Furia Liga
·24 octobre 2020
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·24 octobre 2020
Alfonso PĂ©rez a Ă©tĂ© formĂ© au Real Madrid et a Ă©galement jouĂ© au FC Barcelone : lâancien attaquant international Ă©tait donc tout indiquĂ© pour Ă©voquer le ClĂĄsico de ce samedi, dans un contexte trĂšs particulier pour les deux Ă©quipes. Mais vu quâon Ă©tait en compagnie dâune rĂ©fĂ©rence du football espagnol, on nâa pas pu rĂ©sister Ă Ă©voquer avec lui le Betis, Luis AragonĂ©s, lâEuro 2000, son passage Ă lâOM, le niveau actuel et le stade de Getafe qui porte son nom. Interview XXL avec lâhomme aux chaussures blanches.
EntrĂ© Ă La FĂĄbrica du Real Madrid Ă 13 ans, Alfonso PĂ©rez a fait ses classes avec le Castilla avant dâintĂ©grer lâĂ©quipe premiĂšre qui comportait 4 des 5 membres historiques de la Quinta del Buitre composĂ©e dâEmilio Butragueño, MĂchel GonzĂĄlez, Rafael MartĂn VĂĄzquez, Manolo SanchĂs et Miguel Pardeza (parti en 1987). En attaque, outre El Buitre Butragueño, Alfonso fait Ă©quipe avec Hugo SĂĄnchez, membre Ă©minent de la Quinta de los Machos comme avait surnommĂ© le Mexicain le groupe de joueurs plus ĂągĂ©s (JosĂ© Antonio Camacho, Paco Buyo, Antonio Maceda et Rafael Gordillo) du Real Madrid, ainsi que deux autres jeunes : Juan EsnĂĄider et Ismael Urzaiz.
Au Castilla, vous avez cÎtoyé Vicente del Bosque comme entraßneur. Vous avez été à bonne école pour apprendre le métier, une figura madridista et un précurseur.
Il y a toujours eu de bons entraĂźneurs au Real Madrid. La philosophie de jeu que nous avions avec Vicente comme directeur de la cantera et comme entraĂźneur par la suite Ă©tait trĂšs bonne. A cette Ă©poque dĂ©jĂ avec lui nous avions des entraĂźnements spĂ©cifiques pour les attaquants et avec les joueurs les plus talentueux du centre de formation. Aujourdâhui, câest une chose qui est habituelle et normale dans les clubs mais nous le faisions dĂ©jĂ au Real Madrid il y a 25 ans. CâĂ©tait novateur de sâoccuper de la sorte des joueurs qui avaient plus de projection vers lâavant. Câest trĂšs important dâeffectuer ce travail spĂ©cifique pour les attaquants pour amĂ©liorer leurs capacitĂ©s, corriger les erreurs et progresser. Câest un travail qui se fait aussi ligne par ligne, comme avec les gardiens pour Ă©tudier les mouvements, les anticipations des dĂ©fenseurs centraux, le travail des milieux de terrain. Ce sont toutes les facettes qui arrivent pendant un match oĂč toi tu peux travailler avec ton entraĂźneur avec ces exercices de dĂ©placements, en fonction de la position et du type de joueur dont il sâagit.
Vous avez aussi Ă©tĂ© formĂ© par Mariano GarcĂa RemĂłn (surnommĂ© El Gato de Odessa, souvent considĂ©rĂ© comme le meilleur gardien de lâHistoire du Real Madrid jusquâĂ Iker Casillas, ndlr) : vous a-t-il aidĂ© Ă mieux comprendre les mouvements en dĂ©fense ?
Câest surtout par rapport Ă la comprĂ©hension de ce quâest un gardien en lui-mĂȘme. Mariano Ă©tait un grand gardien et il savait beaucoup de choses sur le football. Logiquement, avec son expĂ©rience et lâaide quâil pouvait transmettre aux gardiens de lâĂ©quipe, notre niveau en attaque augmentait par voie de consĂ©quence.
Quand vous passez professionnel, il y a deux monuments en attaque : « El Buitre » et « Hugol ». Difficile dâimaginer meilleures inspirations au quotidien !
