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Lucarne Opposée

·14 avril 2022

Freddy Rincón, le colosse s’en est allé

Image de l'article :Freddy Rincón, le colosse s’en est allé

Dans un état critique depuis lundi matin après son accident de voiture Freddy Rincón n’a pas survécu à ses blessures. Deux titres de champion avec l’América, trois participations à la Coupe du Monde, une véritable légende du football colombien vient de disparaitre.

En Colombie tout le monde se rappelle de ce qu’il faisait le 19 juin 1990. Dernier match du groupe D entre l’Allemagne de l’Ouest, futur vainqueur, et la Colombie. Menée 1-0 dans le temps additionnel et au bord de l’élimination, la Colombie revient grâce à une magnifique action collective et Freddy Rincón à la conclusion. « Quand je regarde ce but, je dis que le Pibe est un génie parce qu’il ne me regardait pas. Je suis entré dans la surface parce que j’aime avoir des options. Et quand j’ai vu cette situation, je me suis dis quel cadeau… et avec ce géant en face. J’avais deux options. La première la frappe croisée qui était la plus logique. La deuxième, attendre et la mettre à côté d’Illgner. Quand j’ai voulu prendre une décision, je me suis rendu compte qu’aucune des deux étaient possible. C’était donc une question de patience, lui ou moi. Il a perdu, il s’est ouvert et j’ai décidé de frapper fort entre les jambes, en force elle entrait si ou si. Et j’ai eu la chance qu’elle entre. En d’autres termes, c’est seulement à la fin que j’ai décidé de la mettre entre les jambes. Le reste appartient à l’histoire ». C’est ainsi qu’il a raconté ce but historique lors d’un entretien accordé à Mauricio Silva. C’est son seul but en Coupe du Monde, mais l’un des plus importants de l’histoire du football colombien, l’un des plus criés par les journalistes et les supporters. Ce but est d’ailleurs passé en boucle ou presque sur la principale chaîne sportive du pays où il officiait comme consultant pour plusieurs émissions.


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Né à Buenaventura, port situé sur la côte Pacifique à un peu plus de cent kilomètres au nord-ouest de Cali, Freddy Eusebio Rincón est le dernier d’une fratrie de huit. L’un de ses frères, Armando, est assassiné trois mois avant le Mondial 1994. Si Freddy a touché les sommets pendant sa carrière, un autre de ses frères, Manuel, a lui aussi effectué une carrière professionnelle. Son enfance n’est pas idyllique. Des parents divorcés, une mère cuisinière, la famille Rincón ne roule pas sur l’or. Passé par des petits clubs de Buenaventura, c’est après un passage à l’Atlético Buenaventura qu’il est repéré, comme il l’explique à Mauricio Silva : « J’ai dit à mon grand frère Tomás qui était mon tuteur après la séparation de mes parents que j’allais dans une grande ville pour me tester. Il m’a dit que si en un an je n’arrivais pas à vivre du football je devais revenir pour étudier. Il m’attend encore… ». S’il passe un essai infructueux à l’América, c’est dans la capitale qu’il fait le pas définitif. Alors entraineur de Santa Fe, Jorge Luis Pinto le fait débuter en 1987. Et le moins que l’on puisse dire c’est que son premier match pro ne s’est pas bien passé. Sur la pelouse de Bucaramanga il ne joue que vingt minutes. Auteur d’une faute grossière, il est directement expulsé par l’arbitre. Heureusement pour lui, pour le club et pour le pays, Pinto lui offre une deuxième chance. S’il n’y a pas eu de champion en 1989 en Colombie, il y a bien eu un vainqueur de coupe. Auteur du deuxième but en finale contre l’Unión Magdalena, il offre la coupe au club cardinale. Ce sera son dernier fait d’arme avec le club de la capitale.

