Furia Liga
·25 octobre 2021
Furia Liga
·25 octobre 2021
Ancien joueur du Barça, Francisco GarcĂa Pimienta a Ă©tĂ© lâun des formateurs les plus en vue au FC Barcelone pendant plus de 15 ans. Messi, FĂ bregas, Busquets, Nico, Mingueza, Puig : tous ont Ă©voluĂ© et grandi sous ses ordres. ĂcartĂ© du club lâĂ©tĂ© dernier par Joan Laporta et en attente dâune opportunitĂ©, le technicien sâest longuement confiĂ© pour ÂĄFuria Liga! sur le modĂšle de formation blaugrana et lâinfluence indĂ©passable de Johan Cruyff.
Francisco GarcĂa Pimienta, vous avez fait partie de la « Quinta del Mini » avec le Barça B en tant que joueur, puis vous ĂȘtes devenu un formateur emblĂ©matique du club. On dit de vous que vous ĂȘtes plus Cruyffiste que Cruyff lui-mĂȘme !
Câest tout Ă fait vrai ! (Rires) Jâai eu la chance de jouer dans toutes les catĂ©gories de jeunes du Barça, de 12 Ă 23 ans. Je suis entrĂ© en 1986 et Johan Cruyff est revenu en 1988. Il a mis en place la mĂȘme mĂ©thodologie dâentraĂźnement et de jeu pour toutes les Ă©quipes, avec succĂšs. Je lâai vĂ©cu Ă la premiĂšre personne dans un club qui Ă©tait dotĂ© des meilleurs joueurs de Catalogne, voire dâEspagne, de mes 14 ans Ă mes dĂ©buts avec lâĂ©quipe premiĂšre 9 ans plus tard. Je ne dis pas quâil faut avoir Ă©tĂ© joueur pour devenir un trĂšs bon entraĂźneur. En revanche, tu as un avantage si tu lâas vĂ©cu. Jâai ensuite pu lâexpĂ©rimenter comme technicien pendant 17 ans, du cadete au Barça B lors des 3 derniĂšres saisons.
Vous avez été une des chevilles ouvriÚres de cette méthodologie qui fait référence.
Câest un cheminement qui a durĂ© 30 ans. Je crois que cette maniĂšre de tous sâentraĂźner de la mĂȘme maniĂšre fait comprendre aux joueurs que câest la meilleure façon de gagner. On sâen rend compte rĂ©cemment avec Gavi. Il est trĂšs jeune et, on le voit avec lâĂ©quipe premiĂšre, il a dĂ©jĂ intĂ©riorisĂ© cette maniĂšre de jouer et de gagner. Nous recrutons un profil trĂšs clair pour dĂ©velopper cette façon de jouer. Maintenant que le club a dĂ©cidĂ© de se passer de mes services, je sais que je ne pourrai pas faire pareil dans un autre club car les joueurs, aussi bons soient-ils, nâont pas intĂ©riorisĂ© cela.
Votre dĂ©part a surpris beaucoup de mondeâŠ
Moi aussi ! (Rires)
« Pour leur maniÚre de comprendre le football, Gavi, Riqui et Nico peuvent jouer ensemble, sans aucun doute »
Vous Ă©voquez Gavi mais il nâest pas le seul. Nico GonzĂĄlez est Ă©galement montĂ©, Ansu Fati est revenu aprĂšs un an de blessure et a dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© de belles performances. Cependant, on a lâimpression que Ronald Koeman, malgrĂ© son immense passĂ© de joueur au Barça, est nourri dâautres influences.
Les joueurs qui sont arrivĂ©s trĂšs jeunes au club sont compĂ©titifs et veulent tous gagner. Ils ont un ADN trĂšs Ă©tabli et ils ont Ă©tĂ© Ă©duquĂ©s Ă jouer de la sorte depuis trĂšs longtemps. Dans les catĂ©gories infĂ©rieures, on leur a inculquĂ© une certaine maniĂšre de jouer. Peu importe lâadversaire dans des tournois nationaux ou internationaux, ils doivent jouer comme on leur a appris. Câest pour cela que lâentraĂźneur de lâĂ©quipe doit croire en ça. Le plus grand succĂšs de lâhistoire du club, câest quand il y a eu, aussi bien dans lâeffectif que dans le staff, autant de joueurs formĂ©s Ă la Masia, avec Johan Cruyff mais surtout avec Pep Guardiola, sans oublier Tito Vilanova qui Ă©tait parmi ceux qui croyaient le plus en cette façon de jouer. Pour la simple et bonne raison que le Barça pouvait avoir cette philosophie et tout gagner, mĂȘme la Ligue des Champions. Il faut que lâentraĂźneur croie vraiment en ça et valorise le potentiel du club depuis le fĂștbol base.