Au niveau personnel, Emilio Butragueño a toujours Ă©tĂ© dâune grande aide avec moi. JâĂ©tais un garçon de 18 ans et il me donnait de nombreux conseils. Ăgalement, voir comment Hugo SĂĄnchez enchaĂźnait les frappes pendant et aprĂšs les entraĂźnements ainsi que son professionnalisme, câĂ©tait un bon reflet des efforts quâil fallait fournir pour devenir professionnel. Ils ont Ă©tĂ© mes professeurs quand jâai dĂ©butĂ© au Real Madrid. Leur expĂ©rience mâa beaucoup servi.
Hugo SĂĄnchez, câĂ©tait la dĂ©finition mĂȘme de lâolfato, le flair du buteur.
Il Ă©tait trĂšs intelligent dans la surface de rĂ©paration. Il pouvait frapper dans nâimporte quelle position et sans parler de son jeu de tĂȘte. Il Ă©tait toujours lĂ oĂč le ballon retombait pour tirer ou pousser au fond. CâĂ©tait lâattaquant typique, il ne pensait quâau but et il marquait Ă chaque fois.
Merengue de formation, Alfonso PĂ©rez a portĂ© le maillot du FC Barcelone pendant 18 mois, de juillet 2000 Ă janvier 2002. Son passage chez le rival historique, malgrĂ© un intermĂšde de 5 ans au Betis, a provoquĂ© quelques remous. Lâattaquant a Ă©galement participĂ© Ă un ClĂĄsico particuliĂšrement marquant : celui oĂč Figo a failli recevoir une tĂȘte de porc sur la tĂȘte. Ce soir-lĂ , Alfonso est entrĂ© Ă la 73e minute Ă la place de Luis Enrique (lui aussi passĂ© du Real Madrid au FC Barcelone mais directement) et a adressĂ© une passe dĂ©cisive Ă Simao Sabrosa, auteur du 2e but blaugrana.
Y a-t-il des différences entre préparer un Clåsico avec le Real Madrid quand on a été à la Fåbrica et quand on porte ensuite le maillot du FC Barcelone ?
On le vit de la mĂȘme maniĂšre. Il sâagit de grandes Ă©quipes, souvent les deux seules Ă pouvoir remporter la Liga. Il y a aussi toute la rĂ©percussion mĂ©diatique, mĂȘme si actuellement il ne peut pas y avoir de public, il y aura beaucoup de monde pour le suivre Ă la tĂ©lĂ©vision. De lâintĂ©rieur, on le vit avec beaucoup dâintensitĂ© et de passion tout au long de la semaine.
Vous avez participĂ© il y a quasiment 20 ans pour jour pour jour au ClĂĄsico del cerdo, avec la tĂȘte de porc jetĂ©e sur Luis Figo au Camp Nou. Quelle Ă©tait lâambiance ce soir-lĂ vu du terrain ?
Il y avait beaucoup de tensions en raison des circonstances. Luis Figo avait signĂ© au Real Madrid alors quâil Ă©tait une personne trĂšs aimĂ©e et trĂšs reprĂ©sentative du vestiaire du FC Barcelone. Florentino PĂ©rez a Ă©tĂ© trĂšs habile pour le ramener Ă Madrid et tout le stade Ă©tait trĂšs crispĂ© pour ce qui Ă©tait arrivĂ©. Mais finalement ce qui compte câest ce qui se passe sur le terrain et aujourdâhui Figo vit Ă Madrid avec sa famille et il reste un trĂšs grand joueur, reconnu partout dans le monde.
CâĂ©tait aussi une preuve dâamour pour Figo, un amour trahi parce que câĂ©tait le meilleur joueur du Barça
Je crois que cela a Ă©voluĂ©. A mon Ă©poque, quand tu passais dâun camp Ă lâautre, câĂ©tait trĂšs mal vu, câĂ©tait une trahison. Aujourdâhui, les gens ont Ă©voluĂ© et il nâest pas rare quâun joueur, quand il revient dans son ancien stade, soit applaudi car on reconnaĂźt les efforts et le travail quâil a rĂ©alisĂ©s quand il portait ce maillot. Avant, on tâappelait « pesetero ». A prĂ©sent, les supporters ont intĂ©grĂ© quâil y avait toujours des transferts et beaucoup de changements de joueurs. Ce qui est amusant, câest que des journalistes nous appelaient « peseteros » mais eux ne se sont pas privĂ©s non plus de changer de journal, de radio ou de tĂ©lĂ©vision et on ne leur a jamais rien dit !
