Coupe du Monde 2022: entre polémiques et enjeux majeurs pour le Qatar | OneFootball

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·7 janvier 2021

Coupe du Monde 2022: entre polémiques et enjeux majeurs pour le Qatar

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Dans un peu plus de deux ans se tiendra la 22ème édition de la Coupe du Monde, organisée par le Qatar, dans des conditions uniques. En effet, la Coupe du Monde 2022 sera la première Coupe du Monde à se tenir en hiver. Ceci est dû à la météo qatarie extrêmement chaude en été, rendant quasiment impossible toute activité physique dans de bonnes conditions. Le choix d’attribuer l’organisation du Mondial 2022 a été très décriée et a suscité beaucoup d’attention, positive comme négative sur le Qatar. Entre polémiques et enjeux géopolitiques majeurs, coup de projecteur sur une Coupe du Monde controversée et déjà historique.

L’aspect sportif, premier frein pour le Qatar ?

L’une des premières principales interrogations soulevées par les joueurs et les différents observateurs a été le climat. En effet, les températures atteignent aisément 45°C en journée, et ne redescendent que très rarement en dessous des 30°C la nuit au cours de l’été. Le mois de juin est d’ailleurs un des plus chauds dans l’émirat. Il est difficile d’imaginer disputer des rencontres de très haut niveau, pendant 90 minutes ou plus, sous ce genre de températures. D’abord, il a été évoqué de jouer la nuit, idée qui ne plait pas aux diffuseurs car le créneau est trop tardif pour le marché européen. Aussi, cela aurait impliqué un décalage total du rythme de vie et de sommeil des joueurs, ce qui empêche une récupération physique optimale. Finalement, la FIFA et son président Gianni Infantino, ont décidé de décaler cette Coupe du Monde 2022 en hiver, période bien plus accueillante et agréable au Qatar.


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Pendant le Mondial 2018 en Russie, les dates ont été annoncées, avec le match d’inauguration prévu le 21 novembre, et la finale le 18 décembre 2022, jour de la fête nationale qatarie. Bien que ce report soit le plus logique d’un point de vue purement sportif, il n’est pas du goût de tout le monde. En effet, les diffuseurs dépendant majoritairement des championnats domestiques et de la Ligue des Champions ne sont forcément pas en faveur d’une coupure en plein milieu de la saison, ce qui représenterait une perte de chiffre d’affaires très importante sur les mois concernés.

Aussi, la Premier League anglaise n’est pas emballée à l’idée d’arrêter le championnat en décembre, car cela aurait des conséquences importantes sur le traditionnel Boxing Day et sur la période des fêtes dans le championnat anglais en général. Habituellement en Angleterre, il y a du football presque tous les jours entre le 26 décembre et le 3 janvier, avec des échéances rapprochées, ce qui est très éprouvant pour les joueurs qui se préparent plusieurs semaines en amont pour ce rendez-vous. Seulement, la Coupe du Monde en hiver vient perturber ce processus, et la FA est devant un dilemme ; ne rien changer quant au Boxing Day et se passer de nombreux joueurs internationaux, ou renoncer au fait de jouer des matchs à la période des fêtes, en dépit de l’intérêt financier majeur du Boxing Day. Malgré tous ces bouleversements qui vont perturber la saison 2022/2023, ce n’est pas tant le sportif qui est au cœur de toutes les controverses.

« La Coupe du Monde de la honte » ?

Le Mondial 2022 a déjà fait couler beaucoup d’encre, après la révélation au grand jour de plusieurs scandales liés à l’organisation et l’attribution de cette dernière. Des ONG comme Amnesty International dénoncent des conditions de travail inacceptables pour les ouvriers immigrés affectés à la construction des stades qui accueilleront les matchs de la Coupe du Monde. Ces travailleurs immigrés sont pour la plupart originaires de pays d’Asie du Sud-Est (Inde, Bangladesh, Philippines, Népal, …) et viennent au Qatar dans l’espoir d’offrir de meilleures conditions de vie à leurs familles, restées au pays. En effet, le salaire qui leur est proposé pour venir travailler au Qatar est bien plus élevé que ce qu’ils pourraient espérer dans leur pays d’origine. Toutefois, le rêve se transforme parfois assez vite en cauchemar pour ces travailleurs, vivant dans des conditions déplorables, entassés par dizaine dans des petits dortoirs insalubres, et voyant leurs libertés restreintes au nom du kafala.

Le kafala est une loi archaïque qui encadre le travail des immigrés, et ce pour toutes les nationalités, à quelques exceptions près. Pour pouvoir travailler au Qatar quand on ne possède pas la nationalité qatarie, il faut se lier avec un kafeel, une personne ou une entreprise qatarie, qui s’occupe de toutes les formalités administratives liées au visa, aux permis de séjour et de travail, en échange d’un pourcentage sur le salaire. Bien que tous les travailleurs non qataris y soient soumis, à l’exception des citoyens turcs et des pays membres du Gulf Cooperation Council (Arabie Saoudite, Koweït, Bahraïn, Oman, Emirats Arabes Unis), tout le monde ne le vit pas de la même manière. En effet, les ressortissants de pays occidentaux ou les travailleurs avec des qualifications élevées ne sont pas liés de la même manière avec leur kafeel que les ouvriers ou travailleurs sans qualifications. Ces derniers sont interdits de voyager en dehors du pays sans l’accord du kafeel, leur passeport est confisqué, et leur place au sein du pays est menacée en permanence en cas de manquement. Lors d’un reportage réalisé par Amnesty International sur les conditions de vie des travailleurs immigrés au Qatar, Deepak, travailleur en métallurgie sur le chantier du Khalifa International Stadium dit :

