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·21 mars 2020

Ils ont fait Liverpool

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Si Liverpool a finalement eu assez peu de superstars dans son histoire, il a par contre souvent eu des managers hors normes. A l’heure où il semble inéluctable de voir les Reds remonter sur le trône anglais pour la première fois depuis 1990, revenons sur ces coaches qui ont écrit leur histoire.


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Bill Shankly, le socialiste.

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Il demeure LA légende ultime du banc de touche liverpuldien. Un hôtel à son nom, dirigé par son petit-fils, existe à Liverpool. Une association de supporters, Spirit of Shankly, se veut d’ailleurs la gardienne de sa mémoire et de ce qu’il a amené au club. A Liverpool, Bill Shankly est l’icône ultime de l’histoire du club. Rien de tout ce qui est arrivé ensuite ne se serait sans doute produit si cet ancien mineur écossais n’avait, selon Tony Evans journaliste pour The Independant, « créé l’idée même de Liverpool, transformé le club en donnant de l’importance au kop et fait se sentir les supporters comme partie intégrante du club. »

William « Bill » Shankly naît à Glenbuck, un village de la région minière de l’Ayrshire en Ecosse, le 2 septembre 1913 dans une famille de dix enfants. Ses quatre frères deviendront d’ailleurs tous footballeurs professionnels. De cette enfance dans une communauté de mineurs (il travaillera d’ailleurs lui-même dans les puits de ses quatorze ans jusqu’à son premier contrat professionnel), Shanks gardera des principes qui le guideront toute sa vie. Notamment celui de savoir savourer sa chance de faire de sa passion son métier, une certaine méfiance envers les politiciens et les bourgeois en tout genre (il déclarera notamment un jour que le seul rôle d’un président de club est de signer les chèques) mais aussi une vision humaniste et sociale de la vie.

Joueur, Shankly est un milieu de terrain que l’on pourrait qualifier de viril mais correct. A dix-neuf ans, il s’engage pour Carlisle United où il ne passera qu’une saison avant de signer à Preston North End où il restera de 1933 à 1949. Seize saisons entrecoupées par la deuxième guerre mondiale qui l’obligera à intermède dans la Royal Air Force de 1939 à 1944 au cours duquel il rencontrera sa femme Nessie. A Preston, il gagnera une Cup en 1938 et jouera pas loin de trois-cents matchs (plus cinq sélections en équipe d’Écosse). Une tribune de Deepdale, le stade des Lilywhites, porte d’ailleurs son nom.

Sa carrière de manager démarre au même endroit que celle de joueur, Carlisle United, où il restera deux saisons. Viendront ensuite Grimsby Town pendant deux ans, Workington un an et Huddersfield trois ans avant, enfin, de décrocher le job d’une vie. Shankly signe comme manager de Liverpool en 1959 et y restera jusqu’à la fin de la saison 1973-1974. « Liverpool était fait pour moi, et j’étais fait pour Liverpool » dira-t-il à la fin de sa carrière.

A l’époque, LFC est un club de seconde zone qui se traîne en deuxième division. « Si vous aviez vu Anfield quand je suis arrivé… J’ai dû moi-même apporter mon eau. Il n’y en avait pas assez pour rincer les toilettes » ironisera-t-il des années plus tard.

Shankly va d’abord faire jouer son flair pour recruter de très bons jeunes joueurs ou lancer en pro ceux qu’il estime apte chez les jeunes du club. Ian Callghan, un enfant de la ville, débute en 1960 (et deviendra le joueur le plus capé du club avec 857 matchs pros) et Tommy Smith en 1963. Il va surtout avoir du flair dans ses recrues : Ron Yeats, le capitaine des premiers succès, est recruté à Dundee United en 1961. Emlyn Hugues, qui deviendra en 1977 le capitaine du premier sacre red en C1, à Blackpool en 1967. Et Kevin Keegan à Scunthorpe en 1971.

