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·21 décembre 2024
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La Ligue 2 est un championnat qui recèle de nombreux talents. Chaque année, plusieurs pépites franchissent le cap et brillent dans l'élite. Tous les mois, Onze Mondial part à la découverte de ces cracks de l’ombre. Formé au Clermont Foot, puis révélé à l’ASSE, Alpha Sissoko poursuit son bonhomme de chemin avec QRM. En fin de contrat dans quelques semaines, le latéral droit veut finir sur une bonne note avec le club rouennais avant de prendre sans doute un nouvel itinéraire. Rencontre avec un garçon attachant à la personnalité mystérieuse.
Voici quelques extraits de notre interview de Alpha Sissoko. L’intégralité de cet interview de 2 pages est à retrouver dans le magazine n°364 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 9 février.
Entretien réalisé avant son transfert à Guingamp.
Alpha, est-ce que tu peux me parler de tes premiers pas dans le foot, comment le foot est venu à toi ?
Mes premiers souvenirs remontent à Aubervilliers. Je jouais au foot avec mes grands frères, devant chez moi, j’ai eu le ballon comme ça, dans mes pieds. Après, en club, j’ai commencé à l’AS Courneuvienne, ensuite, je suis passé par le CM Aubervilliers, le Red Star, Drancy. C’est à ce moment-là que j’ai eu mon déclic et que j’ai quitté le domicile familial.
La Courneuve, Aubervilliers, Red Star, Drancy, il y en a plein qui prendraient peur en voyant le nom de tes premiers clubs ?
Pour moi, ça a été que de bonnes expériences. Je passe d’un club à côté de chez moi où je fais mes bases à un autre club situé dans ma ville. J’ai tout de suite sauté sur l’occasion, car c’était à quelques mètres de chez moi. Pour moi, l’adaptation s’est toujours bien déroulée parce que j’ai grandi dans cet environnement. Une personne de l’extérieur peut avoir des a priori par rapport aux endroits où j’ai joué, mais pour moi, ça s’est fait naturellement, je retrouvais des potes dans tous les clubs où je suis passé. Ce n’était que du positif.
En 2013, après Drancy, tu signes à l’AS Montferrandaise, en Auvergne, tu as conscience que c’est atypique ? Pourquoi là-bas ?
Oui, mais déjà, je dois raconter comment ça s’est passé. C’était lors d’une détection, je réalise des prestations plutôt correctes, et derrière, je reçois un courrier où c’est écrit ASM. Dans ma tête, c’était directement l’AS Monaco. Mon frère me dit « non, c’est l’AS Montferrandaise, c’est en Auvergne ». Je ne savais même pas où ça se situait. Je commence à regarder, à prendre des infos, et dans ma tête, c’était directement non. Finalement, j’ai réfléchi, discuté. Et comme ça se passait sur une année, que les meilleurs joueurs de l’AS Montferrand basculaient au Clermont Foot au bout d’une année, je me suis dit pourquoi pas. Je signe là-bas, au départ, c’est un peu compliqué par rapport aux repères. Je passe d’une grande ville à un endroit avec des montagnes, ça change mon quotidien.
Comment se passe ton année sur place ?
Footballistiquement, super bien. J’arrive dans une équipe composée de joueurs venus de partout. On formait une famille. C’était une magnifique expérience. Après, mon expérience personnelle, dans ma tête, je n’étais pas spécialement prêt à me retrouver dans un cadre. Une anecdote : le jour de mon arrivée, le soir même, je suis sorti dehors. J’avais ce réflexe de vivre à ma manière. Immédiatement, il y a eu des remises en questions, des rappels à l’ordre. Au bout de quelques semaines, je me suis adapté et mis au diapason.
Un an après, tu rejoint le centre de formation de Clermont Foot. Comment ça se déroule ?
C’était encore une étape supplémentaire. Là, je commence à tutoyer le monde professionnel, à passer le cap dans une division plus relevée en U19 Nationaux. J’ai fait en sorte de montrer ce que j’avais à faire pour grimper petit à petit.
Tu gardes quels souvenirs de tes années au centre de formation ?
Avec le recul, on se dit que ce sont les meilleures années. Sur le coup, il y a forcément des hauts et des bas. Je ne vais pas dire que c’était facile, mais déjà, on rentre dans l’éloignement de chez soi. De nature, je suis assez solitaire, très focus sur le foot, donc je n’ai pas ressenti le manque. Le côté négatif, c’est de rentrer dans un monde professionnel avec un but précis. À un moment, il faut faire en sorte que ça se passe bien. J’ai eu des périodes où je ne jouais pas, il y a eu pas mal de remises en question. Par exemple, on avait une équipe 3 qui disputait des matchs dans des bleds improbables, c’était limite si les mecs ne buvaient pas des bières à la mi-temps. Je suis aussi passé par là. Je n’ai pas lâché pour finalement m’imposer.
