Football chinois : Horizon 2030 ? | OneFootball

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·14 avril 2021

Football chinois : Horizon 2030 ?

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Il y a 92 ans se jouait la première Coupe du Monde de football en Uruguay. La compétition de 2030 sera donc celle du centenaire. Symboliquement et politiquement, organiser la fête du football devient un formidable enjeu géopolitique. La désignation du ou des pays organisateurs sera dévoilée lors du Congrès de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) en 2024. Les dernières candidatures seront déposées entre avril et juin 2022. En attendant cela, la Chine se positionne en tête de liste afin de remporter cette organisation. Cela lui permettrait de mener un expansionnisme sportif important, et ainsi légitimer un peu plus, la place de la Chine dans le sport international.

La diplomatie sportive chinoise

Le monde entier se passionne pour le sport. Une bonne partie des Etats du monde rêvent d’organiser les événements qui font vibrer les peuples. Si les grands événements sportifs révèlent un certain ordre international et soulèvent des questionnements géopolitiques flagrants, le sport est aussi un outil diplomatique, un facteur d’influence et un marqueur de puissance. Dès lors, organiser les événements sportifs devient bien plus que du sport. C’est dans cette perspective que le pouvoir chinois a multiplié l’influence de son soft power, et notamment largement en matière sportive. Avec l’arrivée de Deng Xiaoping au pouvoir (1978), le sport est considéré comme le reflet de la politique et subit une importante évolution. Le sport devient un moyen pour la Chine de s’affirmer sur la scène internationale. Par la performance de ses athlètes, la diplomatie sportive chinoise véhicule l’image d’une Chine qui réussit.


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« Le sport est un projet de face, un instrument essentiel de légitimité et de puissance pour le régime. Des sommes énormes et beaucoup de bureaucratie lui sont désormais dévolues ». Miao Wei, sociologue chinois.

La Chine signale son retour au monde sportif avec l’obtention des JO d’été en 2008, et des JO d’hiver à Beijing en 2022 (ouverture le 4 février 2022). A cela s’ajoute l’organisation de deux Coupes du Monde de football féminines en 1991 et 2007, ainsi que les championnats du monde d’Athlétisme en 2015.

Enfin, le Parti Communiste Chinois qui avait pour espoir d’organiser la coupe du monde de Football 2026, devra attendre. Lors du 68e congrès de la FIFA, les fédérations affiliées à l’instance ont en effet attribué l’organisation de la Coupe du monde 2026 au Canada, au Mexique et aux Etats-Unis. Mais la chine exprime déjà son intérêt d’organiser la compétition en 2030 et 2034 et il faut noter que la FIFA y est très favorable afin de « consolider la conquête du marché Chinois et l’extension de l’universalisme du football ».

Un football passionné mais pas passionnant

Si on ne peut démentir l’engouement certain de la population chinoise pour l’accueil des précédents jeux olympiques sur leur territoire, la question de l’organisation de la coupe du monde de football dans une terre ou le sport du ballon rond est une lacune nationale peut interroger.

En effet, la grande lacune du sport chinois reste le football. Pourtant, le pays se passionne pour ce sport : il suffit de constater les nombreux jeunes portant les maillots de clubs européens au sein du régime. La Chine a en outre eut l’immense plaisir d’être qualifiée pour la première fois de son existence, et ce à l’occasion de la première Coupe du Monde organisée par des pays asiatiques en 2002. Seulement depuis, elle échoue régulièrement à participer à cette grande compétition.

Le régime chinois se donne alors pour but de développer le football : on peut penser à l’impressionnant financement de la ligue chinoise pour attirer les plus grands joueurs de classe mondiale (mais plutôt en fin de carrière).

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Malheureusement, la corruption des arbitres, la corruption des joueurs, et l’influence immense des paris truqués dans une société où les paris sont un sport national, entraînent une régression du sport. Le président Xi Jinping s’est attaqué à la corruption au niveau national et notamment dans le domaine sportif. C’est ainsi qu’ une vaste opération de lutte anti-corruption a été menée dans le but de légitimer la pratique du football dans la société chinoise.

Le football vecteur du « rêve chinois »

En Chine, l’essor du football est donc une affaire définitivement politique. Xi Jinping rêve en effet de faire de son pays une « superpuissance du football ». Cette stratégie s’est d’abord mise en place par l’arrivée d’un membre très proche du régime, Zhang Jian au sein même du Conseil de la FIFA, principal organe de décision de l’organisation. On peut aussi souligner le poids politique exercé par les sponsors chinois tels qu’Alibaba ou Huawei, qui comptent parmi les plus gros sponsors de la fédération internationale.

