EXCLU - Nadia Nadim : « J’ai encore beaucoup de choses à accomplir » | OneFootball

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·26 janvier 2022

EXCLU - Nadia Nadim : « J’ai encore beaucoup de choses à accomplir »

Image de l'article :EXCLU - Nadia Nadim : « J’ai encore beaucoup de choses à accomplir »

Championne de France avec le PSG l’an dernier, Nadia Nadim n’a pas prolongé l’aventure avec le club de la capitale pour s’envoler à 33 ans vers les États-Unis et le Racing Louisville. Gravement blessée en septembre, la meneuse de jeu aborde ce pépin avec philosophie tout en en profitant pour terminer ses études de médecine. Entre la sortie de sa biographie, puis d’un documentaire, de son engagement auprès de l’UNESCO et de la FIFA, elle prend le temps de poser un regard sur la situation en Afghanistan. Entretien.


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« Le football a toujours été un moyen de m’échapper. Quand je suis sur le terrain, tout le reste disparaît. »

Comment vas-tu et comment se passe ton processus de rééducation ?

Je suis actuellement au Danemark. Tout va très bien, je poursuis ma rééducation suite à ma blessure (rupture des ligaments croisés en septembre). Mon corps répond super bien, je suis dans le temps pour le programme de reprise. Je regarde devant, car je n’ai qu’une envie, revenir sur les terrains de football. Ça me manque déjà trop !

T’es-tu fixée une date pour un retour sur les terrains ?

Je n’ai été opéré qu’il y a sept semaines. C’est encore un peu tôt pour se prononcer là-dessus. Je vais reprendre la course dans les semaines à venir. Cela va faire du bien au mental. C’est une première grosse étape, c’est même l’une des plus dures je pense. Je déteste faire de la musculation, mais bon, je n’ai pas le choix.

À 33 ans, tu as eu une dizaine de vies comme tu le dis toi-même. Quel est ton costume favori : celui de joueuse professionnelle, de future médecin ou d’ambassadrice ?

(Elle réfléchit) C’est difficile à dire. Je n’ai pas de « costume » favori. Ce que j’aime, c’est le fait de pouvoir changer de costume. Cette liberté d’être footballeuse aujourd’hui et à s’arracher sur le terrain, médecin demain en aidant des gens, ou prendre la parole pour différentes causes. Avoir cette possibilité me rend heureuse, surtout, cela m’excite pour le futur. J’ai encore beaucoup de choses à accomplir. Le changement, c’est important.

Quel est le costume le plus lourd à porter ?

Tous sont difficiles, mais devenir médecin, c’est très dur. Ça prend beaucoup d’années. Rester assise devant ses livres, pendant des heures et des heures, ça peut être très compliqué. Le football, c’est différent. Déjà, c’est un jeu. On joue au football, dehors, au soleil, en vivant sa meilleure vie.

Et au football, on a des partenaires si jamais on fait une erreur…

On ne peut pas faire d’erreur en médecine, des vies sont en jeu.

Tu as écrit une biographie « Mon histoire », puis tu es passée devant la caméra pour « Nadia » afin de raconter ton histoire. Quel est l’exercice le plus difficile ?

C’est plus difficile d’être face à la caméra. Dans un livre, on crée une relation différente à travers la lecture. Et surtout, on ne parle généralement qu’à une seule personne, on ne voit pas forcément sa réaction. Avec la caméra, c’est la « vraie » vie. On te suit au quotidien, il y a moins de distance vu que le spectateur te voit directement. On ne peut pas se cacher. Dans le documentaire, on voit mes expressions quand je raconte mon histoire, c’est plus fort, mais aussi plus dur. J’ai une très bonne relation avec Anissa (Bonnefont, la réalisatrice du documentaire). Elle me comprend, donc je ne parlais pas forcément qu’à une caméra, mais à une personne qui me connaissait.

