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·21 décembre 2024
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À tout juste 22 ans, Julie Dufour a déjà pas mal bourlingué. Lille, Bordeaux et désormais Paris FC, la milieu offensive s’est faite un nom en Ligue 1, au point de postuler pour les Jeux olympiques avec les Bleues. Rencontre avec une Ch’ti qui rêve grand !
Voici quelques extraits de notre interview de Louis Mouton. L’intégralité de cet interview de 2 pages est à retrouver dans le magazine n°364 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 9 février.
Entretien réalisé avant son transfert à Guingamp.
Quels sont tes premiers souvenirs de foot ?
Ça remonte à très loin ! J’étais toute jeune. C’est grâce à mon frère que j’ai pu débuter. C’était dans la ville où j’ai grandi, avec mon frère. J’ai une relation particulière avec lui, on est fusionnels. Je faisais tout avec lui. Je revenais de l’école, je demandais à ma maman de pouvoir sortir une fois que je terminais mes devoirs pour le rejoindre. C’est là où j’ai commencé à toucher le ballon. J’ai quatre ans d’écart avec lui. J’essayais de faire pareil que lui, il est assez fort dans de nombreux domaines : foot, vélo. C’est là que tout a débuté.
Il a continué le football aussi longtemps que toi ?
Pas du tout, vers les U15, il a arrêté et j’ai pris le relais.
Dans quel club as-tu commencé ?
Dans le nord de la France, du côté de l’ES Fenain, un petit club à côté de chez moi. Je ne sais pas s’il existe encore. Ensuite, j’ai bougé du côté de l’US Escaudain. J’étais encore avec les garçons à ce moment-là, puis j’ai basculé avec les filles, car je n’avais plus l’âge pour rester avec les garçons.
Te rappelles-tu de tes premiers entraînements ? On sait que cela peut parfois s’avérer difficile de s’intégrer en tant que fille !
Je m’en souviens très bien et je n’ai pas de mauvais souvenirs. Les garçons étaient très ouverts, ils m’appréciaient beaucoup. Je faisais ce que je savais faire, je n’ai jamais vraiment connu de problème. J’ai joué avec les garçons jusqu’à 13-14 ans. À l’époque, je jouais au poste d’arrière droit. Pour la petite anecdote, j’avais une petite « spéciale ». Régulièrement, quand je voulais centrer, ça se terminait en but ! Avec mon grand-père, on en parle toujours, il me le rappelle à chaque fois.
Consommais-tu du football à la télévision à l’époque ?
Je ne regardais pas trop de football quand j’étais jeune. Cela a changé quand j’ai eu 15-16 ans. À ce moment-là, j’ai commencé à davantage m’intéresser, à plus suivre. C’est aussi à ce moment que je suis partie en sport-études au pôle de Liévin.
C’est à ce moment-là que tu es arrivée à Lille ?
Oui, le LOSC est venu me voir quand je jouais encore avec les garçons à l’US Escaudain. J’étais au collège et je suis passé en sport-études au lycée. Ils sont venus à la maison pour discuter avec moi et rejoindre les filles du LOSC. Ça m’a tout de suite fait tilt. Je savais qu’à un moment donné, j’allais devoir quitter les garçons et basculer avec les filles. J’ai eu l’impression que c’était le moment de me lancer, surtout que Lille, c'est un grand club, que les équipes féminines commençaient à bien se développer. C’était le début de l’aventure. J’avais conscience de la chance qui se présentait à moi. Avec mes parents, on n’a pas du tout hésité !
Tout est allé très vite. Tu arrives au LOSC et peu de temps après, tu effectues tes débuts professionnels à 16 ans, en octobre 2017. C’est fou !
Totalement. J’ai passé un peu de temps en U19, derrière j’ai rejoint le groupe professionnel pour des entraînements, puis il y a eu les premières apparitions en D1.
En quelques mois, tu passes des bancs du lycée à des matchs face à des internationales reconnues…
Oui, c’est dingue. Comme j’étais au lycée, je partais la semaine pour m’entraîner avec la D1 et jouer le week-end. J’étais la seule de ma génération à faire ça. J’ai signé plus tôt que certaines. Je ne remercierai jamais assez le LOSC de m’avoir donné cette opportunité.
Tu imaginais que ça puisse aller aussi vite ?
Pas du tout. Je suis jeune, très jeune. Je me disais : je vais au LOSC pour jouer dans ma catégorie. Finalement, ça s’est passé plus vite que prévu. Je ne regrette rien encore une fois. Ces années à Lille, c’était incroyable, il y avait une ambiance incroyable, un bon groupe, j’étais heureuse là-bas.
Arrive-t-on à garder les pieds sur terre quand on connaît une ascension aussi fulgurante ?
J’ai toujours gardé les pieds sur terre. Je restais comme je suis. Je me suis laissée porter par la vague. À l’époque, le fait d’être au lycée en même temps, ça m’aidait.
À quel moment as-tu compris que tu pouvais vivre du football ?