« Ma vie ici est un enfer que l’on pourrait comparer à la vie en prison. Le manager a dit “Si tu veux rester au Qatar, continue à travailler dur et tais-toi “. »

Les pays occidentaux sont scandalisés par ces pratiques, pourtant très répandues dans les pays du Golfe. Certains footballeurs ont été victime par le passé du système du kafala, et se sont vu refuser le droit de quitter le pays. Ce fut le cas de Zahir Belounis, footballeur franco-algérien, qui est resté bloqué au Qatar pendant près d’un an après une altercation avec son club de l’époque, Al Jaish. Arrivé au Qatar en 2007, année de la création du club, les relations entre la direction et Zahir se tendent en février 2013. Alors que la direction du club a cessé de lui verser son salaire et ses indemnités depuis plusieurs mois, Zahir porte plainte mais se voit refuser l’exit permit, document qu’il est impératif d’obtenir pour quitter le pays. Son histoire a été très médiatisée du fait de son appel à l’aide auprès de Zinedine Zidane et Pep Guardiola, ambassadeurs de la Coupe du Monde 2022 auprès de la FIFA. Son cas a permis de mettre en lumière un problème décennal dans le Golfe, malheureusement avec trop peu de résultats à ce jour, car même si le kafala a été abandonné officiellement par le gouvernement qatari en 2016, les vieilles pratiques restent encore d’actualité pour les personnes les plus vulnérables.

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Pourtant, malgré tous ces différents scandales, le Qatar tente de soigner sa réputation avec différents engagements environnementaux, mais aussi sociaux.

La Coupe du Monde, enjeu géopolitique primordial

Bien qu’accueillir un évènement comme la Coupe du Monde soit un investissement très coûteux, les retombées positives qu’amène cette dernière sont primordiales pour un pays en plein développement comme le Qatar. Malgré les différentes polémiques qui ont remis en doute la légitimité du petit émirat à organiser un évènement de cette ampleur, la FIFA, et plus particulièrement son président, a renouvelé son soutien au Qatar après avoir écarté la possibilité d’une réattribution et d’un Mondial sur plusieurs pays. Ce soutien est primordial pour l’émirat, d’un point de vue géopolitique, mais également sportif et financier. En effet, depuis juin 2017, le Qatar est isolé de ses voisins (Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Bahrain, Egypte,…) après l’embargo soumis par ces derniers. L’économie qatarie a été mise en péril par ces décisions pendant quelques mois, avant que des alternatives soient trouvées. Depuis le 5 janvier 2021, les relations diplomatiques reprennent peu à peu et les frontières entre les pays du GCC et le Qatar ont rouvert, à la suite de longues négociations initiées conjointement par le Koweït et les Etats-Unis. Cet accord, scellé lors du sommet régional se tenant en Arabie Saoudite ce même jour, met fin à trois ans et demi d’un blocus qui n’aura servi qu’à libérer le Qatar de sa dépendance économique des autres puissances voisines.

Cependant, de fortes tensions demeurent toujours entre les différents pays, notamment entre l’Arabie Saoudite et le Qatar, par rapport à l’affaire du piratage de BeIN Sports via la chaîne BeOutQ (nom plutôt évocateur), diffusée sur un satellite saoudien. Pour exister dans la région, le Qatar s’appuie sur l’exposition médiatique du sport, avec le développement de la sélection grâce à l’académie Aspire, le rachat du PSG par QSI, le développement de BeIN Sports à travers le monde, et l’organisation de beaucoup d’évènements sportifs comme le Mondial de handball en 2015, la Diamond League en athlétisme chaque année depuis 2010, l’accueil de la phase finale de la Ligue des Champions asiatique 2020 post COVID-19 et donc la Coupe du Monde de football 2022.

Le maintien de l’organisation du Mondial à Doha est primordial pour le Qatar dans la poursuite de cet objectif de développement du soft power qatari via le sport, sans parler de l’intérêt financier colossal que représente ce projet, notamment en termes de droits TV. Aussi, tout a été mis en œuvre pour permettre à la sélection qatarie de sensiblement s’améliorer, pour qu’elle soit prête à concourir dans une compétition telle que la Coupe du Monde, de surcroît, à la maison, avec l’émergence d’Aspire, l’explosion de joueurs très talentueux comme Abdelkarim Hassan et Akram Afif, tous deux nommés meilleurs joueurs d’Asie en 2018 et 2019.

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En définitive, malgré toutes les polémiques liées à l’organisation du Mondial 2022 au Qatar, cette 22ème édition de la Coupe du Monde s’annonce déjà unique, même si elle fait débat au sein des fans de football, qui voient d’un mauvais œil les soucis liés au respect des Droits de l’Homme par l’émirat. Pourtant, lors des deux dernières éditions de la Coupe du Monde, au Brésil et en Russie, des scandales similaires avaient éclaté, et cela n’avait pas perturbé le bon déroulé de la compétition. Wait and see…

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