de pouvoir est totale. C’est simple, sur les 3 derniers matchs de Premier League, c’est 3 titularisations pour 100% des minutes possibles jouées. Comment expliquer une prise de pouvoir aussi rapide ?

Plusieurs facteurs. Premièrement, la blessure de Ben White lui laisse le champ libre. Et le champ libre, il l’a tout de suite exploité. Sur le papier, White et Timber sont 2 profils assez similaires : 2 défenseurs centraux de formation, mais capables d’évoluer sur un côté.

Cependant, dans l’animation, les 2 joueurs sont assez différents. Ben White est un joueur qui base son jeu dans les déplacements et sur sa faculté à bien défendre. Pas maladroit quand il s’agit d’attaquer le bloc adverse, ce n’est tout de même pas sa qualité première.

Barré par un léger manque de vitesse et une technique qui ne lui permet pas de jouer des 1vs1, c’est un profil qui préfère servir de relais à ses coéquipiers dans les phases offensives, surtout à Saka qui se sert beaucoup de White pour combiner quand c’est possible. Un latéral plutôt complet, dont les qualités de passe et de distribution sont capables de casser les lignes adverses.

Sur le terrain cela se traduit par un joueur prudent qui veille à ne pas perdre le ballon et le donner proprement à ses coéquipiers.

Heatmap du début de saison 2024 – 2025 de Ben White : une zone d’activité autour de la ligne médiane.

Timber c’est différent. Beaucoup plus vertical, beaucoup plus vif et rapide, il brille par sa faculté à attaquer le bloc adverse. Capable de défendre mais aussi d’attaquer quand il faut, son explosivité, son efficacité dans les deux surfaces et son agressivité sont l’une des grandes satisfactions de ce début de saison.

Il se permet même de lancer la saison de ses coéquipiers, comme contre Leicester où il délivre sa première passe décisive de la saison sur un but de Martinelli, qui n’avait plus marqué depuis le 04 Mars dernier.

Son match contre Leicester justement, qui signe définitivement sa prise de pouvoir. En plus de sa passe décisive, c’est 97 ballons joués et 93% de passes réussies. Mais c’est également 7 occasions créees. Aucun latéral n’a fait mieux que Timber dans ce domaine depuis la saison 2016-2017, toutes équipes confondues (à égalité avec Alexander Arnold, dont le record est également 7 occasions créees avec une assist).

Tout cela n’est pas possible sans une zone d’activité beaucoup plus haute que Ben White sur le terrain.

Heatmap du début de saison de Timber vs sa heatmap contre Leicester : une zone d’activité bien plus offensive

Pour autant, tout n’est pas perdu pour Ben White. Malgré sa blessure, le défenseur anglais a bien des qualités à faire valoir. Certes moins offensif et moins tourner vers la surface adverse, l’ancien international anglais est cependant plus pragmatique, plus tourné vers le contrôle et la fluidité du jeu.

Ben White de la saison dernière vs Timber de ce début de saison : le défenseur anglais beaucoup plus tourné vers la construction et la circulation du ballon

2 profils similaires, mais à l’activité bien différente et aux qualités différentes. Charge maintenant à Arteta d’orchestrer cette concurrence quand les 2 joueurs seront à 100%.

Et ce dernier point est crucial, spécialement pour le défenseur batave. Victime d’une rupture des ligaments croisés la saison dernière, nul ne sait pour le moment si Timber sera capable d’enchainer les matchs tout au long de la saison.

“Il a senti quelque chose de musculaire, donc je n’ai voulu prendre de risques. Il était absent pendant un an. Il a joué beaucoup de minutes, probablement plus de minutes que ce que nous voulions ces dernières minutes et nous devons le gérer” – Arteta à l’issu du match contre le PSG

Exemple criant contre le PSG, en Ligue des Champions. Engagé dans la plus grande des compétitions, face à une équipe habituée aux joutes européennes, Arteta n’a pas hésité à faire sortir l’ancien défenseur de l’Ajax dès la mi-temps, malgré 45 minutes de très haut niveau. La raison ? Une légère alerte musculaire. Rien de grave donc, mais aucun risque ne sera pris avec Timber. L’objectif est simple : gérer son retour au plus haut niveau, et hors de question de le cramer. Step by step.

Et autour de lui ?

Un Timber plus haut qui bonifie les joueurs autour lui ? Les chiffres tendant à le montrer.

A commencer par Bukayo Saka. Souvent en un contre deux, face à des blocs très bas et des lignes très resserrées. On a parfois vu un Saka trop isolé la saison dernière, avec pour seule solution Odegaard. Sa qualité technique peut lui permettre de faire la différence tout seul, mais il lui manquait ce latéral capable de combiner pleinement avec lui tout au long d’un match.

Mais l’apport offensif de Timber peut radicalement changer son jeu. Il n’est certainement pas l’unique facteur qui explique le très bon début de saison de l’ailier anglais, mais il est en tout cas une des raisons.

Contre Leicester, Bukayo Saka a d’ailleurs livré un vrai récital. 8, comme le nombre de dribbles réussis. Personne n’a réussi autant de dribbles cette saison en Premier League au cours d’un match. Ou encore un autre 8, comme le nombre de passes clés réussies au cours du match. C’est, là aussi, un record cette saison en Premier League.

Globalement, le Bukayo Saka début de saison 2024-2025 insuffle plus de variétés dans son jeu que le Bukayo Saka version 2023-2024.

Saka 2023-2024 vs Saka 2024-2025 : beaucoup plus influent et présent

Plus de tirs, plus influent offensivement, plus présent dans la construction et plus efficace. Saka bénéfice t’il de l’effet Timber ? Seul le temps nous le dira.

Un Saka taille patron, un Timber omniprésent, car le jeu penche toujours plus à droite. Ce couloir droit attire les ballons, le duo Timber / Saka c’est la nouvelle plaque tournant de ce début de saison.

Le duo Timber – Saka : le couloir droit principale menace offensive contre Leicester

Alors oui, le jeu penchait déjà à droite la saison dernière, mais l’effet Timber ne semble pas rééquilibrer les zones d’attaques des Gunners. Charge maintenant à Arteta de mettre Calafiori dans les meilleurs dispositions possibles de l’autre côté de la défense, pour espérer avoir nos 2 ailes complémentaires dans les phases d’attaques.

Son aventure est enfin lancée. Après une saison quasi blanche à cause d’une vilaine rupture des ligaments croisés, Timber peut enfin montrer toute l’étendue de son talent. Un début de saison en boulet de canon, qui promet à Ben White une concurrence de haut niveau, pour notre plus grand plaisir.

@Louis