EXCLU - Pauline Peyraud-Magnin : « Le poste de gardien est celui qui a le plus évolué » | OneFootball

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·27 novembre 2021

EXCLU - Pauline Peyraud-Magnin : « Le poste de gardien est celui qui a le plus évolué »

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Devenue gardienne de but numéro une de l’équipe de France, Pauline Peyraud-Magnin a beaucoup de choses à partager. Formée à l’OL, passée notamment par l’OM, Saint-Étienne, Arsenal, l’Atlético Madrid et aujourd’hui à la Juventus, la native de Lyon est une joueuse capable aussi bien de se distinguer par ses arrêts de grande classe que par ses messages de tolérance. Entretien.


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« On m’a d’abord orientée vers d’autres sports comme la gymnastique, puis la danse, ça a été vraiment un échec »

Comment le football est venu à toi ?

Je viens d’une famille où ce sport tient une place importante. Mon père jouait à un bon niveau, mon grand-père était président d’un club du quartier de la Croix-Rousse à Lyon et mon oncle était joueur professionnel en Espagne.

Tu es la première fille à jouer dans ta famille ?

Oui. On m’a d’abord orientée vers d’autres sports comme la gymnastique, puis la danse, ça a été vraiment un échec. J’ai fait du tennis, j’ai essayé l’équitation, mais tout ce que je voulais faire, c’était du foot. Mes parents ont fini par céder.

Peux-tu détailler ton parcours jusqu’au centre de formation de l’Olympique Lyonnais ?

À la base, je jouais dans la cours de récré comme tous les enfants. J’ai convaincu mes parents de m’inscrire et j’ai commencé au club de Caluire vers 11 ou 12 ans. Je jouais alors avec des filles âgées de 16 à 20 ans, puis on m’a mis avec les garçons en Benjamins. J’y ai joué un an puis j’ai rejoint l’US Montanay pour une autre année avec les garçons en moins de 13 ans. On était dans la même poule que l’Olympique Lyonnais et c’est comme ça que j’ai été repérée. Je jouais alors milieu gauche.

Comment tu es devenue gardienne de but ?

Je devais avoir 13 ou 14 ans, j’étais déjà à l’OL et il manquait une gardienne de but pour faire une opposition à l’entraînement. J’étais la seule volontaire et à la fin du match, mon coach m’a demandé si je voulais devenir gardienne, j’ai répondu : « Oui, j’ai toujours aimé traîner dans la boue ! ». Je suis devenue gardienne à l’entraînement tout en jouant en DH le week-end sur le terrain. Mon expérience sur le champ me permet de me débrouiller dans mon jeu au pied.

Tu as effectué tes débuts professionnels avec l’OL, puis tu es partie en 2014, pourquoi ?

C’était important que je parte à ce moment-là parce que je savais clairement que je n’allais pas jouer à l’OL. Je n’avais pas l’expérience pour prétendre à une place de numéro 1 donc je suis allée en chercher ailleurs.

Tu as enchaîné l’AS Saint-Étienne, l’Olympique de Marseille avant de revenir à l’Olympique Lyonnais en 2017. Est-ce que les rivalités entre ces équipes chez les hommes ont pu te poser des problèmes ?

Mon père n’était pas favorable quand j’ai signé à Saint-Étienne, mais quand tu arrives dans un club, tu ne prends plus la rivalité entre les clubs au sérieux. Je suis née à Lyon, je suis Croix-Roussienne donc chez les garçons, je suis pour l’OL, mais chez les filles, je suis pour l’équipe dans laquelle je joue. J’ai eu des petits tacles et des pics, mais c’était vraiment bon enfant.

Tu es ensuite partie à Arsenal en 2018, pourquoi as-tu quitté la France ?

J’avais besoin de voir autre chose, j’avais un peu fait le tour en France. Une super opportunité s’est présentée, on m’a dit si je voulais jouer pour les Gunners, j’ai demandé si c’était une question. J’ai répondu : « Je t’affirme que je veux jouer pour Arsenal ». C’est un grand club chargé d’histoire, beaucoup de Français y ont réussi, j’avais vraiment à cœur de découvrir le championnat anglais dont j’entendais beaucoup de choses positives. J’ai dit oui sans réfléchir comme lorsque je suis partie de Lyon la première fois.

