Entretien avec Juanma Cruz Arias : “La Ligue saoudienne est la meilleure compétition du Moyen-Orient”

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·12 mars 2021

Entretien avec Juanma Cruz Arias : “La Ligue saoudienne est la meilleure compétition du Moyen-Orient”

Juanma Cruz Arias a eu un parcours assez exotique qui lui a permis de découvrir le football sous différents horizons, que ce soit en Espagne où ce sport est roi, au Moyen-Orient où il agit en tant que soft-power, sans oublier l’Inde dans lequel il bénéficie d’un développement en pleine croissance. Ainsi, l’entraîneur des gardiens a accepté de nous parler des multiples expériences qu’il a vécues au cours de sa belle carrière.

Les débuts en Espagne

Vous avez été coach pour le club Córdoba en 2008 et Cádiz lors de la saison 2011-2012 (en Seconde division). Quel effet cela vous fait de voir que Cádiz est désormais en Liga (actuellement 14e) ?

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Le Cádiz CF est un club historique, avec une belle fan base qui n’hésite pas à aller loin pour soutenir son club de coeur. Ils ont très bien travaillé pendant plusieurs saisons et je suis très heureux de voir mon Cádiz en Liga.

Y a-t-il un écart de niveau visible entre La Liga Adelante voire la Seconde division B et une première division en Arabie Saoudite, au Qatar ou encore en Inde en ce qui concerne les gardiens ?

Il est clair que le niveau des gardiens, mais aussi de l’entraînement de ces mêmes gardiens avec qui j’ai pu travailler en Espagne est très grand. Dans ces autres pays où j’ai entraîné, le niveau des gardiens était généralement acceptable.

Ma mission est de leur fournir, avec les meilleurs outils à ma disposition, les connaissances nécessaires à leur développement professionnel. Cela implique aussi une certaine préparation afin qu’ils soient aptes à assimiler ces connaissances, étant donné que certains d’entre eux ont joué ou joueront à l’avenir en Coupe du Monde, en Ligue des Champions… C’est le genre de compétitions où une préparation spéciale est nécessaire, mon rôle est de la leur donner.

Quelle est la relation entre l’entraîneur principal et l’entraîneur des gardiens ?

J’ai eu l’occasion de travailler avec plusieurs entraîneurs comme Joaquín Caparrós, Laszlo Boloni, Milan Machala, Sergio Lobera, Raúl Caneda ou encore Beñat San José. Mes relations avec eux ont toujours été basées sur un respect mutuel, au partage de mes connaissances et de mon expérience. Ainsi, j’aide l’entraîneur et plus largement le club à atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.

Pourquoi êtes-vous devenu entraîneur des gardiens ?

Le monde entourant les gardiens est un monde qui me passionne, et ce dès mon plus jeune âge. J’ai commencé à l’intégrer dès mes débuts à l’Athletic Club en tant que jeune joueur.

J’ai aimé tout le monde lors de mon passage chez les jeunes et petit à petit j’ai évolué jusque devenir professionnel. J’ai eu un master en entraînement de gardien au Real Federación Española de Fútbol à Madrid en même temps que d’autres entraîneurs de gardiens qui sont aujourd’hui en poste à Manchester City, au Real Madrid, au Real Sociedad, au FC Barcelone, à Arsenal… Après cela j’ai pu coacher sur trois continents différents.

L’aventure avec Al Ittihad

Comment en êtes-vous arrivé à entraîner en Arabie Saoudite ?

Je travaillais encore au Cadiz CF lorsque j’ai reçu un appel me proposant de rejoindre l’équipe d’entraîneur d’Al Ittihad, l’un des plus grands clubs en Asie. Face à cette opportunité, je n’ai pas hésité un seul instant.

Quelles sont les premières différences que vous avez notées entre le football en Espagne et celui en Arabie Saoudite ?

L’une des premières différences est bien évidemment dans la culture à laquelle il faut s’adapter. Enfin, la manière dont les entraînements sont agencés. En effet, si l’Europe privilégie la matinée, le foot saoudien m’a habitué à devoir effectuer les entraînements le soir.

Quelle est la place du football dans ce royaume ?

J’ai vécu 3 ans à Djeddah et ce qu’on peut dire est que le football est très important là-bas. D’ailleurs, beaucoup de moyens sont employés pour assurer son développement partout dans le royaume. J’ai pu témoigner de leurs stades très modernes, d’une très bonne organisation de la part de la Ligue et surtout des magnifiques fans qui sont à fond derrière leurs équipes. C’est pour cela que selon moi, la Ligue saoudienne est la meilleure compétition du Moyen-Orient.