Cet été a dû être particulier pour toi avec, à la fois la situation en Afghanistan et la prise du pouvoir par les talibans, ton départ du PSG vers les États-Unis, puis ta grave blessure. Comment as-tu vécu ces derniers mois ?

Ce n’est pas facile. Tout d’abord, quand tu changes de club, avec toutes les ambitions qui vont avec, tu t’entraînes dur. Et se retrouver écartée des terrains à cause d’une blessure, c’est difficile à avaler. Tout ce qu’il s’est passé en Afghanistan, ça m’affecte forcément. J’avais l’impression de revenir 20 ans en arrière quand cela m’est arrivé, quand j’ai quitté le pays avec ma famille. Cet été était une période difficile d’un côté, mais de l’autre, je me dis que c’est la vie. On ne peut pas tout contrôler, ce sont des hauts et des bas, de véritables montagnes russes. Je ne connais personne qui n’a que des moments où tout va bien. Mentalement, je ne suis pas plus affectée que cela. Bien évidemment, j’ai eu des jours de moins bien, mais c’est comme ça. Il faut toujours savoir en tirer le meilleur. C’était un été « de merde », mais mon hiver promet d’être mieux. Je termine mes études de médecine, c’est une grosse partie de ma vie. C’est le côté positif, il faut essayer de se concentrer là-dessus. On ne peut pas tout maîtriser.

Tu prévoyais récemment de retourner en Afghanistan. Cela reste toujours dans un coin de ta tête ?

Absolument. Malheureusement, nous n’avons pas pu nous rendre sur place avec les récents événements, les circonstances ne nous le permettent pas. Il faut que j’y retourne, mais on doit attendre, ne pas se précipiter.

N’est-ce pas difficile de se concentrer sur le football quand de telles choses se produisent dans son pays d’origine ?

On y pense, c’est sûr, mais de l’autre côté, le football a toujours été un moyen de m’échapper. Quand je suis sur le terrain, tout le reste disparaît. Ça n’a jamais été difficile pour moi de me concentrer sur le football, car je n’ai jamais vu ça comme un métier, comme une chose que je devais (elle insiste sur le mot) faire. C’est naturel de jouer au football pour moi. Après, bien évidemment, devant les informations, les nouvelles de la famille dans les groupes Whatsapp, on a vu qu’il s’était passé et c’est dur à accepter.

Entre finir des études de médecine et devenir joueuse professionnelle, quel est l’objectif le plus dur à atteindre ?

Le plus dur, c’est de savoir combiner les deux ! Il faut mettre de la passion, être à 200%. Je dis souvent que l’on peut toujours faire mieux que ce que l’on pense être capable. Et c’est ce qui m’est arrivé. Je suis à deux mois de terminer ces « fucking » années de médecine avant la liberté. Je vais enfin pouvoir avoir une grosse fête pour célébrer cela !

L’été prochain, il y aura l’Euro féminin en Angleterre. En 2017, tu as atteint la finale, marquant même un but, sans pour autant l’emporter. Était-ce le moment le plus dur de ta carrière ?

Je ne vais pas mentir, c’était très dur. C’était difficile, mais c’était une expérience dingue d’arriver à ce stade de la compétition. Le sentiment est forcément mitigé. C’est ça le football, avoir de la joie et de la déception à la fois. Mais l’an dernier, perdre en demi-finale de Ligue des Champions face au Barça avec le PSG, c’était aussi terrible. Je pense qu’on était meilleures, on aurait dû l’emporter. On était préparées pour cela, du mieux que possible, mais ça n’est pas passé, c’était très dur.

Avec le PSG, tu as remporté le championnat de première division en faisant enfin tomber l’OL. Cette victoire, était-ce la plus belle de ta carrière ?

