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Le Corner

·27 septembre 2020

Germán Burgos, plus qu’un adjoint

Image de l'article :Germán Burgos, plus qu’un adjoint

Généralement, il y a ceux qui oeuvrent dans l’ombre, et ceux qui s’exposent volontiers à la lumière et la pression qu’elle engendre pour briller un peu plus. Germán Adrián Ramón Burgos, lui, n’a jamais choisi. Sa carrière de joueur, honnête mais pas prodigieuse, comme son poste d’adjoint auprès de Diego Simeone n’ont pas aidé à le projeter sur le devant de la scène. Mais son look, son caractère bien trempé et son franc-parler font de lui un personnage hors des normes du monde footballistique.

13 août 2020. Vaincu par Leipzig au terme d’un match ardu, l’Atlético de Madrid est éliminé en quart de finale de la Ligue des Champions. Peu de gens y prêtent alors attention, mais Germán Burgos, l’adjoint historique de Diego Simeone, vient de vivre son dernier match au club. En plus d’une place en demi-finale de la plus grande compétition européenne, les supporters colchoneros perdent aussi l’une de leurs idoles, El Mono qui les a fait rêver dans les cages, d’abord, puis sur le banc.


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Une “grosse tête” venue d’Argentine

Si la romance prend place à Madrid, Germán Adrián Ramón Burgos ne vient pas de la capitale espagnole. C’est même tard, à 32 ans, qu’El Mono s’y rendra. Tout commence en Argentine, son pays natal, dans lequel il passera les 29 premières années de sa vie. Son caractère rocambolesque, Burgos l’hérite de son père, tout comme son premier surnom :J’ai trois prénoms, mais tous mes proches m’appellent “Cabezon (à traduire par “Grosse tête” ou “têtu”) parce que je suis buté comme mon vieux, mais aussi parce que j’ai une énorme tête”. Très vite, Burgos veut faire carrière dans le football, sa principale passion, mais pas l’unique, comme il le montrera à l’issue de sa carrière. Mais dans la (grosse) tête de Germán, il n’y avait guère d’autre option : “Si je n’avais pas fait footballeur, j’aurais fait femme de footballeur” répète-t-il régulièrement. C’est dans la capitale, Buenos Aires, que Burgos commence sa carrière, mais loin des deux principaux clubs de la ville, River et Boca. C’est au Ferro Carril Oeste, dans le quartier de Caballito, que Cabezon fait ses débuts à 20 ans et glane son premier surnom. “J’étais tellement grand que le coach m’avait lancé : ‘Tu es grand comme un singe (“mono” en espagnol)’. Je pense qu’il a voulu plutôt me comparer à un gorille, mais c’était trop tard, mes équipiers avaient déjà adopté ce surnom”, explique celui qui est donc depuis couramment appelé El Mono. Mais avec son père, pas question de griller les étapes pour autant :

“Le jour où j’ai signé mon premier contrat pro avec Ferro Carril Oeste, il tenait absolument à être présent. Tous les détails étaient déjà réglés. Pendant la réunion, le vice-président du club se met à lire le contrat à voix haute une dernière fois pour éviter tout malentendu. ‘Comme convenu, le club te met à disposition un appartement avec trois chambres…’ Et là, mon vieux lâche : ‘Un appart avec deux chambres, c’est largement suffisant, pas besoin de trois chambres’. Je n’arrivais pas à le croire”

C’est finalement à 25 ans, en 1994 et après cinq premières années professionnelles dans son club formateur, que Germán Burgos fait ses valises pour la première fois. Mais il change simplement de quartier et s’installe au Nord-est de Buenos Aires pour revêtir les couleurs de River Plate, son club de cœur.

Avec ce géant du football argentin, El Mono se fera un nom, remportant quatre titres de champion, une Supercopa Sudamericana et une Copa Libertadores en 1996, la deuxième de l’histoire du club, remportée en finale face aux Colombiens de l’América Cali. Mais là-bas, le monde du football découvre un peu plus le style fantasque de Burgos. Sur la “grosse tête” du Mono, un bandeau sert à contenir une longue chevelure, ses pantalons se différencient des shorts devenus la norme chez les gardiens et le portier argentin se démarque par ses arrêts souvent peu académiques, qui donneraient presque l’impression d’être réalisés par chance. Si l’on ajoute à cela ses nombreuses sorties en mode “kamikaze” et son goût du risque balle aux pieds, on comprend un peu mieux la relation particulièrement intense qui lie El Mono aux supporters des équipes qu’il représente. Un style de jeu légué de sa vision du football : “Mon idole a toujours été Hugo Gatti et je suis ami avec Higuita. J’ai toujours aimé les gardiens de but qui voient le but comme un endroit pour s’amuser. Et j’ai considéré que c’était la meilleure façon de jouer”.

