Castilho, le gardien-miracle de Fluminense | OneFootball

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Lucarne Opposée

·2 février 2023

Castilho, le gardien-miracle de Fluminense

Image de l'article :Castilho, le gardien-miracle de Fluminense

En près de vingt ans à Fluminense, Castilho est devenu le plus grand gardien et même le plus grand joueur de l’histoire du club, avant de connaître une fin tragique.

Encore aujourd’hui le joueur à avoir disputé le plus de matchs pour Fluminense, six-cent-quatre-vingt-dix-huit entre 1946 et 1965, Castilho est le premier joueur à avoir son buste inauguré au siège de Fluminense, en 2006. Quatorze ans plus tard, un sondage de GloboEsporte auprès de cent journalistes le désigne comme la plus grande idole de Fluminense. Le sondage auprès des internautes lui offre également la première place. Si depuis des joueurs comme Washington et Assis, le fondateur Oscar Cox et le journaliste Nelson Rodrigues ont également leur buste au siège du club, Roberto Sander écrit dans son livre Os dez mais do Fluminense, publié en 2009 : « Pour tout ce qu’il a représenté, Castilho est le seul joueur qui a son buste à l’entrée du traditionnel siège de la rue Álvaro Chaves. Quelques rares autres athlètes méritent aussi un tel honneur, mais, par ses sacrifices démesurés, par son explicite et irrémédiable relation d’amour avec Fluminense, personne n’est plus grand que Carlos José Castilho ». Nouvelle preuve de l’importance de Castilho, Fluminense renomme en 2019 son centre d’entraînement « Centro de Treinamento Carlos José Castilho ».


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Un monstre de travail

Carlos José Castilho naît le 27 novembre 1927 à Rio de Janeiro et grandit à Olaria, dans le Nord de Rio de Janeiro. À treize ans, il est livreur de lait et joue dans l’équipe de football du Ravioli FC comme ailier-gauche. Un jour, le gardien habituel est absent, Castilho le remplace et enchaîne les miracles dans les buts. Castilho ne quitte plus les bois et est repéré en 1946 par le père d’Ademir, qui rejoint cette année-là Fluminense après avoir fait les beaux jours du Vasco. Castilho fait un test à Fluminense et est approuvé par l’entraîneur Gentil Cardoso, le mythique gardien Batatais s’approchant de la retraite. Castilho passe la première année dans l’ombre du gardien titulaire Robertinho et débute en fin d’année par un match amical contre Pouso Alto dans le Minas Gerais. Fluminense s’impose 4-0 et Castilho arrête un penalty, ce qui deviendra sa spécialité. « J’étudiais la manière de tirer les penalties de Jair, Ademir, Zizinho et les autres. En 1952, j’en ai arrêté six », dira plus tard Castilho.

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Castilho est un monstre de travail et ne s’arrête jamais à l’entraînement, comme l’explique son coéquipier Pinheiro, deuxième joueur à avoir disputé le plus de matchs avec Fluminense : « Sa volonté de se perfectionner était impressionnante. Il s’entraînait avec une intensité que je n’ai jamais vue chez un autre gardien. Une fois, je suis arrivé avec les autres joueurs un matin pour un entraînement sous une pluie battante. On s’est même dit : “Vu comme il pleut, on va juste faire un petit match au gymnase”. C’est à ce moment-là qu’on a entendu Castilho, avec un seau dans la main en train de retirer l’eau près des buts et nous appelant pour venir sur le terrain. On n’a pas eu le choix, on est tous allés sur le terrain malgré le déluge qui tombait ». Castilho devient titulaire pour la deuxième partie du championnat carioca 1947 et est l’une des révélations du tournoi. Il connaît sa première sélection avec le Brésil au mois de mai 1950, mais participe à la Coupe du Monde en tant que remplaçant, derrière l’intouchable Barbosa. Malgré ce statut de réserviste et de plus jeune joueur de l’équipe, Castilho est aux côtés d’Augusto, Nílton Santos et Noronha, l’un des leaders du groupe grâce à son investissement à l’entraînement.