Je pense que c’est après le lycée. Avant, j’étais très concentrée sur le lycée, j’ai passé et obtenu mon bac STMG. Je n’étais pas forcément à fond école, mais je voulais bien m’en sortir, je n’ai pas lâché, je voulais avoir ce diplôme. Je suis fière de l’avoir aujourd’hui. C’était difficile de jongler entre les cours et les entraînements. Après le lycée, j’ai réalisé que je risquais d’avoir du mal à travailler en plus du football, surtout avec un contrat professionnel. Certaines arrivent à le faire. J’ai préféré me donner les moyens de ne faire que du football, pour l’instant, je ne regrette pas.
Ton ascension continue avec l’Euro U19 remporté en 2019 avec l’équipe de France. Tu t’en souviens ?
J’en garde un souvenir hors du commun. J’en parle encore aujourd’hui, j’y pense régulièrement. C’était une aventure extraordinaire, les émotions que ça procure. Depuis que je suis en U16, je porte le maillot bleu. Alors, se dire qu’on a gagné l’Euro U19 avec la France en battant l’Espagne, l’Allemagne… On avait un super groupe, un staff idéal. C’est grâce à ça que l’on a pu aller au bout. C’est une de mes plus grandes fiertés.
Vivre une telle aventure aussi jeune, ça aide à passer un cap ?
Oui, du coup, je sais désormais que tout est possible si on se donne les moyens. Il faut toujours travailler, car remporter des titres, c’est possible. C’est un premier déclic dans ma carrière. Mais à l’époque, je ne savais pas que tout allait s’enchaîner à ce point.
Justement, l’étape d’après, c’est de quitter le nord de la France, ta région natale, pour rejoindre les Girondins de Bordeaux.
Forcément, c’est toujours un peu difficile. Mais depuis l’âge de 15 ans, je suis loin de ma famille avec le sport-études. J’ai eu cette habitude de travailler seule, de faire ma vie, de me débrouiller. Du coup, au fur et à mesure, je me suis fait à cela. Il faut rentrer dans le monde des adultes !
Tu parles de rentrer dans le monde des adultes. Comme tout est allé très vite pour toi, as-tu parfois eu l’impression de passer à côté de ta vie d’ado ?
Au début de ma carrière, j’ai quand même pu profiter avec mes amis, sortir… Mais au bout d’un moment, tu passes à un niveau supérieur où il faut vraiment être sérieuse. C’est là où tu dois être clair sur tes envies. Dans ma tête, je savais très bien ce que je voulais, où je voulais aller. C’est là que tu commences à faire des sacrifices sur ta vie personnelle, bien manger, moins sortir, la préparation individuelle, s’entraîner en plus… Ces choses qui te permettent de passer un cap, essayer d’être la meilleure possible.
Tu as eu l’impression de changer de dimension à Bordeaux, en sachant que Lille était en deuxième division ?
Passer de D2 à D1 avec un club qui peut jouer la Ligue des Champions, forcément, ça change la donne… J’avais 19 ans, c’était un gros club avec des ambitions, un club historique dans le paysage footballistique.
Tu as joué 64 matchs avec Bordeaux. Malgré ton jeune âge, as-tu eu la sensation d’être devenue une cadre ?
Oui, au fur et à mesure des années. J’étais la plus jeune du groupe quand je suis arrivée. J’étais le bébé de l’équipe (rires). Avec le temps, je suis devenue une sorte de « cadre » car cela faisait trois ans que je jouais là-bas, j’avais mon confort, je jouais régulièrement. Après, tu te poses toujours des questions sur ton envie de rester ou non. Si je voulais continuer à atteindre mes objectifs, j’avais besoin d’évoluer.
Quel type de joueuse es-tu dans le vestiaire, sur le terrain dans les rapports avec tes coéquipières ?
Dans le vestiaire, je suis quelqu’un d’assez réservée. Je ne vais pas forcément prendre la parole. Mais quand je la prends, c’est l’envie qui parle, car je suis une compétitrice. Quand je prends la parole, c'est le cœur qui parle. Sur le terrain, je suis quelqu’un qui parle beaucoup à mes coéquipières, je tente de me rendre utile aux plus jeunes grâce à mes expériences.
Et comme footballeuse ?
J’ai beaucoup travaillé mon pied gauche au pôle espoirs. C’est grâce à eux que j’ai un bon pied gauche aujourd’hui. Après, je suis plus une joueuse technique, qui aime percuter, trouver les espaces grâce à ma vitesse, dévorer la profondeur, mais aussi se montrer décisive. Sur le plan individuel, j’en ai besoin.
Quels sont tes axes d’amélioration ?
Je travaille beaucoup l’efficacité. Ces dernières semaines, c’est un peu plus compliqué avec la fatigue et l’enchaînement des matchs. J’essaie de gérer ça, en tentant de rester positive, continuer à travailler à côté, ne rien lâcher pour me montrer efficace.
Quand le Paris FC arrive, comment cela se passe ?
