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·23 février 2021

Eusébio et sa conquête de l’Amérique

Image de l'article :Eusébio et sa conquête de l’Amérique

Reconnu comme l’un des meilleurs joueurs du monde dans les années 60 et 70, la réputation d’Eusébio n’est plus à faire en 1975. En quittant Benfica cette même année, il laisse derrière lui une armoire pleine à craquer de trophées, nationaux comme européens : 11 championnats nationaux, 5 coupes nationales, 2 titres de soulier d’or européen, 1 Coupe des Clubs Champions et enfin 1 Ballon d’or. Ce qui est moins connu de la carrière de la Panthère Noire, c’est la deuxième partie de celle-ci, marquée par un exil de l’autre côté de l’Atlantique. Une rivalité avec Pelé, un titre remporté pour des Croates, ou encore un record historique : retour sur la fin de carrière rocambolesque du meilleur joueur de l’histoire de Benfica.

Une entrée fracassante dans le paysage footballistique américain

Alors que la Révolution des Œillets intervient quelques mois plus tôt, elle permet à Eusébio de changer d’air. Après 15 ans passés à Benfica, il s’offre ainsi une fin de carrière sur le continent américain, loin de l’Europe. Lorsqu’Eusébio fait ses valises pour les Etats-Unis, le pays n’est pas encore le royaume des meilleurs footballeurs du monde venus passer un début de retraite loin de l’Europe et de l’Amérique du Sud. L’exil de la Panthère Noire loin de ses terres portugaises s’explique en partie par l’influence d’un joueur : le roi Pelé.


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En 1975, ce dernier fait figure de précurseur du phénomène qui gagnera plus tard le championnat américo-canadien, en rejoignant le Nord des Etats-Unis. Alors qu’il rejoint le New York Cosmos, Eusébio préfère s’exiler un peu plus au nord ; avec le Rhode Island Oceaneers d’abord, puis avec le Boston Minutemen. Les deux stars lusophones ouvriront la voie à de nombreuses autres astres du ballon rond dès la fin des années 70, à l’image de Johan Cruijff, Carlos Alberto ou encore Franz Beckenbauer.

Bien que n’inscrivant que deux petits buts avec le club de Boston, Eusébio va marquer au fer rouge l’histoire des Minutemen. En compagnie de son compatriote André Simões, il joue au terme de la saison 1975 le match décisif pour le titre national face… au NY Cosmos de Pelé. Bien que l’intérêt fût à l’époque moindre aux Etats-Unis pour le « soccer », le stade de 14 000 places de Boston est plein à craquer. Plus de 20 000 fans se serrent en tribune. Tout le monde veut assister au duel entre les deux meilleurs joueurs du monde.

Le duel est remporté par Eusébio, qui met les siens devant au tableau d’affichage après avoir marqué un magnifique coup-franc. Après un but refusé de Pelé, le score en reste là, et le club de Boston est sacré champion. Eusébio hérite ainsi du nouveau titre de « King of Boston ». Vous l’aurez compris, bien que n’ayant pas marqué son passage à Boston par ses statistiques, l’ancienne gloire des Aigles aura tout de même marqué les cœurs et les esprits de la ville. A tel point qu’en 1992, Benfica offre une statue du joueur à la région de Boston. Celle-ci est semblable à celle que l’on pouvait déjà trouver sur le parvis de l’Estádio da Luz. Toujours en place, elle fait désormais figure de monument autour du Gillette Stadium, stade qui accueille le New England Revolution (MLS) depuis 2002.

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Eusébio à ses aventures mexicaines et canadiennes

Lorsqu’Eusébio quitte le Nord-Est des Etats-Unis en 1975 après seulement quelques mois passés sur place, sa réputation américaine s’est déjà bien établie. Passionné de football et intéressé par de nouveaux défis, le Portugais va tenter de nouvelles expériences plus exotiques, loin du dynamisme économique de Boston. A l’occasion du tout début de la saison 1975-1976, Eusébio rejoint le CF Monterrey, au Mexique. A ce titre, il devient un réel ambassadeur du football mexicain dans le monde, puisqu’il est la première star du ballon rond qui rejoint ce championnat. Son arrivée à Monterrey est un réel évènement dans tout le pays. Le Ballon d’or 1965 y retrouve d’ailleurs Fernando Riera, entraîneur chilien qu’il avait déjà côtoyé à Benfica en 1963, et qui est recruté par le club mexicain sur conseil du joueur. Riera deviendra par la suite l’un des tacticiens les plus fameux de l’histoire du CF Monterrey.