Son passage à River lui permet surtout d’obtenir en 1995 ses premières sélections avec la sélection nationale. Germán Burgos portera, tout au long de sa carrière, 35 fois le maillot de l’Albiceleste, qui n’a presque jamais réellement pu compter sur des portiers de classe mondiale. S’il parvient à garder sa place parmi les 23 Argentins jusqu’en 2002, Cabezon ne gardera jamais les cages de son pays en Coupe du Monde, barré par Carlos Roa en 1998 puis par Pablo Cavallero quatre ans plus tard.

Les premiers pas à Madrid

Alors qu’El Mono fête ses trente ans, il est temps pour lui de faire le grand pas et de rejoindre le Vieux Continent. C’est aux large des îles Baléares, à Majorque, que l’Argentin fait ses premiers pas en Liga. Là-bas, Germán Burgos laisse entrevoir un peu plus encore son caractère si spécial, mais pas toujours dans le bon sens. Dès le début de saison, il fait parler de lui en estimant publiquement que le chef des services médicaux de son club “n’y connaît rien”. Mais c’est bien plus négativement qu’il fera la une des journaux. Le 27 novembre 1999, il est exclu après une violente bagarre avec Manolo Serrano lors d’un match contre l’Espanyol Barcelone. Pour sa défense, El Mono assure que son adversaire l’a traité de “puto sudaca”, s’attaquant explicitement à ses origines argentines, mais ses explications ne convainquent pas la ligue, qui le suspend pour onze matchs de championnat. En plus de ses indélicatesses sur le terrain, Burgos se fait de nouveau remarquer en interne, critiquant la direction du club pour avoir refusé sa proposition d’organiser un festival de rock pour le mois de décembre. Le tout ne donne pas un mélange savoureux : le portier de l’Albiceleste ne disputera que 12 petits matchs de championnat avec Majorque, qu’il quittera après deux saisons sans, cette fois, laisser un souvenir impérissable.

Qu’importe, car El Mono s’apprête à rejoindre ce qui deviendra “son” club : le Club Atlético de Madrid. Mais Burgos s’était déjà attaché aux Colchoneros, impressionné par la ferveur du stade lors d’un derby contre Leganés qu’il regarde depuis sa télévision, en pur amoureux du football. Pourtant, le club madrilène ne vit alors pas ses heures les plus glorieuses : l’Atlético s’apprête à passer une seconde saison consécutive en deuxième division, alors qu’il remportait le championnat et la Copa del Rey cinq ans auparavant. Pour mettre fin à cette période de végétation indigne de la riche histoire du club, les dirigeants font appel à Luis Aragonés, qui prend la tête des Colchoneros pour la quatrième fois de sa longue carrière. L’adaptation est plus facile pour Cabezon, puisqu’Aragonés entraînait Majorque la saison précédente et qu’il le considère comme l’un des deux meilleurs entraîneurs qu’il ait eu avec Carlos Griguol, son coach au Ferro Carril Oeste. Cette fois, en partie grâce à un Germán Burgos proche de son plus haut niveau, l’Atlético fait honneur à son statut de favori et remporte le championnat. Les supporters colchoneros adoptent vitent leur nouveau gardien de but, qui met désormais une casquette teintée de rouge pour tenir ses longs cheveux dans les buts. Et el Mono sait aussi trouver les bonnes formules pour s’attirer la sympathie des Rojiblancos : « Je ne pouvais pas jouer au Real Madrid à cause de mon apparence. Ils m’auraient fait couper les cheveux. Atlético est synonyme d’ouvriers. Les fans de l’Atlético sont des maçons et des chauffeurs de taxi« . S’il n’aurait donc pas l’apparence pour jouer au Real, il l’a bien pour l’Atlético, qui le met en avant dans un spot de publicité ubuesque célébrant le retour du club en première division : le gardien de but sort sa tête d’une plaque d’égout pour annoncer que son équipe a retrouvé son rang.

