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·8 janvier 2024
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Amir Abdou voit double. Pour sa deuxième expérience en tant que sélectionneur, le franco-comorien, natif de Marseille, va participer à sa deuxième Coupe d’Afrique des nations. Placé dans le top 10 des meilleurs entraîneurs africains de l’année – classement établi par la CAF -, le sélectionneur de 51 ans a grimpé les échelons jusqu’à arriver au poste de sélectionneur de la Mauritanie.
Dans le rush, à cinq jours du début de la compétition, celui qui a été propulsé d’un banc de DH (devenu Régional 1, ndlr) au siège de sélectionneur national des Comores, a accordé trente minutes d’entretien à Befoot. Un temps (presque) suffisant pour aborder ses exploits avec son pays d’origine, lors de la dernière édition, mais surtout ses ambitions dans cette Coupe d’Afrique des nations, ainsi que sa belle vie en Mauritanie.
Vous figurez parmi les dix meilleurs tacticiens africains. Qu’est-ce que ça vous fait d’être autant considéré sur le continent ?
C’est beaucoup de sacrifices et de travail qui paye. On sait d’où l’on vient. Je suis arrivé par le bas, pour ensuite bousculer la hiérarchie en haut. J’essaye de trouver ma place, et je suis assez fier de ce que je suis en train de réaliser.
Vous n’êtes pas un jeune entraîneur, mais est-ce qu’on a encore le droit de vous considérer comme un jeune sélectionneur ?
Ça fait dix ans que je suis sélectionneur, donc non. Par contre, je suis nouveau dans le circuit professionnel, c’est sûr. Mais en tant que sélectionneur, non. J’ai pris mes marques. Quand on atteint un objectif, qui est de se qualifier pour une Coupe d’Afrique des nations, pour moi, on gagne son ticket d’entrée (sourit).
C’est votre deuxième Coupe d’Afrique des nations. Vous commencez à avoir de l’expérience en Afrique…
Bien sûr. Ce que j’ai fait et pu produire avec cette sélection des Comores (2014-2022), mon pays d’origine, ce sont des choses fantastiques. Cela permet d’emmagasiner autant d’expériences, de façon à pouvoir travailler sur d’autres continents. D’autant plus que j‘avais très peu de moyens avec les Comores. Je pense que quand vous arrivez du bas, et que derrière, vous arrivez à trouver une sélection davantage structurée, c’est plus facile.
Vous avez réagi au tirage au sort de la Coupe d’Afrique des nations par « Prêt pour la grand-messe du football ». Que vouliez-vous dire par là ?
C’est le sommet, pour les sélectionneurs africains, comme en Europe avec l’Euro. Après, l’apothéose pour moi ça serait une Coupe du monde, mais là, c’est le sommet (insiste). Tous les projecteurs sont tournés vers nous, et ça va être une belle fête en Côte d’Ivoire. En plus, cette année, en entendant tous les experts et tous ceux qui parlent de cette compétition, il y aura beaucoup d’équipes qui voudront la gagner. Je pense que ça va être une belle Coupe d’Afrique des nations.
Objectif victoire pour Amir Abdou et ses hommes dans cette Coupe d’Afrique des nations, chose qui n’est jamais arrivée dans l’histoire de la Mauritanie. © Icon Sport
Pour vous, l’Algérie est le favori de cette compétition. Qu’est-ce que prépare la Mauritanie pour lui faire face ?
Déjà, je ne peux pas trop m’avancer sur ce match. Nous avons quand même le Burkina Faso, qui est un favori, à jouer. Avec l’Angola, nous allons essayer de jouer les trouble-fêtes. Le premier match face aux Burkinabés va être déterminant pour la suite. Les points vont être chers, et il va falloir en récolter pour ne pas être perdu dans cette course.
Pour l’Algérie, je ne sais pas comment l’aborder. Il faudra d’abord passer par le premier match. Il se peut qu’elle gagne ses deux premières rencontres et soit presque qualifiée, ou qu’elle aille chercher sa qualification contre nous. Il y a plein de paramètres, pour l’instant, nous ne sommes pas entrés dans cette compétition.
