Furia Liga
·2 septembre 2020
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·2 septembre 2020
Le football féminin espagnol navigue dans le flou artistique. La date de reprise est encore inconnue, tout comme le format du championnat de Primera qui comptera 18 équipes au lieu de 16. Un nouveau malaise qui s’ajoute à la crise de croissance du futfem en Espagne, sur fond de protocole COVID, de salaire minimum et de chantage économique de la Fédération à l’égard des clubs.
La saison 2019-2020 restera charnière dans l’histoire du football féminin espagnol car, quoique rabotée d’un bon tiers, elle a été très longue pour la RFEF. Si la pandémie mondiale n’a pas empêché les compétitions masculines d’aller à leur terme et que les playoffs de 3e division féminine ont bien eu lieu, la Primera et la Segunda ont arrêté les frais dès le confinement. Les trois grands vainqueurs de l’opération ont été le FC Barcelone, qui a été déclaré champion, le Valencia CF, 15e à un point du Sporting de Huelva lors du « parón », et surtout l’Espanyol qui n’avait que 5 points au compteur et qui prenait la même direction que l’équipe masculine.
Le gel du classement a provoqué une évolution du fonctionnement des deux divisions : la Primera se disputera à 18 au lieu de 16. Car afin de ne pas punir les clubs de Segunda, 2 équipes accèdent à l’élite : Éibar, vice-champion du groupe Nord derrière l’Athletic B qui ne peut pas monter, et Santa Teresa, champion du groupe Sud, qui remonte deux après sa descente à l’étage inférieur. La Segunda quant à elle se disputera avec 34 équipes, soit 2 groupes de 17.
Les conditions de la reprise officielle de la Primera División ne sont pas encore clairement délimitées. C’est un cas unique parmi le Top 12 des nations FIFA. Les négociations ont été serrées entre les clubs, les syndicats (AFE, UGT, Futbolistas ON) et la Fédération. Face à l’impossibilité de démarrer la saison le 5 septembre, les dates du 20 et du 27 septembre ont été avancées.
Suite à la réunion du comité de professionnalisation de la RFEF tenue en début de semaine, trois dates sont envisagées pour enfin lancer la saison : 4, 11 ou 18 octobre. Pour l’heure, la date du 18 octobre a été choisie pour toutes les compétitions non professionnelles mais les clubs féminins souhaiteraient avancer le coup d’envoi. La RFEF n’y serait pas opposée, uniquement s’il y a unanimité au sein des 18 clubs de Primera. Or, dans la mesure où le Rayo Vallecano a refusé de reprendre les entraînements avant la mise en place d’un protocole COVID viable et que les clubs ont droit à 30 jours de pré-saison, le début de saison 2020-2021 n’a toujours pas été fixée. Une exception en Primera puisque les clubs ont débuté leur pré-saison dès la mi-juillet, quand la date de début du championnat était toujours le 5 septembre. Avec l’obligation de clôturer le prochain exercice le 30 juin 2021, le calendrier risque d’être particulièrement chargé, d’autant qu’il reste encore les 1/2 finales de la Copa de la Reina et la SuperCopa à disputer. Difficulté supplémentaire : le nouveau format de la Copa de la Reina à 26 équipes (18 de Primera et 8 de Segunda).
Ainsi, le format de la Primera División reste encore à définir : poule unique ou deux groupes de 9 ? Deux ou quatre descentes ? Pour l’heure, les clubs ne veulent pas entendre parler d’une partition du championnat. Le système de groupes a existé de 1996 à 2001 et de 2009 à 2011, avec un succès des plus aléatoires. Si le championnat ne débute pas le 4 octobre, la RFEF se réserve le droit de réintroduire ce fonctionnement certes obsolète mais qui garantirait la bonne tenue de la compétition dans le temps imparti.
A l’image des championnats organisés et sanctionnés par la RFEF, c’est tout le sport non professionnel espagnol qui est dans un état critique. Le Conseil Supérieur des Sports (CSD) a établi une feuille de route pour ne « laisser personne sur le côté » pour reprendre les termes de la présidente Irene Lozano.
Or selon les informations d’El Español publiées le 26 août dernier, ces 37 pages de mesures obligatoires et de recommandations ne seraient pour le moment qu’un brouillon transféré aux Communautés Autonomes. Toujours selon El Español, le CSD admet que la pratique sportive est un risque libre et volontaire et qu’il est « impossible d’établir un environnement complètement sans risque ». Face au risque de contagion, le CSD évoque un « principe d’auto-responsabilité », ce qui obligera les joueurs et les salariés à signer une décharge ainsi que les clubs à communiquer immédiatement auprès des autorités sanitaires et sportives compétentes dès les premiers symptômes de COVID-19.