Si le retour des Colchoneros en Liga se passe bien, les hommes de Luis Aragonés décrochant un maintien facile avec une douzième place à la clé, la saison de Germán Burgos est, elle, bien plus compliquée. Il a beau arrêter, en plein derby, un penalty tiré par Figo avec son nez, l’année 2003 marque un tournant dans sa carrière. Un cancer du rein lui est diagnostiqué, mettant en parenthèse sa saison puisqu’une opération d’urgence est nécessaire. « On ne peut pas remettre ça à lundi ? Parce que dimanche, on joue contre Majorque ? », demande-t-il alors au corps médical, qui refuse évidemment toute négociation. Si sa santé est en danger, Cabezon le prend, comme toujours, avec le sourire : “Quand j’ai annoncé à ma mère qu’on devait m’opérer, je lui ai dit : ‘Sois tranquille, le chirurgien est borgne, mais il voit très bien avec son œil valide’”. Résultat : une cicatrice de 35 points de suture, des mèches teintes en rouge, et, d’après ses dires, une première vie qui s’est achevée, “une autre débute, comme quand on remet le compteur d’une voiture à zéro”.

Le(s) nouveau(x) Burgos

Pour autant, El Mono ne met pas aussitôt un terme à sa carrière et s’offre une dernière saison à l’Atlético. Si, à 34 ans, il joue moins, il évoluera aux côtés d’un certain Diego Simeone, qui fait son retour dans le club rojiblanco. L’année passée ensemble ne fera que renforcer leur amitié déjà nouée sous les couleurs de l’Albiceleste : “En sélection, on partageait toujours la même table. Généralement, Gabriel Batistuta et Pablito Cavallero se joignaient à nous. J’ai mangé plus de fois avec ces trois-là qu’avec ma propre famille, c’est dire…”, explique Burgos. Mais l’idylle avec l’Atlético ne se termine pas au mieux : Cabezon joue en coupe contre Séville alors qu’il est légèrement blessé. Une décision prise “pour protéger Cuellar”, jeune gardien évoluant avec la réserve que l’Argentin ne pensait pas prêt, mais qui va trahir la confiance de ses dirigeants au terme d’un match perdu 0-4. Son contrat n’est ainsi pas renouvelé, et Germán Burgos met un terme à sa carrière, sans aucune rancœur.

Pas de regret donc, car, maintenant sa vie de joueur achevée, l’ancien gardien de but va pouvoir se concentrer sur sa deuxième passion : la musique, et le rock plus particulièrement. Un amour né dans son quartier de Caballito à Buenos Aires :

“On habitait au troisième étage, et au septième, il y avait un voisin qui jouait de la guitare électrique tous les jours. Il cassait les pieds à tout le monde ! Un jour, j’en ai tellement eu marre que je suis allé frapper à sa porte : ‘Soit tu t’arrêtes, soit tu m’apprends à en jouer’. Ce gars-là est toujours mon ami aujourd’hui”.

S’il a donc longtemps mis la musique de côté pour privilégier le football, il y revient à 35 ans en créant son groupe, The Garb, nom tiré de ses initiales, qui sortira deux albums. En parallèle, El Mono se met aussi à la télévision, devenant l’égérie d’une émission de téléréalité portée sur le foot, Football Cracks.

Mais en 2006, un appel change tout. Diego Simeone, qui vient de clore sa carrière au Racing Club, s’apprête à entraîner l’équipe dans la foulée, et veut que son ami le rejoigne. C’est encore trop tôt pour Germán , qui promet toutefois au Cholo qu’il le suivra quand celui-ci entraînera en Europe. Mais El Mono doit, entre temps, s’y préparer : il passe ses diplômes et, pour faire ses premières gammes, part en 2010 en cinquième division espagnole entraîner Carabanchel dans la banlieue madrilène. “Les catégories amateurs, c’est ce qu’il y a de mieux pour se former au métier d’entraîneur”, estime-t-il. Pour lui, l’expérience est réussie : il fait grimper le club en quatrième division, et lorsqu’en 2011, Diego Simeone rejoint l’Italie pour prendre la tête de Catane, Burgos tient sa promesse. Mono et Cholo forment alors un duo inséparable : après un court passage en Sicile puis au Racing Club, Simeone et son adjoint rejoignent en décembre 2011 l’Atlético et font du club l’un des plus importants du Vieux Continent.