Une carrière lancée

À l’été 1989, il rejoint l’América et sa carrière va décoller. L’année suivante, il décroche le titre et surtout ses prestations ne laissent pas insensible Pacho Maturana, le sélectionneur de l’époque, qui le convoque alors pour le Mondial italien. Pendant dix ans, il ne quittera presque jamais la sélection. S’il est un novice en 1990, deux autres buts marquent profondément l’histoire du football de son pays. Le 5 septembre 1993, dans un match décisif pour la qualification au Mondial, Rincón marque deux des cinq buts lors du fameux 5-0 passé à l’Argentine dans son Monumental. Le premier sur une passe géniale du Pibe, comme en 90. Une nuit où il est à deux doigts de signer à Boca. Pilier aussi bien en club qu’en sélection, il effectue d’abord un passage à Palmeiras, où il évolue aux côtés Roberto Carlos, Kléber ou encore Edmundo, puis rejoint finalement l’Europe en débarquant à Naples, où, après seulement une saison au cours de laquelle il inscrit sept buts, il rejoint le Real Madrid où, numéro 10 sur le dos, il devient le premier joueur colombien de l’histoire du club merengue, puis le premier Colombien à disputer la Ligue des Champions. Son premier échec. « Dès que je suis arrivé, ils ont mis des tags au Bernabéu avec des phrases racistes. Ensuite, Lorenzo Sanz, un dirigeant, a dit que le premier joueur qui devait partir était moi et j’étais le seul noir là-bas à l’époque. »

Idole du Corinthians

À l’été 1996, il effectue une pige à Palmeiras avant, l’année suivante, de rejoindre le grand rival, le Corinthians où il devient une idole. « Je crois que ça a été le meilleur moment de ma carrière. Avec le Timão, j’ai gagné la Coupe du Monde. Un autre des sommets de ma carrière » confie-t-il à Mauricio Silva. Brassard de capitaine autour du bras, Freddy Rincón inscrit en effet deux buts lors de la première Coupe du Monde des clubs de l’histoire et sa finale 100% Brésil (contre le Raja et Al-Nassr). Il transforme aussi le premier tir au but de son club en finale face au Vasco. Avec le Corinthians, Freddy Rincón dispute plus de cent cinquante matchs et décroche deux championnats du Brésil et un championnat paulista. Une deuxième maison. « J’ai fait mon travail au Brésil, mon devoir, j’ai donné tout ce que j’avais à donner pour gagner des titres avec le Corinthians, grâce à Dieu tout a été fait grâce à mes efforts. Les supporters sont spectaculaires, ils soutiennent toujours, ils ont toujours été spéciaux pour moi, j’ai une grande admiration pour eux » déclare-t-il à As. La Coupe du Monde des clubs est son dernier moment avec le Timão, il rejoint ensuite Santos puis Cruzeiro, raccroche un temps les crampons avant d’effectuer une dernière pige de six mois dans sa maison corinthiana.

Une fois sa carrière de joueur derrière lui, il connait deux expériences d’entraîneur adjoint : d’abord à l’Atlético Mineiro aux côtés de Vanderlei Luxemburgo puis au Millonarios aux côtés de celui qui l’avait lancé, Jorge Luis Pinto, près de dix ans plus tard. En mai 2021, il devient consultant pour Win Sports, le détenteur des droits du championnat colombien où il se montre très critique notamment envers la sélection (et notamment James et Reinaldo Rueda) et marque aussi les esprits après un échange assez tendu par presse interposée avec l’attaquant de Junior, Miguel Borja.

Freddy Rincón était père de quatre enfants, son fils Sebastián est footballeur professionnel, passé par les Timbers, il évolue désormais en Argentine, à Barracas Central. Avec la mort du colosse, c’est tout un pays qui doit faire le deuil de l’une de ses idoles. Avec ses quatre-vingt-cinq sélections, il est le neuvième joueur le plus capé de l’histoire, ses dix-sept buts en font le cinquième meilleur buteur de l’histoire de la sélection cafetera. Au bord des larmes son ancien partenaire en sélection Óscar Cordóba a trouvé les mots justes : « La Colombie perd un héros, mais gagne une légende ».

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