On imagine que cela a contribuĂ© aux performances de Lionel Messi ou de Sergio Busquets qui ont Ă©voluĂ© quasiment toute une vie dans la mĂȘme configuration ?
Avec Messi, on parle du meilleur joueur du monde qui pourrait trĂšs bien jouer dans nâimporte quel endroit. Quant Ă Sergio Busquets, câest le joueur typique de la cantera qui a Ă©voluĂ© dans lâune des positions les plus difficiles selon moi dans le fĂștbol base au Barça : celui de 6. En fait, de nombreux clubs Ă©voluent avec deux pivots : quand lâun se trompe, lâautre peut lâaider. Au Barça il nây en a quâun seul. Donc il doit jouer pour deux. Tu peux ĂȘtre bon avec le ballon mais si tu te trompes quand tu ne lâas pas ou que tu subis la pression adverse, le rival peut attaquer la ligne dĂ©fensive et gĂ©nĂ©rer une situation qui te met en danger. Son positionnement est trĂšs important. Busquets est lâexemple quâun joueur qui vient du bas de la pyramide peut sâadapter parfaitement Ă cette position. Il se passera la mĂȘme chose avec Nico quand, dans 2 ou 3 ans, Sergio Busquets arrĂȘtera. Il remplira ce rĂŽle car il a dĂ©jĂ intĂ©riorisĂ© cela. Je lâai eu la saison derniĂšre avec le Barça B et ce sera un 6 dâenvergure mondiale avec le Barça.
Nico a un pÚre célÚbre : Fran, un des symboles du SuperDepor (photo). Est-ce que cette filiation entre en jeu, notamment au niveau de la mentalité et de la régularité des efforts pour atteindre des objectifs élevés ?
Leurs caractĂ©ristiques respectives sont trĂšs diffĂ©rentes. Fran Ă©tait un intĂ©rieur qui pouvait jouer ailier avec beaucoup de dĂ©sĂ©quilibre dans le un contre un et avec le sens du but. Nico peut trĂšs bien jouer intĂ©rieur, il en a les capacitĂ©s, mais il a les aptitudes dâun 6 car il est plus grand, plus fort et il assume de prendre des risques dans une zone dangereuse du terrain. Pour moi, avoir un pĂšre qui a Ă©tĂ© professionnel est un avantage pour lui car il a vu lâexigence au quotidien. Mais jâen suis certain et vous verrez : aujourdâhui, on dit que Nico est le fils de Fran mais bientĂŽt on dira que Fran est le pĂšre de Nico !
Photo by Icon Sport
Il y a un troisiĂšme joueur pour former ce triangle au milieu mais qui ne joue quasiment pas avec Koeman : Riqui Puig. Les trois peuvent ensemble ?
Pour leur maniĂšre de comprendre le football, sans aucun doute. Je les ai faits jouer avec le Barça B, dans un championnat trĂšs difficile, quand ils avaient seulement 18 ans avec Jandro Orellana et Ălex Collado. Ils ont un profil trĂšs associatif mais pas denses physiquement. Au niveau de la comprĂ©hension du jeu, ils Ă©taient les meilleurs. Or dans le football, il nây a pas que ça. Nous avons affrontĂ© beaucoup dâadversaires pour qui lâaspect dĂ©fensif est trĂšs important. Je suis certain quâils pourraient jouer ensemble, y compris avec Pedri dont on dirait quâil a Ă©tĂ© formĂ© chez nous, ce qui est extrĂȘmement rare.
Vaut-il mieux pour un ailier de jouer sur son pied naturel ?
