Hamza Bencherif : “Le foot reste la plus belle aventure de ma vie” | OneFootball

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·2 mai 2020

Hamza Bencherif : “Le foot reste la plus belle aventure de ma vie”

Image de l'article :Hamza Bencherif : “Le foot reste la plus belle aventure de ma vie”

À 32 ans, Hamza Bencherif ferraille en Angleterre depuis maintenant quatorze ans : Nottingham Forest, Macclesfield, Lincoln City, Plymouth Argyle, Halifax, Wrexham, York City, Guiseley. Un curriculum vitae extrêmement impressionnant, où se mêlent scénarios improbables, clubs historiques en chute libre, anecdotes croustillantes et fans déjantés.

L’Angleterre à seulement 18 ans

Je suis originaire de la région parisienne. J’ai commencé le football à l’âge de 9 ans au centre de formation de Paris qui est situé à Orly. Beaucoup de joueurs professionnels sont passés là-bas. J’ai passé toutes mes catégories de jeunes chez eux jusqu’en 16 ans. Ensuite, j’ai rejoint l’ACBB où j’ai véritablement explosé pour ensuite signer au centre de formation de Guingamp. L’entraîneur et le responsable du centre de formation m’ont regardé pendant un entraînement avec les pros et ils ont directement apprécié ce que j’avais montré. J’y suis resté un an. À partir de là, on m’a offert une opportunité, celle d’aller en Angleterre. À l’époque, c’était Nottingham Forest. On a été voir les installations avec mes parents et mon agent. L’entraîneur, Colin Calderwood, et le responsable du centre de formation, Nick Marshall, m’ont regardé pendant un entraînement avec les pros et ils ont directement apprécié ce que j’avais montré. J’ai ensuite signé un an. Je suis revenu pour la pré-saison et on m’a directement intégré au groupe pro alors que je n’avais que 18 ans.


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En France, je jouais avec les moins de 18 ans, c’était extraordinaire ! Quelques mois après, on a renouvelé mon contrat pour trois ans. Nottingham Forest avait une grosse équipe et la meilleure réserve d’Angleterre. On a gagné deux fois consécutivement le championnat de Premier League des réserves avec énormément de joueurs talentueux. Ils sont pour la plupart passés pros, comme Félix Bastians (Tianjin TEDAk,D1 Chinoise), Lewis McGugan (fin de carrière), ou Brendan Moloney (fin de carrière). La deuxième année de mon contrat, on m’a envoyé en prêt trois mois à Lincoln City. J’ai fait mes débuts dans ce club qui jouait en League Two (D4) à l’époque. J’ai vraiment adoré cette période. À 19 ans, je commençais mes matchs en pro, les supporters m’adoraient. Malheureusement, je suis tombé malade et j’ai dû repartir à Nottingham où j’ai continué mes classes en réserve.

De la peur à la réussite

Au bout de la troisième année, Billy Davies est arrivé. Je faisais pas mal de bancs mais aucune apparition. Cela commençait à peser donc à la fin de mon contrat, je suis parti à Macclesfield en League Two (D4). Une fois arrivé dans le club, le coach m’a immédiatement fait confiance, mais au poste de milieu défensif alors que je jouais défenseur central durant cette période. Finalement, ça m’a bien réussi car j’ai enchaîné en marquant pas mal de buts. Les gens retenaient de plus en plus mon nom. En novembre, alors que j’étais véritablement installé en tant que titulaire, on jouait Rochdale et suite à un très vilain tacle, je me retrouve avec la jambe cassée. C’était une blessure sérieuse. Ma cheville était fracturée.

En fait, il m’avait totalement explosé la jambe ! À l’époque, j’avais vraiment peur, je suis allé voir le spécialiste et il m’a dit : “C’est une blessure qui peut t’empêcher de jouer au foot pour le reste de ta vie”. C’était un moment vraiment difficile, d’autant que je trouvais ma place au sein de l’équipe. Finalement, je suis revenu encore plus fort après ma rééducation. On parlait d’une sélection avec l’Algérie car j’avais déjà connu pas mal de sélections chez les jeunes, mais la blessure a tout déréglé. Je fais une saison complète l’année suivante en tant que milieu défensif où je mets onze buts toutes compétitions confondues. Au final, ça a été la vraie période forte de ma carrière. J’enchaînais les gros matchs en réitérant mes performances et en étant constant.

Le foot anglais, c’est totalement à part. Tant que tu n’y as pas goûté, tu ne pourras jamais comprendre

En Angleterre, quand tu marques un but, pendant une semaine, il passe sur Sky Sport. À force de voir ton nom apparaître, on le retient plus facilement et on vient te poser plein de questions après les rencontres. J’avais pas mal de clubs qui étaient intéressés par mon profil. Je ne reste pas à Macclesfield et je signe deux ans à Notts County (D3). L’entraîneur était Martin Allen. Depuis le premier jour où je suis arrivé en Angleterre, je n’ai jamais pensé à repartir. Le foot anglais, c’est totalement à part. Tant que tu n’y as pas goûté, tu ne pourras jamais comprendre. Comme j’avais passé trois ans à Forest, je voulais toujours revenir dans cette ville malgré plusieurs autres offres. J’y habitais et je ne voulais pas tout bousculer. Au début, tout se passait correctement, je faisais de bonnes performances. Mais le coach, c’est difficile de travailler avec lui… Enfin, ce que je veux dire, c’est qu’il faut le comprendre. En dehors du football, on l’appelle « Matt Dog ». Il a un caractère d’aboyeur. Moi, j’ai toujours eu une personnalité assez timide, surtout avec les personnes que je ne connaissais pas, donc j’ai été surpris ! Pendant trois, quatre mois, j’étais titulaire, puis j’ai perdu ma place et j’ai eu une grosse baisse de confiance par la suite. Le doute s’est installé. Mais Notts County, c’est une superbe équipe.

On est parti à Turin, on a joué face à la Juventus dans leur nouveau stade !

Les fans m’ont donné beaucoup d’amour. En 2012, c’était l’anniversaire du club, qui fêtait ses 150 ans. Ils ont une grosse connexion avec la Juventus Turin, notamment par le maillot et on a donc inauguré leur nouveau stade, une incroyable expérience. On est parti à Turin, on a joué face à la Juventus ! C’est là où on voit l’ampleur d’un club de League One (D3), ne serait-ce que par ses connexions et son histoire. Les supporters sont très fiers de leur club. Je suis resté jusqu’à la fin de mon contrat sans pour autant retrouver le niveau que j’avais à Macclesfield. Les deux années où j’y étais, on a vraiment poussé pour jouer les play-offs. La première, on les rate à la différence de buts et la seconde, on a perdu plusieurs rencontres importantes en fin de saison. C’est difficile à avaler. J’ai connu une montée avec Forest, mais je ne jouais pas, donc ça n’a pas véritablement le même goût.