Mais considérer Shankly comme un simple recruteur de jeunes doté d’un bon flair serait particulièrement réducteur. Il va inventer ce qu’il qualifiera de « football socialiste. Il n’y a pas de prima donna. On joue les uns pour les autres à fond pendant quatre-vingt-dix minutes.» Basé avant tout sur une cohésion collective sans faille à une époque où ce concept demeure encore finalement assez rare, le football de Shankly demeure un football à l’image du joueur qu’il a été, plus solide que spectaculaire et joué par des joueurs dont l’ego ne prendra jamais le dessus sur l’intérêt du groupe. Il est assez probable qu’une rockstar comme George Best, malgré son incommensurable talent, n’aurait jamais trouvé sa place à Liverpool. Et surtout, Shankly fit en sorte que le club tisse un lien unique avec ses supporters et sa ville : « Il était intelligent car il a bâti son équipe en reprenant le meilleur du caractère de la ville : la spontanéité, le courage et l’humour analyse Rogan Taylor, sociologue à l’université John Moores de Liverpool et originaire de la ville. Quand on réussit ça, le club et ses supporters se servent mutuellement de miroir. Les fans voient le meilleur d’eux-mêmes réfléchi par l’équipe, et l’équipe voit le meilleur d’elle-même réfléchi par ses fans. »

Par ailleurs, Shankly restera associé à deux éléments incontournable de l’identité de LFC. C’est lui qui décidera de faire porter une tenue intégralement rouge au club et plus seulement le maillot. Et c’est aussi pendant son mandat que You’ll never walk alone deviendra l’hymne puis la devise du club même si les versions divergent quant à sa responsabilité réelle dans ce choix.

C’est sur ces bases que Liverpool remonte en first division en 1962 et gagne le championnat en 1964 et sa première Cup en 1965 et à nouveau le championnat en 1966. En 1973, Liverpool connaît sa première consécration européenne avec une coupe UEFA, doublée d’un nouveau titre de champion. En 1974, pour son dernier match, Shankly remportera une nouvelle finale de Cup en tant que coach.

Dans l’histoire du football, il restera surtout célèbre pour ses bons mots, dotés parfois d’un humour acide, notamment envers le rival Everton.

« La pression, c’est travailler à la mine. La pression, c’est être au chômage. La pression, c’est essayer d’éviter de se faire virer pour 50 shillings par semaine. Cela n’a rien à voir avec la Coupe d’Europe ou la finale de la Cup. Ça, c’est la récompense ! »

« Si Everton joue au fond de mon jardin, je tirerai les rideaux. » Ironie du sort, Shankly vivait à proximité du centre d’entraînement d’Everton.

« Si j’avais joué contre ma femme, je lui aurais cassé la jambe pour gagner, mais je ne l’aurais jamais prise en traître

Et la plus célèbre de toutes : « Le football n’est pas une question de vie ou de mort. Je peux vous assurer que c’est bien plus important que cela. »

Shankly sera fait officier de l’empire britannique fin 1974 et continuera à aller voir les matchs de LFC jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque en 1981. L’une des portes d’Anfield porte son nom, la Shankly Gates. La devise You’ll never walk alone est inscrite à son frontispice. Et une statue de bronze à son effigie trône devant le kop.

Bob Paisley, le plus titré

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En 1974, quand Bill Shankly se retire en pleine gloire, les dirigeants du club font le choix de la continuité en donnant le pouvoir à son adjoint Bob Paisley. Ce qui pourrait passer pour un choix par défaut vu de l’extérieur va en fait s’avérer un coup de maître. Bob Paisley demeure encore aujourd’hui, trente-sept ans après son départ, le manager le plus titré de l’histoire des Reds malgré un passage à ce poste de qui a duré moins de dix ans.

A l’inverse de Shankly qui avait beaucoup bourlingué avant d’intégrer la maison rouge, Paisley a voué la quasi intégralité de sa vie professionnelle au Liverpool FC. Défenseur du club de 1939 à 1954, il intégrera ensuite le staff technique à divers postes avant d’être promu adjoint de Shankly, qui lui laissera la place à son départ. « Le Liverpool FC était ma vie. J’aurais été heureux et fier de sortir balayer la rue si le club me l’avait demandé » avouera-t-il après sa carrière.

