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·17 janvier 2025
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Sélectionné dans toutes les équipes de France, Aymeric Laporte, longtemps laissé de côté par Didier Deschamps, a pris le parti de représenter l’Espagne. Sous le maillot de la Roja, le joueur de Al Nassr a raflé la Ligue des Nations 2023 et l’Euro 2024. Désormais tourné vers le Mondial 2026, « Ayme » n’est pas rassasié. Comme quoi, évoluer en Arabie saoudite et conserver de grandes ambitions ne s’avère pas incompatible.
Voici quelques extraits de notre interview de Aymeric Laporte. L’intégralité de cet interview de 8 pages est à retrouver dans le magazine n°368 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 6 décembre 2024.
Tu es lassé que les médias te posent toujours les mêmes questions. Donc, Aymeric, si tu étais journaliste, quelle question poserais-tu à Laporte ?
(Rires). J’aurais aimé réfléchir à ta question avant. Je n’ai pas d’idée de question comme ça. Laisse-moi penser un peu (Il coupe). Oui, c’est toujours les mêmes questions, mais en même temps, c’est les plus intéressantes pour le lecteur, je pense. Enfin, pour faire de la pub, pour faire parler les gens, pour avoir des gros titres, ces mêmes questions marchent vraiment. C'est toujours comme ça. Après, nous, les footballeurs, on aime être discrets et s’éloigner des problèmes. Regarde, j’ai récemment fait une interview avec RMC, et tous les gros titres ne vont pas dans mon sens. Ça ne me sert vraiment pas. Alors que quand tu écoutes l’interview dans son intégralité, ces mêmes gros titres n’ont rien à avoir avec mes propos.
Tu n’as donc pas d’idée ?
Si. J’aurais posé les mêmes questions, évoquer les mêmes idées de thèmes, mais après, j’aurais titré différemment. Je n’aurais pas cherché à faire de gros titres en essayant de tailler Aymeric Laporte. Le problème, ce n’est pas les questions, ni les réponses, ce sont les interprétations qui sont faites par la suite, on va dire.
Si tu devais donner une phrase pour définir Aymeric Laporte, que dirais-tu ?
Ouaaouuuh, tu m’enchaînes avec des questions philosophiques où il faut vraiment penser. (Il réfléchit) Je donnerais une phrase que tout le monde a en tête, que tu sois footballeur ou non. Je dirais : « Ne lâche jamais tes objectifs même si des obstacles te cassent le chemin ».
Quel est le plus grand obstacle de la carrière d’Aymeric Laporte ?
J'ai connu de nombreux obstacles. Le plus grand ? Je dirais mon changement de nationalité. Enfin, je ne sais pas si c’était un obstacle, en tout cas, c’est un choix qui m’a marqué. J’ai pris de nombreuses décisions fortes depuis que je suis tout petit et tout au long de ma carrière : quitter la France pour rejoindre l’Espagne, quitter l’Espagne pour rejoindre l’Angleterre et enfin quitter l’Europe pour signer en Arabie Saoudite.
Quelle est ta relation avec l’Espagne ?
L’Espagne, c’est tout mon apprentissage. J’ai rejoint ce pays à 15 ans, j’y suis resté huit ans, jusqu’à mes 23 ans. J'ai beaucoup d'amis en Espagne, à Bilbao. Ma femme est de Bilbao aussi. Mes enfants sont nés en Espagne. J’ai une attache forte avec ce pays.
Ironie du sort, la défense centrale de l’Espagne est composée de deux joueurs nés en France : Romain Le Normand et toi.
C'est vrai, durant l’Euro remporté cette année, on a formé la charnière centrale de l’Espagne. Mais sincèrement, ça ne m’inspire rien de spécial. Je suis content de ce qu’on apporte à la Roja. On donne tout pour remporter tous les titres possibles. On a vécu quelque chose de magique. Nous sommes fiers de représenter l’Espagne.
Les joueurs français ou les joueurs formés en France s’exportent bien. Comment expliques-tu cela ?