Les premiers titres

Aux côtés de Píndaro et Pinheiro, Castilho forme à Fluminense une défense intraitable et l’équipe se renforce en 1951 avec de jeunes joueurs comme Didi et Telê. L’entraîneur Zezé Moreira met en place un système défensif, qui vaudra à Fluminense le surnom de « timinho », la petite équipe. Fluminense ne perd que trois matchs et se qualifie pour la finale face à Bangu, meilleure attaque du championnat. Fluminense s’impose 1-0 puis 2-0 et décroche au début de l’année 1952 le championnat carioca, qui lui échappait depuis 1946. Castilho dispute les vingt-deux matchs du championnat, pour vingt-deux buts encaissés et connaît une année 1952 dorée, où il est titulaire avec la sélection brésilienne pour le championnat pan-américain au Chili. Le Brésil n’a plus joué depuis le drame du Maracanaço et remanie son équipe pour le tournoi au Chili. La Seleção se venge avec une victoire 4-2 sur l’Uruguay, seul match au cours duquel Castilho ira chercher le ballon au fond de ses filets. Le Brésil marque quatorze buts pour seulement deux encaissés et remporte quatre matchs sur cinq, de quoi décrocher son premier titre à l’étranger et atténuer les blessures du Maracanaço.

En 1952, Castilho connaît également la joie d’un titre avec Fluminense, la Copa Rio, organisée au Pacaembu et au Maracanã. La compétition regroupe des équipes sud-américaines et européennes qui brillent dans leur championnat national. Fluminense termine premier de son groupe devant Peñarol, le Sporting Portugal et Grasshopper, avant de battre l’Austria Vienne puis le Corinthians, lors d’une finale en deux matchs au Maracanã. Après le tournoi, Revista do Esporte écrit à propos de Castilho : « Le jeune gardien a atteint le point haut de sa carrière lors du Pan-Americano de Santiago au Chili et il continue avec la Copa Rio à démontrer ses grandes qualités, en réalisant de nombreux arrêts lors de la phase finale. […] L’argument que le système défensif tricolore ne permet pas des frappes dangereuses vers le but de Castilho et qu’il n’a par conséquent pas beaucoup de travail, ne tient pas, car s’il n’y avait pas eu ses “miraculeuses”, et nous devons les appeler miraculeuses interventions, car il a fait l’impossible, Fluminense aurait subi des revers fatals qui l’auraient éliminé de la Copa Rio, précisément l’année de son cinquantenaire ».

Chanceux en club, malchanceux en Seleção

Daltonien, Castilho pense être avantagé par les ballons orange utilisés lors des matchs en journées, au contraire des ballons blancs réservés aux rencontres nocturnes. Castilho est également considéré comme un gardien chanceux, réalisant de nombreux arrêts miraculeux ou étant aidé de ses montants, et hérite du surnom de « leiteria ». Les livreurs de lait sont considérés comme chanceux depuis que l’un d’eux gagne deux fois de suite à la loterie et le surnom attribué à Castilho rappelle involontairement son travail pendant son adolescence. Dans le livre Os 11 maiores goleiros do futebol brasileiro, Pinheiro explique à Luís Augusto Símon : « Il a fait une très bonne carrière, mais en 1952 il a été incroyable. Le Brésil avait perdu la Coupe du Monde et il y avait un traumatisme. C’était le premier championnat carioca réalisé au Maracanã et il a gagné le titre pour nous. Rien ne passait cette année-là. En plus d’être très bon, la chance a commencé à aider Castilho. Je ne sais pas si c’était de la chance ou si c’était son placement. La chance aide celui qui travaille pour cela, mais la vérité est que beaucoup de ballons touchaient le poteau et revenaient dans sa main. On aurait dit un aimant ». En raison de ses performances en 1952 et des miracles qu’il réalise, le gardien tricolor hérite également du surnom de São Castilho.

L’historique commentateur Luiz Mendes explique les prouesses du gardien tricolor : « Castilho lui-même a dit un jour qu’un bon gardien est celui qui arrête les ballons possibles et laisse passer les impossibles. Mais son critère d’un ballon possible était très élevé, beaucoup de ces ballons étaient impossibles pour les autres gardiens. C’était un gardien qui jouait simplement, il ne faisait pas de sauts acrobatiques, parce qu’il avait un sens du placement incroyable. On aurait dit que le ballon allait toujours vers lui, mais non. Cela arrivait parce qu’il avait la capacité d’anticiper les actions ». « C’était impressionnant, il y avait des matchs où le ballon allait trois ou quatre fois sur le poteau, mais cela avait beaucoup à voir avec le placement et le travail. Castilho travaillait beaucoup, il s’entraînait beaucoup », complète João Máximo, autre célèbre journaliste. Lors d’un Botafogo – Fluminense, l’attaquant botafoguense Otávio privilégie la finesse à la force dans un face-à-face avec Castilho, qui réalise finalement l’arrêt. Otávio reçoit une bronca de son entraîneur Ondino Viera pour l’avoir joué trop facile. « Il semblait battu », se justifie Otávio, ce qui renforce la colère d’Ondino Viera : « Castilho n’est jamais battu, Castilho n’abandonne jamais, apprends ça ».