Les récents imbroglios en Segunda, Segunda B et Tercera sont encore dans toutes les mémoires et les autorités veulent impérativement les éviter. Cela aura très certainement un coût, entre 60.000 et 100.000€ par équipe, somme que les clubs veulent faire endosser au CSD ou à la Fédération. Le rapport du CSD devrait être publié le 14 septembre d’après Marca. Il faudra donc convaincre le Rayo Vallecano de commencer sa pré-saison avant la publication ou de renoncer à au moins une semaine de pré-saison, au risque de voir la Primera divisée en 2 groupes.
La saison 2019-2020 a également été marquée par une grève générale en Primera División. En jeu : la signature d’un accord collectif établissant un salaire minimum de 20.000€ par an et par joueuse. C’est ainsi qu’en novembre 2019, à l’initiative des syndicats, la 9e journée de championnat a été purement et simplement annulée. Si le seuil espéré de 20.000€ n’a pas été atteint, l’accord signé en février 2020 garantit un salaire de base à 16.000€ par an et de 12.000€ par an pour le temps partiel. Malgré cette avancée, il n’en demeure pas moins que la Primera División est un championnat en expansion mais avec des joueuses « mileuristas », qui gagnent à peine plus de 1000€ par mois quand elles n’appartiennent pas à une grande équipe. Signé en février 2020, cet accord collectif a été conclu juste avant le confinement. Qu’en sera-t-il lors de la renégociation ?
Vicky Losada (FC Barcelone) a été partie prenante des négociations. Citée par La Vanguardia, elle met en avant l’obligation d’une mutation du football féminin espagnol : « nous avons lutté pour le minimum nécessaire. Il faut changer les statuts et avoir une ligue professionnelle. Alors, les conditions s’amélioreront nécessairement, mais cela ne semble pas intéresser pour une question économique ».
Mais la RFEF l’entend-elle ainsi ? Fin mars, la Fédération a annoncé une série de mesures en faveur des clubs non-professionnels pendant la pandémie. Parmi celles-ci, une avance sur trésorerie de 4M€ remboursable en 2 ans sans intérêts à payer. Mais il y a une petite subtilité pour les clubs de football féminins : contrairement aux clubs de Segunda B et Tercera, les 3 divisions de futsal masculin et les 2 divisions de futsal féminin qui peuvent accès à cette caisse sans conditions, les clubs de futfem doivent faire partie du « Programa Élite ». Ce programme repose sur un principe simple : les clubs signataires bénéficient de 600.000€ en Primera et de 100.000€ en Segunda en échange de la cession de leurs droits de diffusion audiovisuels. Pour l’heure, 4 clubs de Primera y participent : le Barça, le Real Madrid, l’Athletic et le Madrid CFF. Cela intervient dans un contexte très tendu entre la RFEF et Mediapro. En réservant cette aide financière à certains, la Fédération veut contraindre les clubs à choisir son camp plutôt que celui de l’entreprise catalane. L’Association des Clubs de Football Féminin (ACFF) qui regroupe 80 équipes a fait part de son mécontentement à l’égard de ce qui ressemble à un chantage économique dans une période trouble. A l’heure actuelle, la RFEF a investi près de 23M€ dans le futfem et le « Progama Élite » représente une somme de 13.4M€. Plusieurs solutions ont été ébauchées mais il reste difficile d’y voir clair.
Le football féminin espagnol est en pleine croissance. La Roja et les catégories inférieures sont des références européenne et mondiale, le FC Barcelone a disputé une finale de Champion’s en 2019 tandis que l’Atlético de Madrid s’est hissé pour la 1re fois en 1/4 de finale cette saison et les audiences TV sont en hausse constante. A présent, la RFEF doit structurer intelligemment la pratique, du fútbol base à la Primera. Car si la Fédération se perd en tergiversations et en négociations complexes sans fin, les clubs de haut niveau pourraient bientôt être tentés de demander la professionnalisation de la Primera et de Segunda et de passer dans le giron de LaLiga, l’éternel rival qui serait ravi de réaliser un tel transfert.
François Miguel Boudet (@fmboudet)