Un été 2013 tumultueux

C’était une année compliquée. En sortant de Notts County, je souhaitais retrouver de la confiance, être aux côtés des personnes qui me connaissaient. Avant la fin de mon contrat, plusieurs clubs m’appellent dont Rochdale. Leur entraîneur m’avait vu à de multiples reprises et il m’appréciait beaucoup. Le club m’a demandé de venir. C’était mon choix. Malheureusement, comme un idiot, j’ai refusé à l’époque. J’étais mal conseillé par certaines personnes qui me proposaient d’aller à l’essai à l’étranger, notamment en MLS. Je pensais que les États-Unis devenaient concrets. Ça ne s’est finalement pas fait. Au mois de juillet je paniquais, je m’entraînais seul ou avec des équipes de la région comme Chesterfield. Tu rates la pré-saison, physiquement, tu es en retard et mentalement, tu doutes alors que tu recherches la confiance depuis un an… J’avais refusé auparavant plusieurs équipes anglaises et je me suis donc retrouvé sans club à la reprise.

Vers la fin du mois d’août, le coach de Plymouth Argyle (D4) m’appelle, il avait un problème au milieu de terrain. Tout se passe bien et je signe de septembre à janvier. Dès mon premier match contre Cheltenham, je marque mais c’était surtout la fougue et l’envie, je voulais vraiment me donner à fond. Après, cela a été dur de se remettre dans le bain sans préparation. On n’est pas dedans physiquement. Je l’ai ressenti petit à petit. Tu commences à fatiguer et à ne pas assumer les efforts. J’ai joué deux mois titulaire, le mec blessé est revenu ensuite. J’ai vraiment moins joué et au niveau du foot, je n’étais pas à l’aise du tout.

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Plymouth, c’est vraiment exilé, à cinq heures de toutes les grandes villes. C’est comme si tu étais à Brest (rires) ! Après, tu ne peux pas dire géographiquement parlant qu’ils soient désavantagés. Ils ont une histoire récente et tous les gens de la région sont pour eux alors que dans certaines villes, il y a un nombre incalculable d’équipes. John Sheridan, notre coach de l’époque, avait une sorte de double personnalité. En dehors du terrain, c’est une personne simple. Après, si tu ratais une passe, il était capable de dire : “C’est une merde, il ne sait pas jouer” ou de se retourner contre ses propres joueurs. Personnellement, je ne le prenais pas mal car ils sont comme ça, c’est leur mentalité. Pour de la League Two (D4), Plymouth, ça reste exceptionnel. Le stade est impressionnant et les infrastructures sont de qualité. Lorsque je suis arrivé en Angleterre, ils jouaient en Championship (D2). Au niveau des fans, ils sont très exigeants. Tu payes le passé des joueurs qui ont mené le club en quatrième division…

Escapade algérienne

À la fin de mon contrat en janvier, j’ai parlé au coach car je voulais absolument redescendre en tant que défenseur central, dans une position où je me sens bien mieux. J’avais plusieurs propositions dont le JS Kabylie, en Algérie. Je suivais beaucoup le championnat et c’est un grand club du continent africain. Je ne me suis pas posé de questions et j’ai signé directement. Si cela se passait bien, tant mieux. Et si c’était l’inverse, tant pis. Je l’aurais eu dans ma liste. Surtout que Adlène Guedioura connaissait un peu le football là-bas. Je lui avais demandé son avis et j’ai été convaincu. En arrivant dans ce championnat, j’ai eu un gros choc. Les joueurs faisaient tous 1m75 ! On jouait sur du synthétique, les contacts étaient prohibés. En fait, c’est un championnat de foot en salle, mais à onze (rires) ! Que ce soit du gardien à l’avant-centre, ce qu’attendent les supporters, c’est que tu fasses un geste technique, que tu les amuses. Il n’y a pas d’intensité, on ne veut voir que des dribbles. Je suis un joueur physique, de type anglais et box-to box donc c’était en totale contradiction avec mon style de jeu (rires).

En Algérie, tu dois vraiment réduire ton salaire, tu n’as pas le choix, sinon, tu ne le verras jamais

Après, ça m’a plu car je suis retourné en défense centrale et l’équipe est allée en finale de la coupe. Mais le problème de l’Algérie, c’est qu’en dehors du foot, il se passe plein de choses, que ça soit dans les vestiaires, dans les tribunes ou dans la presse. Il faut vraiment jouer le jeu et moi, je suis quelqu’un de renfermé. Je faisais mon travail de professionnel. Il me restait un an de contrat et le club voulait que je reste mais que je réduise mon salaire. En Algérie, ce n’est pas une question. Tu dois vraiment réduire ton salaire, tu n’as pas vraiment le choix, sinon tu ne le verras jamais (rires) ! Je me suis dit que je ne pouvais pas rester encore un an ici et j’étais parti sur une mauvaise note avec Plymouth. Il fallait que je retourne en Angleterre. Nous nous sommes mis d’accord et il valait mieux que je rentre, d’autant qu’en regardant les informations en juin, il n’y avait que des polémiques.

Le retour en Angleterre

Ma priorité, c’était de retourner en Football League. Durant une semaine, trois clubs se sont présentés en même temps. Je suis d’abord allé à Blackpool (D2) faire un essai, une bonne occasion qui se présentait. J’arrive et l’entraîneur José Riga me dit : “Regarde autour de toi”. Je crois qu’il y avait huit joueurs au mois de juillet ! Je commence à voir que l’atmosphère était super bizarre. Je n’ai jamais vu le président. Dans la rue, les supporters te demandaient : “Qu’est-ce qui se passe ?” Et moi, je ne pouvais pas répondre. En fin de semaine, Riga vient me revoir et dit que c’est mort. Je ne voulais pas rater la pré-saison comme l’an dernier donc je devais me trouver un club assez vite. Les deux autres équipes qui me demandent de venir les voir étaient Cambridge (D4) et Partick Thistle (D1), en Écosse. J’appelle le directeur sportif et il me répond :”Écoute, on a signé un joueur…” Puis deux jours après, Partick recrute aussi un mec. Les deux clubs me passent sous le nez. Le coach de Cambridge me dit qu’il me connaît, qu’il a joué plusieurs fois contre moi.