Comment était l’ambiance et les fans dans le stade lorsqu’Al Ittihad jouait contre de gros rivaux comme Al Hilal ?

Il faut savoir que les matchs contre Al Hilal sont très importants pour le club. Donc forcément l’ambiance était au rendez-vous. Les fans font le football. Ce sont le genre de matchs où le stade est bondé.

Al Ittihad a énormément de supporters, pas qu’en Arabie Saoudite, mais dans toute l’Asie. Je ne saurai vous décrire l’atmosphère, elle est juste exceptionnelle… Mais à domicile (Djeddah), elle l’est encore plus. Les fans vivent pour ce club.

Nous avons pu voir que vous êtes momentanément parti d’Al Ittihad pour entraîner au MA Tétouan (Maroc) de 2014 à 2015. Qu’est-ce qui explique cette sorte de “pause” dans votre aventure saoudienne ?

Le MA Tétouan allait participer à la Coupe du Monde des Clubs et à la Ligue des Champions africaine cette année. Ce sont deux compétitions auxquelles je voulais vraiment participer vu le prestige de ces dernières. Je ne pouvais pas laisser passer cette occasion alors c’est ce qui a motivé mon départ d’Al Ittihad cette année-là. Je pense que c’est l’un de mes meilleurs souvenirs dans ma carrière.

Comment s’est organisé votre retour à Al Ittihad ? Vous avez été recontacté ?

Laszlo Boloni, l’ancien entraîneur du Sporting Portugal ou encore de Monaco, a repris les rênes de l’équipe et m’a contacté pour que l’on puisse envisager mon retour. J’ai fini par accepter sa proposition, mais je ne suis resté que d’août à décembre 2015 pour retourner en Espagne, au CD Mirandes (deuxième division espagnole).

Quels sont les joueurs qui vous ont globalement marqué en Arabie Saoudite ?

Alors il y en a plusieurs, à commencer par Mabrouk Zaid, Fawaz al Qarni, Ameen, Rakan Najjar… Je les aime énormément et ils ont eu beaucoup de respect pour mon travail. Aussi, il y a Mohammed Noor, Fahad, Saud Kariri, Osama ou encore Monthi, qui sont tout simplement des légendes.

La découverte de la Qatar Stars League

Dans quelles circonstances avez-vous rejoint le championnat qatari ?

Après mon retour en Espagne chez le CD Mirandes en Liga 2, j’ai reçu un appel de Joaquín Caparrós, l’ancien entraîneur du Séville FC. Il m’a fait part de son projet et m’a dit qu’il voulait compter sur moi pour en faire partie. Nous avons fini par nous rencontrer au Qatar à Al Ahli SC Doha.

Le Qatar a énormément investi dans le football dans ces dernières années. Étant donné que vous avez en partie témoigné de ces changements, pensez-vous que ce pays puisse devenir un protagoniste de ce sport dans les années à venir ?

Le Qatar est l’actuel champion d’Asie, il travaille et investit depuis de nombreuses années pour le développement du football dans le pays. Chaque fois, la ligue a de meilleurs joueurs étrangers et des entraîneurs de haut niveau. Je pense qu’ils peuvent bien faire en Coupe du monde et ce serait un succès s’ils dépassaient la première phase de groupes.

Le Qatar et l’Arabie saoudite sont rivaux, mais ces jours-ci, ils commencent à faire la paix l’un avec l’autre. Qu’en pensez-vous ? Lors des matchs entre équipes qataries et saoudiennes, avez-vous ressenti une tension entre les deux parties au-delà de la rivalité footballistique ?

Je suis très heureux que les deux pays aient réglé leurs différends. J’ai travaillé pendant 6 ans dans le Golfe et j’ai toujours été traité avec beaucoup de respect.

L’Arabie Saoudite a disputé la finale au Qatar contre Bahreïn lors de la dernière édition de la Golf Cup et j’ai été invité dans la loge des gardiens de l’équipe nationale dont deux d’entre eux avaient travaillé avec moi. J’ai de la sympathie pour les deux pays, ils m’ont apporté beaucoup de joies.

Que pouvez-vous nous dire sur ce Xavi et sur ce qu’il a apporté dans le championnat qatari avec Al Sadd ?

En ce qui concerne Xavi, j’ai pu le rencontré lorsque je travaillais avec Al Ahli Sc, je l’ai connu en tant que joueur et maintenant en tant qu’entraîneur. Il est clair qu’il a transmis à Al Sadd l’identité et l’esprit qu’il avait lorsqu’il était joueur au FC Barcelone.