L’une d’entre elles, c’est sûr. Personne n’était arrivé à faire tomber l’Olympique Lyonnais. C’était un sentiment tellement fort, un pur souvenir de football. On a pu ressentir ce que cela représentait pour les supporters, pour la ville. On ressent rarement ça en tant que joueuse. Pour moi aussi, j’étais là pour deux ans et demi, mais j’ai créé une vraie relation avec la ville, le club, très rapidement et c’était profond. Je me suis toujours sentie chez moi à Paris. Maintenant, c’est l’une de mes maisons.

Malheureusement, ce trophée a été glané sans les supporters. Quel genre de sentiment cela peut créer ?

Je connais bien les Ultras et je suis complètement fan de la manière dont ils aiment le football, ça me parle à 200%. C’est de la passion pure, c’est super important d’avoir leur énergie et leur amour dans les tribunes. Si on les avait eus, forcément que l’histoire aurait été différente. Mais on a quand même ressenti leur soutien, leur amour, malgré leur absence. Sur les réseaux, avant le match, c’était fou. Maintenant, quand je regarde les matchs du PSG, les Ultras font vraiment la différence.

« Je suis fière de ma carrière et ça n’est pas encore terminé ! »

Tu as aussi été la première joueuse non-danoise à revêtir la tenue de l’équipe nationale. Encore une belle victoire…

Complètement, c’était un véritable accomplissement. Que ce soit d’un point de vue personnel ou même d’un point de vue plus global, cela a pu faire évoluer les mentalités pour les générations futures. Certains jeunes ne savent pas vraiment à quoi se rattacher, de quelle nation dépendre, s’ils vont être acceptés ou pas dans la sélection nationale. C’est une manière de montrer que c’est possible, non pas qu’aux jeunes, mais aussi à ceux qui ont le pouvoir : les dirigeants, les fédérations. Si vous donnez aux enfants comme moi, d’une couleur de peau différente, une chance, de bonnes choses peuvent en sortir, la preuve. C’est ça, le plus grand accomplissement de ma carrière.

Perle Moroni, Christiane Endler ou Irene Paredes ont comme toi quitté le club. Comment expliques-tu cette vague de départs au PSG malgré le gain du titre ?

Moi, ma mission était remplie. J’étais venue pour être championne et j’y suis arrivée. Je suis perpétuellement à la recherche d’un nouveau « but ». Quand j’en ai atteint un, il m’en faut un nouveau. Pour Paredes, elle rentrait un peu à la maison, ça fait sens. Pour les autres, je ne sais pas. C’est toujours triste de voir des joueuses partir alors que l’équipe fonctionne bien. J’ai vu le dernier match entre l’OL et le PSG (6-1), c’était compliqué. Mais c’est le football.

Tu connaissais déjà le football aux États-Unis avant de venir au PSG. Pourquoi as-tu voulu y retourner, plutôt que de découvrir un nouveau championnat, en Europe notamment ?

Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, j’adore le pays. J'ai des souvenirs géniaux de mon premier passage aux Sky Blue FC et à Portland. Et surtout, la culture du football est complètement différente chez les féminines. Je voulais un championnat où chaque nouveau match était un nouveau challenge. En Europe, dans la plupart des ligues, ça n’est pas le cas. En Angleterre, vous avez deux ou trois grosses équipes, en France, deux, en Espagne, une ou deux… Je veux toujours jouer pour les grandes équipes, tenter d’être toujours à 100%. En Europe, même si tu n’es pas dans un bon jour, tu vas certainement gagner. Avant l’Euro, je voulais un championnat où j’ai l’obligation d’être à 110% à chaque rencontre. Avec cela, je pense que je ne peux que me développer et être dans la meilleure forme pour attaquer la prochaine compétition. Ici, toutes les équipes peuvent se battre. Les matchs sont très exigeants physiquement. Quand j’ai joué au PSG, ou alors dans d’autres équipes en Europe, j’étais parfois à 60-70%, et je marquais quand même un but. Ça ne me suffisait plus. On n’avait pas assez de « gros » matchs. Le challenge m’a guidée ici. Mon passage au PSG était incroyable, mais j’avais envie de voir autre chose. Et même si je suis actuellement blessée, je n’ai qu’une chose en tête : revenir au top.