Le mardi soir, je viens directement pour faire le match amical sans m’être entraîné avec eux. On gagne 7 ou 8-0 et le soir même, je pensais qu’il allait me dire quelque chose. Mais à la place : “Reste avec nous, on a un tournoi en fin de semaine”. Clairement, je lui explique que c’est impossible et que je devais également être à Partick Thistle. Je donnais mon avantage à Cambridge en ne partant pas tout de suite en Écosse. Il me répond qu’il m’attend au retour de l’essai là-bas. Je m’entraîne deux jours avec Partick et exactement la même situation se déroule. On me demande d’attendre (rires) ! Je réitère mes propos de Cambridge : “Ok, mais je veux une réponse lundi”. J’attends le coup de fil le lundi et là je vois que Cambridge signe quelqu’un… Après ça, j’en avais marre de faire des essais. Je voulais signer dans un club où on me connaissait et retrouver la forme. Je me suis toujours dit que je souhaiterais retourner à Lincoln. J’étais en terrain connu puisque j’avais fait un prêt chez eux en 2007. L’entraîneur de l’époque m’avait aussi entraîné à Macclesfield et encore aujourd’hui, nous sommes restés de très bons amis. Je connaissais également plusieurs joueurs et il y avait deux Français : Tony Diagne, Arnaud Mendy. C’était le bon club pour me relancer après mon année en Algérie. En plus, les fans m’aimaient bien par rapport à mon prêt effectué au début de ma carrière.

Tu as beaucoup de joueurs qui ont fait une solide carrière en France, mais qui ne réussissent pas ici

Si cela a été dur de revenir ? Bien sûr, il faut savoir que l’Angleterre est une porte d’entrée pour de nombreux joueurs. Ici, des joueurs qui ne sont jamais parvenus à intégrer le monde professionnel en France, réussissent. À l’inverse, tu as beaucoup de joueurs qui ont réalisé une solide carrière en France qui ne réussissent pas en venant ici. C’est difficile à tous les niveaux. Pour moi, cela a été difficile de partir puis de revenir. Les entraîneurs et les clubs construisent un réseau de joueurs au fil des années. Ils ne veulent pas prendre de risque. Dès lors, ils choisissent majoritairement des joueurs avec qui ils ont déjà travaillé. À Lincoln, j’ai fait une bonne saison. J’ai joué tous les matches, j’ai aussi eu le brassard de capitaine, j’ai marqué six ou sept buts, mais je me suis également pris deux cartons rouges en un mois (rires). J’ai eu de bonnes relations avec les fans de Lincoln, ils m’aimaient beaucoup. Ils ont toujours souhaité mon retour car j’avais fait mes preuves en prêt, notamment lors du derby contre Grimsby Town où j’avais marqué à la dernière minute le but de la victoire devant plus de 10 000 personnes. C’est intense de jouer avec autant de spectateurs. Lincoln a une grosse fanbase. Tu ne dirais pas que le club évolue en cinquième division ou sixième division. En Angleterre, les gens supportent systématiquement le club de leur ville. Ils ne vont pas être fans des gros clubs anglais. Tu sens cette ambiance dans la rue, avant le match, après le match.

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Beaucoup de personnes ne peuvent pas comprendre cette atmosphère sans l’avoir vécue. Je ne suis pas resté à Lincoln car le club vivait une période difficile. L’entraîneur qui m’avait fait venir en début de saison avait été viré en décembre à cause des mauvais résultats. C’est son agent qui avait pris les commandes du club. C’est une histoire un peu bizarre. Ce mec n’était pas méchant, mais il n’avait rien à voir avec le foot. C’était un businessman de la région et il avait investi de l’argent dans le club. Mais à la fin de la saison, au moment de prolonger certains joueurs, les négociations se sont mal passées. Il m’aimait bien, mais tu sentais qu’il négociait comme un chef d’entreprise. Je voulais rester à Lincoln, le projet me plaisait et les infrastructures étaient exceptionnelles. Mais je n’avais pas certaines garanties. J’ai donc préféré partir à Halifax et ne pas accepter la prolongation.

Une victoire à Wembley

Halifax me proposait un projet intéressant. Le club venait de faire les playoffs d’accession. J’avais eu de bons échanges avec le coach qui me proposait en plus d’être le capitaine de l’équipe. Tout cela me plaisait. En revanche, en signant là-bas, c’était la première fois que je goûtais au football à mi-temps. Je ne m’entraînais plus tous les jours, mais deux fois par semaine. À ma signature, je ne m’étais pas rendu compte de l’impact que ça allait avoir. En Angleterre, tu joues fréquemment deux rencontres par semaine. Tu gardes le rythme quoi qu’il arrive. Mais dès le début de la saison, j’ai senti que le fait de s’entraîner deux fois par semaine allait être problématique. On a eu rapidement des galères. Il faut savoir que le club n’avait pas son propre centre d’entraînement, ce qui fait qu’on changeait systématiquement de lieu pour s’entraîner. Il arrivait même parfois que des joueurs ne soient pas aux entraînements !

Sportivement, les résultats n’étaient pas bons alors que l’équipe n’était pas mauvaise. On avait des joueurs intéressants, sauf que la mayonnaise ne prenait pas. C’était dommage, d’autant plus que par le passé, le club avait réussi à dénicher de très bons joueurs, comme Jamie Vardy (Leicester City), Lee Gregory (Stoke City), Marc Roberts (Birmingham City). Ce sont des gars qui sont passés rapidement du monde amateur au monde professionnel. Mais à un moment donné, ça ne fonctionne plus. Et l’année où j’étais là, le système de recrutement n’a pas été à la hauteur des espérances. Il y avait trop de nouveaux joueurs en même temps. On a mis du temps à se connaître. Les six premiers mois ont été catastrophiques. De mémoire, on était à quinze points de la première équipe non relégable. Puis, on a commencé à gagner nos matches. On revenait petit à petit.

C’était un sentiment étrange. D’un côté, le club était relégué et de l’autre, il remportait un gros trophée

Malheureusement, on descend à la dernière minute du dernier match. Personnellement, j’étais blessé et je n’avais pas joué ce match contre Macclesfield. Dans le même temps, l’autre équipe perdait et ce résultat nous était favorable. Mais on prend un but en fin de match… La pilule a eu du mal à passer. Le match d’avant, on avait battu Forest Green qui était l’un des plus gros clubs de la division. On avait tout fait pour se maintenir et finalement, à la dernière minute de la saison, on prend un but qu’on ne doit jamais prendre. Ce qui est paradoxal dans cette saison, c’est que dans le même temps, on était qualifié pour la finale de FA Trophy à Wembley qui se jouait deux semaines après la fin du championnat et on l’a gagnée devant 40 000 personnes (rires). C’était un sentiment étrange. D’un côté, le club était relégué et de l’autre, il remportait un gros trophée en Angleterre.