Cette équipe pratique un jeu à la fois ordonné et attractif, avec une manière très intéressante de faire circuler le ballon qui leur permet de toujours aller de l’avant et ainsi créer énormément d’occasions face au but adverse. J’entretiens de très bonnes relations avec lui, on est souvent en contact par téléphone. Il a déjà gagné 4 titres au Qatar, je suis sûr qu’il sera à l’avenir l’un des meilleurs entraîneurs d’Europe.

Vous dites que Xavi a “transmis à Al Sadd l’identité et l’esprit qu’il avait lorsqu’il était joueur au FC Barcelone”. Pensez-vous, à votre manière, avoir fait la même chose parmi les clubs dont les gardiens ont été entraînés par vos soins ?

Oui en quelque sorte. En plus de partager mes connaissances, mon expérience avec les gardiens que j’entraîne, je leur enseigne surtout de nouvelles méthodes d’entraînement qui leur permettent de bénéficier d’un entraînement similaire aux gardiens européens.

Quand je suis arrivé à Al Ittihad par exemple, leur gardien Mabrouk Zaid n’était pas dans sa meilleure forme. J’ai donc pris l’initiative de donner une chance à Fawaz Al Quarni qui n’avait que 19 ans pour le lancer. Trois mois plus tard, il était sélectionné pour l’équipe nationale de l’Arabie Saoudite pour la première fois. J’ai eu le plaisir de découvrir l’un des meilleurs gardiens de ce pays.

Au Qatar, j’ai accompli la même chose. Les deux gardiens à ma disposition ont intégré la sélection U23, puis la sélection nationale principale, ce dont je suis très fier. Enfin au Maroc, j’ai eu la chance d’avoir l’intégralité des gardiens du club qui jouait aussi en sélection nationale en même temps.

Lors de votre parcours aux côtés d’Al Ahli SC Doha vous avez pu rencontrer Diego Maradona. Dans quelles circonstances ? Comment avez-vous réagi à l’annonce de son décès ?

Pour Diego, nous nous sommes retrouvés dans le même hôtel et au même étage à Mierlo (Hollande) pendant 22 jours. J’étais là-bas pour un match amical avec Al Ahly contre l’équipe de première division d’Eindhoven, Barbatia. Nous avons eu l’occasion de discuter tous les jours dans le hall d’accueil de l’hôtel, au restaurant, mais surtout sur le terrain.

J’ai eu la même réaction que tout le monde lorsque j’ai appris la nouvelle. C’est une très grosse perte pour le monde du football. Maradona est le meilleur joueur de l’histoire, c’est tout ce qu’il y a à retenir.

Un nouveau défi, le Mumbai City FC

Quelle est la place du football en Inde par rapport aux autres pays où vous avez eu l’occasion d’entraîner ?

La place du football en Inde est devenue de plus en plus importante au fil des années. Le pays a investi beaucoup d’argent dans la création de la Super League.

Il ne faut pas oublier que des joueurs comme Pirlo, Forlan ou encore Anelka ont joué dans cette ligue, ce qui “officialise” le statut de l’Inde en tant que pays de football dans une certaine mesure. C’est une ligue qui évolue de plus en plus pour devenir l’une des meilleures d’Asie.

Votre équipe est désormais la première de la Ligue indienne. J’imagine que vous visez le titre?

Nous sommes actuellement entrain de nous battre pour la qualification aux barrages pour le titre de champion, ainsi que pour la place directe en Ligue des Champions asiatique.

Nous avons battu le record des matchs invaincus et jusqu’à présent nous n’avons concédé que 7 buts, ce dont je suis très fier.

Mise à jour : Le Mumbai City FC est finalement devenu le champion de l’Indian Super League, félicitations à eux ! Demain, ils affronteront l’ATK Mohun Bagan à 15h pour tenter de remporter les playoffs. Bonne chance à eux !

Y a-t-il des avantages à faire partie du City Football Group?

Faire partie du City Football Group est bien sûr un avantage, mais le véritable objectif est de continuer avec notre propre philosophie et notre style de jeu.

Quel impact a eu la Covid-19 sur l’Indian Super League ?

Elle a eu un gros impact, comme dans toutes les ligues finalement. Nous vivons dans un hôtel, dans une bulle de style NBA, où personne ne peut entrer ou sortir. Nous sommes soumis à un test PCR tous les trois jours ainsi qu’à un contrôle quotidien par applications ISL. C’est une situation assez difficile parce que c’est beaucoup de temps à l’intérieur et sans la famille, mais c’est comme ça.