L’idylle entre Eusébio et les Rayados n’est cependant pas aussi belle que prévue. En effet dès les premières semaines, le joueur se blesse au genou. Toute la demie saison qu’il passe à Monterrey est en fait fortement perturbée par des blessures, qui l’avaient pourtant épargnées avec Benfica. En 10 matchs joués, il n’y marquera qu’un but, de la tête. Signe, peut-être, que ses jambes si précises et si rapides n’avaient plus le même rendement qu’autrefois. L’image qu’il laisse à Monterrey n’en reste pas moins marquante. Il a grandement participé de l’histoire du club, par un coup de projecteur international sur celui-ci, et les supporters des Rayados ont bien su lui rendre.

« Mon passage à Monterrey était phénoménal, fantastique. C’était vraiment une expérience magnifique, par la façon dont les supporters du club m’ont accueilli là-bas » Eusébio à Globoesporte en 2011.

En l’honneur de la star portugaise, Benfica crée en 2008 la Coupe Eusébio, qui se joue en un match entre le club lisboète et un invité. En 2015, c’est le CF Monterrey qui participe à la compétition. Les Mexicains remportent le titre après une victoire par 3 buts à 0. Cette invitation souligne un certain lien qui a su se maintenir entre les clubs où Eusébio est passé, et notamment entre les Aguias et les Rayados. Il faut d’ailleurs noter qu’exceptionnellement, la Coupe Eusébio de cette année-là s’est jouée à Monterrey, et non à Lisbonne comme à l’accoutumée.

Au tout début de l’année 1976, c’est un nouveau club et un nouveau pays que rejoint Eusébio : le Toronto Metros-Croatia, au Canada. Comme au Mexique, il est le premier footballeur mondialement connu à y mettre les pieds et l’annonce de son arrivée est une formidable nouvelle dans tout le pays. Il débarque ainsi dans un club très original, qui n’est cependant pas apprécié du reste de la ligue, en raison de l’affichage clair des origines des propriétaires dans le nouveau nom du club. Ceux-ci vont d’ailleurs faire de leurs origines une réelle politique de recrutement, puisqu’une dizaine de joueurs de l’équipe sont d’ascendance yougoslave. La présence d’Eusébio parmi ce collectif fait ainsi figure d’OVNI, à la fois footballistique et ethnique (il est le seul lusophone de l’équipe avec Ivair Ferreira). Malgré la persistance de ses problèmes de genou, il éclaboussera le championnat national de son talent :

« Il n’y a même pas besoin de le dire. Il était l’un des meilleurs joueurs du monde. De nombreux adversaires étaient effrayés de jouer contre lui, car ils connaissaient son histoire. Même s’il avait des problèmes au genou, il donnait toujours tout ce qu’il avait lors des matchs. Ses coups-francs et ses passes, c’était exceptionnel » Damir Sutevski, coéquipier d’Eusébio au Toronto Metros-Croatia.

L’aventure entre Eusébio et le football canadien est cependant semée d’embûches. Alors que le joueur s’y sent bien et dispute toutes les rencontres, il est, du jour au lendemain, mis sur le banc à l’occasion d’un match contre le New York Cosmos de Pelé. Décision que son entraîneur explique par un manque de forme ou une maladie du joueur. Eusébio répondra par le biais du Toronto Star : « Malade ? Ça ne m’est jamais arrivé. Je ne peux pas croire que… Il y a des décisions politiques qui doivent être impliquées dans ce choix ». Le ton est donné. Toujours sur la touche, Eusébio assiste à une triste période durant laquelle son équipe ne marque plus. Il mettra fin à 775 minutes sans but de son équipe. Le sien sonnera le glas pour Markovic, son entraîneur, qui sera directement limogé. Le mois suivant, il remportera avec les « Croates de Toronto » le Soccer Bowl face au Minnesota Knicks (3-0), en marquant le premier but de la rencontre.