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On a mis du temps à réaliser la portée de notre victoire car je ne vais pas le cacher, on avait encore la descente en travers de la gorge. Ce n’est qu’en célébrant sur le terrain qu’on a compris la portée de ce qu’on avait fait.  Des grands joueurs n’ont jamais eu la possibilité de jouer une finale à Wembley et nous, on avait eu cette chance. Personnellement, c’était la première fois que je jouais à Wembley. L’atmosphère était incroyable. On avait l’impression d’être dans une cuve. Par le passé, j’avais eu la chance de jouer dans de grands stades, comme celui de la Juventus, ou d’autres stades internationaux lorsque je jouais avec les sélections jeunes de l’Algérie, mais Wembley est un stade à part. L’ambiance ? Elle était complètement différente de Lincoln. Mais comme je l’ai dit, les infrastructures étaient énormes pour un club de Vanarama National League. Le stade pouvait accueillir 20 000 personnes. Tout me plaisait. C’est seulement au bout de quelques semaines que je me suis rendu compte qu’en réalité, leur communauté de fans était minuscule. On disputait des matches devant 1500-2000 personnes à tout casser… C’est sans doute la faible affluence que j’ai eue durant ma carrière pour le moment. J’étais loin des ambiances chaudes de Lincoln (rires). Et je pense que ça a joué sur notre fin de saison. L’équipe n’était pas forcément soutenue.  Malgré tout, ça restait un club familial avec de bonnes infrastructures.

Une mauvaise soupe galloise

Halifax m’avait proposé un nouveau contrat, mais personnellement, je ne pouvais pas me permettre de jouer dans une division inférieure. Durant l’été, j’avais reçu une proposition de Wrexham et je l’avais acceptée. L’entraîneur, Gary Mills était une ancienne gloire de Nottingham Forest. Il avait gagné de nombreux trophées pendant sa carrière. Il m’avait appelé par téléphone pour me convaincre de venir. Il me voulait depuis plusieurs années. Le projet sportif était une nouvelle fois intéressant, d’autant que Wrexham a une grande histoire. C’est un club qui a longtemps évolué en Football League avant de descendre en Vanarama National League. Il joue en moyenne devant 10 000 personnes à Race Course qui est un super stade avec de grandes et belles tribunes. Au Pays de Galles, il y a aussi un championnat, mais plusieurs équipes évoluent malgré tout en Angleterre comme Cardiff City, Swansea, Newport County et Wrexham. Les gens sont très attachés à leur championnat et surtout, à leur langue. Le Gallois est un langage complètement différent de l’Anglais avec des lettres différentes. Quand je suis arrivé, je ne me suis pas posé beaucoup de questions sportives car je jouais dans le championnat anglais. En revanche, pour y aller, c’était difficile de se repérer car les panneaux sont en gallois (rires). Dans les tribunes, c’est aussi différent de l’ambiance anglaise. Comme c’est vraiment un pays de rugby, les fans sont plus agressifs.

La donne était simple : sois tu t’asseyais jusqu’à la fin de la saison, sois tu t’en allais

Malheureusement, je ne vais pas rester beaucoup de temps à Wrexham, seulement une demi-saison. Ce sont les galères du football on va dire (rires). Quand tu joues dans un gros club, à l’instar de Lincoln pour moi, les gens s’attendent à ce que tu gagnes le championnat avec 20 points d’avance. Si tu n’es pas en haut du classement, ils sont critiques avec toi. Gary Mills avait construit une bonne équipe, on était en première partie de tableau, mais pour les dirigeants, ce n’était pas suffisant. Il s’est fait virer en novembre… Il faut savoir qu’à Wrexham, j’avais une clause dans mon contrat, comme d’autres joueurs. Ce contrat était automatiquement renouvelé d’une année à partir du moment où je jouais un certain nombre de matches en tant que titulaire. Personnellement, je devais jouer 30 matches. Honnêtement, ça ne m’inquiétait pas car j’avais disputé toutes les rencontres depuis le début de saison. Vers décembre, je suis à 29 matches disputés et c’est là que les ennuis ont commencé. Tous les joueurs avec ce contrat se sont arrêtés à 29 matches (sourire).

Du jour au lendemain, avec plusieurs joueurs, on s’est retrouvé à ne plus jouer. On a attendu trois ou quatre semaines pour savoir si la situation évoluait et finalement, on s’est vite rendu compte que ça ne servait à rien d’attendre. La donne était simple : soit tu t’asseyais jusqu’à la fin de saison sur le banc, soit tu t’en allais. En plus, le nouveau coach avait pour objectif de ne pas nous garder lors de la prochaine saison. Il voulait renouveler l’effectif en profondeur. J’ai donc attendu six semaines, car il me manquait uniquement un match pour pouvoir être prolongé un an. Mais le coach ne me mettait jamais titulaire. En fait, la problématique de ce contrat, c’est que les rentrées en jeu ne comptaient pas. Tu devais impérativement faire les 30 matches en tant que titulaire. Au final, je suis parti au mercato d’hiver, comme d’autres joueurs et c’était une bonne chose nous. Dans cette histoire, ce qui m’a énervé, c’est le dépit des fans. Ils ne comprenaient pas pourquoi on partait. Ils nous considéraient comme des opportunistes, ils pensaient qu’on ne respectait pas l’histoire du club, mais ils n’étaient pas au courant de la situation. Le club n’a jamais communiqué dessus. Moi, je ne voulais pas passer six mois sur le banc avant de partir. Le meilleur choix était donc de s’en aller pour retrouver du temps de jeu.

En terrain connu

York était en League Two la saison précédente. Il venait de descendre en Vanarama National League. Il y avait eu beaucoup de changements au sein du club. Un nouveau directeur sportif était arrivé et il avait recruté quarante joueurs (rires). Leur début de saison n’avait pas été bon, ce qui semblait logique compte tenu des nombreuses arrivées. Il avait déjà changé de coach. Et devinez qui était arrivé ? Gary Mills, mon coach à Wrexham (rires). Il avait déjà une petite histoire dans ce club. Il leur avait permis, quelques années auparavant, de monter en Football League. À son arrivée, il avait ramené certains de mes anciens coéquipiers. En janvier, voyant que je ne jouais plus à Wrexham, il m’avait appelé pour savoir ce qui se passait. Je lui avais expliqué la situation et il m’avait alors dit de le rejoindre à York.

Pour être honnête, je n’étais pas très chaud au début. York galérait en championnat. Le club était dans la zone de relégation et devait avoir une dizaine de points de retard sur le premier non relégable. J’avais un choix cornélien : soit j’allais là-bas et on avait de fortes chances de descendre, soit je restais sur le banc à Wrexham et le club finissait tranquillement en milieu de tableau. Personnellement, je ne voulais pas revivre le même scénario qu’à Halifax (rires). J’ai mis du temps à prendre ma décision. J’avais peur de connaître une nouvelle relégation avec York. Finalement, j’ai accepté la proposition. York restait un grand club anglais et malgré les problèmes qu’il rencontrait, j’étais convaincu qu’il pouvait s’en sortir. Je connaissais très bien l’entraîneur. En plus, pour se sauver, le club venait de signer des joueurs rompus aux joutes de la Football League et de la Vanarama National League, notamment Jon Parkin. Sur les six derniers mois du championnat, on doit perdre trois ou quatre rencontres. On avait tout fait pour se sauver. Mais lors du dernier match de championnat, rebelote…