Est-ce que c’est un regret de ne pas t’être imposée à l’OL la deuxième fois ?

Honnêtement, pas du tout. Ça a été un moment un peu compliqué parce que je jouais peu, je perdais un peu confiance, je me posais beaucoup de questions, mais c’est comme ça. J’ai su rebondir à Arsenal et je ne regrette pas d’être revenue à Lyon, parce que cette expérience m’a apporté beaucoup de choses positives pour la suite de ma carrière. Je ne regrette aucune étape de mon parcours.

Après deux saisons en Angleterre et une à l’Atlético Madrid, tu as rejoint la Juventus cet été. As-tu l’impression que ta carrière a pris une autre dimension ?

Totalement ! Quand les gens me posent des questions et que je dis que j’ai joué à Arsenal, ils sont surpris parce que le club englobe beaucoup de choses. Pareil pour l’Atlético Madrid, les gens me parlent directement d’Antoine Griezmann ou de Fernando Torres. Ce sont des clubs chargés d’histoire, cela me rend fière parce que ça m’a fait clairement entrer dans une nouvelle dimension. Aujourd’hui, je suis à la Juventus et pour moi, c’est une autre très belle histoire et j’espère qu’on va faire de grandes choses parce que le club s’investit énormément.

Que retiens-tu de toutes ces expériences à l’étranger ?

Tout parce que je suis passé par toutes les émotions. Quand je suis arrivée en Angleterre, je ne parlais pas anglais donc c’était compliqué. Je ne comprenais pas le langage corporel de mes coéquipières et j’étais incapable de communiquer dans leur langue. Du coup, tu apprends l’anglais, tu vois que tu fais de gros progrès en arrivant à tenir une conversation, c’est une première victoire. Lors de la première année, on remporte le championnat pour la première fois depuis sept ans et on se qualifie pour la Ligue des Champions, j’étais vraiment fière. L’année d’après, on m’a fait moins jouer donc j’avais de la déception, mais c’est comme ça. À l’Atlético, ça a été un enchaînement de montagnes russes et ça représente bien ce qu’est le foot. Ce n’est pas rose tous les jours, mais cela procure des émotions que peu de gens peuvent comprendre. Quand on gagne des titres, ce sont des émotions décuplées et j’adore ça. Toutes ces aventures m’ont apporté beaucoup plus d’expérience et de sérénité dans ma carrière ou dans ma vie en général. Par exemple, je suis capable de parler anglais et je comprends l’italien grâce à mes notions d’espagnol. Le football, c’est vraiment les montagnes russes mais pas dans le mauvais sens du terme. On peut se retrouver très bas, mais cela m’a permis de travailler ma détermination pour absolument remonter la pente.

Tu as fait des rencontres importantes ?

Carrément. Notamment mon coach actuel à la Juventus que je connaissais à Arsenal et qui m’a rappelée pour ce nouveau projet. Je peux aussi parler de mon coach des gardiennes de l’année dernière, de Marseille, de Lyon où j’ai tous mes amis d’enfance, ou encore d’Arsenal où j’ai rencontré des filles extraordinaires qui m’ont aidé à m’intégrer. J’ai fait beaucoup de belles rencontres.

Tu évolues dans un club où ont joué des légendes comme Dino Zoff et Gianluigi Buffon. C’est une pression supplémentaire cette tradition de grands gardiens ?

C’est une pression par rapport au prestige du club parce que c’est la « Juve ». Quand je dis aux gens où je joue, ils ont des étoiles dans les yeux. Quand je suis arrivée à Turin, j’ai commandé mon frigo et les livreurs m’ont reconnue alors que je ne suis personne (rires) !  Les Italiens ont une approche différente par rapport à toutes mes autres expériences et je commence à le comprendre aujourd’hui. La pression qu’on peut se mettre ne concerne donc pas que les gardiens de but mais elle est liée au prestige de ce club.