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Son bilan avec le club de Toronto s’élève ainsi à un total de 25 matchs joués pour 18 buts inscrits. A l’issue de la saison 1975/76, il décide de rentrer au pays et rejoint le club du Beira-Mar en deuxième division portugaise, avant de nouvelles aventures outre-Atlantique…

Une fin de carrière marquée par les blessures et les records

Dès l’hiver 1977, Eusébio décide de retenter l’aventure américaine. Il répond alors à l’appel d’un tout nouveau club qui cherche à se faire une place dans le championnat local (la NASL) : les Las Vegas Quicksilvers. Au même moment, trois autres joueurs portugais formés à Benfica rejoignent le club américain : Humberto Coelho, Toni et Abel. Une subtile odeur lisboète envahit ainsi la pelouse du Las Vegas Stadium. Pour leur premier match à domicile au mois d’avril, les Quicksilvers rencontrent le New York Cosmos. Comme si leurs destins américains étaient intimement liés, Pelé et Eusébio vont encore une fois (et pour la dernière fois) se faire face.

Le stade est rempli et plus de 12 000 supporters font le déplacement. La rencontre vire cependant au drame quand dès la 38ème minute, Pelé tacle violemment Eusébio qui doit sortir du terrain. Plus que jamais, son genou ne tient plus la cadence du talent de la Panthère Noire. Le club de Las Vegas parviendra tout de même à remporter le match (1-0). Mais enclin à de graves problèmes économiques, les Quicksilvers seront dissous dès la fin de l’année 1977 marquant la fin de leur aventure avec Eusébio, mais aussi Toni, Abel et Humberto Coelho. Son passage dans la « ville du pêché » sera donc une nouvelle déception pour le joueur. Ne jouant que sur une jambe et demie, il y disputera 17 bouts de match, pour seulement 2 buts inscrits.

« Eusébio passait plus de temps à recevoir des soins pour son genou qu’à pouvoir jouer au football. Il ne pouvait presque plus s’entraîner. ».Derek Trevis, entraîneur des Las Vegas Quicksilvers en 1977.

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Nouvelle fin de saison, nouveau retour au Portugal pour le joueur né au Mozambique. Il rejoint en 1977 l’União de Tomar en deuxième division portugaise. Mais seulement quelques mois plus tard, il se lance un ultime défi. Et quelle meilleure destination que celle où il a passé la majorité de ses dernières années ? Vous l’aurez compris, Eusébio refait ses bagages direction les Etats-Unis. Il intègre les New Jersey Americans en 1978, qui évoluent alors au deuxième échelon national. Comme à Las Vegas, il retrouve dans le New Jersey un compatriote formé au SL Benfica : Tony Simões. Il y devient aussi le joueur le mieux payé du championnat, y touchant près de 20 000 $ pour seulement 8 apparitions avec le club. Le principal objectif du Ballon d’or 1965 avec le club américain est d’atteindre les 1000 buts en carrière*. Il y parviendra lors du dernier match de la saison 1978, en inscrivant un but face aux Indy Daredevils. Un nouveau défi et record relevé par la Panthère Noire.

Il quittera par la suite le club du New Jersey pour un ultime baroud d’honneur avec un club de foot en salle : les Buffalo Stallions. Cette ultime expérience de quelques semaines marquera la fin de carrière de l’un des joueurs les plus exceptionnels de l’histoire du football : Eusébio da Silva Ferreira.

Après avoir rempli d’étoiles les yeux de millions de supporters de Benfica et de la Seleção pendant toute une génération, Eusébio a ainsi décidé de s’offrir une pré-retraite loin de son pays d’accueil chéri. Une expérience riche et passionnée, qui lui a fait faire le tour du continent nord-américain. Elle aura, certes, été mise en péril par un genou devenu très fragile durant les dernières années de sa carrière. Cette fragilité n’enlèvera cependant en rien l’éclat qu’aura fait resplendir Eusébio dans toutes les villes et pays où il sera passé, de Monterrey à Toronto, en passant par Las Vegas et Boston. Une étoile du football, qui jamais ne s’éteindra.

* Aujourd’hui, on attribue à Eusébio un peu moins de 700 buts en carrière. Tout dépend des critères utilisés, et des matchs comptés pour ces statistiques.

Crédits Photos : Pedro Ferreira / NASLJerseys

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