Le même scénario qu’à Halifax se passe (soupir). Et ce qui est drôle dans cette histoire, c’est qu’on se qualifie aussi pour la finale de FA Trophy à Wembley. J’allais donc jouer pour la deuxième année consécutive à Wembley. On joue le dernier match contre Forest Green. Dans ma tête, je me disais : “Ça ne peut pas arriver une deuxième fois”. En plus, Forest Green ne jouait plus rien, ils étaient qualifiés pour les playoffs. À dix minutes de la fin, il y a 2-2 et ce résultat nous arrange car dans l’autre match, Guiseley, notre adversaire direct, perd contre Solihull. On commence à gérer le score et à garder le ballon. Mais à la 93e minute, Guiseley, sur une erreur du gardien de Solihull égalise… On doit à ce moment-là marquer pour se sauver alors qu’on fait une passe à dix depuis un quart d’heure (soupir). On se rue alors sur le but adverse, le gardien de Forest Green arrête plusieurs tirs et le coup de sifflet final retentit… On descend. La catastrophe. C’était dur à encaisser, mais j’avais moins de regrets car contrairement à Halifax, on avait tout mis en œuvre pour s’en sortir.

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Deux semaines plus tard, on joue la finale du FA Trophy à Wembley et on gagne le match face à Macclesfield (3-2). Contrairement à la première fois, j’avais ressenti beaucoup plus d’émotions dans cette victoire. Je savais que c’était un moment unique. Je gagnais pour la deuxième année consécutive ce trophée. J’ai beaucoup plus apprécié, d’autant que j’avais senti l’équipe sereine et sûre de ses forces, certains joueurs avaient l’expérience de ses rendez-vous. Comme je l’ai dit, des grands joueurs n’ont jamais eu l’opportunité de jouer à Wembley ou même de gagner au moins un trophée là-bas. Moi, en deux ans, j’en avais gagné deux (sourire).

Contrairement à Halifax, j’ai décidé de rester à York malgré la descente. Tout simplement car ce n’était pas la même chose. Le club est bien plus important. Il a une histoire, des infrastructures énormes, dont un centre d’entraînement flambant neuf qui avait été inauguré par Sir Alex Ferguson. Tu avais tout : des beaux terrains, une salle de gym, une cantine, une salle de jeux. Quand j’étais là-bas, j’avais l’impression d’être dans un club professionnel. Je pouvais venir tôt le matin, prendre mon café, puis m’entraîner, manger à midi et faire ma gym en début d’après-midi. Tous les clubs de ce niveau n’ont pas de telles infrastructures. On est finalement beaucoup à être restés car on voulait remonter directement et offrir ce cadeau aux fans qui étaient nombreux au stade chaque week-end. Le problème en Angleterre, c’est que beaucoup de grands clubs descendent chaque année. Contrairement à la France, où des clubs reconnus comme Strasbourg ou Le Mans sont descendus pour des raisons financières.

Les clubs avec une grande histoire, comme York, se doivent de remonter en Football League

Ici, majoritairement, les clubs descendent “sportivement” et le niveau est bien plus élevé. Tu as une dizaine de clubs qui se battent pour remonter. En plus, il faut maintenant prendre en compte un autre paramètre, l’arrivée des investisseurs étrangers. Aujourd’hui, plusieurs clubs des divisions inférieures ont été rachetés par des investisseurs venus du Moyen-Orient, de l’Asie, des États-Unis. Du coup, les ligues sont compétitives et le niveau extrêmement resserré. Malgré ça, les clubs avec une grande histoire comme York, se doivent de remonter en Football League. Les fans sont exigeants. On commence la saison, les choses se passent correctement, on est 5e à la mi-octobre et il n’y a pas de quoi s’inquiéter, on va jouer les premiers rôles. Mais pour les dirigeants, ce n’était pas suffisant. Ils ont alors décidé de virer Gary Mills en novembre. Et le souci, c’est qu’après son départ, un entraîneur est arrivé avec une vingtaine de joueurs. On se retrouvait à quarante à l’entraînement (rires). On est passé d’une saison où on devait jouer la montée, à une saison moyenne, assez loin des play-offs.

Bootham Crescent ? Franchement, c’est une superbe ambiance. C’est triste que le club ait décidé de le quitter. Je trouve que le nouveau stade manque de personnalité, c’est le genre de stade municipal qui ressemble à des trucs montés vite fait. J’ai le sentiment que tous les nouveaux stades se ressemblent un peu. Bootham Crescent, c’est différent, c’est un ancien stade qui est fait avec de grosses briques rouges et qui a une très grosse ambiance. Il est situé en plein centre-ville. Il faut savoir qu’il  y a beaucoup de tourisme à York malgré le fait que la ville soit assez riche. Je pense que les propriétaires du club ont souhaité le détruire pour pouvoir construire des choses qui seraient un peu plus rentables à la place.

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Ce qui est bien dommage car à Bootham Crescent, tu avais une superbe ambiance. Tu sentais les fans au bord de la ligne de touche, ils chantaient constamment et mettaient la pression. Ils étaient habités par le club. Ils ont connu plus de galères que la plupart des fans que j’ai connus car ils sont descendus de League Two en Vanarama National League, puis de Vanarama National League en National League North. Ils ont peut-être eu 200 joueurs en deux ans et les supporters en ont eu marre. Tu te fais insulter dans la rue, tu te fais insulter sur le bord du terrain. Actuellement, ils sont premiers du championnat et mardi ils ont perdu leur deuxième ou troisième match. Mais ça n’a rien changé au niveau du classement. Pourtant, deux joueurs ont été insultés et agressés dans la rue… Les gens oublient vite que c’est aussi difficile pour les joueurs d’évoluer dans un club historique. Tu peux faire d’excellentes performances en championnat et recevoir des insultes dans la rue, mais c’est la loi du foot.

Le grand frère à Guiseley

Cela faisait deux ans que j’étais à York. On avait vraiment essayé de faire remonter le club en Vanarama National League, mais je pense le groupe était à bout de souffle dans ce projet. Personnellement, j’avais besoin de changer d’air et de trouver un nouveau projet qui me correspond. Je voulais encadrer des jeunes joueurs et les aider à progresser. La proposition de Guiseley est arrivée. Le projet me plaisait car ce club a un passé moins important que York et que je pouvais avoir des responsabilités. J’ai rencontré les deux coachs, car oui on a deux entraîneurs (rires), et ils m’ont parlé de leur projet : “Écoute, on a une équipe très jeune, avec beaucoup de joueurs qui ont entre 18 et 23 ans. On a besoin de quelqu’un qui peut les encadrer”.