Les Français ont une mentalité très prononcée. Ils sont très compétitifs, ils sont très acharnés sur leur travail, comparé à d'autres pays où les gars sont un peu plus « light ». En France, on apprend aux joueurs à avoir une mentalité de guerriers, les gars ont faim, ils veulent toujours être au-dessus de leurs adversaires ou même de leurs propres coéquipiers. Ils sont toujours en compétition, prêts à relever des challenges. Il y a aussi plein de bons joueurs, la concurrence est féroce. Voilà ce qui fait la différence.
Tu as toujours fait preuve d'une grande confiance en toi. Cette confiance a déjà été interprétée comme de la suffisance. As-tu cette impression aussi ?
De ce qui s'est dit, j'ai l'impression que oui, les gens pensent que je suis un joueur suffisant, car j’ai confiance en moi. Après, je vais te dire un truc : je n'ai jamais joué à un jeu que je ne maîtrisais pas. J'ai toujours joué de la même manière. Si tu regardes mon premier match en première division et mon dernier match joué, tu verras toujours la même personne, la même personnalité. Je n’ai jamais changé. C'est très difficile de changer une personnalité sur un terrain, surtout quand tout va très vite et qu’on parle de haut niveau. Mon jeu et mon comportement peuvent s’interpréter de différentes manières, selon les gens qui regardent le foot d’une manière ou d’une autre. Mais non, je ne suis pas un joueur suffisant.
Cette confiance en toi est une force, n’est-ce pas ?
Cette confiance a défini aussi ma carrière, après, je ne dirais même pas que j’ai confiance en moi (il coupe). La vérité, si moi, je n’ai pas confiance en moi, qui va avoir confiance en moi ? Tu es obligé de t'imposer un peu de confiance, sinon personne ne va le faire pour toi. Donc, il faut avoir un peu de confiance, être humble et travailler dur pour atteindre ses objectifs.
Tu as un palmarès fourni, qu'est-ce qui te pousse encore à te battre ?
Une Coupe du Monde arrive d'ici à un an et demi. J’y pense beaucoup et ça me donne envie. La vie de footballeur est plutôt sympa, vivre en groupe, partager de grands moments, être compétitif. J’aime tout ça. Je veux profiter sur le terrain, jouer de beaux matchs. C’est hyper stimulant, c’est intéressant et ça me plaît toujours autant.
Tu évolues avec Cristiano Ronaldo à Al Nassr, tu te vois jouer comme lui jusqu'à tes 40 ans, sachant que tu as 30 ans ?
Non, je ne me vois pas du tout jouer jusqu’à mes 40 ans. Après, on verra ce que la vie nous réserve, mais sincèrement, je ne pense pas jouer encore 10 ans.
Pourquoi ?
Il faut penser à l’aspect physique. Cristiano n’a jamais eu de grosse blessure durant sa carrière. Moi, j’en ai eues pas mal. J'ai commencé très tôt, lui aussi, c'est vrai. Mais c'est un autre poste. Je suis défenseur, lui est attaquant. C'est différent, les positions sont différentes. C'est vrai, niveau longévité, c'est mieux d'être défenseur, mais il y a beaucoup de travail, tu reçois beaucoup de coups, tu as de nombreuses confrontations, plus de duels. En étant attaquant, tu as moins de problèmes physiques, tu reçois moins de coups.
Tu es un défenseur réputé pour être très propre. Tu n’aimes pas faire mal ?
Non, ça dépend des moments. Tu ne vas jamais dans un duel pour faire mal. Tu peux faire une faute en étant costaud pour que l’adversaire comprenne que tu seras présent tout le match. Il ne faut pas que l’attaquant pense que tu es un défenseur tout mou. C’est tout. Moi, je n’ai jamais l’intention de faire mal ou de blesser.
L’idéal est d’éviter le tacle aussi ?
Quand c'est nécessaire, il faut le faire. Mais aujourd'hui, c'est plus compliqué de tacler, de récupérer le ballon en tant que défenseur, parce que le moindre contact, c'est penalty, VAR, carton. C'est très facile pour les attaquants de trouver des astuces pour que les défenseurs soient en difficulté.