JâĂ©tais moi-mĂȘme ailier et je prĂ©fĂ©rais jouer sur mon pied droit. Il faut chercher les vertus de chaque joueur. On ne peut Ă©riger une rĂšgle absolue en exigeant quâon doive jouer sur son pied naturel ou obligatoirement ĂȘtre un ailier inversĂ©. Jâai eu sous mes ordres Carles PĂ©rez qui Ă©volue dĂ©sormais Ă la Roma. Il est gaucher mais quand il jouait Ă gauche, il valait 5 ou 6. Mais quand il Ă©tait Ă droite, il valait 8, 9 voire 10. Pourquoi ? Parce quâil avait des facultĂ©s pour rentrer sur son bon pied et frapper. En revanche, Adama TraorĂ© et Jordi Mboula sont des droitiers qui prĂ©fĂšrent jouer Ă droite car ils sont meilleurs dans le un contre un sur leur jambe agile quâavec leur pied gauche. Il faut faire jouer les joueurs lĂ oĂč ils ont le meilleur rendement pour eux et pour lâĂ©quipe.
Et quâen est-il de Konrad de la Fuente ?
Il a 20 ans, il a besoin de tranquillitĂ©. Il ne faut pas oublier quâun joueur comme AndrĂ©s Iniesta a attendu dâavoir 22-23 ans pour gagner en maturitĂ©. Si un joueur de ce calibre mondial a eu besoin de ce temps⊠Gavi est une exception, Ilaix Moriba aussi et je ne parle pas de Messi. Mais tous les autres doivent suivre leur propre cheminement. Konrad, dans 2 ou 3 ans, ce sera un ailier top. Peut-ĂȘtre pas comme MbappĂ© mais il faut rester tranquille !
A quel poste ?
Konrad peut aussi bien Ă©voluer Ă droite comme Ă gauche. Il est bon des deux pieds. Il manie bien son pied droit mais son pied gauche, câest la perfection. Avec moi, il a jouĂ© aux deux postes et il a le sens du but. Il est plus Ă lâaise avec son pied gauche, je ne sais pas pourquoi. Mais ça dĂ©pend aussi des discussions au sein de lâĂ©quipe au moment dâaffronter un adversaire, trouver la meilleure position et la meilleure solution. Câest trĂšs difficile de trouver un joueur aussi dĂ©sĂ©quilibrant que Konrad, aussi bon des deux cĂŽtĂ©s.
Photo by Pressinphoto/Icon Sport
Un autre joueur du Barça B a Ă©tĂ© citĂ© dans les rumeurs de transfert Ă lâOM, il sâagit dâĂlex Collado. Quelle est sa meilleure position ?
Je ne sais pas ce qui se passe au club avec Collado. Câest encore un cas de joueur qui a presque passĂ© toute sa vie au Barça (il est arrivĂ© Ă 11 ans en provenance de lâEspanyol, ndlr). Il a 22 ans, il est toujours en processus de formation, il reste trĂšs jeune. Lâan dernier, câĂ©tait sa troisiĂšme saison avec moi au Barça B. Je lâai convaincu que câĂ©tait un trĂšs bon joueur et que sâil disposait dâune bonne offre, un club top au niveau espagnol ou europĂ©en, pas de deuxiĂšme division, il devait partir pour y gagner sa place. La Segunda B Ă©tait trop petite pour lui. Je lui ai dit « Ălex, si tu as une belle opportunitĂ© sportive en Espagne ou ailleurs, tu dois tenter ta chance car tu dois devenir un joueur dâune Ă©quipe premiĂšre ». Dans son nouveau contrat, il devait faire partie de lâĂ©quipe premiĂšre mais, Ă cause des circonstances, il nâa pas Ă©tĂ© inscrit. Pour moi, câest un intĂ©rieur mais il me facilitait tellement les choses au poste dâailier. Il mâoffrait tellement de solutions dans ces deux rĂŽles⊠Il a les qualitĂ©s pour jouer au Barça mais aussi les caractĂ©ristiques pour Ă©voluer partout ailleurs. Ăa ne va pas lui faire du bien de ne pas jouer pendant 6 mois mais si un club comme lâOlympique de Marseille parie sur lui et croit en lui, il a tellement de football que je suis certain quâil reproduira ce quâil a dĂ©jĂ rĂ©alisĂ©.
A propos du systĂšme de jeu, le FC Barcelone a Ă©voluĂ© en 5-3-2. Câest en raison dâune crainte particuliĂšre, des nouveaux profils jeunes ?
