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·26 février 2023
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A l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, le ballon rond s’institutionnalise et les premiers clubs naissent. Derrière, un homme, Lavrenti Beria, impulse la professionnalisation et le développement du football en Géorgie via un club : le Dinamo Tbilissi. Deuxième volet préparé avec David Jishkariani, historien géorgien et professeur à la Georgian American University de Tbilissi.
Après la création de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques en 1922, les dirigeants communistes organisent dans la foulée la mise en œuvre du sport soviétique. En 1923, la société omnisport des Dinamo voit le jour, sous l’égide du Guépéou, puis du NKVD, les différentes polices politiques soviétiques. Chaque ville de l’Union Soviétique possède son Dinamo, et la Géorgie n’y échappe pas : Batoumi en 1923, Tbilissi deux années plus tard.
Malgré la naissance des différents clubs, la compétition footballistique met du temps à s’organiser de manière officielle. Tout se construit petit à petit. Les premiers clubs géorgiens naissent comme ailleurs en Union Soviétique, sous l’influence des usines, des entreprises et des syndicats. Dès lors, les premiers matchs s’organisent entre les ouvriers d’usines et d’entreprises différentes. Dans la foulée, l’engouement naissant autour du ballon rond amène à l’apparition des premières rencontres au sein des villes, entre quartiers, avant les premiers matchs entre villes géorgiennes puis la participation du Dinamo Tbilissi au premier championnat d’URSS de football en 1936. La compétition s’organise sur deux divisions, et le club de la capitale géorgienne victorieux du tournoi de printemps de niveau B et directement promu au niveau supérieur.
L’engouement naissant autour du football est marqué par un évènement en particulier : la tournée des joueurs Basques en Union Soviétique en 1937. Deux matchs sont organisés à Tiflis (autre nom de Tbilissi), où les Basques démontrent toute leur classe balle au pied. En parallèle de son importance diplomatique et symbolique, cette tournée va fortement contribuer selon l’historien géorgien à l’implantation de ce sport dans les populations locales. « Tout le monde commence à parler du football, tout le monde commence à assister aux rencontres, tout le monde essaye de trouver des places pour assister aux rencontres, quand les Basques arrivent à Tbilissi ».
A picture of Lavrenti Pavlovich Beria (1899-1953), the Soviet Chief of secret police (Photo by Popperfoto via Getty Images/Getty Images)
Dans la foulée, un homme prend rapidement conscience de l’importance du football sur les foules, et décide de miser sur ce sport pour assoir son influence grandissante. Lavrenti Beria né en 1899 en Abkhazie, région pro-russe de l’actuelle Géorgie. Rapidement, il gravit les échelons au sein du système politique soviétique. David Jishkariani évoque pour sa part deux époques différentes pour Beria en URSS : entre 1931 et 1938, il est dans un premier temps secrétaire général du Parti Communiste Géorgien ; puis dans un second temps, de 1938 à sa mort en 1953, où il enchaîne les différents postes au plus haut grade du Parti Communiste Soviétique. Avant toute sa carrière dramatiquement connue pour son sadisme et sa violence au sein de l’appareil étatique soviétique, Beria est dans un premier temps un des fondateurs du Dinamo Tbilissi en 1925, avant d’en devenir comme « le parrain ». Rapidement, Beria veut faire du Dinamo Tbilissi, un des grands clubs d’URSS, et il est prêt à tout pour y parvenir, même rompre avec les obligations de l’idéologie communiste.
“Le Dinamo Tbilissi était comme l’enfant de Lavrenti Beria”David Jishkariani, historien géorgien.
En effet, il est un des premiers à vouloir mettre en place une forme de professionnalisation du football, phénomène absolument inimaginable en URSS, où le sport est une activité physique prolétaire, et non un métier à plein temps bourgeois. C’est ainsi que ce dernier usera de son influence pour mettre en œuvre une première forme de professionnalisme : lorsqu’il devient en 1938 ministre des affaires intérieures (et donc dirigeant du NKVD), il offre des postes fictifs aux joueurs du Dinamo qui en réalité ne font que jouer au football, et qui en plus s’assurent une deuxième vie après leur retraite sportive. Dans cette idée, Beria n’hésite pas en parallèle à attirer les meilleurs joueurs des équipes concurrentes pour construire le meilleur effectif au sein de son club.
« Si vous lisez attentivement les mémoires des joueurs de cette époque, il était comme un manager général », glisse l’historien géorgien. « Par exemple, si le Dinamo Tbilissi avait des problèmes, il allait voler des joueurs aux autres équipes et les transférer au Dinamo Tbilissi. Il était comme « le parrain » du club, et même s’il n’était pas le seul en charge du club, c’est plus facile lorsque ton « parrain » c’est Lavrenti Beria ». Car en plus d’avoir une influence dans l’organisation du club, Beria le supporte également en termes d’infrastructures puisqu’il fait construire un nouveau stade dans la capitale géorgienne dès 1936, qui après différentes périodes de travaux, est devenu le stade Boris Paichadze (du nom d’une des vedettes du club dans les années 1930-1940) où se déroulent les rencontrent du Dinamo mais également les matchs internationaux des équipes internationales de football et de rugby géorgiennes.
Stade Boris Paichadze – Dinamo Arena
Cependant, les rêves de succès ne se concrétisent pas : à cette époque, le Dinamo Tbilissi ne glane aucun trophée, barré par la suprématie des grands clubs russes. Le Dynamo Moscou sous l’égide du ministère de l’intérieur, le CDKA (qui deviendra l’actuel CSKA) est lui affilié à l’armée rouge, et le grand Spartak Moscou des frères Starostine représente le club du peuple. Beria meurt exécuté en 1953, quelques mois après Staline, et ne connaitra jamais les plus grands succès du Dinamo Tbilissi.
Hugo Laulan