Les statistiques sont très importantes. Quelle est la plus belle stat qui ressort à ton sujet ?
J'ai eu pas mal de bonnes statistiques. J'ai le record de tous les temps de passes réussies en Premier League. J’en suis plutôt fier. J’ai connu aussi de belles victoires. J’ai participé à de nombreux clean sheets. Ce record de passes réussies me fait plaisir. Mais franchement, je n’ai jamais cherché à décrocher ce record, ça s’est fait naturellement. C'est bien de l'avoir. C'est tout.
Tu as remporté l’Euro tout en évoluant en Arabie saoudite. Comment peut-on rester compétitif tout en jouant dans un championnat dit exotique ?
En restant sérieux, en gardant des objectifs élevés, en travaillant dur, en prenant soin de soi-même, en s’obligeant à faire du travail supplémentaire.
Pourtant, tout le monde disait : « Laporte en Arabie saoudite, il est en pré-retraite », c’est exact ?
Oui, c'est l'idée de beaucoup de gens. Tu as le meilleur exemple avec N'Golo Kanté. Il est en Arabie, il a fait un très bel Euro, il est en forme. C'est un joueur très sérieux, c’est un exemple pour beaucoup de gens.
Comment rester professionnel en Arabie saoudite malgré les contraintes ?
Justement, la tâche est compliquée. Il faut rester professionnel, il faut savoir ce que tu veux dans la vie. Il faut être concentré sur tes objectifs et te donner les moyens de rester compétitif. Il faut simplement garder la même ligne de conduite qu’en Europe, ce qu’on a toujours fait durant des années. Je suis en première division depuis 12 ou 13 ans, je sais ce que j’ai à faire. Je n’ai pas pour habitude de changer mes routines. Ce n’est pas mon état d’esprit, je ne me repose pas sur mes lauriers. Je continue à faire les mêmes choses, pour le moment, ça marche, donc aucun problème.
Comment ton départ a-t-il été interprété en Espagne ? En France, c’est plutôt mal vu de signer en Arabie saoudite…
Toutes les décisions prises durant ma carrière ont toujours été mal vues. Je ne pense pas forcément à ce que les gens disent ou pensent. Je pense surtout à ma famille, à moi et à ce qui est le mieux pour nous. Ça peut être de bonnes ou de mauvaises décisions, mais je les prends et je n'attends pas que d'autres personnes les prennent pour moi. Ce sont des choix personnels. Les gens n'ont pas non plus le droit de choisir ou de juger la vie des autres. Mais bon, c’est comme ça.
Tu es un footballeur professionnel et un personnage public, n’est-ce pas difficile de voir sa vie constamment commentée ou critiquée ?
Il y a des moments de hauts et de bas. Parfois, on a l’impression que les gens veulent s’emparer de nos vies. Et au fur et à mesure des années, tu comprends que c’est comme ça, c’est le marketing. Il faut que les gens parlent, il faut accepter. Tu essaies de l’entendre, tu essaies de le comprendre, tu vois que des gens sont avec toi, d’autres contre toi. Il y a tellement d’enjeux que, parfois, c’est illisible. On va préférer un joueur et pas un autre, car on peut faire plus de marketing avec lui. Si tu t'entends bien avec certains journaux, tu vas être mieux noté que d’autres. C'est comme ça, c'est le foot, c'est presque de la politique. C’est tout. Le seul truc, c'est qu'il faut être bien dans sa tête, il faut essayer de s'échapper. Ce n'est pas toujours facile parce que tu connais des hauts et des bas, comme tout le monde dans la vie. Mais si tu es bien, normalement, tu devrais réussir à passer au-dessus de tout ça.
Le petit Aymeric Laporte pensait-il que la vie de footballeur allait être comme ça ?