Câest un choix dâentraĂźneur, trĂšs clairement. Quand Johan Cruyff est arrivĂ©, nous ne jouions pas en 4-3-3 mais en 3-4-3 avec les 3 de devant qui Ă©taient des ailiers, pas des carrilleros comme le sont Sergiño Dest, Jordi Alba ou Sergi Roberto qui sont des profils dĂ©fensifs, des latĂ©raux qui ont tout le couloir. Ousmane DembĂ©lĂ©, ou Konrad puisquâon parlait de lui, sont des ailiers Ă qui il coĂ»te de dĂ©fendre. Si tu crois dans les profils de joueurs que tu utilises, il faut que ça colle. Quand tu joues avec une dĂ©fense Ă 5, câest forcĂ©ment par choix. Mais la grandeur de ce club, câest que de haut en bas, tu joues quasiment toujours de la mĂȘme maniĂšre. Câest dĂ©jĂ arrivĂ© dâavoir des entraĂźneurs avec des systĂšmes diffĂ©rents, comme Radomic Antic et Bobby Robson, et que nous utilisions de maniĂšre opportune. La force du club, câest quâun jour, un homme est venu en croyant fermement en une façon de jouer et dâentraĂźner, comme cela a Ă©tĂ© le cas aprĂšs avec Pep Guardiola puis Tito Vilanova. Ils ont dĂ©montrĂ© quâen jouant ainsi et avec des joueurs de la maison, on pouvait gagner. Le Barça, câest bien jouer mais aussi gagner. Actuellement, Ronald Koeman a son idĂ©e. Il a connu la philosophie de Cruyff comme membre de la Dream Team mais, comme entraĂźneur, il a une autre idĂ©e. Il veut gagner mais il utilise plusieurs systĂšmes en fonction des joueurs quâil a sa disposition.
A propos de 3-5-2 et de 5-3-2, que pensez-vous de lâĂ©volution tactique de Diego Simeone depuis la saison derniĂšre ?
Nous les entraĂźneurs devons Ă©voluer et changer les choses car de la maniĂšre que nous Ă©tudions nos adversaires, eux le font Ă©galement. Il faut donc trouver de nouvelles solutions. Simeone est un coach qui a rĂ©ussi de trĂšs grandes choses avec lâAtlĂ©tico, avec un football en 4-4-2 oĂč son Ă©quipe attendait trĂšs bas pour mieux contrer avec des joueurs trĂšs talentueux qui faisaient la diffĂ©rence. Sauf que les rivaux se sont adaptĂ©s et son Ă©quipe nâa plus pu avoir la mĂȘme vigueur en contre. Selon moi, il pourrait encore faire davantage, parce quâil a un effectif incroyable. Simeone est loin dâĂȘtre un idiot, il sait quâil doit essayer des choses nouvelles et se rĂ©inventer pour gagner. Câest ce quâil a mis en place contre le Barça, car il savait comme ça allait se passer et ils ont marquĂ© deux buts quasiment identiques.
« Quand lâĂ©quipe joue bien et a une idĂ©e trĂšs claire de son jeu comme câest le cas avec Luis Enrique, Busquets en est le principal bĂ©nĂ©ficiaire »
Pour revenir au jeu du Barça, une chose est certaine : pour assumer de jouer de cette maniÚre si caractéristique, il faut constamment répéter des efforts à haute intensité. Comment travaille-t-on cela ?