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Je n’ai pas réfléchi et je me suis engagé car le projet sportif me correspondait. La saison se passe très bien (NDRL : l’entretien a été réalisé avant l’arrêt définitif du championnat à cause de la pandémie du coronavirus), j’encadre des jeunes joueurs. Par exemple, hier, sur les 20 joueurs qui composaient le groupe, 70% ont entre 18 et 21 ans. Notre gardien a 18 ans, les deux défenseurs qui sont à côté de moi ont 18 et 21 ans. Et c’est pareil à tous les postes. Je suis le plus vieux de l’équipe (rires), mais malgré ça, ce sont des joueurs très talentueux, alors qu’ils n’ont jamais joué en sixième division. Certains n’ont encore jamais réalisé de saison complète en pro ! Mais l’effectif est vraiment soudé et les résultats suivent. Les deux entraîneurs sont excellents. Il y en a un qui est super tactique et l’autre a un caractère plus trempé. Ils motivent bien les jeunes !

L’intégration en Angleterre

En arrivant ici, j’avais un niveau pauvre en anglais, voire proche du zéro (rires). Mais la meilleure chose, quand tu pars à l’étranger, c’est de te retrouver tout seul. J’ai appris la langue extrêmement vite car j’étais dans une maison avec beaucoup de jeunes joueurs : des Anglais, des Irlandais, des Allemands. Je ne pouvais communiquer qu’en anglais avec eux. J’ai donc progressé rapidement. Personnellement, je trouve que les Français connaissent beaucoup mieux d’anglais qu’ils ne le pensent, contrairement aux Anglais qui sont plus renfermés sur leur langue. Les Français maîtrisent mieux l’anglais à travers les films qu’ils regardent, à travers les musiques, mais ils ne savent pas comment l’utiliser. Pourtant, ils ont les mots en tête. Par exemple quand tu regardes une série en boucle, tu connais toute l’histoire, voire tous les mots utilisés à chaque dialogue. Donc si tu la regardes à nouveau en anglais, tu commences à comprendre ce que disent les acteurs. Et quand tu te forces à ne parler avec aucun francophone pendant 6 mois et à parler anglais parce que tu n’as pas le choix, ça s’apprend super vite et franchement en 6 mois, je me débrouillais super bien. La langue ça a été la chose la moins problématique on va dire.

Quand je suis arrivé à Nottingham, les gens ont vraiment tout fait pour m’aider

Personnellement, ça a été une situation compliquée. Quand tu pars à l’étranger pour une nouvelle aventure et que tu es pour la première fois très loin de chez toi c’est quelque chose qui est difficile à encaisser. Mais tu es avec beaucoup de jeunes qui sont dans la même galère. La seule différence par rapport à la France, c’est qu’en Angleterre, les gens vont faire le maximum pour que tu aies  un développement sain. Tu vas être aidé et bien accueilli. Quand je suis arrivé à Nottingham, les gens ont vraiment tout fait pour m’aider. Ils me demandaient ce dont j’avais besoin. Tu avais le droit d’aller voir un psychologue, un prêtre si tu es chrétien en cas de besoin. Si tu as besoin de quoi que ce soit ils vont tout faire pour que tu sois bien en dehors du terrain. Tout est bien structuré. Tu as l’école qui est dans le stade, l’académie de foot aussi, tu côtoies les pros tous les jours. Tu vis un rêve en fait. Tu es vraiment près des pros, alors qu’en France, chaque catégorie est vraiment divisée chacune de son côté. Tu ne vois jamais personne et c’est vraiment axé sur le foot. C’est vraiment ça la différence que je ressens personnellement au niveau du foot anglais et du foot français.

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Souvent, il y a beaucoup de discussions par rapport au manque de respect de la nouvelle génération. Ici, les jeunes sont tout le temps avec les pros, malgré qu’ils ne s’entraînent pas avec eux. Ils leur lavent les chaussures, ils leur font le café, ils déplacent les buts aux entraînements, ils font le ménage dans les vestiaires. En France, les jeunes ne trouveront pas ça normal et diront : “Je ne vais pas dans un centre de formation pour faire du ménage dans les vestiaires”. Mais la question n’est pas de savoir si tu dois faire le ménage, c’est juste une question de discipline personnelle qui te permet d’avancer dans ta vie de footballeur. Les Anglais ont cette réputation d’être disciplinés dans tout ce qu’ils font.

Ce qui m’a frappé le plus, c’est qu’ils ont une manière de faire la part des choses qui est assez impressionnante. Ils vont sortir, ils vont faire la fête, ils vont le faire d’une façon totalement folle, mais en même temps, ils vont venir à l’entraînement à 9 h du matin et ils seront dans la salle de sport et de gym avant tout le monde. J’ai été franchement choqué par ça dans le sens où on peut dire que ce n’est pas sérieux d’avoir une telle hygiène de vie. Et pourtant, ils sont capables de ne pas être sérieux dans leur hygiène, mais d’être extrêmement sérieux dans d’autres domaines. Ils vont être également ouverts d’esprit pour pouvoir communiquer ou même pour pouvoir approcher des personnes qu’ils ne connaissent pas. C’est ça qui m’attire le plus dans leur approche de la vie. Ils savent faire la part des choses.

J’ai décidé de choisir mes clubs en fonction de la distance et de la route que je devais faire pour m’y rendre

L’isolement ? Quand j’étais à Plymouth, c’était vraiment dur. Entre Plymouth et Nottingham, il y a 12 h de route aller-retour. Sur la carte, la ville est au-dessus de la Bretagne et elle est loin des villes majeures comme Bristol par exemple. J’avais signé là-bas de septembre à janvier. C’était du court terme. Du coup, je ne vivais pas à Nottingham la semaine, j’avais pris un appartement tout seul là-bas. Ma femme et ma fille étaient restées à Nottingham pendant cette période. La semaine, je vivais seul, c’était assez pesant. Tous les week-ends, après le match, je rentrais à Nottingham. J’avais 6 h de route aller et 6 h de route retour. À Plymouth, je côtoyais un autre français, Maxime Blanchard. Il m’a beaucoup aidé durant cette période. Derrière, je ne voulais plus forcément revivre tout ça.

C’est à ce moment-là que j’ai décidé de choisir mes clubs en fonction de la distance et de la route que je devais faire pour m’y rendre. Wrexham était par exemple à 2 h de York, même chose pour Guiseley. L’Angleterre est un petit pays. Tu peux faire pas mal de déplacements en peu de temps.  Si je me sens anglais ? Souvent, mes amis français me disent que j’ai attrapé la mentalité anglaise (rires). Je pense l’avoir, mais j’ai quand même gardé des racines françaises. Je regarde la télé française, les matches de foot en français, j’écoute la radio française tous les jours, notamment RMC. Je sais ce qui se passe en France. Par contre, dans la manière d’être et le savoir-vivre, j’ai acquis les codes de la mentalité anglaise car ça fait quatorze ans que je vis ici. Dans trois ans, j’aurais passé autant de temps de ma vie en Angleterre qu’en France. Donc, j’ai le sentiment d’avoir capté la mentalité anglaise. Je pense avoir adhéré à une vraie philosophie de vie.

