Lucarne Opposée
·21 novembre 2024
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·21 novembre 2024
À l’issue de deux folles sessions d’éliminatoires, la CONMEBOL commence à se dessiner et, derrière l’Argentine, deux groupes se dessinent pendant qu’une sélection semble hors-course.
Dix-huit. S’il n’y a qu’un chiffre à retenir, c’est le nombre de points qu’il reste à décrocher dans cet incroyable mélange de sprint et de marathon que sont les éliminatoires sud-américains. Dix-huit, c’est à la fois beaucoup, puisqu’ils ne sont que cinq à les avoir décrochés en douze journées jusqu’ici, mais c’est aussi parfois peu. Notamment pour une sélection, le Pérou, dont la dérive semble désormais synonyme de Coupe du Monde 2026 devant la télé. Rien n’est mathématiquement scellé pour la Blanquirroja mais avec une seule victoire en douze sorties et un déficit de six points sur le barragiste, de dix sur le premier qualifié direct, la montagne semble bien plus élevée que le Huascarán. D’autant que devant, deux groupes semble s’être formées dans la foulée d’un champion du monde en titre pas forcément toujours convaincant, mais qui continue d’avancer.
Il est indéniable que 2024 semble plus compliqué pour l’Argentine au fil que les semaines avancent. Certes, la Copa América a été synonyme de titre, mais l’on avait déjà entrevu quelques faiblesses dans la Scalonetta que les succès voulaient masquer. Des faiblesses qui se confirment : le milieu à trois Enzo – Alexis – De Paul est moins fluide, moins dominateur, seul le joueur de Chelsea semblant conserver son niveau de 2022 notamment, et le trio offensif qui se dessine depuis la fin de l’ère Ángel Di María manque de connexion, Julián Álvarez, excentré sur son couloir, pesant moins sur le jeu. Mais, malgré quelques turbulences, comme le fut la défaite au Paraguay, l’Albiceleste reste sans concurrence et surtout a creusé l’écart.
D’autant que dans ses pas, ils sont cinq à lutter les uns contre les autres pour s’accrocher à ce top 6 synonyme de Coupe du Monde. Un temps chahuté par l’affaire Luis Suárez – Marcelo Bielsa, l’Uruguay a parfaitement rebondi en novembre. D’abord grâce à un succès dingue face à la Colombie, arraché sur une dernière action folle et un but de Manuel Ugarte, ensuite face au Brésil, passant finalement près du coup parfait. Certes, dans le jeu, la Celeste n’est pas celle de la phase de groupes de la Copa América, elle montre encore parfois quelques jolis mouvements collectifs, notamment sur ses temps forts, mais se montre surtout plus dans la lutte. Dans la lignée de la phase à élimination directe de la compétition continentale. Mais sur le plan comptable, elle avance, au point d’avoir pris la deuxième place et de se muer en leader du groupe de poursuivant, en chassé d’un quintet qui se tient en trois points.
Dans ce groupe, on trouve deux types de dynamiques. Celles, positives, de l’Équateur et du Paraguay, celles, plus problématiques, de la Colombie et du Brésil. Du côté de la Tri, la greffe Sebastián Becaccece a pris. D’autant que depuis la courte défaite concédée au Brésil lors de son premier match à la tête de la sélection, son Équateur est devenu totalement imperméable, personne n’ayant réussi à faire trembler les filets en cinq rencontres. Cela tient parfois par une solidité défensive donnée par un axe parfois à trois duquel Willian Pacho et Piéro Hincapié sont indéboulonnables, Félix Torres et Joel Ordóñez pouvant alterner dans ce trio, mais aussi sur un Hernán Galíndez redoutable sur sa ligne, la Colombie pouvant en attester lors de l’ultime journée. Un match à Barranquilla joué en infériorité numérique durant plus d’une heure et marqué d’une part par le but exceptionnel du capitaine Enner Valencia, d’autre part par cette incroyable capacité à savoir subir sans trop souffrir, bien aidé il est vrai par des Cafeteros en panne d’inspiration et souvent maladroits – nous allons y revenir. Mais avec dix-neuf points, une solide troisième place et deux prochains rendez-vous face à des équipes à la lutte pour les barrages, la Tri semble foncer vers les States.