Ce que nous essayons de faire â je parle de mon expĂ©rience personnelle- câest de reproduire Ă lâentraĂźnement des situations de match. Notre objectif, câest le match. En fonction du jour de la semaine, nous travaillons la condition physique, par exemple avec un terrain plus petit, parfois plus grand pour allonger les distances en comparaison aux distances rĂ©elles, et toujours avec lâidĂ©e de nous mettre en condition dâobtenir de telles situations de jeu le jour du match. Il y a aussi un travail prĂ©ventif au niveau de la force qui se rĂ©alise Ă la salle. En rĂ©sumĂ©, ce sont des entraĂźnements qui ne sont pas trĂšs longs mais trĂšs intenses et trĂšs prĂ©parĂ©s en fonction de lâadversaire et de notre systĂšme de jeu, avec la possession du ballon afin que les joueurs lâassimilent tranquillement. Câest la force du club : comme les joueurs sont habituĂ©s depuis toujours Ă reproduire ce genre dâefforts depuis quâils ont 10 ans, câest la normalitĂ© pour eux. Quand tu fais un entraĂźnement avec des espaces trĂšs rĂ©duits, beaucoup de choses se passent en trĂšs peu de temps. Du coup, il faut penser continuellement Ă ce que tu dois faire : ta position du corps, les solutions autour de toi, la ligne de passe Ă privilĂ©gier. Tout ça dans un laps de temps de trĂšs bref sinon tu perds la balle. Dâune part, les joueurs que nous recrutons ont le mĂȘme type de profil, ensuite ils sont habituĂ©s à ça, ce qui leur permet dâintĂ©rioriser le plus difficile. Alors lorsquâils montent en Ă©quipe premiĂšre, Ă lâinstar de Gavi, quand arrive un ballon relativement proche de sa propre surface, ils nâont pas de problĂšme car ils lâont toujours fait. Quand tu joues intĂ©rieur et que le 6 fait tel mouvement, tu sais que tu dois agir de telle maniĂšre pour sortir le ballon. Jâen reviens Ă ce que je disais tout Ă lâheure : quand jâirai dans un autre club, je ne pourrai pas le refaire parce que les joueurs ne sont pas habituĂ©s et souffrent dâun stress supplĂ©mentaire par rapport Ă la pression adverse car cela peut se convertir en occasion de but immĂ©diatement. Il faut penser en permanence et assumer de prendre des risques.
Quand on parle Ă des formateurs en Espagne, que cela soit au sein dâun club professionnel ou dâun club de quartier, lâexpression qui revient le plus souvent câest : « rĂ©soudre des problĂšmes ».
Toutes les Ă©quipes ont le mĂȘme objectif : gagner. Mais comment essayons-nous de gagner ? Si tu dis Ă ton gardien de dĂ©gager loin pour atteindre le camp adverse, ce nâest pas bien difficile. Toute lâĂ©quipe va au duel et ensuite on verra bien qui lâemporte. Au Barça, pour que lâattaquant reçoive le ballon dans les meilleures conditions, il faut bien lui amener, du gardien aux dĂ©fenseurs, des dĂ©fenseurs aux milieux, des milieux aux attaquants. Il faut faire progresser le ballon dans le camp adverse. Et ça, câest trĂšs difficile. Alors il faut rĂ©soudre des problĂšmes dans diffĂ©rents endroits du terrain, de la premiĂšre touche du gardien Ă la frappe de lâattaquant. Il faut intĂ©rioriser les situations de danger, y compris au niveau du gardien. Il faut trouver qui est compatible, qui est atteignable en fonction dâune situation donnĂ©e. Ăâest ça lâADN du Barça.
Cette ambition de bien former et de bien jouer pour bĂątir des profils pour lâĂ©quipe premiĂšre est-elle compatible avec la nĂ©cessitĂ© de monter de catĂ©gorie, dans votre cas de Segunda B Ă Segunda ?
Lâobjectif de nâimporte quel club est que les joueurs de la cantera intĂšgrent lâĂ©quipe premiĂšre. Le Barça a le grand avantage de savoir exactement quel type de joueurs et avec quel style. A partir de lĂ , nous devons leur montrer comment sâentraĂźner, comment jouer, avec quel systĂšme, comment penser constamment. Naturellement, dans lâADN du Barça, il y a le gĂšne de la victoire. Tous les joueurs qui arrivent au Barça B sont habituĂ©s Ă remporter tous les championnats, tous les tournois. Câest dĂ©jĂ ancrĂ© en eux. AprĂšs, si tu diriges des joueurs de 17-18 ans et que tu te confrontes Ă un championnat aussi difficile que la troisiĂšme division espagnole, face Ă des joueurs dâune trentaine dâannĂ©es qui ont beaucoup dâexpĂ©rience, qui sont trĂšs agressifs et donnent des coups, on va tout de mĂȘme exiger de bien jouer et de gagner. Mais parfois ce nâest pas possible. Mais lâobjectif du Barça B est que les joueurs aient le profil pour intĂ©grer lâĂ©quipe premiĂšre si elle en a besoin. Ăa sâest passĂ© pour Mingueza, AraĂșjo, Konrad, Collado, Riqui, BaldĂ©, Miranda, Cucurella, Monchu⊠Pas tous ont rĂ©ussi mais ils Ă©taient lĂ . On demande toujours de gagner mais au Barça B, on nâa pas toujours pu toujours compter sur Ansu, Ilaix, Mingueza, Gavi etc et il a fallu recruter Ă lâextĂ©rieur, ce qui nâa pas beaucoup de sens car ça coĂ»te de lâargent et les recrues ne comprennent pas le football comme nous. Le seul joueur que jâai demandĂ©, câest Roger Riera et il nâa Ă©tĂ© lĂ que 3 mois.