Ici, tu as vraiment une philosophie de travail, y compris dans le foot

En Angleterre, la mentalité sociale fait que tu as beaucoup d’opportunités et tu peux progresser dans beaucoup de choses. Tu peux avoir quelqu’un qui a un avis ferme, mais cette personne va t’expliquer clairement quelle opinion il a. Toutefois, il est vraiment capable de t’écouter et d’essayer de comprendre ton point de vue. Ici, tu peux saisir des opportunités tout le temps. En France, il y a énormément d’avantages, mais le problème c’est que les gens sont habitués à ces avantages, mais ils ne sont pas promis éternellement.  En Angleterre, c’est totalement différent. Ici, tu as vraiment une philosophie de travail, y compris dans le foot. Tu ne peux pas reprocher à un un joueur d’être sorti boire des coups le soir si le lendemain, c’est le premier à la gym ou à la musculation. Alors qu’en France, par exemple, dès qu’il y a une mauvaise performance d’un joueur, la première chose qu’on va aller voir, c’est ce qu’il fait en dehors du terrain pour expliquer les raisons de ses mauvaises performances.

Des fans attachés aux clubs qu’ils supportent

Ils vivent le foot de manière intensive. J’ai toujours eu la chance de jouer dans des clubs reconnus à travers le pays. J’ai passé trois ans à Nottingham Forest qui a gagné la Coupe d’Europe et plusieurs fois le championnat d’Angleterre. C’est un club viscéralement lié à sa ville, comme peuvent l’être York ou Lincoln. Le foot est une vraie obsession chez les Anglais. Le parcours sportif d’un club a vraiment un impact sur la carte du pays. Et ça change toute la dynamique d’une ville. Par exemple, Leicester a son point sur la carte par rapport à son club de foot alors que c’est une ville beaucoup plus petite que Nottingham, mais le titre de champion d’Angleterre a tout changé. En plus, la ville a aussi un bon de club de rugby, tu as des universités reconnues. L’ensemble de ces éléments fait qu’aujourd’hui, Leicester est une ville importante du pays.

En Angleterre, le club de football influence énormément la politique de la ville

En France, il y a des fans qui s’investissent pour leur club, mais ils ne sont pas considérés et c’est bien dommage. Ici, les fans Anglais sont vraiment considérés par chaque ville. Elles font des événements sportifs un rendez-vous incontournable et familial. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas en France. Je l’ai ressenti à Guingamp, mais c’est lié au fait que le stade soit bien plus grand que le nombre d’habitants. Autour, il n’y a pas de grands clubs et donc, les gens supportent l’équipe locale. En Angleterre, le club de football influence énormément la politique de la ville. Par exemple, si demain le PSG descend en Ligue 2, je ne pense pas que ville de Paris s’intéressera à son club et les fans seront bien moins nombreux qu’aujourd’hui. C’est ça qui est dommage.

Des anecdotes improbables et des rencontres hors du commun

À mon arrivée en Angleterre, j’ai vraiment vu les changements par rapport à la France. On passait trois jours à la musculation par semaine. J’ai débarqué en faisant un peu plus de 80 kg et j’ai explosé physiquement avec la charge de travail que nous avons ici. C’était bénéfique. Au fil des années, j’ai rencontré des personnes extraordinaires, permettant aussi de me créer un tissu de connexion. Quand tu joues avec Andy Cole à Nottingham Forest ou Neil Lennon, l’entraîneur du Celtic aujourd’hui, tu apprends tellement de choses personnellement et professionnellement. J’ai connu de très bons joueurs. Après, quand tu es jeune, tu es plus facilement influençable. Guy Moussi, lors de sa première année à Nottingham, quand il jouait, c’était un monstre physique. Il s’est adapté tellement vite. Kris Commons également, il frappait de n’importe où ça rentrait.. Sinon, j’ai vraiment été guidé par Junior Agogo (NDRL, ex-international ghanéen au physique de bodybuilder). Il m’aidait vraiment au travers de son professionnalisme.

À Millwall, on avait l’impression d’être dans un film, un vrai traquenard de cinéma

Le pire endroit reste Accrington Stanley. On jouait un mardi soir, il pleuvait, le terrain était boueux en plus d’être en pente… Des sables mouvants (rires) ! À mon âge, je me sentais déjà costaud pour le poste que j’occupais. Mais il y avait des joueurs impressionnants, surtout Troy Deeney qui joue maintenant en Premier League avec Watford. En Football League, c’est impressionnant. Par exemple, à Bradford City, il y a 10 000 personnes. Les derbys aussi. À Nottingham Forest, j’ai fait deux fois le match sur le banc face à Derby County, l’ambiance était exceptionnelle. Ça partait en bagarre dans les tribunes. Sinon, un déplacement à Millwall, on avait vraiment l’impression d’être dans un film, un vrai traquenard de cinéma. Je suis totalement imprégné de cette culture foot car j’y baigne depuis plusieurs années maintenant.

Après, je ne vais pas mentir, le milieu du foot n’est vraiment  pas un beau milieu. Quand je dis ça, je parle surtout des coulisses. Le foot reste la plus belle aventure de ma vie malgré tout. Quand j’étais petit, je jouais au foot et je regardais du foot tout le temps. Aujourd’hui, je prends toujours autant de plaisir à jouer devant un stade de 10 000 personnes, tout comme je prends du plaisir à regarder les matches. Mais actuellement, le milieu du foot n’est pas sain. Alors oui, tu tisses des liens d’amitié, tu rencontres des personnes formidables, mais à côté de ça, tu as les agents, des dirigeants qui traînent dans des magouilles…. C’est pour ça qu’il y a beaucoup de problèmes.

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À York, Gary Mills était réputé pour être un entraîneur à l’ancienne. Il a été éduqué par le légendaire entraîneur de Nottingham Forest, Brian Clough. En gros, les mecs gagnaient des titres tout en allant fréquemment au bar. Gary Mills avait la même mentalité. Il aimait prendre des joueurs importants, responsables et qui savaient prendre des décisions. Il leur disait : “Vous faites ce que vous voulez la semaine, tant que vous êtes bons sur le terrain samedi”. Il voulait des joueurs à 100% aux entraînements et aux matches. Il avait également un rituel, celui d’emmener lors des déplacements à l’extérieur, ses joueurs au bar la veille. À York, on se rendait dans un bar à Northampton. On jouait aux fléchettes, au billard, on écoutait de la musique, on mangeait des frites, des saucisses pour ceux qui pouvaient en manger et enfin, on pouvait boire. Le but était de nous réunir tous ensemble et passer de bons moments. Il voulait construire un esprit d’équipe. Mais il a eu un problème avec la nouvelle génération, contrairement à la nôtre. Ils savaient que les mecs plus âgés du vestiaire étaient des mecs responsables et savaient faire la part des choses dans ces moments-là.