L’ambition chinoise tient à plusieurs éléments complémentaires qui dépassent l’enjeu sportif. Tout d’abord, l’essor du football permet le développement d’une offre majeure de loisirs à destination de la jeune société de consommation chinoise. Ensuite, ce développement économique répond à une instrumentalisation politique et géopolitique. En profitant de cet essor du football national, le pouvoir recherche l’adhésion des supporters chinois à ses clubs de CSL (Chinese Super League) et à la sélection nationale chinoise. Tout ceci s’effectuant selon une logique nationaliste visant l’unité politique et la paix sociale. Le Parti Communiste Chinois ambitionne également d’inscrire son football dans la compétition sportive mondiale. Ainsi le grand pari du football chinois vise à étayer son soft power global aujourd’hui défaillant.

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Et quoi de mieux que l’organisation d’une coupe du monde à l’horizon 2030-2034, pour créer l’adhésion des foules chinoises et asiatiques devant le regard du monde entier et notamment des grands médias mondiaux ? Le marché chinois du football est en outre un marché émergeant et très attractif pour la FIFA : rien de tel que le football pour mettre en exergue le projet du « rêve chinois » !

Le football chinois, horizon 2030 ?

Ainsi, on peut se demander quelles sont les politiques mises en œuvre par le régime afin d’atteindre cet objectif de « super puissance du football » . Si les chinois misent sur un programme qui repose sur l’idéologie du “juguo tizhi”, d’autres solutions sont évoquées et pratiquées telles que la nationalisation de certains joueurs.

« Le succès du sport américain dépend de sa puissance économique, le succès du sport russe provient de ses ressources abondantes et de son expérience des entrainements d’athlètes d’exceptions, le succès du sport chinois repose sur le juguo tizhi ».Secrétaire général du Parti Communiste, Jiang Zemin dans les années 2000.

Jiang Zemin livre un constat juste sur le succès des sports américains et russes, il dépeint aussi la doctrine sportive chinoise qui dominera le début de ce XXIème siècle. En effet le « juguo tizhi » apparait comme une doctrine de soutien de tout le pays à l’élite sportive. L’ensemble des moyens de l’Etat et de la nation chinoise sont mobilisés à la formation de cette élite. Concrètement, cette idéologie passe par des politiques et programmes intensifs de détection des futurs champions dans la population. Le ministre des Sport Yuan Weimei déclarait en 2001 que le « juguo tizhi permettait au gouvernement central et local d’utiliser l’ensemble de leurs pouvoirs pour canaliser les resssources humaines et financières nécessaires pour soutenir le sport de haut niveau dans le but d’apporter la gloire au pays ».

Ainsi, la Chine investit massivement dans le développement d’infrastructures et dans la formation des jeunes. Mais cette dernière sollicite aussi de nombreux centres de recherches universitaires afin de maximiser la formation des élites sportives mais aussi le rayonnement du sport chinois à l’international. En quatre ans, 20.000 académies de formation devraient être créées et 30 millions d’élèves devraient pratiquer ce sport, selon les objectifs officiels du gouvernement.

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C’est par cette doctrine que le sport chinois émerge dans les différentes compétitions internationales avec notamment la « moisson des médailles » faite aux jeux olympiques. C’est également sur cet effort de la nation que le football chinois aspire à devenir une super puissance du football.

Autre politique de la part du géant chinois : miser sur les talents extérieurs . Depuis quelques années déjà, la ligue de football chinoise tente d’attirer les plus grands footballeurs du globe. On peut citer quelques réussites comme Hulk, Oscar, Witsel, et Y. Carrasco. Si ces joueurs permettent de consolider l’influence du football chinois, il ne permettent en rien à la sélection chinoise de se renforcer afin de se projeter dans la plus grande compétition internationale. A quelques mois de l’échéance de la coupe du monde au Qatar, la Chine met en œuvre une nouvelle stratégie et pourrait commencer à naturaliser des joueurs nés à l’étranger qui auraient (ou non) des ancêtres chinois. C’est le cas, par exemple, de l’attaquant né au Brésil Elkeson qui vient d’être retenu dans l’équipe nationale.

« Nous voulons aller au Qatar » « Les joueurs naturalisés peuvent apporter leur aide pour réaliser cet objectif à court terme de l’équipe nationale ».Les déclarations du président de la fédérations Chinoise de Football, Chen Xuyuan.

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Cette stratégie de naturalisation apparaît comme un moyen rapide et efficace de mener le football chinois à son ascension. Lié à un développement extrêmement exigeant des ses élites sportives, ramener un titre international pour la Chine semble complexe. Pourtant, participer à la « plus grande fête du football » devient aujourd’hui réalisable. Cet expansionnisme sportif à l’international trouve un formidable écho dans le projet chinois de « nouvelle route de la soie ».

Crédits Photos : Xinhua / Wang Ye / AFP

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