Avec la sélection brésilienne, Castilho est titulaire lors du championnat sud-américain 1953, terminé à la deuxième place, mais à cause d’une chute chez lui, il ne peut participer aux éliminatoires de la Coupe du Monde 1954, où il est substitué par son remplaçant à Fluminense, Veludo. Castilho retrouve sa place de titulaire pour la Coupe du Monde 1954, mais n’échappe pas aux critiques après l’élimination contre la Hongrie, où certains l’accusent d’avoir eu peur dans un contexte encore très marqué par le Maracanaço. Pour le très influent journaliste Mário Filho, il y a deux Castilho, celui de Fluminense et celui de la Seleção, « nerveux et peu sûr de lui ». Didi, coéquipier de Castilho à Fluminense, complète : « Le problème de Castilho était la Seleção. Je ne suis pas sûr, mais je crois que c’était psychologique. Il relâchait des ballons qu’il gardait dans ses mains avec Fluminense. Et quand il était en forme, meilleur que Gilmar, il se blessait. C’était dommage, car Castilho était un monstre aux buts ». En 1958, Gilmar est préféré à Castilho pour être le gardien titulaire du Brésil, mais Castilho accepte ce rôle et entraîne du mieux qu’il peut Gilmar. « Cela a été l’une des plus grandes démonstrations de grandeur que j’ai vue dans ma vie », expliquera plus tard Gilmar. En 1962, Castilho est à nouveau réserviste de Gilmar et connaît ainsi une quatrième Coupe du Monde, la troisième en tant que remplaçant, et un deuxième titre de champion du monde.

L’incroyable sacrifice

Un an avant le sacre du Brésil en 1958, Castilho remporte avec Fluminense le tournoi Rio – São Paulo, là aussi sans jouer le moindre match. En cause, une blessure récurrente à l’auriculaire, qui l’empêche de jouer en confiance. Castilho prend alors une décision inédite et définitive, comme il l’expliquera ensuite pour Manchete Esportiva : « J’ai senti que c’était impossible de continuer comme cela. J’ai exposé mon drame à Fluminense et le club m’a fourni une équipe médicale, de laquelle faisaient partie les docteurs Paes Barreto et Dourado Lopes. Ils m’ont conseillé une greffe ou une correction, mais le fait est que je sentais que mon doigt resterait immobile et cela m’empêchait d’être en confiance. C’est à ce moment-là que j’ai pensé à une amputation partielle. Seulement comme cela je me sentirais à nouveau en confiance. Le Dr Paes Barreto s’y est opposé. J’ai répondu et on a programmé l’opération, qui n’a pas été possible, Paes Barreto était contre. J’ai insisté et il a été décidé que pour qu’il y ait une intervention, je devais signer une décharge de responsabilité ». Contre l’avis de sa femme et des médecins, Castilho prend la décision de s’amputer d’une partie de l’auriculaire pour continuer à jouer avec Fluminense. Ce choix divise le monde de la médecine de l’époque, mais renforce son statut d’idole de Fluminense.

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São Castilho remporte un nouveau championnat carioca, de nouveau avec Zezé Moreira sur le banc et une défense redoutable. En vingt-deux matchs, Fluminense encaisse seulement neuf buts, des statistiques « entachées » par un 3-3 contre Botafogo lors du dernier match alors que le titre était déjà assuré. Au début de l’année suivante, Santos offre à Castilho 90 000 cruzeiros par mois pour signer au club. Fluminense refuse de laisser partir son joueur et Castilho prolonge pour moitié moins de ce que lui proposait Santos, disant lors de la signature : « Dans un autre club, je n’aurais pas hésité ni transigé : j’aurais demandé 100 000 cruzeiros par mois. Mais je connais Fluminense et je ne discute pas ». Fluminense remporte cette année-là une nouvelle fois le tournoi Rio – São Paulo avec une seule défaite, hasard ou non, le seul match auquel ne prend pas part Castilho. Même à trente-trois ans, Castilho reste l’un des joueurs les plus importants de l’équipe. Son coéquipier Telê Santana négocie avec un directeur pour avoir une augmentation si son salaire est dépassé par un autre joueur, avec une seule exception : Castilho.