Ce groupe D, le considérez-vous comme homogène, ou plutôt comme déséquilibré ?
Ce n’est pas un groupe homogène. Pour moi, l’Algérie se détache de très loin. Après, le Burkina Faso est derrière. Nous sommes derrière ces équipes-là. En termes d’expérience et aussi de qualités des effectifs, ils sont armés. Après, il ne faut pas enterrer l’Angola, qui est une belle équipe avec de beaux joueurs. Nous allons nous battre pour exister dans ce groupe, mais l’analyse, c’est qu’il n’est pas homogène, loin de là.
La Mauritanie n’a récemment connu que des déceptions sur la scène africaine. Elle doit être remontée à bloc avec votre arrivée, vous qui avez réalisé l’exploit d’emmener les Comores en huitièmes de finale il y a deux ans…
Ma venue n’était pas anodine. J’avais déjà entraîné un club là-bas (FC Nouadhibou), et j’étais assez reconnu vis-à-vis de mon travail. Il y a quand même eu un effet médiatique assez important avec la qualification des Comores en 8e de finale de la dernière Coupe d’Afrique des nations. Comme on dit, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Même si la Mauritanie m’avait sollicité, j’avais d’autres propositions de pays africains. J’ai choisi ce pays notamment pour la stabilité et ma connaissance du football local. Le président m’a donné la chance de doubler mes objectifs, c’est-à-dire travailler sur le CHAN, et sur la Coupe d’Afrique des nations. Ils ont été atteints, et j’en suis fier.
Gagner un match va d’abord être une priorité, étant donné que la Mauritanie n’en a jamais gagné lors d’une Coupe d’Afrique des nations. Comment comptez-vous y remédier ?
C’est très simple de se fixer des objectifs. Quand on n’a jamais gagné, le but c’est forcément une première victoire. Nous essayons de nous structurer. Tout ce que nous sommes en train de réaliser n’est pas dû au hasard. Il y a eu une série de quinze matchs sans défaite. Le parcours continue. Nous avons fait un très bon résultat face à la Tunisie (0-0, en préparation, ce week-end, ndlr), qui est quand même dans le top 20 voire 30 mondial. Face à eux, un match nul est synonyme de victoire. Cette équipe tunisienne est forte individuellement et collectivement, et en plus, c’était là-bas. Faire ça chez elle, c’est positif pour la suite.
Vous avez fait tomber le Gabon en barrages, il y a quelques mois. Ça en dit long sur la force mentale de cette équipe des Mourabitounes…
C’est un collectif. Nous n’avons pas de joueurs ultra performant individuellement, mais nous avons surtout une équipe bien huilée et très disciplinée. Elle peut renverser des montagnes, mais aussi se casser la figure.
Et au pays, qu’est-ce que les Mauritaniens attendent ?
Ils rêvent tous d’une bonne participation, et veulent un huitième de finale. Ils veulent qu’on représente l’équipe haut et fort. Faire taire les critiques ? Nous travaillons, et nous souhaitons atteindre notre objectif : hisser très haut le drapeau de la Mauritanie.
« C’est un joueur de qualité qui va pouvoir nous apporter sur le plan offensif. Il a tout pour devenir un grand joueur. Les qualités sont au-dessus », constate Amir Abdou concernant Aboubakary Koita, attaquant de la Mauritanie.
Vous vous êtes entraînés à Rabat, en juin, et avez eu la chance de recevoir la visite d’un certain Walid Regragui. Avez-vous pu profiter de quelques conseils pour vous hisser en demi-finale de Coupe du Monde ?
Nous avons échangé et c’était un moment passionnant. On se connaissait un petit peu avec Walid. Il est venu rendre visite à mon staff et moi. Nous nous sommes retrouvés à échanger ensemble pendant trois heures sur le football en général, les anecdotes, son parcours… C’était une belle fierté de le voir.
Quel regard portez-vous sur les bi-nationaux, de plus en plus nombreux en Afrique ?