Mais quel adjoint est réellement Germán Burgos ? Le personnage pourrait faire penser qu’il est l’un des garants de l’esprit guerrier propre au Cholismo, l’éloignant de l’image d’un penseur tactique. Il faut dire que lorsqu’il fait parler de lui, c’est généralement pour des faits qui renvoient vers cette caricature. Retour en décembre 2012, près d’un an après son arrivée sur le banc des Colchoneros. Face au Real, les esprits s’échauffent, et El Mono lance à Mourinho, droit dans les yeux : “Je ne suis pas Tito, je vais t’arracher la tête”. Une référence à Tito Vilanova qui, un an plus tôt, alors qu’il était l’adjoint de Pep Guardiola au FC Barcelone, n’avait repoussé que calmement l’entraîneur portugais après une échauffourée. Interrogé sur l’événement en conférence de presse, la réponse du Special One à Cabezon est cinglante : “Je ne sais pas qui est Burgos”. Autre coup de sang deux ans plus tard, toujours durant un derby : alors que Diego Costa chute dans la surface, aucun coup de sifflet n’est donné, et l’adjoint de Simeone fonce vers le quatrième arbitre, furieux. Il faudra six personnes pour retenir et tenter de calmer El Mono, qui sera suspendu trois matchs.

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Mais il serait réducteur de s’en tenir à ces altercations pour définir le rôle de Germán Burgos dans le staff de Simeone. Car Burgos, c’est aussi le premier entraîneur adjoint qui, en 2015, porte des Google Glass lors d’un match contre Getafe pour avoir accès à certaines statistiques en direct tout en regardant la partie, témoignant de sa passion pour l’analyse du jeu. C’est simple : Diego Simeone et Cabezon sont les deux têtes pensantes de l’animation madrilène. L’ancien gardien de but se chargeait de l’analyse de l’adversaire et explique que “ ‘El Profe’ Ortega (le préparateur physique du club) se chargeait de faire monter les joueurs dans les tours, et derrière, ‘El Cholo’ et moi abordions les facettes tactiques avec eux”. Il a donc une part importante de responsabilité dans les nombreux succès colchoneros sous l’ère du Cholismo : une victoire en Liga, une Copa del Rey, une Supercoupe d’Espagne, deux Supercoupes d’Europe, deux finales de Ligue des Champions et deux victoires en Europa League (la suspension de Simeone pour la finale contre Marseille en 2018 le propulsa d’ailleurs sur le devant de la scène).

Ces accomplissements, cumulés à l’image sympathique qu’il avait déjà conquise dans le club rojiblanco près de dix ans plus tôt, lui ont permis de gagner le cœur des supporters madrilènes, si bien que personne ne l’imaginait quitter le navire, même si la séparation s’est faite sans dispute avec Diego Simeone, dont il reste un ami proche. Après neuf ans de (très) bons et loyaux services envers El Cholo, Germán Burgos se sent prêt à battre de ses propres ailes. Pour le malheur des supporters de l’Atlético, mais pour le bonheur, peut-être, de son futur employeur. “Simeone et moi sommes convaincu que les gens se souviennent uniquement de ceux qui gagnent”, clame-t-il. Nul doute qu’à Madrid, El Mono restera dans les mémoires.

Sources :

  • Atlético : German Burgos, El Mono s’en va en solo, Furialiga
  • El Mono est Space, So Foot N°179, Septembre 2020
  • German Burgos : le singe (avec des Google Glass) qui se dresse devant Arsenal, Furialiga
  • Germán Burgos: “Los rockeros no lloran, da mala imagen”, El País
  • Les vies de chat de German Burgos, So Foot
  • Ligue Europa : German Burgos, le « singe » de l’Atlético qui n’a peur de rien (même pas de l’OM ?), FranceInfo
  • ‘Mono’ Burgos: « Cuando me dijeron que tenía cáncer dije: me opero el lunes, que este domingo tengo partido », Cadena SER
  • Why German Burgos is more than just Diego Simeone’s henchman, These Football Times

Crédit photos : Iconsport

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