Tu as des modèles à ton poste ?

Chez les filles, c’est la gardienne américaine Hope Solo. Chez les garçons, il y en beaucoup avec des profils différents comme Manuel Neuer, Ederson, Alisson Becker, Jan Oblak, Gianluigi Buffon, Gianluigi Donnarumma… J’adore regarder sur YouTube les compilations d’arrêts de ces gardiens et je pourrais en citer encore pleins que j’adore.

« Dans l’éducation, il faut inclure la tolérance. Je ne parle pas que d’homosexualité, mais de la tolérance humaine pour que tout le monde soit logé à la même enseigne »

Le poste de gardienne de but est souvent moqué par les détracteurs du football féminin. Comment le vis-tu ?

Depuis que je suis partie de France, j’ai laissé de côté toutes ces réflexions. Le poste qui a le plus évolué ces cinq dernières années, c’est le nôtre, donc si ces personnes ne veulent pas faire d’efforts et voir cette progression, tant pis pour elles.

Dans quels domaines les gardiennes ont-elles progressé ces dernières années ?

Partout, que ce soit dans le jeu aérien ou au pied. On joue de plus en plus en mode « libéro », on est devenues les métronomes de notre défense. Il n’y a pas un champ travaillé en particulier. Maintenant, on voit des gardiennes faire des arrêts extraordinaires, des envolées main opposée, ce qu’on ne voyait pas il y a quelques années. Ça m’énerve les critiques sur le niveau des gardiennes parce que le poste a vraiment évolué.

Qui est la meilleure portière du monde actuellement ?

C’est difficile d’en sortir une, mais je pense que c’est Christiane Endler de l’OL. Elle est très complète dans son jeu au pied et son jeu aérien. Ses arrêts sont très propres. Comme on dit, quand tu es gardien de but, tu as une caisse à outils et plus tu avances dans les années plus tu rajoutes des outils dedans. Pour Endler, au niveau des outils, on est pas mal (rires) !

Tu as connu ta première sélection avec l’équipe de France, le 4 avril 2019 en match amical contre le Japon (3-1). Tu as dû rapidement céder ta place à cause d’une blessure, quel sentiment t’a alors traversé ?

Sur le coup, j’ai eue très mal parce que ma rotule était bloquée. Quand j’ai arrêté de crier et que le docteur m’a replacé ma rotule, j’ai dit à la coach : « J’ai fait un clean sheet » (rires) ! J’étais déçu mais d’un autre côté, c’était obligé que je me fasse remarquer pour ma première. On peut valider ce premier match.

Tu as été retenue par Corinne Diacre pour disputer la Coupe du Monde 2019 en France, quel bilan tires-tu de la compétition ?

Je suis un peu mitigée parce que j’ai vécu beaucoup de déceptions vu que ça s’est arrêté brutalement. On était en France devant notre public, le match contre les États-Unis ne s’est pas passé comme on le voulait mais d’un côté, ça m’a montré l’envers du décors. Je n’avais jamais participé à une grande compétition comme celle-ci avec une prépa et ce cheminement-là. C’était impressionnant et ça nous prépare pour la suite.

Tu es titulaire avec les Bleues depuis la retraite provisoire de Sarah Bouhaddi en octobre 2020. As-tu ressenti de la pression en lui succédant ?

C’est plus le rapport à l’équipe de France que cette place qui m’a mis un peu la pression. Tu as forcément envie d’être performante, de ne pas faire de boulettes et honnêtement, je suis fière d’être passée numéro une. C’est juste dommage la manière dont les choses se sont passées parce que je connais Sarah depuis très longtemps. On ne changera pas l’histoire.

Cette équipe de France a-t-elle les capacités pour gagner un premier titre ?

Sans réfléchir oui, parce qu’il n’y aucune autre réponse à donner. Si je dis non, je rentre chez moi tout de suite (rires). On a envie d’aller chercher un titre, on est motivées et on va tout faire pour ça. C’est quelque chose qu’on veut prouver à nous-mêmes.

