Formation chilienne, de la Génération Dorée à la « Génération du vide » ? | OneFootball

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Derniers Défenseurs

·29 août 2021

Formation chilienne, de la Génération Dorée à la « Génération du vide » ?

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La génération qui a placé le Chili sur la carte du football de sélection est maintenant vieillissante. Commence alors à se poser la question de la transition, qui risque d’être difficile. Le pays a du mal à dire « au-revoir » à ses héros, et dans leurs ombres les nouvelles pousses ont du mal à émerger. D’autant plus après un nouvel échec à la Copa América.

Cette génération, tous ceux qui aiment le football la connaissent. Alexís Sánchez, Arturo Vidal, Claudio Bravo, Gary Medel, Eduardo Vargas … Ce sont des noms qui sont associés à des matchs de légende et aux premiers sacres d’une Roja qui attendait cela depuis un siècle. Une génération révélée par José Sulantay, modelée par Marcelo Bielsa, sacrée avec Jorge Sampaoli. Une génération qui a fait preuve d’une longévité et d’une régularité impressionnante, se plaçant comme l’une des meilleures sélections nationales du monde à son apogée.


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Mais comme partout et dans tous les domaines, le temps fait son effet. Cette génération prend de l’âge. Elle n’est plus aussi fringante et tranchante qu’il y a cinq ou dix ans. Pire, elle a récemment connu des échecs violents. Une qualification manquée à la Coupe du Monde 2018, une débâcle contre l’ennemi péruvien en demi-finale de la Copa América 2019, et une élimination dès les quarts de finale de la Copa América 2021. Des traumatismes pour cette équipe, et qui auraient pu être des sonnettes d’alarmes.

Qui auraient peut-être du êtres des sonnettes d’alarmes. Car pour l’instant le Chili n’est pas forcément bien embarqué pour les éliminatoires de la Coupe du Monde 2022. Cette génération est pour sa grande majorité toujours là, et on peut parfois se demander pourquoi. Refuse-t-elle de terminer sur des échecs ? Est-elle encore performante ? L’impression donnée est surtout que les jeunes joueurs chiliens peinent à émerger, et cela ne tient pas forcément qu’à l’aura de cette Generación Dorada, mais peut-être à un soucis plus structurel. Alors, où en est la formation chilienne et la génération qui devra prendre la relève ?

Comment cette la Génération Dorée a-t-elle émergée ?

La question ici ne va pas être de regarder les exploits internationaux de cette équipe, mais de recentrer le cadre au Chili. Car tous les grands noms de cette génération ont été formés et ont émergé chez eux. On retiendra principalement Colo-Colo qui a vu dans ses rangs les jeunes Arturo Vidal, Alexís Sánchez, Jorge Valdivia ou Claudio Bravo. Mais les autres équipes du pays ne sont pas en reste ! Citons la Universidad Católica avec Gary Medel, Juan Pedro Fuenzalida et Jean Beausejour. La Universidad de Chile avec Mauricio Pinilla et Marcelo Díaz. Et même de plus petits clubs comme Cobreloa avec Charles Aránguiz ou Huachipato avec Gonzalo Jara.

La recette ? La formation et la post-formation de ces jeunes pousses s’est faite à domicile, au Chili. C’est durant cette période (que l’on peut dater entre 2004 et 2008, avec un pic en 2006-2007) que ces joueurs vont faire parler d’eux, devenir titulaires dans leurs clubs et gagner en expérience. Mieux, certains d’entre eux vont gagner des titres avant de faire le grand saut. Soit pour partir de l’autre côté de la cordillère des Andes, au Brésil ou en Argentine. Soit pour traverser l’Atlantique et rejoindre l’Europe.

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Umberto Suazo, Alexís Sánchez et Arturo Vidal (de gauche à droite). Les trois futurs membres de la Génération Dorée, ici sous les couleurs de Colo-Colo en 2007.

Enfin, cette génération a grandi ensemble dans les catégories de jeunes de la Roja. Les U17, les U20. De nombreux noms figurent d’ailleurs dans le groupe chilien qui ira réaliser une belle troisième place à la Coupe du Monde des moins de 20 ans organisée au Canada en 2007, battu en demi-finale par l’Argentine (futur vainqueur de l’édition, où figurait entre autres Di María, Agüero ou Banega, N.D.L.R.). Le triomphe n’est pas encore là, mais les graines sont semées !

L’architecte de cette équipe, souvent considéré comme le « père » de cette génération, c’est José Sulantay. Sa démarche tranchait assez radicalement avec les méthodes précédentes. Sulantay va tenter de créer un « club » chilien dans l’état d’esprit. Ces jeunes joueurs ne sont pas une somme d’individualités qui font ici leurs premiers pas internationaux avant de retourner au chaud dans leurs clubs, non. Les joueurs vont grandir et progresser ensemble. Les sélections de jeunes emmenées pas Sulantay seront une étape décisive dans la construction des carrières de ces jeunes hommes. Sulantay racontait d’ailleurs en 2016, à propos de ses méthodes de travail :

« Je suis allé aux endroits ou ils (les joueurs de la Generación Dorada) ont grandi. De façon anonyme je les ai regardé jouer dans leurs clubs, mais je me suis aussi particulièrement intéressé à leurs entourages […]. C’est de là que l’on peut trouver les éléments pour faire un groupe, pour arriver à avoir un esprit de corps ».Interview de José Sulantay au journal La Tercera. 10 Juillet 2016

Entre peur du vide et fuite des talents

La suite est connue et appartient à l’Histoire. Faisons un bon dans le temps. Le 10 octobre 2017, le Brésil bat le Chili 3-0 lors de la dernière journée des Éliminatoires pour la Coupe du Monde 2018 en Russie. Le double vainqueur de la Copa América ne disputera pas le Mondial. C’est un traumatisme absolu, et étonnement, il l’est plutôt par l’impossibilité pour cette génération de faire son « baroud d’honneur » que par le fait que la sélection ne soit pas représentée au Mondial. Au-delà de l’injustice pour ces joueurs qui ne méritaient pas un tel sort, c’est la peur du vide qui domine. Qui pour les remplacer ? Avec quel entraîneur ?