Quand vous avez signĂ© au Barça, vous faites une confession en confĂ©rence de presse : quand vous aviez 9 ans, vous Ă©tiez pour le FC Barcelone. Vous avez mĂȘme eu droit Ă une polĂ©mique absurde.
Mais câĂ©tait la vĂ©ritĂ© ! Mon meilleur ami Ă©tait pour le FC Barcelone alors moi aussi jâĂ©tais pour le FC Barcelone. Et quand je suis entrĂ© au Real Madrid Ă 13 ans, je suis devenu supporter du Real Madrid, indĂ©pendamment du fait que jâai jouĂ© par la suite pour le FC Barcelone parce que jâĂ©tais un professionnel et que je devais tout donner pour mon Ă©quipe. Il y a de nombreux joueurs qui, quand ils Ă©taient gamins, supportaient un club rival comme Guti, RaĂșl ou Iniesta qui Ă©tait pour le Real Madrid. Ce sont des choses qui arrivent. Je lâai dit publiquement et il nây a aucun problĂšme, câest ce qui sâĂ©tait passĂ© quand jâĂ©tais enfant.
Vous nâavez remportĂ© quâune Liga en 1995 et une Copa del Rey en 1993 avec le Real Madrid, Ă une Ă©poque oĂč le Cruyffisme Ă©tait Ă son apogĂ©e. Cela devait ĂȘtre difficile de se confronter Ă cette philosophie quand on Ă©tait chez le rival.
Jâai eu la malchance de jouer au Real Madrid quand le FC Barcelone Ă©tait trĂšs fort et de jouer au FC Barcelone quand le Real Madrid Ă©tait trĂšs fort. Quand lâun gagnait tout, jâĂ©tais chez lâautre ! (rires). Jâai gagnĂ© des titres, jâai aussi remportĂ© une Supercoupe avec le Real Madrid (doublĂ© lors de la victoire 3-1 Ă lâaller, ndlr) et une Copa del Rey avec le Betis mais câest vrai que jâaurais pu disputer plus de matches, marquer plus de buts et avoir plus de sĂ©lections avec moins de blessures. Mais en vrai, je ne peux pas me plaindre. Jâai eu la chance de jouer dans de grands clubs, de remporter une mĂ©daille dâor olympique qui a eu un grand retentissement en Espagne.
Ce nâest pas un trophĂ©e mais câest une immense reconnaissance qui vaut tous les hommages : le stade de Getafe, votre ville natale, porte votre nom. Cela vous classe au rang dâicĂŽne, comme Fernando Torres Ă Fuenlabrada ou Vero Boquete Ă Compostelle.
Le plus important pour moi, câest que le nom du stade a Ă©tĂ© choisi aprĂšs un vote local effectuĂ© par toute la population de Getafe. En fait, jâĂ©tais le sportif le plus connu de la ville. Je nâai jamais portĂ© le maillot du Getafe FC mais jâai toujours vĂ©cu ici. Jâai entendu dire que le prĂ©sident pourrait prochainement renommer le stade avec un naming pour rĂ©cupĂ©rer un peu dâargent. Je comprendrais parfaitement et jâimagine que ce nâest quâune question de temps.
Pour en revenir à 2020, ce Clåsico intervient à des moments difficiles pour les deux clubs, surtout pour le Real Madrid qui est sur 2 défaites consécutives.