Évidemment, la nomination a tout du cadeau empoisonné. Qui peut prétendre passer sereinement derrière une légende sans crainte d’affronter la comparaison ? C’est pourtant le challenge que Paisley va relever haut la main en se bâtissant un palmarès en béton armé. Sur le plan national, il remporte six championnats en 1976, 1977, 1979, 1980, 1982 et 1983 et trois League Cups consécutives de 1981 à 1983. Sur le plan européen, ce seront une Coupe UEFA en 1976 et surtout trois coupe des clubs champions en 1977, 1978 et 1981 (codétenteur du nombre de victoires en tant qu’entraîneur avec Carlo Ancelotti et Zinédine Zidane) ainsi qu’une Supercoupe d’Europe en 1977. Seule la Cup et la coupe intercontinentale lui échapperont.

Si la gestion de l’héritage Shankly est évidemment à mettre à son crédit, elle n’est pas la seule explication de la réussite de son remplaçant. Notamment parce que certains cadres de Shankly finiront par lui faire défection, comme Keegan qui quitte le club après le triomphe de 1977. Mais aussi parce que c’est lui qui prendra parfois l’initiative de renouveler son effectif quand il sentira que c’est nécessaire, comme quand il ne conservera pas Emlyn Hugues, pourtant capitaine lors des sacres européens de 1977 et 1978. Il recrutera donc Kenny Dalglish en 1977 pour pallier le départ de Keegan. Mais aussi divers joueurs qui, pour beaucoup, sont entrés par la grande porte dans l’histoire de LFC : Phil Neal en 1974, Alan Hansen en 1977, Alan Kennedy et Graeme Souness en 1978, Ian Rush (meilleur buteur de l’histoire du club) en 1980, Mark Lawrenson en 1981…

Sous sa coupe, le jeu, surtout solide sous Shankly, deviendra plus rapide et plus offensif tout en conservant sa solidité qui déroutera souvent ses adversaires continentaux. Stephen Kelly, qui fut le biographe de Shankly, dit de lui : « Il était toujours de bon conseil pour Shankly tout en sachant rester à sa place. Shankly était le motivateur, mais Paisley était le tacticien. »

Par ailleurs, contrairement à ce que ses airs débonnaires de papy en charentaises pourraient laisser croire, Paisley dirigea son groupe sans état d’âme. « Il a mené Anfield d’une main de fer. C’était un donneur d’ordres et rares étaient ceux qui bronchaient autour de lui » racontera Graeme Souness.

S’il n’était pas aussi fort que Shankly pour les citations marquantes, il savait parfois amuser son auditoire. Comme lorsqu’à un journaliste qui lui rappelait son immense palmarès, il répondit : « Mais j’ai aussi connu des années difficiles à Liverpool. Une année, on a même fini deuxièmes. »

Paisley quittera son poste en 1983, après un ultime doublé coupe de la league-championnat. Il vécut à Liverpool jusqu’à sa mort en 1996. L’autre porte d’Anfield (après la Shankly Gates) porte son nom. Et, depuis janvier 2020, lui aussi a sa statue à Anfield. Où il est représenté dans une scène datant de 1968 où il porte sur son dos un Emlyn Hugues blessé.

Dalglish, du terrain au banc

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Après le depart de Bob Paisley, Liverpool choisit une nouvelle fois la continuité en nommant l’adjoint de Paisley, Joe Fagan. Mais ce dernier n’aime pas être en première ligne. Et malgré des résultats dans la droite ligne de Paisley (un triplé C1-championnat-coupe de la league en 1984 et même une seconde place de championnat en 1985), il décide rapidement de quitter son poste. «Joe n’avait en fait jamais voulu de ce boulot, dira d’ailleurs des années plus tard l’ancien attaquant des Reds Ronnie Whelan. Il était content d’être seulement l’assistant de Paisley. Devenir manager mettait beaucoup plus de pression. Il fallait parler avec le président, les membres du conseil d’administration… Ce n’était vraiment pas le truc de Joe.» L’histoire retiendra malheureusement que le dernier match de Joe Fagan à la tête du club fût la catastrophe du Heysel.

Liverpool décide donc de donner le poste à Kenny Dalglish qui devient entraîneur-joueur. Après être devenu un mythe du club comme joueur, « King Kenny », King of the kop va aussi en devenir un comme entraîneur.