L’absence de réponse ne permet pas de tourner la page. Même si certains joueurs ont annoncé leur retraite entre temps, la colonne vertébrale de l’équipe reste toujours là. Plus inquiétant surtout, des figures peinent à émerger derrière. Surtout des figures avec une envergure internationale.

Car les footballeurs chiliens ne sont pas devenus subitement plus « mauvais ». Les centres de formation continuent de travailler et des jeunes joueurs arrivent chaque année dans le championnat national. Problème, le niveau du championnat national a grandement baissé et les joueurs talentueux partent de plus en plus tôt. Un serpent qui se mort la queue et qui oblige les clubs chiliens à aller recruter, quand c’est possible, des joueurs moyens des autres championnats du continent.

L’exemple le plus parlant est sans aucun doute celui de Carlos Palacios. Ce joueur de 20 ans, surnommé la Joya (le Bijou) a réalisé l’année dernière une saison pleine dans son club formateur de la Unión Española. Pétri de talent, il était attendu au tournant en ce début de saison pour savoir s’il allait confirmer. Sauf que deuxième saison au Chili il n’y aura pas. L’Internacional de Porto Alegre saute sur l’occasion et s’adjuge la jeune pépite chilienne qui quitte son pays à l’inter-saison. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, dans les premiers matchs de la Española sans son gamin en or, les résultats ont été très décevants. Elle est éliminée piteusement lors des barrages de Libertadores contre Independiente Del Valle, et ne gagne que deux de ses sept premiers matchs en championnat.

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Il est attendu comme le successeur. En attendant, le jeune Carlos Palacios a décidé d’aller continuer sa progression hors du Chili.

Le championnat national est donc beaucoup moins attractif et compétitif. Les répercussions en terme de résultats sont manifestes. Depuis 2012 et la belle campagne de Libertadores de la Universidad de Chile de Sampaoli, les clubs chiliens peinent à redorer leur blason. La meilleure campagne étant celle de Colo-Colo en 2018, éliminé par Palmeiras en quart de finale en perdant les deux rencontres (2-0 ; 0-2).

Dans les sélections de jeunes, le constat est là aussi terrible. Pour la Coupe du Monde des moins de 20 ans, le Chili ne s’est qualifié qu’une seule fois, en 2013. Pour les moins de 17 ans, la Roja n’a jamais dépassé les huitièmes de finale. Des désillusions qui inquiètent.

Un autre symbole fort est que la personnalité qui a réussi à émerger lors de la dernière Copa América, le jeune Ben Brereton, n’est pas formé au Chili. Il est d’ailleurs binational, né en Angleterre, et n’a obtenu la nationalité sportive chilienne que peu de temps avant le lancement de la compétition continentale. Si ses récentes performances ont été saluées, elles démontrent tout de même une quasi-impossibilité de fournir à la sélection des jeunes talents venus du sol chilien.

L’instabilité de la Fédération

Au-delà de la fuite des talents et du manque criant d’attractivité pour les jeunes joueurs, la situation politico-sportive de l’ANFP n’a pas aidé. La Fédération, qui gère tout autant les championnats nationaux que les sélections, a connu beaucoup de remous dans la dernière décennie. On retrouve parmi ceux-ci la démission du président Sergio Jadue en 2015 après une affaire de corruption En fait, la Fédé a connu cinq président en cinq ans. Cette instabilité administrative s’est accompagnée d’un flou sur la politique sportive.

Alors que le poste avait revêtu peu d’importance dans les directions antérieurs, le Chili s’est doté en fin d’année dernière d’un véritable directeur technique. L’anglo-espagnol Francis Cagigao a pris ses fonctions en fin 2020. Si les objectifs sportifs sont plus ou moins clairs (se qualifier pour la Coupe du Monde à tout prix !), les déclarations de ce dernier au sujet de la formations sont peu claires :

“Il faut observer, écouter, et parler aux coachs de chez nous, des chiliens, qui connaissent le milieu bien mieux que moi. J’arrive avec des idées. Si je suis arrivé en tant que directeur technique, c’est parce qu’on recherche une forme de changement, parce que sinon on aurait continué avec la même méthode ».Interview de Francis Cagigao au journal AS Chile. 15 Janvier 2021

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Le duo Francis Cagigao (gauche) et Martín Lasarte (droite). Deux étrangers au secours d’une sélection qui ne sait pas trop où aller.

Un retour à la méthode Sulantay donc ? Ça y ressemble sur la papier. Voilà donc presque quinze ans que la direction sportive chilienne ne sait plus trop où aller. Tant que la Generación Dorada gagnait, la question de la formation et de la direction sportive à suivre importait peu. À présent, il va falloir pour Lasarte et Cagigao, éviter un deuxième fiasco à la sélection, quitte à épuiser les vétérans jusqu’à la dernière goutte de sueur de leurs corps.

Mais l’échec récent à la Copa América soulève des fractures fortes. Les jeunes n’ont pas réussi à se montrer, les ténors ont déçu (blessure de Alexís Sánchez, scandale extra-sportif pour Arturo Vidal et Gary Medel, n’ayant pas respecté le protocole sanitaire). La seule chose qui est certaine, c’est que l’avenir est plus qu’incertain pour la Roja.

Crédits Photos: IMAGO / ANDRES PINA/PHOTOSPORT / Comunicaciones ANFP

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