Ces mecs, au lieu d’être responsables, ils se plaignaient et portaient la responsabilité sur Gary Mills

En revanche, les jeunes beaucoup moins. Il est tombé sur des gars qui n’avaient pas le sens des responsabilités. Ils passaient 3 h au pub comme s’ils étaient avec leurs potes. Le lendemain, il les retrouvait bourrés. Et ces mecs, au lieu d’être responsables, ils se plaignaient et portaient la responsabilité sur Gary Mills. Derrière, les choses allaient se savoir et les gens allaient forcément dire : “oui mais c’est vrai, il n’a pas à faire ça et emmener ses joueurs au bar”. Sauf qu’à un moment donné, le monde du foot est un monde d’adultes. Tu as peut-être un joueur de 18-19 ans dans le lot, mais il est avec d’autres adultes, donc c’est à lui de prendre des décisions et pas aux autres. Si tu joues mal et que tu te fais défoncer sur le terrain, c’est de ta faute. Tu ne vas pas dire :  “Ah oui mais c’est parce que lui a fait ça”. Tu es un adulte ! Et c’est ça le plus gros problème de cette génération maintenant, elle ne veut pas prendre ses responsabilités. Si tu fais un mauvais match ou si tu te blesses, tu es responsable. Tu ne peux pas constamment remettre la faute sur d’autres personnes. Si tu sais que quelque chose ne va pas être bon pour toi, tu n’es pas obligé de le faire. C’est ça le problème avec cette génération aujourd’hui, elle est déconnectée de la réalité.

L’insertion professionnelle

En ce moment, je prépare mon UFAB, c’est le brevet d’entraîneur. Je vais très prochainement le passer. Je croise les doigts pour l’avoir, tout comme je croise les doigts pour pouvoir jouer encore quelques années (sourire). On ne sait jamais, tu peux te retrouver entraîneur-joueur sur un malentendu (rires). Il suffit que l’entraîneur se fasse virer et si à ce moment-là, tu es joueur le plus ancien, tu prends l’équipe en charge pendant quelques rencontres. En Angleterre, ce genre de situation arrive chaque année. Après, l’objectif n’est pas de devenir entraîneur tout de suite (sourire). J’ai quand même envie de faire autre chose en parallèle. L’année dernière, je me suis retrouvé à travailler pour une boîte américaine à Nottingham alors que je n’avais jamais bossé dans un bureau, ni même travaillé tout court (rires). Je ne savais même pas comment fonctionnait Excel. J’ai fait ça toute l’année pour prendre de l’expérience. Je pense que ma reconversion va se faire en plusieurs étapes et toutes les expériences sont bonnes à prendre. Je suis encore dans ce processus mais pour ne pas perdre de temps, je vais passer mes diplômes d’entraîneur très prochainement.

Le rapport à la religion

En Angleterre, tu peux avoir des gens avec des grosses personnalités mais qui vont rester ouverts d’esprit quelle que soit leur opinion personnelle. Et donc c’est ça qu’il y a en Angleterre. Quand on me dit que la religion musulmane n’est pas développée comme en France, c’est tout bonnement faux et l’inverse. Par exemple en France, on assimile directement la religion musulmane à l’Afrique du fait des vagues d’immigration. En Angleterre, tu as de très grosses populations pakistanaises et indiennes. Tu vas retrouver des mosquées et des synagogues un peu partout dans le pays : à Manchester, à Tottenham qui est quartier juif de Londres, tu as également de nombreux quartiers musulmans à Birmingham et Leicester. Ici, contrairement à la France, ce sont les Indiens qui sont connotés comme des Arabes.

Les Anglais parlent énormément de la religion, ils essaient de comprendre les choses

Personnellement, je suis algérien d’origine. Lorsque je suis arrivé en Angleterre, les gens en me voyant, pensaient que j’étais indien ou pakistanais. Il y a toujours des a priori, y compris dans le milieu du foot. Les gens font parfois des connotations qui sont fausses. Tu as des mecs qui ont des tatouages dessinés partout sur le corps et qui sont ouverts d’esprit sur la religion. Tu as des mecs qui ont une tête à aller au pub, et en fait, ce n’est pas du tout ça. Ce sont des mecs qui sont à l’opposé de ce que tu penses. Les Anglais parlent énormément de la religion, ils essaient de connaître les choses et savoir comment tu fonctionnes, comment tu te sens. Ils ne veulent pas savoir si tu as tort ou si tu as raison.

À partir du moment où ils savent qui tu es, tu fais ce que tu veux. Si c’est ce que tu veux faire, tu le fais, il n’y a pas de problème pour eux. Ils te facilitent la vie, peu importe le club dans lequel tu joues, à Nottingham Forest ou ailleurs. Ils essaient de te faciliter la vie par rapport à la nourriture, comme le fait de manger de la viande ou non. En fait ils ne calculent pas ce que les gens veulent faire car pour eux, ce n’est pas un problème, si c’est ce que tu veux faire, tu le fais. C’est vraiment quelque chose qui me plaît. En France, je crois qu’il y a eu une polémique sur une cantine à Rouen en fin d’année. En Angleterre, tu vas dans une école, un repas c’est un repas, donc les parents, ils payent. S’ils veulent que les enfants mangent certaines choses, ils les laissent. Il y a beaucoup moins de polémiques. Ici, ce sont surtout des polémiques au niveau politique, comme partout. Mais tu auras beaucoup moins de polémiques sur des sujets qui ne sont pas des vrais sujets à mon avis.

Ses perspectives d’avenir

Quand je suis arrivé à 18 ans, je pensais ne jamais rester autant de temps en Angleterre. Cela fait maintenant 14 ans que je suis basé à Nottingham. C’est là où tout a commencé pour moi. Je n’ai jamais voulu vivre autre part. Je me suis marié ici, j’ai eu une petite fille. Je ne me vois pas revenir en France après la fin de ma carrière. C’est ici que j’ai de l’expérience, des contacts. Je pense vraiment m’installer définitivement en Angleterre. La différence avec la France, c’est que les pays anglo-saxons jugent plus sur ton expérience et ton savoir-faire, que sur tes diplômes.

Donc par exemple, en France, si tu es dans le foot, la plupart du temps, tu vas rester dans le foot, car c’est ce que tu sais faire. Alors qu’ici, les gens peuvent se servir du foot pour t’emmener vers d’autres voies. Ils considèrent qu’en étant capitaine de ton équipe, tu as l’âme d’un leader et que tu peux apporter ce charisme dans une boîte. Ils voient les choses de cette manière, ce qui te permet de rentrer dans beaucoup d’autres business que le foot. Quand je parle de “business” ce sont des milieux, pas des business au sens premier du terme. Tu peux travailler dans l’éducation, dans le journalisme… Tu n’es pas forcément obligé de rester dans le milieu du foot alors qu’en France, les anciens footballeurs deviennent fréquemment des entraîneurs, des adjoints, des directeurs sportifs. Ici, tout est différent.

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