Kenneth Mathieson « Kenny » Dalglish naît à Glasgow le 4 Mars 1951. Comme tout petit glaswegien, le jeune Kenny a le choix d’une vie à faire dès sa naissance: Rangers ou Celtic ? Protestant et sans origine irlandaise, ce sont évidemment les Rangers qui emportent l’adhésion de sa famille et, de fait, la sienne. Mais c’est pourtant le Celtic qui va repérer le jeune prodige et lui donner sa chance à 18 ans à peine. En huit saisons, l’attaquant écossais jouera 338 matchs pour 173 buts avec son club formateur et remportera quatre championnats et quatre coupes d’Écosse. En 1977, alors que Kevin Keegan vient de quitter Liverpool, c’est lui que Bob Paisley recrute pour le remplacer, moyennant une clause libératoire de £440 000, une somme faramineuse pour l’époque. À Liverpool, il va se bâtir un palmarès en or massif, notamment sur le plan européen, ce que le Celtic ne lui avait pas permis, et même obtenir la deuxième place du ballon d’or 1983 derrière Michel Platini.

Quand il est nommé entraîneur en 1985, la nouvelle passe presque inaperçue hors des suiveurs réguliers du Liverpool FC. Le drame du Heysel est passé par là, et Liverpool est traité en paria. Sans compter que la suspension de cinq ans de coupe d’Europe pour tous les clubs anglais, assortie d’une saison supplémentaire pour les Reds, prive ses ouailles de leur terrain de jeu fétiche. Pourtant, les résultats suivent sur le plan domestique puisque le Liverpool de Dalglish réalise le doublé championnat-cup dès sa première saison en 1985-86. Avant de gagner un nouveau titre en 1988 grâce, notamment au recrutement de John Barnes à l’été 1987 qui sera l’un des pluq grands attaquants de l’histoire du club.

Lorsque la saison 1988-1989 démarre, elle s’annonce sous les meilleurs auspices. Notamment grâce au retour de Ian Rush qui, après une saison infructueuse à la Juventus, rentre au bercail. Liverpool caracole en tête du championnat et passe les tours de Cup, jusqu’à une demi-finale qui va changer à tout jamais l’histoire du football anglais et la vie de Kenny Dalglish.

Ce 15 avril 1989, Liverpool doit jouer sa demi-finale sur terrain neutre, comme de coutume en Angleterre, à Sheffield, au stade d’Hillsborough, face à Nottingham Forest. Suite à des retards dans l’arrivée du public, la police prend la décision folle d’ouvrir en grand les portes de la tribune de Leppings Lane déjà bondée. Un terrible mouvement de foule s’en suivra qui tuera 96 personnes. S’il était déjà une icône pour ses performances, Dalglish va alors entrer définitivement dans le cœur des supporters à la suite de ce drame. Il sera au soutien de tous, assistera à l’immense majorité des obsèques (jusqu’à quatre enterrements dans une seule journée) et, à l’instar de Shankly, marquera tout le public par sa valeur humaine plus que par ses victoires. Liverpool perdra le titre lors d’une improbable défaite contre Arsenal à la dernière journée mais gagnera finalement la Cup. L’essentiel est ailleurs. Dalglish a soutenu son peuple. Il gagnera un dernier championnat à la tête de Liverpool en 1990 avant de s’en aller dans le courant de la saison 1990-1991. Il expliquera alors à quel point Hillsborough et ses suites l’ont usé nerveusement et psychologiquement.

Il fera un retour en janvier 2011, jusqu’à la fin de la saison 2011-2012. S’il n’obtient pas de succès notable lors de cette période, il fera néanmoins quelques bons recrutements. Luis Suarez qui explosera littéralement à Liverpool ainsi que Jordan Henderson qui, sept ans après son arrivée, soulèvera la ligue des champions 2019 comme capitaine.

Limogé par les dirigeants, Kenny Dalglish prend sa retraite définitive. Avec, au-delà, de tous ses trophées, une distinction unique: il est le seul ancien joueur à avoir donné son nom à une tribune d’Anfield.

Rafael Benitez, le stratège.