Oui et en plus, il y a ce calendrier avec de nombreux matches, y compris internationaux avec des joueurs qui ont parfois fait de longs dĂ©placements pour retrouver leurs sĂ©lections. Du coup, les Ă©quipes travaillent mal pendant la semaine. Tout influe. Alors mĂȘme si CĂĄdiz et Getafe avaient trĂšs bien prĂ©parĂ© leur match, le Real Madrid et le FC Barcelone ont dĂ» attendre pour rĂ©cupĂ©rer tout le monde et ensuite refocaliser tous les joueurs sur le match de championnat. Il y a souvent un coup de moins bien et câest ce qui sâest passĂ© le weekend dernier.
On a lâimpression que de part et dâautre le jeu collectif disparaĂźt petit Ă petit en espĂ©rant la solution individuelle pour gagner le match
Les entraĂźneurs nâont quasiment plus de temps pour pouvoir travailler correctement. En lâespace de quelques jours, il y a eu la sĂ©lection, le championnat, la Championâs. La semaine prochaine, il y aura de nouveau la Coupe dâEurope. Quand on met tout bout Ă bout ça devient de plus en plus compliquĂ© de travailler.
Attaquant rĂ©putĂ© en Espagne, Alfonso PĂ©rez Ă©tait un joueur complet, un buteur racĂ© auteur de 106 buts en 376 matches de clubs, auxquels il faut rajouter ses 11 rĂ©alisations en 48 sĂ©lections avec la Roja. Le MadrilĂšne a cĂŽtoyĂ© un grand nombre dâentraĂźneurs et de nombreux coĂ©quipiers sont eux-mĂȘmes devenus des techniciens (Pep Guardiola, Luis Enrique, Julen Lopetegui notamment). Lâhomme qui a le plus marquĂ© Alfonso est El Sabio Luis AragonĂ©s quand ils Ă©taient au Betis. Chez les Verdiblancos, il a Ă©tĂ© le rĂ©fĂ©rence en attaque, au point de devenir un joueur emblĂ©matique du Manquepiedra et de la Liga.
En 1997-1998, vous avez Ă©tĂ© couronnĂ© meilleur joueur de la Liga. CâĂ©tait avec le Betis et votre entraĂźneur Ă©tait Luis AragonĂ©s. Un personnage capital dans lâhistoire du football espagnol.
CâĂ©tait une personne trĂšs folklorique, trĂšs proche de ses joueurs dont il savait obtenir le meilleur rendement grĂące Ă la motivation quâil transmettait et pour sa maniĂšre de dire les choses. Câest une notion trĂšs importante pour un entraĂźneur. Cette proximitĂ© mais aussi lâexigence Ă chaque sĂ©ance parce quâil fallait ĂȘtre trĂšs sĂ©rieux et disciplinĂ© avec lui. Luis AragonĂ©s avait tout ça, il savait traiter les joueurs, y compris quand ça nâallait pas trop bien. CâĂ©tait toute la mĂ©thodologie de cette Ă©poque, avec des entraĂźnements qui Ă©taient un peu plus physiques quâaujourdâhui oĂč quasiment tout se fait avec le ballon. Bien sĂ»r, le football a beaucoup Ă©voluĂ©, la rĂ©cupĂ©ration, les entraĂźnements avec des moyens informatiques qui ont permis dâobtenir des donnĂ©es trĂšs importantes pour les techniciens. Mais Ă cette Ă©poque, cela nâexistait pas. Au niveau professionnel comme au niveau personnel, Luis AragonĂ©s a Ă©tĂ© le meilleur entraĂźneur que jâai eu, simplement pour sa façon de dire les choses face-Ă -face. Les joueurs valorisent beaucoup cet aspect. Il y a des entraĂźneurs faux, qui disent que tu es bon mais qui ensuite ne te font pas jouer. Lui te disait « tu ne vas pas jouer mais si tu amĂ©liores ton rendement, alors tu joueras ». Cette sincĂ©ritĂ© Ă©tait une des grandes vertus de Luis AragonĂ©s et ce nâest pas donnĂ© Ă tous les entraĂźneurs.
Il vouvoyait les joueurs, ce qui nâest pas trĂšs usuel.
Oui, il sâadressait Ă nous en disait « usted » mais ça ne lâempĂȘchait pas de rire avec nous et dire des choses carrĂ©ment familiĂšres mais toujours avec cet « usted » (rires).