Les concernant, c’est une fierté. Il y avait toujours le choix par défaut, à l’époque c’était le cas pour beaucoup de joueurs. Quand ils ne pouvaient pas opter pour le pays dans lequel ils sont nés, quand ils n’en n’avaient plus la possibilité, ils choisissaient le pays de leurs parents. Maintenant, c’est ce qu’il se passe. Ils choisissent de suite cette option. Les nations sont plus fortes, plus structurées, et il n’y a plus d’ambiguïtés par rapport à cela.
La Mauritanie se situe entre le Maroc, l’Algérie, le Sénégal et le Mali. Être dans cette situation ne facilite pas pour les attirer…
C’est toujours pareil, la Mauritanie est toujours la dernière roue de secours. Le joueur va plutôt choisir le Sénégal s’il a des origines sénégalaises et mauritaniennes, et puis ensuite, il se tournera vers nous. Voilà, les joueurs préfèrent prendre l’équipe de France avant de partir dans leur pays d’origine. Tout ça, ça fait partie d’un fonctionnement. Ils font aussi leur carrière. Certains font le choix du cœur, d’autres réfléchissent par rapport à leur carrière.
Aboubakary koita est actuellement dans la forme de sa vie en D1 belge (11 buts en 20 matchs avec Saint-Trond), a décidé de rejoindre les Mourabitounes. Est-il la clé de votre attaque ?
La clé ? Je n’ai pas une boule de cristal. Mais oui, il va apporter un plus, c’est certain. C’est un joueur de qualité qui va pouvoir nous apporter sur le plan offensif. Il est un bon joueur, avec un bon état d’esprit. Il a tout pour devenir un grand joueur. Les qualités sont au-dessus.
Hormis le football et les plages, que pouvez-vous nous dire sur la Mauritanie ?
Déjà la tradition, c’est le thé et la plage (sourit). Prendre du bon temps au bord de mer, le Méchoui (la spécialité gastronomique), il y a des endroits dans le désert… C’est un pays à voir et à découvrir. Les habitants sont très gentils, et on se sent à l’aise en Mauritanie.
Revenons aux prémices de votre carrière de sélectionneur. Lorsque votre téléphone a sonné pour vous proposer le poste de sélectionneur des Comores, vous aviez cru à un canular. Si on vous avait annoncé votre parcours actuel, auriez-vous pensé à une énorme blague ?
J’aurais cru être dans un rêve, et là, il est devenu réalité. Comme je l’ai dit, c’est avec force, persévérance et pugnacité qu’on atteint nos objectifs. Quand on ne lâche rien, on peut déplacer pas mal de choses.
« Sélectionneur, c’est un métier passionnant. Pour l’instant je suis bien à ce poste-là, mais pourquoi pas, un jour, revenir en France. »
Initialement, vous n’étiez-pas amené à avoir un parcours si rapide. Comment on se retrouve propulsé au rang de sélectionneur national en l’espace de deux ans, quand on est sur le banc d’un club de Régional ?
En fait, ça s’est fait vite. Je devais être adjoint. Je me suis finalement retrouvé numéro un très rapidement. Avec persévérance, j’ai pu apporter ma patte. Il y a eu des hauts et des bas pendant mon parcours, mais au final, j’ai réussi à amener ma très haute sélection.
Vous avez permis à votre pays d’obtenir une qualification historique en huitième de finale, lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations. Décrivez-nous votre expérience sur le banc des Comores en un mot.
Mon passage était inoubliable. Ce passage avec les Comores est fantastique. D’autant plus quand c’est ton pays d’origine. C’était une grande fierté d’amener ma sélection en Coupe d’Afrique des nations (puis en 8e de finale, pour la première fois, en 2022, ndlr).
Cette vie de sélectionneur vous plaît, mais pour combien de temps ?
Sélectionneur, c’est un métier passionnant. C’est vrai que c’est complètement différent d’être entraîneur au quotidien. Pour l’instant je suis bien à ce poste-là, mais pourquoi pas, un jour, revenir en France.