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Après le départ de Kenny Dalglish en 1991, Liverpool s’effondre durablement. Il y aura certes quelques éclaircies (une coupe de la league en 1995), mais le club n’est plus que l’ombre de la machine qui écrasait l’Europe quinze ans plus tôt. Recruté en 1998, Gérard Houllier mènera un travail important pour rebâtir l’équipe notamment en lançant Steven Gerrard et en confirmant Michael Owen. Il gagnera d’ailleurs un triplé inédit league cup-cup-coupe UEFA en 2001. Mais Liverpool demeurera un outsider derrière (suprême horreur) le rival honni de Manchester United.

À l’été 2004, les dirigeants décident alors de donner le pouvoir à un manager espagnol qui monte: Rafael Benitez. Ce tacticien de génie est encore peu connu à l’époque. Mais c’est un passionné obsédé de football, au point d’emmener sa femme visiter les installations du Milan AC en guise de voyage de noces. Après une carrière de joueur anonyme, il a commencé par entraîner dans les équipes de jeunes du Real et dans les divisions inférieures espagnoles avant de prendre en main le Valencia CF, qui vient de perdre la finale de la ligue des champions, à l’été 2001. Avec le club valencian, il chatouillera sérieusement le binôme Real-Barca, arrachant deux titres de champion d’Espagne en 2002 et 2004, le deuxième étant assorti en sus d’une coupe de l’UEFA. Quand il arrive à Melwood (le centre d’entraînement du club), le chantier est immense. Le club vient de perdre Michael Owen, parti au Real, et doit passer par le tour préliminaire pour aller en ligue des champions. Benitez recrute beaucoup de joueurs hispanophones, notamment Luis Garcia et surtout Xabi Alonso, et la mayonnaise a un peu de mal à prendre en début de saison. En ligue des champions, Liverpool patine mais atteint la dernière journée face à l’Olympiakos avec son destin entre ses mains. D’une monstrueuse frappe à la dernière seconde, Gerrard envoie les siens en huitièmes.

Cette première partie de saison est aussi l’occasion de mettre en place son management. Benitez fera notamment tapisser les murs du centre d’entraînement de référence au passe glorieux pour que les joueurs s’en imprègnent. Son respect de l’histoire du club lui vaudra la considération assez rapide du public.

En championnat, Liverpool a du mal et finira cinquième. Le club perdra aussi la finale de la League Cup contre Chelsea et se fera piteusement éliminer de la Cup par Burnley, alors en troisième division.

Alors Liverpool va renouer avec sa légende continentale pour se faire plaisir.

En huitième de finale, Leverkusen est éliminé sans faillir.

Se présente alors un quart de finale périlleux face à la Juventus. De surcroît chargé d’émotions puisque c’est le vingtième anniversaire de la tragédie du Heysel. Livepool gagne 2-1 à l’aller à Anfield grâce, notamment, à une sublime frappe de Luis Garcia de l’extérieur de la surface qui se fichera en plein lucarne.

Au retour au delle Alpi, Liverpool fait le dos rond et arrache un 0-0 qui l’envoie en demie.

L’attend alors un adversaire terrible, le Chelsea de José Mourinho contre qui Liverpool a déjà perdu trois fois cette saison là. Les Reds arrachent le 0-0 à Stamford Bridge, le retour à Anfield qui attendait ça depuis des années s’annonce brûlant.

Dès la cinquième minute, à la suite d’un cafouillage entre Milan Baros et Petr Cech, Garcia profite de la confusion pour inscrire un but dont, quinze ans après, on ne sait toujours pas s’il a vraiment franchi la ligne.

La suite sera un fort alamo de 90 minutes (dont six d’arrêts de jeu en deuxième période) où les Reds s’arc-bouteront sans jamais craquer jusqu’à la qualification.

Pour la finale, Liverpool se présente face au Milan, probablement la meilleure équipe européenne de l’époque.

La suite, tout le monde la connait, mené 3-0 à la mi-temps, les Reds renverseront la situation pour finalement s’imposer aux tirs au but.

Pour avoir réorganisé avec génie son équipe dans le courant du match malgré les couacs (notamment la sortie d’Harry Kewell sur blessure dès la vingtième minute), Benitez est peut-être le grand homme de cette finale avec le capitaine Steven Gerrard. Il devient le troisième entraîneur à soulever la coupe aux grandes oreilles avec Liverpool, le premier étranger.