Vous avez constitué avec Finidi George, un duo qui est resté dans les mémoires et pas uniquement chez les supporters verdiblancos.
Finidi George fait partie des meilleurs joueurs avec qui jâai Ă©voluĂ©. A cette Ă©poque, il Ă©tait un joueur qui faisait les diffĂ©rences, tout comme le Croate Robert Jarni qui Ă©voluĂ© sur le cĂŽtĂ© gauche et qui Ă©tait pour moi une garantie de recevoir de bons centres et de proposer du beau jeu. Jâai toujours dit que ces deux-lĂ mâont Ă©normĂ©ment aidĂ©. Ce sont des joueurs dont une Ă©quipe a besoin parce quâils apportent du poids pour adresser de bons ballons.
Vu de lâextĂ©rieur, on a toujours lâimpression que le Betis est un monument du football espagnol constamment entre deux crises sportives ou institutionnelles.
Câest vrai quâil y a eu des problĂšmes. A titre personnel, jâĂ©tais sur le point dâentrer dans lâorganigramme du Betis il y a 4 ou 5 ans car jâavais fait acte de candidature pour devenir directeur sportif du club mais finalement, cela nâa pas pu se concrĂ©tiser. Mais câest vraiment dommage que nous soyons toujours dans cette situation au niveau institutionnel parce que câest un grand club charismatique avec de nombreux supporters partout dans le monde. Malheureusement, pour une bonne annĂ©e, il y en a 3 de mauvaises. Câest quand mĂȘme dommage de ne jamais faire mieux que la 7e ou 8e place parce que ce sont les compĂ©titions europĂ©ennes qui tâoffrent du prestige et de la reconnaissance.
Certains de vos anciens coĂ©quipiers sont devenus des entraĂźneurs cotĂ©s. Est-ce quâon comprenait mieux le football quâaujourdâhui ?
Chaque Ă©poque a ses caractĂ©ristiques. Cela dit, quand ils Ă©taient joueurs, la diffĂ©rence venait dâeux en crĂ©ant le dĂ©sĂ©quilibre. Ce sont des profils de joueurs que lâon voit de moins en moins. Je ne vois plus le style de jeu dâun Butragueño dans la surface adverse. Cela me manque beaucoup. Il y a Ă©videmment de bons joueurs aujourdâhui mais plus autant dâactions aussi intelligentes, ou mĂȘme les passements de jambes, les contrĂŽles. Il nây a plus de Marco van Basten, des chilenas dâHugo SĂĄnchez, des centres de Jarni et Finidi.
Vous avez Ă©voluĂ© avec un grand joueur qui a connu les deux clubs et qui a mĂȘme entraĂźnĂ© lâEuroGetafe : Michael Laudrup. On a lâimpression quâil est oubliĂ© alors quâil a Ă©tĂ© un joueur mythique.
Jâai jouĂ© avec lui au Real Madrid et câĂ©tait un trĂšs grand joueur. Pour moi, Michael Laudrup est un des tout meilleurs avec qui jâai pu jouer. Et en plus, câest un type exceptionnel. CâĂ©tait un rĂ©gal quand tu Ă©tais attaquant parce quâil avait une immense qualitĂ© de passe. Il ne perdait pas un ballon. Extraordinaire.
Alfonso PĂ©rez a portĂ© 38 fois le maillot de la Roja, participĂ© Ă la Coupe du Monde 1998 et Ă lâEuro 2000. Mais son principal fait dâarme avec lâEspagne, câest le titre olympique conquis Ă domicile en 1992 Ă Barcelone dans un Camp Nou comble. Lors de la finale contre la Pologne (3-2), il Ă©tait titulaire. Si la SelecciĂłn Absoluta nâa rien gagnĂ© et Ă©tait mĂȘme surnommĂ©e « la championne du monde des matches amicaux », le passage du MadrilĂšne a Ă©tĂ© marquĂ©e par un doublĂ© au bout du suspense lors de lâEuro 2000 qui avait offert le droit de disputer un partidazo contre la France de Zinedine Zidane.