Dernière pige de l’idole

L’heure est cependant au renouvellement du côté de Fluminense, où Telê et Pinheiro quittent le club. Avec Tim sur le banc et de jeunes joueurs comme Carlos Alberto Torres en défense, Denílson au milieu de terrain et Amoroso en attaque, Castilho remporte un nouveau championnat carioca, en 1964, où il encaisse seulement dix-sept buts en vingt-cinq matchs. Leiteria dispute encore quelques matchs en 1965 avant de rejoindre Paysandu, laissant derrière lui des chiffres vertigineux avec Fluminense : six-cent-quatre-vingt-dix-huit matchs, record du club, quatre-cent-vingt victoires, deux-cent-cinquante-cinq clean sheets. Pour son premier match avec Paysandu, le club alviceleste affronte le Peñarol de Mazurkiewicz, Pablo Forlán, Alberto Spencer et Pedro Rocha. Peñarol, entraîné par le champion du monde 1950 Roque Máspoli, est en tournée au Brésil et n’a perdu aucun de ses quinze premiers matchs. Paysandu s’impose 3-0, Francisco Pires Cavalcante compose une marchinha qui deviendra l’hymne populaire du club, et Castilho devient directement une idole du club, statut renforcé après le titre remporté dans le championnat paraense 1965.

Tragédie

Castilho prend ensuite sa retraite et après un an de pause, il revient à Paysandu comme entraîneur, le temps de décrocher le championnat paraense en 1967 et 1969. Il dirige également Vitória et Operário, avec qui il remporte le tricampeonato mato-grossense entre 1976 et 1978 et mène même le club en demi-finale du Brasileirão 1977. Il décroche avec Santos le championnat paulista 1984 puis entraîne en Arabie saoudite, comme de nombreux entraîneurs brésiliens à l’époque. De retour au Brésil pour les vacances, Castilho est victime de maux de tête et refuse le traitement psychologique suggéré par sa seconde femme, Evelyna. Dans son livre Os 11 maiores goleiros do futebol brasileiro, Luís Augusto Símon écrit : « Il était sujet à la dépression et selon les journaux de l’époque, il avait peur du cancer, la maladie qui avait emporté sa mère, quand il était encore un enfant de treize ans ».

Le 2 février 1987, Castilho se rend à Bonsucesso dans l’appartement de Vilma, sa première femme avec qui il est resté marié trente ans. Le contenu de la discussion ne sera jamais révélé par Vilma. Castilho se jette du septième étage et meurt sur le coup, à cinquante-neuf ans. Il ne laisse aucune lettre ou explication, entraînant de nombreuses suppositions. Telê Santana, également passé par l’Arabie saoudite à cette époque, estime ainsi : « Il a été le plus grand gardien que j’ai vu jouer. Je crois qu’il s’est suicidé parce qu’il s’était disputé avec sa femme et devait retourner en Arabie saoudite pour continuer sa carrière d’entraîneur. La vie là-bas est très triste ». Pour son ancien coéquipier Pinheiro, Castilho ne s’est pas tué : « Je suis presque certain que ce n’est pas un suicide. Je n’ai aucune preuve, mais personne ne me retire cela de la tête. C’était un mec amical, tranquille, il n’allait pas se tuer. Quand il est mort, j’entraînais l’America. Ce jour-là, il m’a téléphoné le matin pour un dîner de départ avant l’Arabie saoudite où il travaillait. Il m’a appelé, il a appelé Telê. […] C’est l’entraînement le plus triste que j’ai donné de toute ma carrière ». En 2006, Fluminense, son club de presque toujours, inaugure son buste où il est inscrit : « Mouiller le maillot, verser des larmes et perdre du sang pour Fluminense, beaucoup l’ont fait. Sacrifier une partie du propre corps par amour pour le Tricolor, seulement un, Castilho ».

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