Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise | OneFootball

Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise | OneFootball

Icon: God Save The Foot

God Save The Foot

·31 octobre 2020

Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise

Image de l'article :Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise

Le but de Dietmar Hamman et la victoire de la Nationalmannschaft deux décennies auparavant a marqué la fin d’un mythe mais aussi le début des déceptions de la grande ‘Golden generation’ anglaise.

Nul être humain normalement constitué n’est prêt à faire ses adieux à un mythe. Non pas celui qui descend tout droit des contes pour porter son imagination à des légendes urbaines ou des fables traditionnelles. Celui qui a réellement compté physiquement ou matériellement dans notre existence, suffisamment pour s’en émouvoir lorsque l’extinction programmée approche. Et imaginez bien que tout est décuplé lorsqu’il s’agit de ballon rond. Surtout lorsque l’on touche au Temple du jeu, décrit depuis les décennies du XXe siècle comme tel : Wembley. Le ‘Old’, cela va de soi, antre iconique et maison des Three Lions depuis 77 ans.


Vidéos OneFootball


Image de l'article :Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise

Tout fut marbré dans la légende concernant cette œuvre du génie civil anglais, commandée par le roi George V, élaborée et construite en 1923, pour un coût de £750,000, par les architectes Sir John Williams et Sir Maxwell Ayrton, pour l’Exposition impériale britannique programmée un an plus tard. Il était dans l’esprit des hauts gradés de la Couronne de la détruire juste après l’événement en question, mais ce football de plus en plus présent dans les mœurs britanniques dès le début du siècle fut une excellente raison d’imposer définitivement cette masse de béton au sein de Wembley Park, dans le nord-ouest de la capitale. ‘The home of the English football’ est née et restera son centre névralgique durant huit décennies.

Allemagne et Wembley, l’évidence

La finale de la compétition la plus vieille du monde, la FA Cup, s’y déroulera sans discontinuer (hors replay de l’édition 1970) et il fallait bien une première fois mémorable pour débuter une histoire qui deviendra chimérique. Quatre jours après les dernières finitions (pour 300 jours de travaux !), le 28 avril 1923, la ‘White Horse Final’ entre Bolton et West Ham s’y déroule pour déjà offrir un spectacle et des balbutiements organisationnelles que seul l’Angleterre peut réserver. Mais l’enceinte fut également le théâtre des performances de l’équipe nationale et il ne pouvait y avoir qu’une rencontre pour annoncer la fin de l’existence de son chez soi de toujours et faire écho à son histoire : un Angleterre-Allemagne des familles.

Avant cette rencontre des qualifications pour la Coupe du monde 2002, chaque annonce est arrangée pour se remémorer. Allemagne et Wembley. Le triplé de Geoff Hurst du 30 juin 1966, les commentaires de Kenneth Wolstenholme de la BBC « They think it’s all over…» sur le dernier but avant la levée du trophée, la déception terrible de la défaite en demi-finale de l’Euro 1996 à la maison, le raté de Gascoigne en prolongation, le tir au but manqué de Southgate… Ce 7 octobre 2000, Three Lions et Nationalmanschaft se retrouvent tout juste quatre mois après leur duel lors du championnat d’Europe des Nations à Charleroi, où une tête d’Alan Shearer avait enfoncé des Allemands hors sujets, en fin de cycle, et accessoirement éliminés dès la phase de poule… comme leurs adversaires ! Un coup porté au mandat de Kevin Keegan, nommé un an plus tôt. La pression est donc sur les épaules du double Ballon d’or (1978 et 1979) à l’entame de ses éliminatoires pour ce premier mondial asiatique.

Image de l'article :Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise

Ses choix d’équipe pour ce duel constituent un mélange de deux générations des 90s : Tony Adams, Martin Keown et David Seaman débutent comme les Paul Scholes, David Beckham ou encore Michael Owen. Combinés à la présence de certains profils prometteurs pour le futur de la Perfide Albion (Kieron Dyer, Emile Heskey et déjà le jeune Gareth Barry), alors qu’en face Rudi Völler, arrivé à la tête de la Mannschaft après le fiasco belgo-néerlandais, aligne un 3-5-2 avec ses nouveaux joyaux, Michael Ballack et Sebastian Deisler. Tout est donc en place pour offrir un dernier spectacle dans l’antre de tous les exploits du football et du sport britannique et espérer une dernière victoire anglaise, si possible avec beaucoup de but, face à une Allemagne qui se cherche pour clore ce (très) grand chapitre. Mais point de belles histoires à conclure sans un peu (beaucoup) de mélodrame.

Déluge, mur et toilettes !

Pas de pluie de but, de la pluie tout court, mais un seul, et celui qui l’eût inscrit ne portait pas un maillot rouge anglais. Pire, il ne s’agissait pas d’un de ces « nouveaux joyaux » allemands mais d’un cadre, Dietmar Hamann, bien connu des fans outre-Manche pour étaler son talent et ses qualités de travailleur besogneux de milieu de terrain sur les pelouses anglaises chaque week-end. « C’était un jour typique anglais » confirma le joueur de Liverpool (1999-2006) au Guardian. Le Red a récupéré le ballon sous un déluge british pour jouer un coup franc à environ 30 mètres dans l’axe des buts de Seaman, suite à une charge de Scholes sur Ballack. « Ils avaient récemment changé les règles sur les coup-francs, nous n’avions plus besoin de demander à l’arbitre de le jouer rapidement, ajoute-t-il. Les Anglais étaient un peu lents à mettre en place leur mur, seul Scholes était devant moi. Donc j’ai tenté. » Son tir puissant pied droit s’accélère avec la pelouse glissante et surprend le portier d’Arsenal, poussant du bout du gant le cuir dans son petit filet. Au bout d’un quart d’heure, l’Allemagne est devant et le restera jusqu’au coup de sifflet final, assez intelligente pour conserver soigneusement le ballon devant des Three Lions sans solution.