Après plus de 10 ans au haut niveau, comment juges-tu ta carrière ?

Plutôt bonne ! Partout où je suis allée, j’ai eu l’impression d’avoir un impact : comment tu aides tes coéquipières, comment tu changes ton état d’esprit, comment tu remportes des matchs. L’impact sur les gens, sur le club, sur les partenaires. J’ai toujours beaucoup appris dans tous les clubs et j’ai aussi l’impression de donner aux joueuses, aux fans, et au football en général. Je suis fière de ma carrière et ça n’est pas encore terminé !

Que dirais-tu à la petite Nadia qui commençait le football au Danemark ?

Je lui dirais : « Tu dois continuer de faire ce que tu as envie de faire. » Être soi-même quand on est jeune, surtout quand on est une personne comme moi, c’est difficile, on nous dit toujours quoi faire. Au Danemark, c’était difficile. Je dirais aussi : « Continue à faire ce que tu fais tant que tu es heureuse, suis ton cœur, continue d’avoir de grands rêves. » En soi, c’est redonner confiance à la petite Nadia.

Comment juges-tu l’évolution du football féminin ?

Durant la dernière décennie, il y a eu énormément de progrès. On voit plus de bonnes joueuses, les équipes se professionnalisent, les médias s’y intéressent de plus en plus, les stades sont plus remplis. Le développement est très intéressant. La Coupe du Monde 2019 en France était dingue. Ça continue de grandir à chaque tournoi. C’est magnifique à voir. J’étais là quand c’était plus difficile, alors voir le football féminin évoluer, pas nécessairement pour moi, mais plus pour les générations futures, ça me fait du bien. On devrait donner la même chance aux jeunes garçons qu’aux jeunes filles. On voit l’évolution, doucement, mais on la voit, c’est une bonne sensation. Il y a tellement de bonnes choses à faire, on est sur le bon chemin.

C’est une des raisons qui te poussent à t’investir dans l’évolution du football féminin auprès de la FIFA, notamment avec la réforme du calendrier ?

Exactement. J’essaie de trouver le meilleur moyen pour avoir un bon calendrier, donner plus de moyens pour que les filles puissent jouer au football. Je suis aussi avec l’UEFA pour les campagnes contre les discriminations.

As-tu l’impression que ton aura te permet de faire bouger les choses plus rapidement ?

Je ne sais pas. Une chose est sûre, mon expérience personnelle, migrer d’un pays vers un autre, avoir une couleur de peau différente, subir le racisme, l’islamophobie… ça compte. J’ai vécu cela, je sais comment en parler. C’est un « melting-pot » d’expériences personnelles qui me permettent de savoir de quoi je parle. Je sais comment les gens du Moyen-Orient, par exemple, pensent, leurs réactions, les différentes cultures… J’ai ce passif. C’est difficile de comprendre ou d’imposer une chose à des gens si on ne connaît pas véritablement leur fonctionnement. Ça n’est pas comme cela que ça doit marcher. Ça n’est pas forcément mon aura qui fait évoluer les choses, peut-être plus ma connaissance.

Est-ce que tu te considères comme un modèle pour beaucoup de jeunes ?

Peut-être que oui. On me l’a souvent dit. Mais je ne pense pas que ce soit parce que je fais les choses différemment. J’ai juste toujours été moi-même. Ce sont les gens qui décident de me nommer ainsi, mais je l’apprécie hein (rires).

Quel serait ton conseil pour toutes les petites filles qui rêvent de devenir Nadia Nadim ?

C’est très simple : c’est important de rêver plus grand, de croire en soi et toujours s’amuser. À la fin, c’est un jeu, si tu l’oublies, tu ne seras pas heureux. Il faut suivre son chemin et tu iras très loin.

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