J’avais beaucoup d’opportunités après mes trois années à Bordeaux. J’ai comparé les offres, en mettant les bons et les mauvais points. Pour moi, l’objectif était de disputer la Ligue des Champions. Le Paris FC m’offrait cette opportunité. Je n’ai pas hésité une seconde. Le projet était intéressant et je ne regrette pas du tout. Le club donne tout pour les joueuses. Les dirigeants, le président… ils sont à fond dans le projet. C’est ce que j’aime. Je suis fière d’être là. On a joué la Ligue des Champions, on a vécu de grandes émotions…
Tu as parfaitement signé ton arrivée avec ce match face à Wolfsburg et ce super but (contrôle - demi-volée de 25 mètres). Ça t’inspire quoi ?
Lors de la préparation, je me sentais épanouie, j’avais l’impression d'être là depuis longtemps. J’appréhendais ce moment. Ça n'est pas facile de changer de club. Mais je suis très contente. Tout s’est passé très vite encore une fois. Ça me permet d'être libérée sur le terrain et cela dès mes premières apparitions. Ce but face à Wolfsburg est l'un des plus beaux de ma carrière. C’est quand même un match de Ligue des Champions face au finaliste de la dernière édition. J’ai l’impression que le destin m’avait choisie. À Bordeaux, on s’est fait éliminer. Là, je les retrouve avec le PFC. Je n’ai même pas les mots pour expliquer le moment.
On sent de l'émotion dans ta voix…
Oui, c’était hors du temps. Il y avait énormément de supporters. On a un groupe incroyable. Ce sont des émotions, j’ai encore ce but dans ma tête, je m’en souviendrai toute ma vie, c’était « ouf ». Je n’ai pas les mots pour expliquer.
Il y a eu ce match face à Wolfsburg, des victoires face au Real Madrid, des performances en D1. Tu ressens une pression différente avec les ambitions de ton club ?
Oui, mais notre objectif, c’est de tout gagner. La pression, ça ne me touche pas forcément. On est dans une optique de gagne, on a une équipe capable de cela, donc ça se gère.
Au classement, vous êtes sur le podium. Avec les play-offs en fin de saison, on se dit que tout est possible, n’est-ce pas ?
On a des objectifs très élevés. Certains ont été atteints, d’autres non. Il faut passer à autre chose le plus vite possible. Les play-offs, c’est important pour nous. Ça rend la saison plus excitante. Au moins, la fédération change quelque chose dans le championnat. Ça avance petit à petit. Forcément, il y a de l’excitation, car tout est possible.
Parlons des Bleues. Tu effectues ton premier banc avec l'équipe de France à l’occasion d’un match contre le Portugal, à Valenciennes, là où tu as grandi. C’est un signe…
C’était incroyable, toute ma famille était là, il y avait beaucoup de monde que je connaissais en tribunes. J’ai chanté la Marseillaise, tout le monde me regardait, c’était émouvant. Une convocation en équipe de France, c’est le Graal. Mais le rêve n’est pas terminé, je vais tout faire pour faire grimper mon compteur de sélections.
Et pour ta première sélection, face à la Norvège, Hervé Renard a dit de toi que tu « volais sur le terrain ». Ça booste ?
C’est tellement important de ressentir la confiance du coach. À ce moment-là, j’étais très bien. C’est aussi grâce à mon club qui m’a préparé à la perfection. Je tente désormais de poursuivre sur cette dynamique. J’étais contente d’avoir pu lancer cette aventure avec les A, mais l’objectif, c’est de s’installer à long terme. Quand on arrive au château de Clairefontaine, c’est un peu un rêve de gosse. On a plein d’images en tête quand on débarque. On rejoint forcément les meilleures des meilleures. C’est un sacré accomplissement personnel.
Où as-tu regardé la Coupe du Monde 2023 ?
Chez moi, sur mon canapé.
Et les Jeux olympiques, tu penses les regarder où ?
Depuis la pelouse ! J’espère y être. C’est un objectif. J’enchaîne les convocations en équipe de France et cette grosse échéance se rapproche. Forcément, on y pense. C’est une compétition qui fait rêver. On verra les choix du coach.
Tu joues à Paris, les Jeux olympiques sont à Paris. C’est la première fois en 100 ans que ça arrive… c’est un évènement immanquable.
Oui, je vais jouer à domicile si je participe. Ce serait une fierté immense de pouvoir y participer. On va tout faire pour.
Tu as pu côtoyer de grandes joueuses en équipe de France et avec tes clubs. Quelle est celle qui t’a le plus impressionnée ?
Je pense tout de suite à Eugénie Le Sommer. Je vois comment elle est au quotidien en équipe de France, je suis ses performances à l’Olympique Lyonnais. Je trouve que cette joueuse a tout sur le terrain, l’envie, le talent, la technique. C’est une inspiration. C’est un plaisir de la voir évoluer, la voir travailler. Elle a une carrière majuscule. J’essaie de m’inspirer de ce qu’elle fait.
Je pense que j’attendrai surtout la fin de saison pour donner la note. Il faut laisser une appréciation générale quand tout sera terminé. Pour l’instant, les choses se passent plutôt bien. Mais je peux faire encore plus de choses.
On attendra le verdict du conseil de classe à la fin de la saison.
Oui, c’est ça, on va tout faire pour les convaincre.
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