La suite de sa carrière en rouge, ce seront une Cup en 2006, une autre finale de ligue des champions en 2007, toujours face au Milan. Et une saison 2008-2009 où Liverpool échouera juste derrière Manchester en championnat, miné par les blessures récurrentes de Gerrard et Torres alors que son jeu touchait au sublime. Les Reds s’offriront notamment une semaine de magie au cours de laquelle ils battront le Real 4-0 en huitième retour de ligue des champions à Anfield le mercredi avant d’aller corriger Manchester United à Old Trafford le dimanche sur le même score. On ne le sait pas encore mais c’est le champ du cygne de Benitez sur les rives de la Mersey.

La saison suivante est plombée dès le départ par le transfert non anticipé de Xabi Alonso, pierre angulaire du dispositif tactique de Benitez. Liverpool finit septième du championnat et le club se sépare de lui à l’été 2010.

S’il a gagné « seulement » une ligue des champions et une Cup, Benitez fut le premier manager à vraiment ramener Liverpool au premier plan. Gardant un souvenir ému de ses années en rouge, il n’a jamais manqué de glorifier le public de Liverpool même des années après son départ.

Jürgen Klopp, le roi du contre-pressing

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Après le départ de Benitez, Liverpool va vivre plusieurs saisons mitigées. Que ce soit sous la houlette de Roy Hodgson, Kenny Dalglish ou Brendan Rodgers. Liverpool ne jouera le titre qu’une seule saison, en 2013-2014 grâce aux performances stratosphériques de Luis Suarez en attaque, et le perdra dans la dernière ligne droite sur un but concédé face à Chelsea après une glissade de Gerrard au moment de récupérer la balle dans ses vingt mètres.

Quand Rodgers quitte le club à l’automne 2015, Liverpool, comme à l’époque de Rafael Benitez décide de donner sa chance à un coach en pleine ascension au sein d’un club « outsider » : l’allemand Jürgen Klopp.

Jürgen Klopp est originaire de Stuttgart où il est né en 1967. Sa carrière de joueur s’effectuera quasi exclusivement au FSV Mainz 05 de 1990 à 2001. Il détient d’ailleurs le record de matchs joués en deuxième division allemande (325) et il demeure aussi le deuxième meilleur buteur de l’histoire de Mayence avec 56 buts en 340 matchs.

A l’issue de sa carrière de joueur, Mayence lui offre le poste d’entraîneur. Klopp va alors étrenner ce qui deviendra sa marque de fabrique sur le plan tactique. Très haute intensité, et gros pressing à la perte de balle pour gagner des occasions proche des cages adverses. Sous la houlette du meneur d’hommes qu’est Klopp, les schémas tactiques de son adjoint Zeljko Buvac (véritable cerveau tactique du duo, de l’aveu même de Klopp) font merveille. Jusqu’ici habitué des objectifs de maintien obtenus sans trop trembler, Mayence découvre les émotions de la course à la montée en Bundesliga. Après deux quatrièmes places successives, Mayence arrache sa montée en 2005. Et obtiendra une qualification en coupe UEFA dès sa première saison à ce niveau. Mais les moyens trop limités finissent par ne plus être suffisant et le club redescend en 2007. Klopp s’en ira un an plus tard.

Klopp change de braquet en 2008 en signant au Borussia Dortmund. Une cinquième place avec des résultats irréguliers sanctionne sa première saison. Si le jeu tâtonne au début, les dirigeants de Dortmund décident tout de même de miser sur la continuité et prolongent Klopp jusqu’en 2012. Révélant de grands joueurs comme Hummels, Lewandowski, Subotic (que Klopp a emmené dans ses bagages en quittant Mayence) ou Götze, Dortmund monte en puissance saison après saison et finit enfin par arracher le titre de champion d’Allemagne en 2011. La confirmation ne se fera pas attendre puisqu’en 2012, le BVB réussit le doublé en battant le Bayern 5-2 en finale de la coupe d’Allemagne et en obtenant 81 points en championnat, record de points pour une saison de Bundesliga à l’époque. Lors de la saison suivante, Dortmund est moins performant sur le plan domestique mais atteindra la finale de ligue des champions face à son rival du Bayern qui réalisera un fabuleux triplé cette année-là.