Ce titre olympique, mĂȘme si câĂ©tait avec les Espoirs, a Ă©tĂ© le premier grand titre de lâEspagne depuis lâEuro 1964 dans un stade scandant « España, España » ce qui, avec le contexte actuel, comporte un peu de nostalgie.
Oui, câest trĂšs dur de voir ça car Ă Barcelone, beaucoup dâEspagnols se sentent Espagnols. Mais vu les circonstances politiques actuelles, câest parfois trĂšs compliquĂ© de le revendiquer
Avec la sélection olympique, vous avez joué avec un autre attaquant emblématique des années 90 : Kiko Narvåez.
Un phĂ©nomĂšne, aussi bien comme joueur que comme personne. Nous nous sommes cĂŽtoyĂ©s ensuite avec la SelecciĂłn mais on sâest trĂšs souvent affrontĂ©, surtout quand il jouait Ă lâAtlĂ©tico de Madrid et moi au Betis. Nous entretenons une belle amitiĂ© tous les deux.
ForcĂ©ment, quand on parle avec vous de la Roja, on doit revenir Ă votre doublĂ© contre la Yougoslavie lors de lâEuro 2000. Votre but Ă la derniĂšre seconde libĂšre tout un pays !
Câest un grand souvenir et câest un moment qui est gravĂ© chez beaucoup de gens. Je mâen rends quand je discute dans la rue. Ce match a transmis beaucoup dâĂ©motions et il a eu une grande importance pour lâĂ©quipe Ă ce moment-lĂ . Le scenario Ă©tait fou puisquâon a gagnĂ© au bout du temps additionnel contre une grande sĂ©lection. La Yougoslavie Ă©tait puissante, et pas seulement en football mais aussi en basket. Ce nâĂ©tait plus la sĂ©lection de quand le pays ne faisait quâun avant lâĂ©clatement, mais leurs joueurs Ă©taient tous techniquement trĂšs douĂ©s et trĂšs compĂ©titifs. CâĂ©tait un grand moment parce que cela nous a permis de nous qualifier pour les 1/4 de finale.
Quand vous marquez le but de la qualification, on voit Pep Guardiola exulter comme jamais !
Avec le temps, on se rend compte de choses inexplicables⊠Câest une situation personnelle qui lui appartient. Il a ses idĂ©es que je ne partage pas du tout. Ces histoires dâindĂ©pendance, et tout ce qui sâest passĂ© Ă Barcelone et en Espagne, ont sĂ©parĂ© des familles et des amis et ça dĂ©truit le pays.
Alfonso PĂ©rez appartient Ă une gĂ©nĂ©ration bercĂ©e par le mythe de la Furia, dont le style Ă©tait radicalement opposĂ© Ă celui qui a triomphĂ© de 2008 Ă 2012 avec la SelecciĂłn. Le problĂšme actuel de la Roja est lâabsence de 9 purs. A quoi cela est dĂ» et comment perçoit-il cette Ă©volution du jeu dâattaque ? Lâancien buteur a la dent dure mais difficile de lui donner tort.
Quand on regarde les effectifs du Real Madrid et du FC Barcelone quand vous en faisiez partie, on se dit que le niveau global Ă©tait Ă©norme et quâil Ă©tait difficile de se faire une place. Il fallait ĂȘtre patient. Aujourdâhui, on a lâimpression que câest une qualitĂ© qui nâexiste plus, il faut tout, tout de suite.
Aujourdâhui, il y a beaucoup plus dâargent en jeu. Cela offre plus de sĂ©curitĂ© et de garanties et tu ne penses plus Ă te battre pour ton poste et pour convaincre ton entraĂźneur. La rĂ©action est souvent « je mâennuie avec cette Ă©quipe, je veux aller dans un autre championnat ». A mon Ă©poque, sortir dâEspagne Ă©tait beaucoup plus compliquĂ© parce que la Liga Ă©tait le championnat le plus puissant du monde et tout le monde voulait y venir. A prĂ©sent, on voit tellement de football quâĂ©videmment les joueurs sont beaucoup plus tentĂ©s dâaller voir ailleurs. Donc Ă partir du moment oĂč tu ne joues plus en Espagne, tu peux rebondir en Premier League, en Bundesliga, en Ligue 1. En dâautres termes, tu peux aller dans nâimporte quel championnat puissant, chose que tu ne pouvais pas faire auparavant. Sans oublier que jusquâĂ la moitiĂ© des annĂ©es 1990, seulement 3 Ă©trangers Ă©taient autorisĂ©s. Câest pour ça quâil y a autant de transferts et des Ă©quipes qui changent trĂšs rapidement.