Foncer, c’est aussi ce que fait le Paraguay depuis l’arrivée de Gustavo Alfaro. L’Argentin a repris une sélection à la dérive pour d’une part lui redonner confiance en elle, d’autre part, lui offrir un équilibre redoutable entre sa légendaire solidité et âpreté défensive et l’expression parfaite de ses talents offensifs, symbolisée par ses deux facteurs X, Miguel Almirón et Julio Enciso. Conséquence, depuis l’arrivée de l’ancien entraîneur de Boca, le Paraguay roule à un rythme infernal de victoires à domicile, en ayant par exemple fait tomber le Brésil et surtout dominé l’Argentine, et nul en déplacement, le dernier en Bolivie ayant été un nouvel exemple de parfaite gestion. Ce nouveau Paraguay séduit, il n’est plus qu’à trois points de la deuxième place, collé aux basques de deux favoris en souffrance.
Le premier est évidemment la Colombie. Après une session d’octobre quelque peu mitigée, notamment par la défaite en Bolivie alors qu’en supériorité numérique pendant soixante-dix minutes, les Cafeteros ont encore flanché en novembre. D’abord de manière folle en Uruguay alors que la bande à Néstor Lorenzo avait dominé le premier acte avant de disparaître totalement durant le second. Ensuite, en montrant une grande impuissance à la maison face à une Tri équatorienne en infériorité numérique. Une impuissance qui se matérialise par un milieu au sein duquel l’influence de Richard Rios est en berne, un James moins influant et surtout des offensifs d’une incroyable maladresse, à l’image d’un Jhon Córdoba qui a vécu un match cauchemardesque. La Colombie est clairement dans le dur, une première depuis près de deux ans et va devoir non seulement rapidement rebondir mais surtout gérer cette période sans pour autant jeter tout ce qui a fait sa force ces derniers mois. La pause bienvenue avant mars ne peut qu’être bénéfique.
Une pause qui pourrait profiter à un Brésil qui chancèle toujours autant. D’abord dominateur au Venezuela, le Brésil de Dorival reste en équilibre précaire, capable de vaciller lors de ses temps faibles, mais surtout de perdre le fil lorsque l’adversité augmente. Les semaines passent et si le sélectionneur voit des progrès, son équipe reste tout de même assez jeune pour bon nombre de ses éléments, elle montre surtout les mêmes failles avec des couloirs toujours aussi faibles (un comble pour la Seleção), un milieu de terrain au sein duquel il manque un vrai créateur et surtout une ligne offensive composée quasi exclusivement d’ailiers. Conséquence, le Brésil est aussi prévisible qu’il n’avance pas, à l’exception de l’Équateur, battu d’un but, il n’a vaincu aucune équipe du top 6. Et tel est justement le danger qui guette la Seleção : car après avoir concédé le nul face à l’Uruguay, elle doit se préparer à un triptyque de tous les dangers en mars/juin avec réception de la Colombie, déplacement en Argentine et déplacement en Équateur. S’il reste inconcevable que le Brésil puisse passer par les barrages pour aller à la prochaine Coupe du Monde, surtout dans ce format, la menace d’une dérive est réelle et d’ici mars, bien des choses pourraient arriver, notamment pour Dorival Júnior, et pourraient remettre tout en question.
La menace du barrage semble s’éloigner car un écart s’est creusé et deux, voire trois équipes vont désormais lutter pour cette septième place. Parmi elles, le Venezuela, d’abord bien parti mais qui désormais fait du surplace. Le contenu reste intéressant, mais cette Vinotinto montre encore trop de faiblesses, notamment défensives, pour espérer avancer plus vite. En témoigne le carton pris au Chili face à une Roja qui semblait pourtant totalement à la dérive, mais qui en a profité pour se relancer.
Longtemps hors course, le Chili termine 2024 sur sa seule victoire de l’année en éliminatoires (l’unique autre dans cette campagne étant le 2-0 face au Pérou en octobre 2023). Le Venezuela n’a pas gagné le moindre match d’éliminatoires en 2024, peinant à confirmer sa belle Copa América, et se retrouve désormais au pied du barrage, doublé par une Bolivie qui semble avoir également déjà conclu sa belle session de septembre/octobre depuis le set reçu en Argentine. Les deux dernières sorties, une défaite sans lutter face à l’Équateur à Guayaquil et un nul miraculeux à la maison face au Paraguay doivent être rapidement oubliées si la Verde veut confirmer qu’elle peut aller chercher un barrage. Les deux prochaines sessions seront déterminantes, notamment en juin quand la Bolivie jouera Venezuela et Chili, ses deux concurrents directs.
Un Chili que l’on pensait mort mais qui respire encore, la victoire décrochée face à la Vinotinto, premier succès depuis octobre 2023 en éliminatoires, l’ayant relancé. La Roja de Gareca est encore largement perfectible, mais elle n’est plus qu’à quatre points. De quoi entretenir une illusion qui semblait perdue, qu’importe l’immense difficulté que seront les prochains rendez-vous.
Photo une : Franklin Jacome/Getty Images