En août 2020, tu as fait publiquement ton coming out, ce qui est une grande première pour une internationale française en activité. Pourquoi à ce moment-là ?

Il n’y a pas eu de moment particulier. J’étais bien, on était en plein Covid et je ne pensais pas vraiment au football. J’ai posté une photo de ma copine et moi sur les réseaux sociaux et les médias s’en sont emparés. J’ai fait comme beaucoup de gens qui postent des photos de leur vie privée sur les réseaux même si c’est vrai que je ne le faisais pas avant.

Est-ce que cela a représenté un changement dans ta vie de footballeuse professionnelle ou de tous les jours ?

Non parce que cela ne me détermine pas. Mon homosexualité ne va pas changer ma vie maintenant que les médias sont au courant. Ce n’était pas la déclaration du siècle et si on m’avait posé la question auparavant, j’aurais répondu honnêtement, car je ne me suis jamais cachée.

Est-ce que ton geste a inspiré certaines personnes ? As-tu l’impression d’être une pionnière ou une icône comme Megan Rapinoe aux États-Unis ?

J’ai reçu énormément de messages positifs, mais d’autres également très tristes parce qu’on est au XXIe siècle tout en ayant l’impression d’être encore au « Moyen-Âge ». Je n’ai pas la prétention de m’identifier à une joueuse comme Megan, mais si mon action permet de faire évoluer les mœurs, je serai déjà contente.

L’homosexualité semble être davantage un tabou dans le football masculin, pourquoi ?

Pour schématiser, les gens se disent dans leur tête que deux femmes c’est joli et que deux hommes ça ne l’est pas alors que ça ne les regarde pas. Il faut arrêter de se mentir, c’est uniquement par rapport à cela qu’il y a de l’homophobie et des violences. Si tout le monde se laissait vivre tout en étant un peu plus éduqué, il y aurait beaucoup moins d’actes violents. J’ai pleins d’amis d’homosexuels qui se sont fait souvent agresser pour rien, c’est totalement invraisemblable, il faut que les gens commencent à redescendre. Je dis ça avec beaucoup de conviction parce que la violence que les gens ont en eux pour quelque chose qu’on ne contrôle pas, ça me fait peur. Pour moi, tout part de l’éducation. Si tu n’es pas d’accord avec cette personne, change de trottoir, mais tu n’as aucun droit de lever la main sur quiconque, je prône la différence. On me met dans une case alors que ce sont les médias qui ont cru que j’avais fait mon coming out l’année dernière alors qu’il datait d’il y a au moins dix ans ! La vérité, c’est que je n’ai pas eu besoin de le dire mais ce sont les gens qui ont eu besoin d’en parler. Maintenant, si je peux aider certaines personnes pour leur dire que ça peut être un mauvais moment à passer ou au contraire quelque chose de bénéfique et libérateur, je le referai 1000 fois.

Quel faudrait-il mettre en place pour changer les mentalités dans le football et le sport en général ?

Dans l’éducation, il faut inclure la tolérance. Je ne parle pas que d’homosexualité, mais de la tolérance humaine pour que tout le monde soit logé à la même enseigne. On ne peut pas insulter quelqu’un par rapport à sa religion, sa couleur de peau, son orientation sexuelle… Je ne vais pas tout citer parce que c’est une liste vertigineuse. La base de tout ça, c’est l’éducation et la tolérance. C’est quelque chose de primordial pour moi.

Tu auras 30 ans au mois de mars 2022, quelles sont tes ambitions pour la suite de ta carrière ?

Je vis vraiment au jour le jour et ça se voit en regardant ma carrière. J’ai souvent bougé sur des coups de tête même si c’est plus rare ces dernières années vu que j’approche de la trentaine. J’ai pour objectif de tout gagner en Italie, d’aller le plus loin possible en Ligue des Champions avec la Juve et de gagner des titres avec l’équipe de France. Ça commence dès l’été prochain par l’Euro en Angleterre.

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