Image de l'article :Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise

Pas même les vieux briscards de Keegan, comme Tony Adams, le capitaine des Gunners foulant la pelouse de Wembley pour la 60e fois (plus que tout autre joueur), et auteur du dernier but pour la sélection dans l’enceinte après la rencontre de mai contre l’Ukraine. Si les événements sur le terrain sont plus que décevants dans ce contexte d’adieu, le vrai drame reste à venir. Keegan, désemparé et très critiqué depuis le flop des siens en Belgique et aux Pays-Bas, démissionne quelques minutes après la fin de la rencontre, annonçant la nouvelle à David Davies, l’homme le plus influent de la FA depuis… les toilettes de Wembley ! Puis, le but d’Hamann marque la fin d’une ère. « Sven Goran Eriksson m’a remercié pour lui avoir laissé le poste de la sélection » s’amuse à rappeler le milieu formé au Bayern Munich, qui a plus tard travaillé avec le Suédois du côté de Leicester. Et le début forcément d’une nouvelle, celle de la « golden generation » dont les supporters n’attendaient pas d’autre chose que de ramener les inventeurs du football au sommet de la hiérarchie mondiale.

Pas de sommet, ni même de points d’escale sur le chemin abrupt de la gloire. Après les mois d’interim d’Howard Wilkinson puis de Peter Taylor, Eriksson ouvrit la porte de la sélection et responsabilisent les Steven Gerrard, Rio Ferdinand, Frank Lampard, Ashley Cole et un peu plus tard, Wayne Rooney. Si la démonstration du match retour à Munich (5-1) avec cette jeune équipe terriblement excitante laissait apercevoir enfin une belle éclaircie, la grisaille n’a pas mis longtemps à réapparaitre. Et la défaite d’octobre 2000 a semblé dessiner le chemin enchevêtré à parcourir et la dynamique brinquebalante à venir d’une sélection éliminée en quart de finale du Mondial en Corée et au Japon, puis dans les tournois majeurs qui s’ensuivirent. Hamann, le bourreau de la der’ à Wembley, a eu son avis sur le déclassement de cette Angleterre, prometteuse mais finalement terriblement décevante : « Cette génération dorée étaient composée de joueurs de classe mondiale, tous, mais aucun sélectionneur, n’a jamais été capable de créer cette unité, cet esprit d’équipe. J’ai toujours eu le sentiment qu’il y avait seulement des joueurs qui jouaient seulement pour eux. Avec les joueurs qu’ils possédaient, ils auraient dû faire de meilleures performances dans les compétitions. Je pense que l’Angleterre a longtemps choisi les meilleurs joueurs, pas la meilleure équipe. »

Image de l'article :Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise

Modernité soulagement et nostalgie

Reste que le dernier soupir de Wembley reste une pilule difficile à avaler pour tous les fans des Three Lions, dont tout autre résultat qu’un succès n’était clairement envisageable, quand bien même face à l’ennemi intime qui aura laissé aussi sa marque dans l’histoire de l’enceinte du nord-ouest londonien. Les suiveurs et émotions se sont déplacés, Old Trafford a vécu le coup franc de David Beckham, l’Etihad Stadium a accueilli la sélection un an après son inauguration, et tout le monde n’a pas porté le deuil. « Je ne verserai pas de larme pour Wembley » avait déclaré Sir Bobby Charlton juste avant la démolition. Il est vrai que l’enceinte aurait dû fermer ses portes depuis longtemps, entre des murs lézardés, des toilettes plus aux normes et des spectateurs obligés de tordre le cou pour suivre les matches. « Dès les années 60, il était déjà obsolète, Qu’il repose en pièce ! » écrivait même le journaliste David Lacey du Guardian.

Image de l'article :Il y a 20 ans, le but de Hamann à Wembley, mélodrame à l’anglaise

La démolition est programmée deux ans plus tard pour ensuite ériger une enceinte ultra-moderne d’1,5 milliard d’euros (!) et faire entrer le football anglais dans le nouveau monde qu’il se doit d’intégrer. Le design (l’arche !), la connectivité, le chic, et la grandeur du ‘New’ constituaient tout ce dont il manquait. Mais difficile de remplacer la dimension matérielle et le mysticisme d’un lieu de culte footballistique de l’autre côté de la Manche : ces puddings de béton nappés de sucre blancs (les Twin Towers), les célèbres 39 marches pour monter à la Royal Box saluer la Reine et brandir le trophée mérité, les années d’exploits, d’effervescence et d’ivresse sportive restées dans les cœurs. Ceux qui ont vécu Wembley ne diront pas autre chose et auront la larme à l’œil.

À propos de Publisher