A lâheure actuelle, le club qui parvient le mieux Ă rendre cette passerelle effective, câest la Real Sociedad.
Câest un trĂšs bon exemple, tout comme celui de lâAthletic qui le fait davantage par obligation. La Real croit en ce modĂšle du bas vers le haut et si elle ne le trouve pas ses rangs, elle sâautorise Ă recruter. Mais la majoritĂ© de ses joueurs vient de son centre. Ăa, câest le succĂšs assurĂ©. En plus, il y a un entraĂźneur, Imanol Alguacil, qui a Ă©tĂ© joueur puis formateur du club donc câest un gage de rĂ©ussite. Pourquoi ? Parce quâil est convaincu que la meilleure maniĂšre de rĂ©ussir, câest avec des profils formĂ©s Ă la maison. Pour autant, je ne sais pas sâils parviendront un jour Ă gagner la Liga parce que leurs ressources sont infĂ©rieures Ă dâautres, Ă commencer par le Barça et le Real Madrid.
Revenons au Barça. Récemment, nous avons vu deux versions distinctes de Sergio Busquets : celui avec le Barça, souvent dépassé, et celui avec la Roja, organisateur et précis. Comment peut-on expliquer une telle versatilité ?
Câest difficilement comprĂ©hensible quâil soit bon avec lâEspagne et moyen avec le Barça. Cela prouve quâun systĂšme de jeu convient plus Ă Busquets que lâautre. Durant des annĂ©es, il a Ă©tĂ© excellent et il est Ă©vident que sa baisse de rĂ©gime a correspondu avec le pire Barça. LâĂ©quipe nâa pas jouĂ© de la meilleure des maniĂšres et, quand elle est coupĂ©e en deux, il est en difficultĂ© car sa qualitĂ© premiĂšre nâest pas de courir. Il nâa jamais Ă©tĂ© le plus rapide mais il a toujours Ă©tĂ© clairvoyant, bien placĂ© et douĂ© balle au pied. Quand lâĂ©quipe est scindĂ©e en deux, il disparaĂźt. Quand lâĂ©quipe joue bien et a une idĂ©e trĂšs claire de son jeu comme câest le cas avec Luis Enrique, Busquets en est le principal bĂ©nĂ©ficiaire car cela met en valeur ses aptitudes et cela rejaillit sur les autres.
Pourquoi le Barça ne parvient-il pas à sortir un 9 de grande envergure ? Le club est essentiellement porté sur la qualité de la passe et moins sur le tir ?
Au Barça, le rĂŽle de 6 est trĂšs important mais aussi celui du 9 dans le jeu de position. Nous ne voulons pas de 9 qui soit exclusivement un renard des surfaces car, le plus souvent, la dĂ©fense adverse se cantonne derriĂšre et marquer un tel profil est facile. Nous souhaitons Ă©videmment que lâattaquant marque des buts mais aussi quâil prenne les espaces et quâil sache bien jouer entre les lignes. Câest trĂšs complexe de dĂ©velopper de telles caractĂ©ristiques. Ansu Fati joue davantage sur le cĂŽtĂ© mais il peut Ă©galement Ă©voluer en 9 car ce nâest pas un joueur fixe qui reste dans la mĂȘme position. Messi sait Ă©galement trĂšs bien le faire car, par son placement, il rend dingue la dĂ©fense adverse. Abel Ruiz, qui a rĂ©cemment Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© avec lâEspagne, avait tout ça mais il lui a manquĂ© la rĂ©ussite devant les cages. En revanche, il a tout le reste : recevoir dans les pieds, proposer de la profondeur, jouer de la tĂȘte. Et puis devant lui, il y avait Luis SuĂĄrez dont on voit encore le rendement et les capacitĂ©s Ă lâAtlĂ©tico de Madrid. Nous exigeons tellement de choses Ă un attaquant, que pour ĂȘtre bon partout, câest trĂšs difficile. Câest plus simple de trouver un ailier.
Propos suscités et traduits par Tracy Rodrigo et François Miguel Boudet