Si je te dis 20 décembre 2017, ça te dit quoi ?
Un match en pro, non ?
Non !
Ah, mon premier contrat pro. C’est un bon souvenir. Ce n’est pas une finalité, plutôt un commencement. Dans ma tête, je me suis toujours dit que je voulais devenir professionnel, mais je savais que ce n’était qu’un début. Je crois que j’étais chez moi, le coach Pascal Gastien m’appelle et me dit grosso modo : « Ce que tu fais c’est bien, ce que tu montres c’est bien ». Au départ, je croyais que j’avais fait une bêtise (rires). Finalement, j’ai vu que c’était positif. Et là, il me lance : « Je crois qu’on va te faire signer pro ». Pour que dans ma tête je me dise que rien n’est acquis. J’ai le sourire, je suis content, mais je ne m’enflamme pas, je garde ça pour moi et je n’en parle pas spécialement à mon entourage. Je connais des gens qui ont signé pro, l’année d’après, limite ils avaient arrêté le foot…
C’était trois mois après ton premier match pro. D’habitude, les joueurs signent leur contrat avant de débuter en pro...
Il faut toujours prouver. J’ai l’opportunité de me retrouver dans le groupe professionnel, puis de participer à un match, c’était contre Châteauroux si je ne me trompe pas. Je rentre en fin de match, je ne me souviens plus du résultat (victoire 2-0 de Clermont, ndlr), mais ce n’était pas du tout à mon poste. Je rentre comme attaquant gauche, avec un grand maillot qui me descend jusqu’aux genoux (sourire). Sur le coup, je ne réalise pas, mais ce n’est que du positif.
Après deux années chez les pros, tu t’engages avec Saint-Étienne, j’imagine que tu vis un rêve à ce moment-là ?
Je n’arrive pas à me dire un rêve, je dirais plutôt que je franchis un cap. J’effectue mes deux années professionnelles, ça se passe bien. Il y a des clubs qui se présentent à moi, en Ligue 2 comme en Ligue 1. Quand j’ai entendu Saint-Étienne en Ligue 1, je n’ai hésité. Avec le recul, je ne vais pas dire que c’était trop tôt, mais il fallait peut-être confirmer une saison supplémentaire pour arriver avec plus de crédit dans un club comme l’AS Saint-Étienne. J’arrive dans un club où tout se passe bien, Sainté dispute les premiers rôles en Ligue 1, ça joue l’Europa League. De mon côté, j’arrive à un poste où il y a Mathieu Debuchy en fin de carrière, je me dis que c’est une opportunité et je fonce.
À cet âge-là, c’est difficile de refuser une Ligue 1…
Exactement. Quand je parle de recul, je n’ai pas du tout de regret par rapport à ça. C’est plus l’idée d’arriver dans un tel club avec davantage de bagage. Mais sur le moment, je me dis que le train ne passera peut-être qu’une fois, alors je monte à bord et je fonce (sourire).
Tu es prêté au Puy, puis apparaît le covid. Ça a chamboulé la carrière de beaucoup de joueurs, non ?
Oui. Les clubs ont dû aussi s’adapter financièrement, ça veut dire que beaucoup de joueurs se sont retrouvés sans club du jour au lendemain, ça a impacté pas mal de monde. J’ai eu la chance malgré ça d’être toujours sous contrat avec Saint-Étienne. L’expérience au Puy a été de courte durée.
Tu reviens ensuite à Sainté, mais ça patine.
Avant que je parte en prêt, c’était déjà compliqué. Il y avait Mathieu Debuchy au poste, Sergi Palencia qui a fait ses classes au Barça et qui arrive avec plus de crédit, et Yvann Maçon. Ça fait quatre joueurs pour un poste. Il y a une hiérarchie, même si le terrain parle, ça reste difficile à bousculer. Automatiquement, on se retrouve un peu exclu. Il y a le groupe qui joue, les remplaçants et les autres. Je faisais partie de ce troisième groupe. Compliqué de bien lancer sa carrière.
Il y a eu des moments de doute ?
Je ne suis pas le joueur qui a forcément des doutes, car je suis conscient de ce que je peux faire et en terme de qualités, ce n’est pas le niveau Ligue 1 qui m’effrayait ou autre. C’est plus tout ce qu’il se passe autour qui fait que par moments, on est mentalement dans un mood compliqué.
Tu as cherché à discuter avec les dirigeants, à obtenir des explications ?
Franchement, c’était tellement compliqué au club… On fait ses entraînements, on rentre, et basta. Je me contentais de faire du travail supplémentaire en dehors, car j’aime vraiment bosser, j’ai besoin de ça, j’aime me dépenser. Sur le terrain et à côté.