Les saisons suivantes sont plus maussades, et Klopp annonce le 15 avril 2015 qu’il quittera Dortmund à la fin de la saison.

En octobre 2015, c’est lui que les dirigeants de Liverpool choisissent pour succéder à Brendan Rodgers qui vient d’être limogé. La mayonnaise prend assez rapidement dans le jeu, et, à l’instar de Benitez avant lui, Klopp intègre vite la culture maison et montre beaucoup de respect pour l’histoire du club. « Shankly disait : « Je suis fait pour Liverpool, et Liverpool est fait pour moi. » Klopp pourrait dire la même chose, dira en octobre 2019 Peter Moore, le directeur général du Liverpool FC. Il comprend parfaitement les éléments socialistes qui imprègnent le club et la ville. Il sait ce que représente le club dans la ville. Avant, c’était les Beatles, aujourd’hui, c’est le football. »

Si l’on peut gentiment sourire du qualificatif de socialiste dans une Premier League ultra commerciale, la phrase a le mérite de montrer que Klopp a su se fondre dans le paysage et s’identifier au club.

Dès sa première saison, Klopp atteint la finale de la Ligue Europa, notamment en éliminant son ancien club, Dortmund, en demi-finale après un match retour à rebondissements. Mais Séville, double tenant du titre, barrera la route des Reds en finale.

Lors de la saison 2016-2017, Liverpool recrute Sadio Mané et monte en puissance dans le jeu et atteint la quatrième place en championnat.

A l’été 2017, arrive Mohamed Salah qui complète le trident offensif avec Mané et Firmino (arrivé juste avant Klopp) et à l’hiver suivant, Virgil Van Dijk vient stabiliser une défense un peu trop perméable. Enfin armé, Klopp peut faire monter son effectif en puissance et la saison de Liverpool se conclut par une finale de ligue des champions perdue face au Real. Salah sera par ailleurs meilleur buteur et élu meilleur joueur de Premier League.

La saison suivante, Liverpool monte encore d’un cran. Réussissant à marquer 97 points en championnat, un total hallucinant qui lui aurait offert le titre en Premier League tous les ans depuis sa création en 1992 (à l’exception de la saison 2005). Las, le Manchester City de Guardiola en totalisera 103 et arrachera le titre. Mais une telle domination dans le jeu ne pouvait rester sans titre, alors c’est encore l’Europe qui va offrir aux Reds leur dose d’émotions.

Après un parcours sans faille, Liverpool se présente au Camp Nou en demi-finale et perd 3-0 face au Barca. Tout le monde ou presque les croit perdus. Mais Klopp ne l’entend pas de cette oreille et remonte ses ouailles avant le match retour qu’ils attaquent pied au plancher. Dans un Anfield en fusion, Liverpool réussit l’impensable et démolit les blaugranas 4-0. La finale anglo-anglaise à Madrid face à Tottenham est presque une formalité avec un but sur penalty de Salah dès la première minute. Klopp devient donc le quatrième entraîneur à ramener la C1 sur les rives de la Mersey et le deuxième étranger après Benitez.

Pour la saison 2019-2020, Liverpool attaque pied au plancher en championnat et réussit une série hallucinante de 27 victoires et un nul en 29 journées, avec 25 points d’avance sur City. Mais la suspension de la saison pour cause de Coronavirus laisse peser le doute. Si le titre devait être attribué aux Reds, Klopp deviendrait alors le premier entraîneur non britannique à gagner le championnat avec Liverpool.

Tous ces entraîneurs ont contribué à forger la légende du Liverpool FC. Et il est d’ailleurs à noter que les étrangers comme Klopp ou Benitez ont tous accordé une importance à l’histoire et à la culture du club. De cette histoire, il restera des constantes comme la capacité à remonter des situations désespérées ou, même chez les stars du club, cette capacité à faire passer le collectif avant l’ego (statistique révélatrice pour un club doté d’un tel palmarès, seul Michael Owen a gagné le ballon d’or sous le maillot rouge). Mais après tout, pouvait-il en être autrement d’un club qui ne marche jamais seul…

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