Pas du tout. Évidemment, jouer en première division, c'était le rêve ! Mais tout ce qu’il y a autour du football, je ne m’attendais pas à ça. Et je n’aime franchement pas ça. Mais bon, tu ne peux pas tout avoir non plus dans la vie. Ce sont des choix à prendre, des choix à faire. J'aurais pu dire : « J'arrête parce que je n'aime pas », mais je suis là, j'ai continué. C'est un choix de vie aussi.
Tu as déjà pensé à dire : « J'arrête parce que je n'aime pas » ?
Pour plusieurs raisons, oui, mais je suis toujours là. Ce n'est plus une question que je me pose.
Pour quelles raisons ?
L’enchaînement de blessures, les critiques, plein de choses.
As-tu déjà mal vécu certaines critiques ?
Pas les critiques, plutôt des commentaires. Il y a des pseudo pros du foot qui commentent sans arrêt, qui pensent tout savoir sur le foot alors qu'ils ne savent rien. Ils ne connaissent pas les consignes de l'entraîneur, ils ne savent rien ! Mais ils te tuent de toute manière. Ce n'est pas un seul commentaire qui m'a fait douter à un moment donné ou quoi que ce soit. Quand tu fais une erreur ou quand tu fais quelque chose de pas bien sur un terrain, tu le sais très bien. Le joueur sait très bien qu'il a loupé son penalty. Le joueur sait s’il a fait une bonne passe ou pas. Le joueur sait s’il a mis en difficulté un partenaire ou pas. Que les gars à l’extérieur le répètent 20 fois, ça te fait mal parce que tu sais très bien que ce n'était pas ton objectif. Le joueur fait toujours de son mieux, mais parfois, il rate. Mais certains prennent du plaisir à appuyer sur ces ratés, ils le répètent, ta famille et tes amis voient ensuite que des gens parlent mal de toi. Ça influence un peu tout le monde. Voilà ce qui est problématique. Maintenant, ma famille ne regarde plus rien du tout. C'est beaucoup mieux comme ça.
Tu te vois consultant à la télé après ta carrière ?
J'ai vu beaucoup de personnes, d'anciens joueurs qui ont répondu à cette question en disant : « Jamais de la vie ». Et finalement, ils sont devenus consultants à la télé. Je ne vais pas me prononcer fermement, mais je préférerais être loin de tout ça parce que je n’irai pas dans le même sens qu’eux.
Beaucoup ont un avis négatif sur l'Arabie saoudite, le pays, sans même avoir été sur place. Peux-tu nous faire un retour ?
Comme partout. Il y a de tout. Avec ma famille, on vit librement, on n'a pas trop de contraintes. On a une vie normale. À Manchester, il y avait beaucoup de pluie. À Riyadh, il y a beaucoup de trafic. C’est difficile de bouger, de circuler, sinon, tu passes beaucoup de temps dans ta voiture. À part ça, tout va bien. Il y a plein d’événements, les plus grands shows de ces dernières années ont eu lieu en Arabie Saoudite. Il y a plein d’activités. Il y a de très bons restaurants aussi. Mais simplement, il faut tout anticiper à cause du trafic.
Tu ne vois aucun autre point négatif ?
Il peut y en avoir d’autres, mais là, comme ça, je n’en vois pas. Chacun doit s’adapter au pays. Je m’adapte à la situation. Comme eux s’adaptent quand ils viennent en Europe.
Qu’aimes-tu en dehors du foot ?
J'aime regarder des films et des séries avec ma famille, ma femme. Mention spéciale pour Prison Break, le scénariste a été très fort, il a eu beaucoup d’imagination pour écrire cette série. J’aime jouer au Padel avec mes potes. J'aime la PlayStation, jouer à Fortnite.
Quel est ton niveau au Padel ?
Normal. Tu connais, tout le monde se prend pour les meilleurs, donc (sourire)…
Dernière question : comment imagines-tu ton après-carrière ?
Pour le moment, je n’y pense pas.. Je suis concentré sur ce que je fais aujourd'hui. En parallèle, j'ai mes petits business, financièrement, je ne suis pas dans le besoin. Mais pour m’occuper à l’avenir, j’ai déjà quelques idées.
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