En 2022, tu t’engages avec QRM, on peut dire que c’était un bon choix ?
L’opportunité QRM se présente, Bruno Irlès m’appelle et me dit qu’il est intéressé par mon profil. C’est un club qui venait de monter de National, je me suis dit pourquoi pas ! Je suis quelqu’un qui a pas mal de réflexion sur les choses, mais à ce moment-là, je me dis « go ». Quand j’arrive, je découvre un club plus amateur que Saint-Étienne, forcément. Mais ça ne me faisait pas peur, car je sais d’où je viens. Mon problème en arrivant, c’est que j’étais blessé. Donc je devais me remettre en forme, mais le souci, c’est que les infrastructures – même si elles sont bien – ne te permettent pas de revenir aussi vite que dans un club de Ligue 1. Il m’a fallu un peu de temps pour me lancer, mais depuis, j’ai pris énormément de plaisir.
Tu as toujours joué arrière droit ?
Plus jeune, j’étais plutôt un joueur à vocation offensive, milieu gauche ou milieu droit. À partir de U14-15, j’ai basculé latéral et ça s’est plutôt bien passé. En U17, à Drancy, je rebascule excentré. Enfin, à l’AS Montferrand, on me positionne comme numéro 8 qui se projette. C’est au Clermont Foot qu’on m’a stabilisé comme latéral.
Tu portes le numéro 58, tu peux nous raconter la particularité de ce chiffre ?
C’est plus symbolique, car c’est la date de naissance de ma mère qui est née en 1958. Maintenant, on peut avoir des numéros qui vont jusqu’à 99. J’avais ce chiffre 58 en tête, c’est une manière de lui rendre hommage et de montrer qu’elle est là au quotidien.
À 27 ans, tu aspires à quoi désormais ?
J’aspire à du temps de jeu. Je reste sur deux saisons plutôt correctes en termes de temps de jeu. Je souhaite confirmer, avoir encore plus de temps de jeu. À titre personnel, c’est difficile de me projeter, car la situation du club reste fragile. Je suis focus sur QRM.
Qui est vraiment Alpha Sissoko ?
(Long silence) Un jeune de banlieue qui essaye de s’épanouir dans ce qu’il sait faire le plus, d’évoluer petit à petit. Il se bat pour déjà se rendre fier lui-même, puis rendre fiers ses proches. Ma personnalité, je suis quelqu’un d’assez complexe, j’en ai moi-même conscience (sourire). Sinon, dans la vie de tous les jours, je suis assez tranquille, sociable. Après, j’ai une autre facette de moi plus dure, c’est par rapport à ce que j’ai vécu dans la vie. Je suis super exigeant avec moi-même. Parfois, au premier abord, je peux paraître très froid, c’est une sorte de protection, une carapace. Vu comment le monde fonctionne aujourd’hui, si tu n’es pas armé, c’est compliqué.
C’est quoi la journée type d’Alpha ?
Réveil matinal, je me lève assez tôt, vers 8h. J’ai un bon rythme par rapport à ça. Je vais à l’entraînement, je fais ma séance, puis j’ajoute du rab. J’insiste également énormément sur le travail invisible : récupération, alimentation, sommeil, musculation, boxe. J’aime me défouler, me dépenser. En dehors du sport, je suis comme tout le monde. Je me balade en ville, je promène mon chien, je suis tranquille.
Est-ce que tu as une phrase, un leitmotiv que tu te répètes tous les matins ?
Je ne me le dis pas tout le temps, mais j’ai quand même une devise : « Lorsque tu es sur le point d’abandonner, rappelle toi pourquoi tu as commencé » et « Tu as le droit au bonheur, crois en toi, tu le mérites ». Ce sont mes deux citations préférées parce qu’elles me caractérisent parfaitement. Ces mots-là résument bien ce que j’ai vécu, ce que je vis et ce que je vivrai. On a tous droit à notre moment de bonheur même si c’est un mot difficile à définir.
Si tu étais journaliste, quelle question tu poserais à Alpha Sissoko ?
Je ne lui poserais pas spécialement une question, mais je lui demanderais de se décrire. Je suis quelqu’un d’assez… C’est compliqué, on peut me décrire de beaucoup de manières différentes. Je suis sociable mais solitaire, bavard mais introverti, plein de sentiments opposés.
Quelle note tu te mets sur 10 ?
Je dirais 6/10. Je suis dur avec moi-même. Je sais que je me suis livré, mais ce n’est qu’une partie de moi. Je n’ai livré que 15% de moi. On se rapprochera de 10/10 quand j’arriverai à me dévoiler entièrement. Mais c’est peu probable car je suis quelqu’un de pudique qui garde les choses pour soi. Je pense rester comme ça jusqu’à la fin de mes jours, sauf si je me retrouve sur mon lit de mort et là, je balancerai tout (rires).
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