On a lâimpression que le niveau des attaquants a rĂ©gressĂ©, câest votre avis ?
Il y a quelques jours, je regardais un match avec mon fils et je lui racontais que les choses que moi je faisais, plus aucun joueur ne les fait aujourdâhui. Faire un passement de jambes pour centrer ou des trucs de ce genre, je nâen vois plus. Je vois surtout des joueurs qui Ă©voluent sur le cĂŽtĂ© qui veulent rentrer dans lâaxe. Ils ne centrent pas. Tout est circulation avec beaucoup de passes, de touches de balle, de temps de possession trĂšs long. Je ne parle pas de Messi qui peut faire des choses extraordinaires. Mais je ne vois plus de joueurs qui font ce que je faisais et je le dis trĂšs humblement.
On le voit avec la Roja et mĂȘme en Liga : il nây a quasiment plus de joueurs de surface.
Au Real Madrid, il nây a pas de 9 pur, sorti de Luka Jovic. Karim Benzema nâest pas un avant-centre. Câest un attaquant qui dĂ©croche pour recevoir le ballon, câest plus un registre de mediapunta, un joueur qui porte la balle, qui sâincorpore trĂšs bien au jeu mais mĂȘme sâil marque, ce nâest pas un « mega-goleador ». Il assume le rĂŽle de buteur mais câest parce quâil nây a pas de joueur avec ce rĂŽle typique de buteur comme peut lâĂȘtre Luis SuĂĄrez qui est un joueur de surface. A lâheure actuelle, câest vrai quâil nây a plus trop de trĂšs grands buteurs. Il y a de trĂšs bons joueurs, qui touchent trĂšs bien le ballon, qui peuvent Ă©voluer des deux cĂŽtĂ©s ou 9 et demi, mais il nây a plus de « killers », peut-ĂȘtre aussi parce quâon ne centre plus autant quâavant, comme ce que faisaient Finidi et Jarni.
Vous avez rĂ©cemment retweetĂ© une vidĂ©o dâun fan qui dit que vous Ă©tiez un Ălvaro Morata des annĂ©es 90-2000. Vous voyez une filiation avec lui ?
Je ne sais pas trop. Il faut dire que jâavais des caractĂ©ristiques particuliĂšres. Je pouvais frapper des deux pieds, jâavais des appuis, jâĂ©tais rapide dans la surface et jâĂ©tais bon de la tĂȘte. La vĂ©ritĂ©, câest que jâĂ©tais assez complet et jâavais des qualitĂ©s. Ălvaro Morata est plus grand que moi pour commencer. On a peut-ĂȘtre des points de comparaison mais tout dĂ©pend du point de vue oĂč lâon se place. Chaque joueur a sa façon de jouer mais Ă partir du moment oĂč tu peux frapper du droit comme du gauche et avoir un bon jeu de tĂȘte, tu te rapproches de mon profil.
Pour participer Ă la Coupe du Monde 2002, Alfonso PĂ©rez a fait le choix de lâexil pendant 6 mois. Alors quâil Ă©tait au FC Barcelone, lâOlympique de Marseille le recrute sous forme de prĂȘt. LâOM nâest pas exactement le meilleur endroit pour se relancer, surtout avec des blessures rĂ©currentes. Pourtant, son arrivĂ©e avait provoquĂ© de lâenthousiasme dans le marasme.
Vous avez jouĂ© pendant 6 mois Ă lâOlympique de Marseille. CâĂ©tait en 2002 et le directeur sportif Ă©tait Bernard Tapie. Comment vous vous ĂȘtes retrouvĂ© dans cette galĂšre ?
A cette Ă©poque, jâĂ©tais au FC Barcelone et ce que je voulais câĂ©tait jouer. Et entre Rivaldo et Patrick Kluivert, ce nâĂ©tait pas simple dâĂȘtre titulaire. Moi, je voulais disputer le Mondial. Donc je devais trouver une Ă©quipe oĂč jâaurais eu du temps de jeu pour que JosĂ© Antonio Camacho me convoque avec la SelecciĂłn. Finalement, il a choisi Pedro Munitis. Je suis venu en France, Ă lâOM qui est un club historique et un lieu trĂšs spĂ©cial. Ce fut une belle expĂ©rience en vrai. Mais jâai dĂ» me remettre dâune blessure aux ischios-jambiers que jâavais contractĂ© Ă Barcelone. A lâOM, je nâai pas pu jouer Ă 100% comme je lâespĂ©rais.
CâĂ©tait lâauberge espagnole Ă lâĂ©poque, avec une trĂšs grande quantitĂ© de joueurs avec des niveaux trĂšs disparates. Vous nâĂ©tiez pas le seul Espagnol puisquâil y avait Alberto Rivera, annoncĂ© par Bernard Tapie comme le « Zidane espagnol » !
CâĂ©tait vrai quâil y a beaucoup de joueurs et diffĂ©rentes nationalitĂ©s. Avant de signer Ă lâOM, jâavais discutĂ© avec Javier Clemente, IvĂĄn de la Peña et Rafael MartĂn VĂĄzquez qui connaissaient le club de lâintĂ©rieur et ils mâavaient tous parlĂ© en bien du club. Effectivement, Bernard Tapie Ă©tait un personnage trĂšs particulier et il dirigeait le club de la maniĂšre quâil croyait ĂȘtre la meilleure et la plus opportune Ă ce moment-lĂ .
Tout au long de votre carriĂšre, vous avez jouĂ© dans des clubs oĂč lâaficiĂłn est trĂšs prĂ©sente et importante. Dâune certaine maniĂšre, le Betis et lâOM ont un peu le mĂȘme fonctionnement institutionnel et populaire. Est-ce quâil est plus simple de jouer avec des supporters exigeants ?
Tout dĂ©pend des personnes. Mais si tu gagnes lâaffection des gens et leur reconnaissance en tant que joueur important, alors cela te donne de la confiance. En revanche, si tu descends dans ce genre de stades et quâon te siffle, ça devient beaucoup plus difficile. Lâimportant câest de se sentir bien, parce que ça les supporters le valorisent et câest ce qui permet dâavoir le meilleur rendement. On en revient au rĂŽle de lâentraĂźneur qui doit savoir gĂ©rer son effectif car chaque joueur a sa maniĂšre dâĂȘtre et de penser et il a besoin de se sentir entourĂ© et en confiance pour le rendre sur le terrain. LâaficiĂłn veut que tu joues bien. Câest ce qui sâest passĂ© pour moi Ă mes dĂ©buts au Real Madrid et surtout au Betis oĂč jâĂ©tais trĂšs aimĂ©.
Avant de finir, il y a une question à laquelle il est impossible de déroger : pourquoi les chaussures blanches ?
Alors les chaussures blanches, câĂ©tait un pari avec le directeur gĂ©nĂ©ral de Joma. Câest un ami et comme ils avaient dessinĂ©s des chaussures blanches, il mâa dit quâil mâinviterait au restaurant si je les portais. Je nâĂ©tais pas vraiment superstitieux et câest un beau coup marketing pour Joma. Du coup, je lâai fait et ça a fait lâeffet dâun « boom ». A partir de ce moment-lĂ , tout le monde a voulu porter des chaussures diffĂ©rentes, les Ă©quipementiers ont adaptĂ© leurs formats, les couleurs, les crampons. Au Barça jâen ai mĂȘme portĂ© des dorĂ©es. Il y a eu un avant et un aprĂšs dans le monde du football parce quâavant toutes les chaussures Ă©taient noires et jâĂ©tais le seul Ă les avoir blanches.
Propos suscités et traduits par François Miguel Boudet
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